Accueil Société Mon séjour à l’hôpital Cochin

Mon séjour à l’hôpital Cochin


Mon séjour à l’hôpital Cochin
Hôpital Cochin, Paris. Authors: DURAND FLORENCE/SIPA. Feature Reference: 00512713_000013

Hospitalisée à l’hôpital Cochin, Sophie Bachat croyait avoir contracté le coronavirus. Si une autre pathologie lui a été diagnostiquée, elle tire son chapeau à tout le personnel soignant. Récit.


Le dimanche 15 mars, j’ai été transportée d’urgence à l’hôpital Cochin pour une suspicion de Covid-19. Je m’étais traînée toute la journée, mettant ma contrariété sur le compte de la fermeture des bistrots mais vers vingt heures tout s’accélère. Je me mets alors à trembler de fièvre, à tousser et surtout à paniquer. En dix minutes, je me retrouve dans une ambulance direction l’hôpital Cochin. J’avais omis de préciser au médecin du Samu que j’étais asthmatique donc à risques.

« Découvrez-vous ou je vous mets de la glace sur les cuisses! » 

Les urgences de Cochin sont calmes, sans clochard aviné, semi-agonisants sur des brancards ou enfants pleurant dans les bras de leurs mères. J’appris plus tard que j’avais été bien sûr dirigée vers le coin VIP du moment. Je suis immédiatement prise en charge, on me dit que ma fièvre est montée à 39. La valse des examens commence : prise de sang, scanner, et le fameux test, qui fera de moi une malheureuse élue ou pas. Le prélèvement dans le nez pour détecter la présence du Covid-19. Grelottant de fièvre, je me couvre avec mon manteau, un infirmier, furieux car je risque de faire encore monter ma température : « Madame découvrez-vous ou je vous mets de la glace sur les cuisses! » (à lire avec l’accent antillais). J’ai encore l’esprit assez mal tourné pour penser que cela fait dialogue de film érotique.

Le matin suivant, on me place dans une salle d’attente, toujours très calme, on m’abandonne devant BFM sur un écran géant flambant neuf. Une dame positive au Covid19  vient de se faire renvoyer chez elle, on lui dit de ne pas sortir et d’appeler si cela ne va pas. Avec angoisse, j’attends mon résultat..

NEGATIF ! Mais on me garde. Direction la médecine interne. L’ambulancière qui pousse mon brancard engage la conversation. Dans un excès de vanité certainement dû à ma fébrilité, je lui dis que j’écris pour Causeur. Elle me fusille du regard en pensant transporter une Mussolini en jupons.

De la morphine !

La chambre est immense, presque design et pour moi toute seule (je ne suis pas assez alerte pour comprendre qu’il s’agit d’un isolement). Les jours qui suivent passent dans l’hébétude.  Je n’ai jamais eu autant de prises de sang, de perfusions, d’examens divers et variés. Mes bras commencent à ressembler à ceux de Marianne Faithful en 69 « Here I lie on my hospital bed, tell me sister Morphine when are you coming round again ? » Je demande justement de la morphine un soir où mes maux de tête se font trop insupportables même avec la perfusion de paracétamol.

La fièvre ne baisse pas. Autour de 39-40 degrés, c’est la guerre dans mon organisme. Je regarde la télé jour et nuit et apprends ainsi que l’heure du confinement a sonné. Tous les programmes se mélangent dans mon esprit fiévreux. Stéphane Bern participe à Top Chef pendant que des stars de la télé réalité dégustent des betteraves revisitées déguisées en Eric Zemmour. Marianne passe de la morphine au LSD.

Le quatrième jour, démunis et inquiets, les médecins m’annoncent qu’on va me refaire un test Covid car les urgentistes pourraient s’être trompés, affluence et pression obligent. Tandis que je fonds en larmes, l’interne me rassure : même si le test était positif, je ne porterais qu’une forme bénigne du virus car je n’ai pas de difficultés respiratoires.

La dame qui chauffe

Le personnel soignant entre alors dans ma chambre déguisé en apiculteurs de l’espace. En fin de journée, l’interne fait irruption dans ma chambre : « Vous voyez je ne suis pas déguisée, c’est toujours négatif! ». Eurêka ! Cette deuxième exploration nasale a porté ses fruits ! Une bactérie atypique s’est logée dans mon organisme et provoque les mêmes symptômes que le Covid-19.  Un virus Canada Dry qui me vaut le surnom de « la dame qui chauffe ».

Le bon antibiotique fait son œuvre pour faire rapidement baisser la fièvre. Dans la bonne humeur au milieu de l’angoisse qui commence à jaillir partout, j’entends qu’il manque des seringues, qu’il faut libérer des lits, que la semaine à venir s’annonce compliquée. Mais cette bonne humeur est salvatrice. Gelaô et Thanatos. Gelaô (rire en grec) fait référence au soleil.

Alors merci. Merci aux pompiers, merci aux ambulanciers, merci à tout le personnel soignant, des médecins aux femmes de ménage. Merci pour votre gentillesse, votre attention, votre humour. Et surtout pour votre immense compétence. À l’heure qu’il est, personne ne sait où nous allons mais les Français peuvent vous faire confiance.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent De la fracture sociale à l’heure du coronavirus
Article suivant Un week-end au temps du confinement…
est enseignante.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération