Accueil Politique “Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”

“Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”

Entretien avec Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy


“Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”
À l'assemblée nationale mardi 3 novembre 2020, après le vote d’un amendement du groupe LR ramenant à décembre l’échéance de l’état d’urgence sanitaire, Olivier Véran s'est emporté: «C’est ça, la réalité de nos hôpitaux ; si vous ne voulez pas l’entendre, sortez d’ici!» © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP.

Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy publient Quand la psychose fait dérailler le monde (Gallimard, Tract).


Anciens élèves de l’ENS, Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy sont normaliens et géopolitologues. Grand reporter international, Renaud Girard est le chroniqueur de politique étrangère du Figaro. Pendant plus de trente ans, il a couvert sur le terrain la majorité des conflits et des crises de la planète. Jean-Loup Bonnamy est professeur agrégé de philosophie.

Causeur. Votre essai fustige l’émotion désordonnée à la suite de l’épidémie de coronavirus venue de Chine. Nous voici reconfinés. Faisons-nous toujours fausse route, selon vous ?

Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy. Oui, plus que jamais. Et ce pour au moins deux raisons.

La première raison est la faible efficacité sanitaire du confinement pour lutter contre le Covid-19 et sauver des vies. L’Argentine est confinée depuis le printemps et le nombre de morts du Covid y augmente encore. Au contraire, Taïwan (21 millions d’habitants) n’a pas confiné et n’a eu que sept morts ! Vouloir arrêter une épidémie avec le confinement, c’est comme vouloir arrêter la mer avec ses bras. Le virus est une création de la nature. Si l’épidémie s’est arrêtée partout en Europe en mai (y compris en Suède, pays qui n’a pas confiné), c’est en grande partie pour des raisons naturelles. Si elle reprend aujourd’hui (sauf en Suède pour le moment), ce n’est pas à cause d’un «relâchement» des Français ni d’un déconfinement trop rapide ni d’une perte de contrôle, mais pour des raisons naturelles. C’est un fait bien connu que dans les régions tempérées comme l’Europe (ce n’est pas le cas dans les autres types de climats), les virus respiratoires sont plus contagieux et plus violents à la saison hivernale. C’est d’ailleurs cette saisonnalité des virus respiratoires qui nous a permis d’annoncer dans notre livre (avec raison, hélas) la survenue d’une deuxième vague et la saturation pour l’automne de notre système hospitalier. Et c’est pour cette même raison que nous ne croyons pas au confinement. 

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La deuxième raison de notre critique du confinement est bien sûr économique et sociale. Le premier confinement a déjà jeté un million de Français en plus dans la pauvreté. Les bénéficiaires de l’aide alimentaire ont augmenté de 30%. Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles ! Il ne s’agit pas d’opposer économie et santé, car les crises économiques dégradent notre santé et tuent aussi.

Les médias jouent un rôle extrêmement pervers dans toute cette affaire

Surtout, le confinement et ses effets économiques menacent notre système hospitalier. En effet, c’est l’activité économique qui, grâce à des impôts et à des charges, finance notre système hospitalier. Si on contracte l’activité, il y aura moins de rentrées fiscales et donc moins d’hôpitaux, moins de lits, moins de respirateurs avec des soignants moins nombreux et moins bien payés. Pour sauver notre système hospitalier, il faut déconfiner au plus vite ! 

Le président Macron, qualifié de « président des riches » depuis son élection, décide pourtant de faire passer la santé des Français avant l’économie. Pourquoi ?

Le président de la République n’a aucune envie de se retrouver avec 400 000 morts du Covid, comme le lui prédisent certaines modélisations mathématiques. Or, nous savons aujourd’hui que ces modèles sont absurdes. En mars, les mêmes modèles prédisaient 70 000 morts à la Suède si elle ne confinait pas. Elle n’a pas confiné et n’en a eu que 5 900. En nombre de morts par habitant, c’est à peine plus que la France et c’est nettement moins que des pays qui ont lourdement confiné comme l’Espagne, l’Italie, la Belgique ou le Royaume-Uni. Mais victime du désastreux « principe » de précaution, le président préfère ne pas prendre le moins risque. 

En outre, il est confronté à un autre risque – bien réel celui-là : la saturation des hôpitaux. Or, nous ne pensons pas que le confinement réglera ce grave problème de saturation hospitalière. Pour le régler, il n’y a que deux choses à faire. D’une part, augmenter en urgence les capacités hospitalières. Il faut mobiliser l’armée, les cliniques privées, les médecins et infirmiers libéraux, recruter des femmes de ménage (pour décharger les soignants de toutes les tâches non-médicales, comme par exemple refaire les lits). Comme le propose le Docteur Kierzek, on pourrait aussi organiser les services différemment : plutôt que de mettre dans une même équipe cinq médecins-réanimateurs, éclatons le service en séparant les spécialistes et en plaçant autour d’eux des internes ou des infirmiers non-spécialisés, mais coachés par le réanimateur. On multiplierait ainsi d’autant le nombre d’équipes de réanimation. D’autre part, il faut appliquer le tryptique tester – isoler – traiter. Les personnes à risque doivent être dépistées deux fois par semaine, avec des tests antigéniques (plus rapides et moins chers que les PCR). Il faut prendre en charge les malades le plus tôt possible, en leur donnant de l’oxygène, et si besoin des corticoïdes et des anticoagulants. Cela permet de faire s’effondrer le taux de décès et de passage en réanimation. Et ça peut se faire à domicile ou à l’hôpital, avec un personnel qui n’a pas besoin d’être très formé. Avec un telle méthode, on éviterait le confinement, on sauverait l’économie et surtout on aurait bien moins de morts du Covid !

Vous mettez en garde les Français contre un danger moral. Vous estimez que nous avons été saisis par la « froide déesse » de la peur et vous voyez carrément dans le confinement une nouvelle « barbarie ». Quel rôle pervers les médias jouent-ils dans ce phénomène ?

Les médias jouent un rôle extrêmement pervers dans toute cette affaire. Chaque soir, ils nous donnent le nombre du mort du Covid (même à l’été, quand ce chiffre était fort bas). Pourquoi ne font-ils pas la même chose avec le cancer, les suicides, les accidents de la route ? Chaque année neuf millions de personnes meurent du cancer dans le monde. C’est neuf fois plus que le Covid. Neuf millions de personnes meurent aussi de faim chaque année. Cela veut dire qu’il suffit de 40 jours pour que la faim fasse autant de morts que le Covid depuis son apparition.

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Il en va de même à propos de l’âge des victimes. Les médias nous parlent des jeunes qui meurent du Covid. Or, ils oublient de nous dire que la moyenne d’âge des morts français du Covid est de 81 ans et que sur 36 000 morts du Covid en France, seuls 28 avaient moins de 30 ans. 28 sur 36 000 ! Et sur ces 28 malheureux jeunes, presque tous avaient d’autres maladies très graves qui furent à l’origine de leur mort. Par exemple, les médias nous ont parlé de la mort d’un adolescent guyanais de 14 ans, positif au Covid. Certes, il avait le Covid, mais il avait surtout la fièvre jaune, une maladie tropicale très grave avec un taux de mortalité de 30% et qui fut en fait la vraie raison de sa mort.  

Que nous soyons des barbares 2.0 ou pas, 2020 apparait comme une année particulièrement éprouvante. Le séparatisme islamiste nous menace, le Covid met en pause nos libertés les plus fondamentales. Comment en sommes-nous arrivés là et si vite ? Est-ce une accélération de l’histoire ? 2020 est-elle une année troublée et rien de plus, ou une année charnière dans l’histoire, selon vous ?

2020 donne l’impression d’une accélération mais n’est que l’explosion d’une masse de problèmes non-réglés et accumulés durant les décennies précédentes.

2020 est surtout un révélateur : c’est l’année du retour au réel. Un certain nombre d’analyses auparavant minoritaires (sur le délabrement de notre système hospitalier, la catastrophe de la mondialisation, la nécessité de réindustrialiser la France ou le terrorisme…) sont en train de devenir majoritaires, voire consensuelles, tant la réalité les confirme de manière spectaculaire et évidente en 2020. 

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