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Décomplexé, ma non troppo


Décomplexé, ma non troppo

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Même quand il ne ressemble pas aux caricatures faites par les bien-pensants, l’homme qui n’est pas « de gauche » y réfléchira à deux fois avant de se dire « de droite ».
La droite varie en même temps que la gauche ? Normal, elle n’est à droite que de la gauche.
D’ailleurs, la droite est plus souvent définie par la gauche que par elle-même.
Que dirait-elle, la droite, si elle était vraiment décomplexée ?
Elle dirait : « Je ne suis pas de gauche, et ça ne m’oblige pas à soutenir l’extrême contraire en tout point. »[access capability= »lire_inedits »]

Car la gauche d’aujourd’hui n’est pas la droite de l’extrême gauche, et la droite d’aujourd’hui n’est pas la gauche de l’extrême droite. Vu le socle de valeurs communes, sans lequel l’Europe n’existerait pas, on doit parler de « centre gauche » et de « centre droit ».
Pour moi, en tout cas, qui ne connais que des gens nés « de gauche », mieux vaut se définir comme « pas de gauche » que « de droite ».
Je m’explique. Comme « de gauche » prétend vouloir dire « généreux et ayant du cœur », se dire « de droite » voudrait dire : « Je suis un salaud cynique. »
Comme « de gauche » prétend vouloir dire « ne supportant pas la misère, dont les pauvres ne sont jamais responsables », se dire « de droite » voudrait dire : « Tant pis pour les pauvres, ces cons, qui n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes. »
Comme « de gauche » prétend vouloir dire « Vive le progrès et à bas tous les tabous ! », se dire « de droite » voudrait dire : « On ne touche jamais à rien. »

En un mot, comme la gauche, c’est bien, se dire « de droite » serait mal.
Cette alternative est complètement de gauche.

Elle est débile, et c’est pourquoi je suis franchement « pas de gauche » sans être « de droite ».
Car sans être un salaud cynique, je méprise le discours politique commandé par les bons sentiments et par la bonne conscience de gôche. Je lui préfère une politique qui est bonne par son intelligence des causes et par l’efficacité de ses mesures.

Cependant, certains principes font office de marqueurs. La gauche pense a priori que le fond de la société existante est mauvais, foncièrement mauvais, et que plus on le change et mieux c’est ; plus on égalise les conditions, et plus c’est juste.
Le « pas de gauche » que je suis pense que l’ordre existant n’est pas foncièrement mauvais quand il repose sur la liberté de l’individu. Mais il pense aussi que cet ordre est imparfait, et perfectible.
Le « pas de gauche » que je suis pense que tout changement n’est pas forcément bon, mais il pense aussi qu’on doit parfois bouger les bornes, sans les détruire.
Le « pas de gauche » que je suis pense que l’égalité des conditions n’est pas synonyme de justice, mais il estime qu’on peut donner à ceux qui sont nés sans beaucoup d’atouts des moyens d’être le plus autonome possible.

Mais comment vote-t-on quand on n’est pas « de gauche » ni « de droite » ? Pourquoi pas pour le centre ? Pour deux raisons.
La première est que le centre est de toute façon au pouvoir en France (et à Bruxelles), que ce soit avec une coloration de droite ou avec une légère teinture de gauche.
La deuxième, c’est que le clivage le plus pertinent oppose, de mon point de vue, le libéralisme à l’État paternaliste.

Mais comme je suis favorable aux salles de shoot et hostile à l’ISF, favorable à l’égalité absolue de droits et de dignité entre les femmes et les hommes, et favorable à la reconnaissance de la différence entre les deux sexes, je suis réduit à me définir par des principes plutôt que par une affiliation en forme d’alternative. La seule alternative qui vaille à mes yeux détermine si l’on est pour ou contre la primauté de la liberté individuelle. Et j’aimerais qu’on ne juge les solutions opposées des libéraux et des étatistes que sur leurs résultats.[/access]

*Photo : G!zM() 17.

Novembre 2012 . N°53

Article extrait du Magazine Causeur



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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