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Tous victimes de l’ultralibéralisme étatiste français

Le cocktail économique tricolore est explosif


Tous victimes de l’ultralibéralisme étatiste français
Le Ministre de l'Action et des Comptes publics Gerald Darmanin visite un site de l'entreprise Amazon à Vélizy en septembre 2019 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage: 00924807_000002

Les Français subissent les conséquences délétères et combinées d’un libéralisme bruxellois destructeur d’emplois et d’un État obèse incapable de remplir ses missions régaliennes.


Que ceux qui pensent que ce pays va bien nous donnent la composition précise de leurs antidépresseurs. Les malheureux ne disposant pas d’une ordonnance idoine, condamnés à la lucidité, attribueront quant à eux une racine commune aux maux qui affligent l’hexagone : pour une part majoritaire et grandissante de Français, il s’agira du libéralisme (version ultra ou néo), alors qu’une forte minorité désignera l’étatisme gaulois comme responsable de la déroute en cours. Les tenants de la première explication blâmeront en premier chef l’ultralibéralisme de Bruxelles, tandis que les seconds dénonceront le poids de la sphère publique en France. Et si au lieu de s’opposer, ces deux visions se révélaient non seulement exactes, mais également compatibles ?

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Avouons-le, la liberté de circulation des marchandises, des capitaux et des hommes n’a plus guère le vent en poupe — même si chaque consommateur que nous sommes la plébiscite en cliquant sur Amazon. À l’exception de ces trente dernières années, ces libertés ont toujours été limitées par des mesures de régulation étatiques – autant d’obstacles à abattre pour les tenants de la dérégulation qui ont depuis pris les commandes.

Contrairement à ce que les intelligents prétendent, l’aspiration des gilets jaunes à obtenir plus de services publics et à payer moins d’impôts se révèle parfaitement légitime et cohérente

La naïveté de l’Europe libérale ne lui a pas permis de voir que ni les Américains, ni surtout les Chinois ne pratiquaient un libéralisme aussi « pur ». Avec la bénédiction de benêts comme Jean-Claude Juncker, des pans entiers d’industries stratégiques ont ainsi pu passer sous pavillon américain ou chinois. Le savoir-faire des turbines nucléaires d’Alstom appartient désormais à General Electric ; le dumping chinois sur les prix du photovoltaïque a tué leurs concurrents européens ; Siemens et Alstom n’ont pu constituer le champion européen du ferroviaire au nom de règles ubuesques. Une philosophie antitrust qui n’a pas beaucoup perturbé les Américains dans la création de monopoles autrement plus inquiétants, les GAFAM… Ce ne sont donc pas les arguments qui manquent pour critiquer le libéralisme économique bruxellois.

Nos PME paient pour tout le monde

Nombre d’Européens des classes moyennes constatent par-dessus le marché (!) que cette mondialisation dérégulée a permis aux multinationales comme aux plus fortunés d’échapper en partie à l’impôt. Le coût élevé du système de protection sociale de l’Europe repose ainsi de plus en plus sur ses PME et ses personnels issus du secteur privé. Les mêmes se voient exposés aux vents glacés de la globalisation, de la concurrence exacerbée du coût horaire du travail et de ses délocalisations. Tandis que salariés du public, de banques multinationales ou retraités, ils sont des millions à être protégés par notre modèle social taillé sur mesure par eux et pour eux. Enfin, qu’ils paient des impôts ou vivent des minima sociaux, l’arrivée massive d’une immigration illégale, africaine, musulmane et masculine ne leur a pas échappé – ni la complaisance des autorités européennes à son égard. Ce libéralisme sociétal se nomme également progressisme et il se manifeste dès qu’une minorité sexuelle ou ethnique pointe à l’horizon. La liberté de circulation des hommes et des marchandises semble par ailleurs menacée par le défi écologique — combien de temps encore allons-nous faire venir à Paris des fraises du Chili ou des Français en shorts à Angkor ?

Dans ce contexte, croire que l’avenir de l’Europe et de la France réside dans plus de libéralisme, c’est s’appeler Jacques Attali.

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Faut-il pour autant céder aux sirènes étatistes de Mélenchon ou Le Pen ? Assimiler le libéralisme au Diable, c’est faire bien peu de cas de nos libertés fondamentales. On attend toujours le pays qui, ayant tourné le dos au libéralisme économique, aurait su préserver les libertés individuelles. La démocratie et les Droits de l’Homme ont impérativement besoin du capitalisme – faites vos valises pour Cuba ou la Corée du Nord si vous trouvez cette réalité déprimante. Il y a en effet un fossé entre la « dé-dérégulation » et la planification mélenchoniste — une fosse commune même…

Etat obèse incapable de remplir ses missions régaliennes

On peut en effet dénoncer le libéralisme de la Commission européenne tout en se révoltant contre la dérive des finances publiques françaises. Notre pays s’affirme année après année, comme le champion du monde des impôts tout en offrant des services publics dégradés, voire inexistants dans certains secteurs de relégation rurale ou urbaine. Il existe par exemple, au cœur de Nantes, le « hangar à bananes » – une ancienne friche industrielle reconvertie en aire de festivités nocturnes (restaurants, bars, clubs…). Pour y accéder, on doit passer par ce que des gamins de vingt ans ont surnommé « le couloir de la mort » – une zone d’agression connue de tous. Comment comprendre que la sixième ville de cette Nation championne de la dépense publique n’ait pas les moyens de mettre en place une patrouille de police pour sécuriser ce scandaleux « couloir de la mort » ? Les Nantais, à l’image des Français, n’en ont pas pour leur argent. On ne peut accepter ces tribunaux délabrés, ces prisons insalubres, ces commissariats en ruine lorsqu’on sait que 56,4 % des richesses créées sont censées financer notre modèle social – mais pas des patrouilles de police. Croire qu’il ne faut pas toucher aux retraites ou qu’il suffirait d’augmenter les impôts des riches et de recruter autant de fonctionnaires qu’il y a de chômeurs, c’est s’appeler Nicolas Maduro et rêver d’étendre à la France la famine bolivarienne.

Si notre pays va si mal, c’est qu’il subit à la fois les conséquences délétères du libéralisme européen et d’un État obèse capable de nous sucer le sang, sans pour autant remplir ses missions régaliennes élémentaires. Contrairement à ce que les intelligents prétendent, l’aspiration des gilets jaunes à obtenir plus de services publics et à payer moins d’impôts se révèle parfaitement légitime et cohérente. Mais à ces maux profonds qui l’affligent, ce merveilleux pays ajoute un contexte politique dramatique qui l’empêche de réagir : aucune offre électorale ne propose de s’attaquer de front à ces deux racines du mal que constituent l’ultralibéralisme progressiste et l’étatisme asphyxiant. Macron et la droite molle se chiraquisent, RN et PS se mélenchonisent. Seul espoir, qu’une personnalité politique s’empare de ces thématiques afin de faire un sort à ces deux malédictions qui nous tenaillent depuis des lustres, nous ruinent et nous disloquent. Écrire au journal qui fera suivre.



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Diplômé d'HEC, il a travaillé de nombreuses années dans la presse ("Le Figaro", "Le Nouvel Obs", "Libération", "Le Point", etc.). Affectionnant les anarchistes de droite tels Jean Yanne ou Pierre Desproges, il est devenu l'un des meilleurs spécialistes de Michel Audiard. On lui doit deux livres de référence sur le sujet : <em>Le Dico flingueur des Tontons</em> et <em>L'Encyclopédie d'Audiard</em> (Hugo & Cie).

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