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Mon curé chez les Rmistes


Mon curé chez les Rmistes

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Tous les catholiques ne sont pas des sosies des Le Quesnoy, la famille bourgeoise et coincée du film La Vie est un long fleuve tranquille. Et on sait ce que les Évangiles disent des riches, des chameaux, des aiguilles et du royaume des cieux. Pourtant, certains continuent à faire un usage abondant du rassurant cliché qui assimile le (méchant) catho au (méchant) riche.

Ces préjugés bien ancrés font oublier qu’il y aussi des catholiques dans les milieux populaires – y compris dans les banlieues dites « sensibles ». Au demeurant, d’après un sondage IFOP/JDD datant d’avril 2011, les prolétaires sont aussi pratiquants que les bourgeois. Selon cette étude, 10% des cadres et professions libérales se disent catholiques pratiquants, proportion que l’on retrouve chez les employés et qui faiblit à peine chez les ouvriers cathos, dont 8 % se disent cathos pratiquants. Sans surprise, c’est parmi les retraités que le niveau de pratique est le plus élevé (25 %).

Reste à savoir s’il est facile d’être un catho de banlieue, en particulier dans ces villes où l’islam est devenu la première religion. En première ligne, on trouve évidemment les prêtres.[access capability= »lire_inedits »] Le père Thomas Binet, 48 ans, ordonné en 1997, est le curé de Montfermeil depuis 2007. Il est membre de la Fraternité missionnaire pour les villes, qui organise des groupes de prêtres pour prêter main forte aux paroisses de banlieue parisienne. Pour lui, être catholique à Neuilly ou à Montfermeil, ça ne fait pas une grande différence : « Les problèmes que rencontre l’être humain sont les mêmes partout. » Admettons.  Le père Gilles de Raucourt, 51 ans, ordonné en 1997, est, lui, curé de la paroisse Sainte-Claire, dans le 19e arrondissement de Paris, du côté de la porte de Pantin. Il est également membre du mouvement Résurrection de la communauté Aïn Karem et s’occupe depuis quinze ans d’un groupe d’évangélisation à Sarcelles. Installés à un point fixe en ville, des bénévoles discutent religion avec les passants.

Ce groupe sarcellois est « né d’une rencontre, il y a vingt ans, entre le père Gitton, fondateur d’Aïn Karem, et des jeunes à la dérive », raconte le prêtre. Porter le message religieux dans une ville multiculturelle comme Sarcelles, est-ce mission impossible ? « Il est plus facile d’évangéliser à Sarcelles qu’au Quartier latin », répond le père de Raucourt.

On attribue souvent la force politique des mouvements religieux à leur activisme social et à leur capacité de constituer des réseaux d’entraide où on se donne un coup de main pour obtenir un emploi ou un quelconque avantage. Ce n’est pas l’avis du prêtre : « L’intérêt matériel n’est pas la première motivation. Il y a une aspiration plus mystérieuse, plus profonde. » Il observe même que les milieux bourgeois adoptent plus souvent, face à l’Église, une attitude de consommateurs : « Du coup, ils sont plus facilement critiques sur l’Église et ses positions morales. »

Évidemment, il est plus facile de recueillir des dons à Versailles que dans le « 9-3 ». Plus facile aussi d’y recruter des cadres laïcs. Pour permettre une certaine péréquation, les diocèses de Nanterre ou Paris aident les diocèses plus pauvres d’Île-de-France. Le père Binet préfère se situer « dans une autre échelle de valeurs que celle de la rentabilité : peu importe la précarité des moyens, on y gagne en richesse humaine. » Originaire de Vaucresson et issu d’un milieu « très aisé », il était auparavant curé de Garches et, lorsque l’évêque de Saint-Denis a demandé de l’aide, il a répondu présent. Pour « comprendre de l’intérieur ». Ce n’est pas toujours simple. Le catholicisme de banlieue est un catholicisme de pauvres. Et d’émigrés, venus d’anciennes colonies françaises où les chrétiens demeurent majoritaires (Congo, Cameroun, Bénin…). Comment faire prier ensemble des gens d’origines aussi différentes ? Le père Thomas Binet se dit « très soucieux de penser l’Église de façon universelle ».

Mais le sujet sensible, c’est le rapport avec les autres religions, en particulier – mais pas seulement –  avec l’islam. À Montfermeil, le père Binet note que le dialogue interreligieux « fonctionne très bien entre responsables religieux qui veulent que ça fonctionne ». Entre hommes d’Église, on se comprend. Les difficultés surviennent plutôt sur le terrain, où les appartenances communautaires priment sur tout le reste. Quand les chrétiens d’Égypte ou d’Irak sont persécutés, les relations se tendent entre musulmans et orthodoxes. Par ailleurs, le maire Xavier Lemoine (PCD) qui est connu pour tenir un langage de fermeté à l’égard de l’islam militant, est en conflit avec une partie des musulmans de sa ville. Du côté de la porte de Pantin, le père de Raucourt déplore qu’il soit « extrêmement difficile d’avoir un interlocuteur musulman » du fait des divisions de la communauté entre Marocains, Algériens, Africains… et pointe aussi les Loubavitch juifs « qui ne cherchent pas le contact ». Ici ou là, on raconte que des familles chrétiennes sont « travaillées » pour se convertir à l’islam, mais dans l’ensemble les deux « curés de banlieue » ne notent pas de graves problèmes entre communautés. À Sarcelles, les bénévoles qui font de  l’évangélisation de rue n’ont jamais eu de problèmes. En tout cas, les églises de banlieue ont toujours leurs fidèles. Question de foi.[/access]

*Photo : Uolir.

Décembre 2012 . N°54

Article extrait du Magazine Causeur



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