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« Je ne suis pas contre une GPA strictement encadrée »

Entretien avec la députée LR Nadia Ramassamy


« Je ne suis pas contre une GPA strictement encadrée »
Nadia Ramassamy THOMAS SAMSON / AFP

Le grand chambardement macronien n’est pas fini. Dans le domaine bioéthique, l’examen du projet de loi visant notamment à autoriser le recours des couples homosexuels à la PMA réserve des surprises. Ainsi, la député LR de La Réunion a annoncé qu’elle approuvait cette mesure bien qu’elle s’oppose à la levée de l’anonymat des donneurs. Entretien. 


Daoud Boughezala. Votre prise de position en faveur de l’extension de la PMA aux couples homosexuels vous singularise à droite. Au nom de l’égalité, croyez-vous à l’existence droit à l’enfant?

Nadia Ramassamy. En tant que femme, mère, médecin et députée, j’estime que toute femme doit avoir le libre choix d’avoir un enfant. Femme, je ne peux pas fermer les yeux sur les discriminations contre mes concitoyennes, si des femmes n’ont pas la possibilité d’avoir un enfant, on doit la leur donner. Mère, je ne peux pas ne pas me mettre à la place de celles et ceux qui ont ce besoin intime de donner attention et amour à un enfant. Médecin, je ne peux pas fermer les yeux face à ces couples qui souffrent de ne pas trouver de solutions à leur impossibilité d’avoir des enfants et qui sont donc contraints de courir des risques effroyables pour leur santé. Députée, je pars du principe que le législateur doit trouver des solutions pour assurer un avenir meilleur à la population et adapter les lois aux évolutions de notre société, à sa réalité quotidienne, on ne peut fermer les yeux sur ce qui se passe à l’extérieur de l’Assemblée. Les familles sont plurielles aujourd’hui, reconnaissons-les.

Si je suis votre logique, faut-il permettre le recours aux mères porteuses et donc légaliser la GPA ?

Je ne suis pas contre une GPA strictement encadrée pour éviter les dérives vers la marchandisation, mais le sujet primordial est celui de l’enfant. Je me bats pour l’intérêt de l’enfant. Je défends le statut des enfants nés d’une GPA à l’étranger. Ils doivent avoir les mêmes droits que n’importe quel autre enfant français. La République ne peut pas laisser ces enfants dans le vide identitaire et juridique. C’est pourquoi je soutiens le projet de future circulaire pour régulariser leur situation, il faut leur donner un cadre pour légaliser ces situations déjà existantes.

Pour autant, le projet de loi bioéthique qu’a présenté le gouvernement ne vous ravissait pas au départ. Pourquoi l’avez-vous critiqué ?

La première version du texte établissait une différence sur l’acte de naissance entre enfants issus de PMA de couples hétérosexuels et ceux venant de couples homosexuels. Certains étaient désignés en tant « issu de PMA » et d’autres non. Cela pouvait conduire à une stigmatisation et à des discriminations. Ce point ayant été modifié, je m’en félicite.
Par contre, je m’oppose à la levée de l’anonymat des donneurs que prévoit encore le projet. Cette mesure risque en effet de dissuader les donneurs de gamètes, va créer une pénurie de gamètes et rendre ineffective la future loi. C’est incohérent. Aussi, demain, quelqu’un qui voudra donner ses gamètes pour aider d’autres personnes à avoir des enfants y réfléchira à deux fois, car la levée de l’anonymat est lourde de conséquences, notamment juridiques. Si l’offre de gamètes devient insuffisante, les couples de femmes, les femmes seules et les couples hétérosexuels devront encore se rendre à l’étranger pour une PMA. Cela va créer des inégalités, des discriminations et engendrer des problèmes en termes de sécurité sanitaire. De même, le gouvernement veut détruire, en raison du changement sur l’anonymat des donneurs, les stocks de gamètes effectués avant la présente loi, c’est créer les bases de la future pénurie. Enfin, rien dans le projet de loi actuel n’est fait pour créer un véritable plan de prévention et de sensibilisation à la fertilité.

Pour pallier le manque de gamètes, voudriez-vous une banque nationale du sperme?

Non, donnons d’abord à tous les CECOS  (Centres d’Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme) de l’hexagone et des territoires ultramarins des moyens, lançons des campagnes de communication et de sensibilisation au don avec l’Agence de la biomédecine, conservons l’anonymat des donneurs et ne détruisons pas les stocks de gamètes existants. Dans le dispositif actuellement prévu, le gouvernement instaure la PMA pour toutes, tout en mettant un frein à sa traduction concrète. Le manque de donneurs nous fera revenir à la situation qui prévalait jusqu’ici.

La tête de liste LR aux Européennes François-Xavier Bellamy appelle à se battre contre la PMA. Au sein de votre parti LR, ne vous sentez-vous pas trop isolée ?

Pas du tout, je ne me sens pas isolée. Le président du Groupe LR à l’Assemblée Christian Jacob a instauré une liberté de vote pour tous les textes et en particulier pour un texte qui porte sur des questions de bioéthique.



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est journaliste.

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