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Le militantisme étudiant, c’était mieux avant

L'élection présidentielle a été le prétexte à de nouvelles manifestations étudiantes crétines


Le militantisme étudiant, c’était mieux avant
Manifestation Ni Le Pen Ni Macron, Paris, 16 avril 2022 © Chang Martin/SIPA

Entre la montée de l’abstentionnisme des jeunes et le folklore ridicule et lassant des crétins qui ont occupé la Sorbonne entre les deux tours, il y a de quoi s’inquiéter de l’éducation politique de la génération qui vient !


Parmi les analyses qui sont ressorties de la sociologie du vote de ces dernières élections, la « fracture générationnelle » a occupé une place de choix. D’après les sondages post-premier tour en effet, les 70 ans et plus auraient voté à 41% pour Macron, les 18-35 ans à 34% pour Mélenchon. En bref : d’un côté, les vieux qui ont eu peur de claquer et ont cru que c’était la personne du président qui les avait sauvés du coronavirus ; et d’un autre côté, les jeunes qui se sont largement ralliés à l’étendard d’un gauchiste démago plein de compromissions – quelques-uns d’entre eux parmi les plus démocrates ayant d’ailleurs proposé qu’on fixe une limite d’âge au droit de vote, pour que les vieux croûtons ne puissent plus leur « voler leur élection »

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Pseudo-contestation

Dans la même veine, pour exprimer leur « colère » face à la tenue d’un second tour Macron-Le Pen, quelques centaines d’étudiants réunis en AG ont décidé d’occuper leurs universités, la Sorbonne au premier chef, largement dégradée (taguée de slogans ineptes, avec un laboratoire de recherche gratuitement saccagé) ; Sciences Po, l’ENS ou Montpellier III ont suivi le mouvement, sans parler des lycées bloqués. Évidemment, il y a à peine besoin de préciser que les établissements concernés sont ceux qui sont fréquentés par les enfants de la meilleure bourgeoisie. Ce spectacle pseudo-contestataire est d’autant plus affligeant qu’il a l’âge des vieux croûtons sus-cités : il s’agirait de changer de répertoire. La gauche radicale étudiante, qui ne souffre aucune concurrence depuis les années 80, s’enlise depuis cette date dans une forme d’auto-escalade grotesque. Pour ne rien arranger, juste après la réélection de Macron, des groupes plus ou moins antifas ont battu le pavé à Toulouse, Rennes, Paris… contre les fachos et pour la révolution.

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Évidemment et heureusement, tous ceux-là ne constituent pas la jeunesse. Mais ils sont hélas la seule partie émergée de la jeunesse militante, celle qui gueule ses revendications sur tous les toits. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’aussi bien sur la forme que sur le fond, son état est assez pitoyable. Cela depuis une double disparition déjà ancienne, celle d’une autorité qui appliquerait les sanctions prévues par la loi à son encontre, et celle de ses partenaires de bagarre de droite.

Institutions complaisantes

Je viens de lire dans la dernière biographie de Georges Bernanos, avec un effarement un peu nostalgique, le récit d’un haut fait militant du temps où il était aux Camelots du roi : un conférencier de la Sorbonne, jugé coupable d’opinions trop iconoclastes sur Jeanne d’Arc, se trouva empêché de dispenser ses cours par Bernanos et ses amis. « C’est le 14 février 1909, rapporte François Angelier, lors du onzième et avant-dernier cours prévu, qu’est portée l’estocade d’une humiliation publique : saisi, couché sur sa chaire, déculotté, Amédée Thalamas est dûment fessé à tour de rôle par tous les membres de l’escouade : contre-attaquant, il parvient à briser une chaise sur le crâne du Camelot Lucien Lacour ». Pour cet assaut qui ne manque pas de comique, Bernanos est condamné à dix jours de prison, où il se bat avec des militants socialistes (ce dont il gardera un excellent souvenir). C’est peu de dire que pour une enfant de la « génération Z » (née entre 1997 et 2010), c’est dépaysant. Mais même sans remonter au début du XXème siècle, mon grand-père m’a souvent raconté un épisode glorieux de ses années estudiantines, au milieu des années 50 : la prise éphémère du local des communistes de la Sorbonne et la saisie de tous leurs tracts, après une poursuite endiablée et des affrontements verbaux dans les classes de philosophie.

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Aujourd’hui, le militantisme étudiant est mort. On l’a tué en supprimant sa binarité gauche-droite, en n’opposant plus rien aux gauchistes s’embourbant en toute tranquillité dans les dégradations et les injures. C’est pour cela qu’il y a de quoi être sceptique quand on parle aujourd’hui de la tendance « contestataire » des jeunes : une contestation qui recueille l’indifférence, si ce n’est l’assentiment, des institutions qui sont en charge de vous, paraît pour le moins usurpée. Il m’a d’ailleurs toujours semblé qu’à chacune des soi-disant expressions de la « colère de la jeunesse », comme les blocages universitaires ou les manifestations pour le climat, ce sont en réalité leurs parents ou ceux qui sont en âge de l’être qui les alimentent. Vieux profs dans les amphis criant à la révolution ; parlementaires écoutant religieusement Greta Thunberg les sermonner de sa voix nasillarde. Comme des parents qui se penchent sur le berceau de leur bébé avec émerveillement, et qui font gouzi gouzi en le voyant remuer les doigts de pied.

Si la jeunesse est bien un risque à courir, manifestement, nous sommes plutôt en train de former une génération de petits vieux, menant de vieux combats avec de vieilles armes. Ce n’est pas nouveau. Fracture générationnelle, mon œil. 



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