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Si Versailles nous était à nouveau conté


Le château de Versailles est une grande bâtisse perdue dans la banlieue parisienne, qui a jadis servi de terrain de jeu à Molière pour y représenter ses pièces de théâtre espiègles – devant la cour blasée d’un monarque ténébreux qui se réveillait chaque matin comme un soleil pour dominer le monde, avec une satisfaction de droit divin. Le château de Versailles comporte de nombreuses pièces indispensables, dotées de passages secrets, et d’une somptueuse Galerie des glaces qui fait la gloire de l’Hexagone dans le monde entier, à l’instar de la potée auvergnate et de Michel Houellebecq.

Longtemps les instituteurs ont accompagné les écoliers dans ces édifiants dédales d’Ancien Régime, ainsi que dans les allées du parc, où la biche vit en bonne intelligence avec le lièvre, autant que la poule d’eau avec le touriste japonais. Longtemps ce haut lieu d’histoire a suscité l’admiration des masses et la joie des esthètes… C’était avant que des fonctionnaires épris de modernité se mettent en tête – pour d’obscures raisons – de faire pénétrer dans ce sanctuaire de classicisme d’épaisses touches d’art contemporain. On se souvient que dès 2008, Jean-Jacques Aillagon, alors président du site du château, invita l’artiste Jeff Koons à présenter de manière temporaire ses œuvres monumentales en plastique rose dans les murs de Versailles. On se souvient aussi de l’émoi suscité par les créations envahissantes du japonais Murakami. Cette année, ce sont les œuvres d’une certaine Joana Vasconcelos qui sont présentées. La jeune artiste portugaise propose « une réflexion sur la place des femmes dans un lieu du pouvoir absolu » (dixit l’indispensable ministre Aurélie Filippetti) ; c’est-à-dire qu’elle expose çà et là dans le château des horreurs monumentales prétendument féministes, telles qu’une paire d’escarpins géants, faits de casseroles et de couverts en inox, ou qu’un « Lilicoptère », hélicoptère recouvert de feuilles d’or et orné de plumes d’autruche colorées – œuvre qui a tiré ce commentaire digne de Malraux à Mme Filippetti : « Cet engin pourrait être celui de Lady Gaga ». Dont acte.

L’artiste – nous rapporte l’AFP – a cependant regretté amèrement qu’une de ses œuvres, un lustre fait de milliers de tampons hygiéniques, considérée comme une pièce « majeure » de son travail, ne soit pas exposée dans les galeries de Versailles. « C’est très décevant », a-t-elle déclaré. Décevant. On ne saurait mieux dire. Dommage que Sacha Guitry soit mort (mais est-il vraiment mort ?), il aurait pu agrémenter avec bénéfice sa fresque versaillaise de ce moment authentiquement tragique.



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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