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La Reine de la pop

"She ain’t no human being..."


La Reine de la pop
La Reine avec les Spice Girls, Londres, 1994 © Shutterstock/SIPA

Le rock’n roll a émergé sous le règne monarchique conservateur d’Elizabeth II.


Suite au décès de la Reine Elizabeth II, survenu ce 8 septembre, j’envoie un SMS à notre directeur adjoint de la rédaction, Jeremy Stubbs, pour lui proposer un article sur la dimension pop de la Reine. Celui-ci, qui a dorénavant élu domicile sur CNews, accepte avec enthousiasme. Seulement, la rédaction de CNews, justement, semble avoir eu la même idée, car elle diffuse peu après le sujet suivant : « Elizabeth, la Reine de la pop ». Croyant mon idée originale, je suis d’abord un peu dépitée, et puis je me dis que si même la télévision mainstream a compris cette dimension chez notre regrettée Elizabeth, c’est justement parce que c’est une dimension importante, inédite, et surtout très british. 

No future

Le sujet s’ouvre évidemment sur le God save the queen des Sex Pistols. Johnny Rotten (le chanteur du groupe) beuglant « God save the queen/ The fascist regime » sur une péniche remontant la Tamise – lors du Jubilee d’argent de la Reine, en 1977 – fait maintenant partie de la légende britannique. Ce coup de génie marketing a profité à tout le monde : à Sa Majesté comme au groupe, et plus largement au mouvement punk. John Lyndon alias Johnny Rotten, a bien entendu rendu hommage hier à sa Reine, qu’il traita jadis de fasciste, en postant, sur les réseaux sociaux, cette fameuse affiche où elle est représentée avec une épingle à nourrice dans la lèvre. 

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Elizabeth II, l’indétrônable

Effectivement, comme l’a écrit un des internautes qui commentaient la publication du chanteur des Sex Pistols : « Maintenant, je ne peux penser à la Reine sans penser à vous, et inversement ». Elizabeth, « Queen of punks » ? Elle a finalement peut-être été une digne représentante de ce mouvement. Quel futur après son règne ? No future ? 

Les Sex Pistols, ne sont  pas le seul groupe pop britannique à avoir célébré la Reine, tout en la brocardant. En effet, sort en 1986, l’album culte du groupe « The Smiths » : « The queen is dead ». Même si l’on dit que le titre est en fait inspiré du roman Last exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr, il doit en ce moment résonner dans pas mal de têtes de fans de pop music, et même au-delà. En effet, un ami qui vit à Lisbonne m’a raconté que l’on entendait ce titre dans les bars du Bairro Alto, le quartier festif de la ville. La Reine est morte, mais elle est partout. Elle est, en effet, reproduite à l’infini partout dans le monde entier, des toiles d’Andy Warhol aux innombrables mugs et t-shirts à son image. Sur le site de vente en ligne américain Etsy, ceux-ci sont déjà mis à jour : Queen Elizabeth 1926-2022. 

L’écrasant soft power britannique

L’Empire Britannique n’existe plus ? Qu’à cela ne tienne ! La culture britannique, principalement à travers sa pop music, rayonnera dans le monde entier. Jeremy Stubbs l’a d’ailleurs bien expliqué sur Cnews, il s’agit du soft power : briller par sa culture lorsqu’on ne peut plus briller par sa puissance économique ou militaire. Et cela, Elizabeth l’a parfaitement compris depuis le début de son règne. 

Son couronnement, en 1953, est retransmis dans le monde entier, les Britanniques ont à l’époque cassé leurs maigres tirelires d’après guerre pour acheter des postes de télévision afin d’admirer leur Reine. Une anecdote à ce sujet est particulièrement croustillante. En 1986, Charles et Diana sont invités à Cannes pour la projection de « Prick up your ears » de Stephen Frears, film qui relate la vie du dramaturge Joe Orton. Ils quittent la projection, car on y voit les personnages principaux du film (qui sont homosexuels) avoir un rapport sexuel devant la retransmission du couronnement de la Reine. M’est avis que Diana a dû rire sous cape…

La Reine Elizabeth a par ailleurs été photographiée avec les Beatles et d’autres groupes pop, elle a anobli Paul McCartney, Elton John et Rod Stewart (entre autres). Marilyn Monroe et Brigitte Bardot lui ont été présentées. Bref, elle est au milieu du monde. Quelques siècles auparavant, l’autre grande Elizabeth, la première du nom, fut également au milieu du monde. Elle eut l’intelligence de comprendre Shakespeare, et le laissa écrire ses pièces où il décrit tout le bruit et la fureur de la couronne d’Angleterre, la faisant ainsi entrer pour l’éternité dans la littérature mondiale. Les Sex Pistols sur la Tamise, ou les Beatles sur le toit de leur studio d’enregistrement, sont, à mon sens, des situations très shakespeariennes. Shakespeare savait qu’il fallait se servir du peuple, et des grands de ce monde pour exister. C’est peut-être pour cette raison que la Grande Bretagne a inventé, je pense, la culture populaire. 

« She ain’t no human being » hurle Johnny Rotten dans « God save the Queen ». Non Elizabeth ne fut assurément pas un être humain comme les autres. Sa silhouette, aux couleurs d’arc en ciel sous acides, veillera désormais sur nous, pauvres mortels…




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est enseignante.

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