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Macron et son Jul

Un t-shirt séditieux aperçu dans les mains du président!


Macron et son Jul
Image: capture d'écran Twitter

Le fameux cliché d’Emmanuel Macron à Angoulême n’est qu’un épisode de plus d’une étonnante mécanique. On y voit le président tenant un t-shirt présentant un chaton, éborgné par un tir de LBD. Jérôme Serri s’émeut de cette énième scène qui décrédibilise la fonction présidentielle.


Comment un président de la République peut-il se comporter avec autant d’inconséquence et de désinvolture ? Les Français ont découvert avec effarement jeudi soir qu’Emmanuel Macron arborait en compagnie du dessinateur Jul, le T-shirt réalisé par Loïc Sécheresse pour le Festival international de la BD d’Angoulême : un fauve assis, l’œil gauche caché par un pansement taché de sang, sous l’animal les trois lettres LBD, puis le chiffre 2020 de l’année de ce salon qui n’avait pas vu de chef d’État depuis 1985. Le dessin est graphiquement assez insignifiant et le jeu de mots, aussi attendu que celui du titre de cette tribune. Sans cette photo, personne n’aurait remarqué plus que cela ce T-shirt. Autrefois, Jul parasitait l’émission « La Grande Librairie » de ses dessins superflus. Aujourd’hui, il dynamite la fonction présidentielle avec celui d’un confrère.

Les policiers indignés

Légitimement indignés, les syndicats de policiers ont immédiatement réagi : « On attend autre chose d’un président. C’est scandaleux. On se demande s’il y a des conseillers en communication à l’Élysée ». En est-il besoin pour éviter à un Président de la République de commettre pareille bévue ? Si, au sommet de l’État, on en est là, c’est que les gens du système qui ont fait la courte échelle au candidat Macron, à commencer par l’inévitable Jacques Attali, se sont lourdement trompés. Il est intéressant de noter qu’en commençant de laisser entendre aux Français que le duel du second tour des élections présidentielles de 2022 pourrait être différent de celui de 2017, les observateurs de la vie politique ne font qu’indiquer aux Français que le sort d’Emmanuel Macron pourrait bien être celui de François Hollande. Peut-être ceux-ci se préparent-ils à voir demain l’arroseur d’hier arrosé. Peut-être même s’apprêtent-ils à tenir à nouveau le tuyau.

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Les policiers ont été à juste titre scandalisés par l’exhibition présidentielle d’Angoulême. Qu’ils aillent un peu plus loin que la seule indignation ! Ne pourraient-ils pas s’interroger, en leur âme et conscience (sans l’aide de communicants), sur la nature du maintien de l’ordre qui leur a été demandé depuis quatorze mois, si règne au sommet de l’État un aussi grand désordre mental. La République en Marche ne serait-elle pas en marche sur la tête ?

La liberté d’expression, y’a que ça de vrai!

Le président a cru s’expliquer en déclarant : « De là où je suis, je dois défendre la créativité, la liberté d’expression, y compris l’insolence et y compris la création d’artistes qui disent des choses […] avec lesquelles je ne suis pas en accord ». A-t-on déjà entendu défense aussi pitoyable ? Un Président va-t-il courir derrière toutes les infamies, toutes les vulgarités, toutes les plaisanteries pour défendre la liberté d’expression ? Va-t-il se précipiter à Nice pour défendre la photo d’un jeune homme s’essuyant les fesses avec le drapeau français ou à Avignon pour défendre celle d’un « crucifix trempé dans un verre d’urine » ? Va-t-il accueillir dans la cour de l’Élysée, lors de la prochaine fête de la musique, ce pauvre gars qui, sur France Inter, chantait « Jésus est pédé » devant d’autres pauvres gars écroulés de rire derrière leurs micros ? Va-t-il recevoir en son bureau présidentiel une jeune adolescente éructant contre l’islam pour prouver que « de là où [il est, il doit] défendre la liberté d’expression » et notamment celle d’outrager la religion, fût-elle musulmane ? Un Président de la République, de là où il est, doit présider. Prendre de la hauteur et indiquer le cap.

Était-il nécessaire qu’il descende à Angoulême ? Était-ce bien sa place ? La présence du ministre Franck Riester n’était-elle pas amplement suffisante ? N’ayant « pas encore trouvé, comme il le regrette, son Jack Lang », il le singe. Alors il court au Louvre inaugurer l’exposition de toiles outrenoires de Soulages, puis se précipite au Festival international de la BD pour déjeuner avec des dessinateurs. L’accélération de l’information est telle que les Français ont déjà oublié que le couple Macron était au théâtre des Bouffes du Nord, il y a quinze jours, pour assister à la représentation de La Mouche. On ne sait toujours pas ce qu’est cette pièce. Ce serait, d’après ce qu’on en peut lire sur internet, « une pièce « ovniesque », qui s’inspire autant de la nouvelle d’un nommé George Langelaan que de l’épisode sacrément désopilant « La Soucoupe et le Perroquet » de l’émission Strip-tease ». A-t-on envie d’en savoir plus ? On se souvient de De Gaulle et Malraux assistant, en habits, à la représentation de Tête d’Or de Claudel pour l’inauguration de l’Odéon-Théâtre de France. Autre époque ? Autre niveau surtout !

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On aurait aimé apprendre en 2018, par exemple, que le Président était allé voir la reprise du Souper de Jean-Claude Brisville (le dernier secrétaire d’Albert Camus) avec Daniel et William Mesguich, magnifiques dans les rôles de Talleyrand et de Fouché.

Les Français se pincent pour y croire

On peut discuter à perte de vue sur la réforme ni faite ni à faire des retraites, sur la logorrhée présidentielle du « grand débat », sur la PMA, sur l’engagement de nos forces armées au Sahel, sur le terrorisme, sur l’immigration, sur la baisse sincère ou non du chômage, on peut discuter sur tous les sujets que l’on voudra, la France est de moins en moins assurée de sa crédibilité aux yeux du monde tant son Président lui fait régulièrement honte. L’entendre vociférer qu’« il n’y a pas de culture française » ou que « Benalla n’est pas son amant » la plonge dans un désarroi que les études d’opinion n’osent pas mesurer. Avec le « T-shirt de Jul », remontent à la mémoire des Français les profondes blessures d’amour-propre que le Président leur inflige avec cynisme depuis son élection.

En juin 2018, lors de la fête de la musique, il abandonna la cour du Palais présidentiel à des musiciens dont l’un d’eux arborait un T-shirt (décidément !) où il était écrit « fils d’immigré, noir et pédé » (encore !). Le même soir, il se fit photographier avec son épouse au milieu de danseurs et de danseuses, jeans bleus, maillots de résille, lunettes noires, collier de chien autour du cou, jeune femme en soutien-gorge. Célébration déchaînée des sens ? Culte bachique de la diversité ? Fête de la provocation ? À coup sûr, contresens présidentiel ! Impardonnable mauvais goût ! Quelques mois plus tard, en déplacement aux Antilles, il se fait photographier en bras de chemise, tout sourire dehors, serré entre les poitrines athlétiques de deux jeunes Antillais. L’un, torse nu, fait un doigt d’honneur, l’autre, en « marcel », fait les cornes avec l’index et l’auriculaire. Jupiter, descendu trop bas, a pris la foudre. Traquenard habilement monté, impéritie des services de sécurité, fièvre des tropiques ? Les Français n’en croient pas leurs yeux.

Ces attitudes totalement inappropriées au sommet de l’État tirent vers le bas les esprits les plus fragiles du pays. Ces toquades, ces propos intempestifs, ce goût des déshabillés excentriques ne laissent pas d’être inquiétants. À côté de ces tenues scandaleuses, à côté de l’incompréhensible exhibition du T-shirt d’Angoulême, que sont les impeccables et « en même temps » inacceptables costumes offerts par Robert Bourgi à François Fillon ?

Qui a perdu un œil ou une main, qui a été blessé par un cocktail molotov ou un pavé, qui, d’un côté comme de l’autre, a été injustement meurtri, doit être fou de rage et ne rien comprendre à toute cette imposture dont souffre le pays… en toute légitimité…

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Ancien collaborateur parlementaire, Jérôme Serri est journaliste et essayiste. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke/Gallimard), Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées), et participé à la rédaction du Dictionnaire André Malraux (éditions du CNRS).

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