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La France a besoin d’un grand ministère du numérique

Une tribune libre de Sadri Fegaier


La France a besoin d’un grand ministère du numérique
Sadri Fegaier © JEFF PACHOUD / AFP

L’homme d’affaires Sadri Fegaier, fondateur d’Indexia et de Hubside, plus jeune milliardaire de France, donne ses conseils au nouveau gouvernement sur sa stratégie numérique.


Depuis 2004, sans discontinuer, la France s’était dotée d’un secrétaire d’État chargé du numérique. Généralement placé sous la tutelle du ministère de l’Économie, ce poste stratégique avait échoué au ministère de la Cohésion des territoires sous le gouvernement de Jean Castex. La pandémie de Covid-19 ayant montré l’importance capitale que le secteur du numérique a pris dans nos vies professionnelles et personnelles, nous nous attendions naturellement à ce que le secrétariat d’État qui lui est dédié soit prolongé pour le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Las, il n’existe plus. Les professionnels du numérique que nous sommes ne comprennent pas cette décision.

Loin d’être un gadget!

Lors de sa première élection, Emmanuel Macron avait dit vouloir faire de la France une « start-up nation ». De fait, notre pays compte désormais 29 licornes dans des domaines d’activités d’une grande diversité, ainsi qu’une myriade d’acteurs du numérique de taille moyenne qui ont su trouver leur place sur le marché national, européen, et parfois mondial. Dans les fintechs, le retail, la culture, le medtech, le e-commerce ou encore les mobilités, les Français ne sont plus des spectateurs de la réussite des Anglo-saxons et ont pu exprimer leur singularité. De quoi donner de l’inspiration et de l’envie à tous les jeunes entrepreneurs. Il est donc extrêmement surprenant que le ministre de l’Economie ait hérité de toute la gestion de la Souveraineté industrielle et numérique.

Cédric O et Edouard Philippe, avril 2019. © Jacques Witt/SIPA

Ce secrétariat d’État n’était pas un gadget, mais bien un facilitateur de projet pour tous les acteurs du secteur. Le Conseil européen a d’ailleurs récemment rappelé à quel point la transition numérique était un élément clé de « l’autonomie stratégique de l’Union européenne ». Le monde d’après est le monde dans lequel nous vivons déjà, ainsi que nous avons pu l’expérimenter au plus fort de la pandémie. Contraints de rester confinés chez nous, nous avons appris à vivre différemment. Nous nous sommes adaptés en accélérant la digitalisation d’une partie du travail et de notre vie intime. Le télétravail s’est généralisé, de même que les appels vidéo par internet pour rester en contact avec nos anciens et nos enfants éloignés.

6% du PIB

Pendant un temps, les rencontres physiques ont laissé place aux rencontres numériques, substituts nécessaires pour poursuivre nos activités essentielles. Bien évidemment, le numérique ne remplacera jamais la vie telle que nous l’avons connue durant des siècles, mais son apport est révolutionnaire au sens étymologique du terme. La révolution numérique est comparable au développement de l’imprimerie qui provoqua l’avènement de l’ère moderne et à la révolution industrielle du XIXème siècle dont nos sociétés sont les héritières.

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Nous sommes aujourd’hui entrés dans une nouvelle phase du développement numérique, omniprésent dans notre quotidien. L’impact a été particulièrement important sur le monde du travail et l’économie : aujourd’hui en France, le numérique représente 6% du PIB, plus de 150 milliards d’euros de dépenses annuelles et près d’un million d’emplois salariés. Cette dynamique ne semble pas s’essouffler puisque d’après un sondage OpinionWay réalisé pour Husbide en 2021, 73% des TPE-PME ont prévu de développer leur présence en ligne dans les prochaines années.

Un effort national stratégique

Hubside a accompagné ce mouvement, aux côtés des acteurs de la transition numérique. Grâce aux divers programmes de digitalisation des entreprises que nous avons lancés, 1,5 million de personnes ont réussi à digitaliser leur entreprise. Cette initiative s’appuie sur un constat : d’après le même sondage OpinionWay, 58% des TPE-PME souhaitent être accompagnées pour leurs supports de communication internet. Ils sont nombreux à ne pas pouvoir réussir leur transition numérique, faute de moyens financiers et de compétences techniques en interne.

Le gouvernement avait toutes les cartes en main pour répondre à leurs attentes. Symboliquement et du point de vue opérationnel, Elisabeth Borne devait en prendre acte et l’inscrire dans la structure des ministères. Se jouant des rumeurs comme des espérances des acteurs du secteur, le nouveau gouvernement n’a pas saisi l’occasion pour créer le grand ministère du numérique dont la France a besoin, alors même que les voix appelant à créer une institution gouvernementale entièrement dédiée au numérique se font de plus en plus pressantes. En mai, 80 élus, entrepreneurs, ingénieurs, développeurs, associatifs et acteurs du numérique plaidaient pour un puissant ministère français du numérique portant des ambitions à la hauteur des enjeux nationaux et européens d’aujourd’hui.

La création d’un Ministère du Numérique enverrait un signal très encourageant à tous les secteurs ainsi qu’aux Français de manière plus générale. Notre pays souffre encore trop des déserts numériques, des zones blanches et malgré la déception, Hubside garde l’espoir que les enjeux du numérique soient défendus et qu’une vraie politique soit mise en œuvre au cours de ce quinquennat. La fin de la phase des échéances électorales doit nous conduire à enfin nous pencher sur l’accompagnement des entreprises et des Français dans cette transition digitale déjà bien amorcée. La nouvelle donne à l’Assemblée pourrait entraîner un remaniement du gouvernement, occasion de restaurer un important ministère du Numérique.

Quelle que soit la décision du gouvernement, Hubside, ainsi que les acteurs impliqués au quotidien dans la transition et l’inclusion numérique (French Tech, France Digital, BPI, écoles, entrepreneurs et acteurs du digital) continueront à déployer leurs efforts de coordination comme ils le font depuis des années.



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