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Macron a été bon lors du G7

Même si cela me déplaît de vous le dire


Macron a été bon lors du G7
Donald Trump, Brigitte et Emmanuel Macron à Biarritz, le 25 août 2019 © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22370971_000227

 


Jérôme Leroy, le rédacteur en chef culture de Causeur, n’a d’ordinaire pas de mots assez durs pour critiquer la politique nationale de Macron. Mais force est de reconnaître que le chef de l’Etat défend d’honorables positions dès qu’il s’agit de politique étrangère.


Je ne peux pas être soupçonné ici de soutien au président Macron. Sa politique sur le plan intérieur a cassé profondément le pays, favorisé l’émergence durable de l’extrême droite comme seul adversaire, un adversaire dont il a pourtant employé les méthodes depuis le début du quinquennat. Notamment dans la répression policière d’une violence extrême face à une explosion de colère populaire, celle des Gilets Jaunes, provoquée par sa politique antisociale et surtout l’arrogance avec laquelle elle a été menée. On se rappellera au hasard la phrase de Benjamin Griveaux sur les pauvres qui clopent et qui roulent au diesel quelques semaines à peine avant le début du mouvement GJ, le 17 novembre. On pourrait aussi parler de sa politique face aux migrants et aux demandeurs d’asile qui depuis la circulaire Collomb de 2018 ne cesse de se durcir et présente assez peu de différences avec celle d’un Salvini sinon que Salvini, lui, fait (ou faisait) de la pub autour de cette politique de fermeture.

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La paradoxe Macron: bon à l’extérieur, mauvais à l’intérieur

Bon, une fois ces précisions apportées, à mon grand désarroi je suis bien obligé de reconnaître qu’à l’occasion du G7, je l’ai plutôt trouvé bon, voire très bon. Evidemment, il a œuvré dans une ville bunkérisée où le déploiement hallucinant des forces de police a découragé les manifestants qui voulaient s’opposer au sommet. Evidemment, le G7 n’est certainement pas le lieu où l’on décide d’une meilleure répartition des richesses et du mieux-être des peuples.

Mais enfin, malgré tout, Macron a eu de la classe. Garder son calme devant les insultes de Bolsonaro sur son épouse, ne pas s’abaisser à répondre et simplement insister sur le fait que le général Alcazar de Brasilia est un menteur qui n’a aucune intention de respecter le volet environnemental du Mercosur, comme le montre sa responsabilité dans la catastrophe écologique en cours en Amazonie. C’était déjà pas mal. Arriver à circonvenir un Trump sur la question iranienne, sur la guerre commerciale avec la Chine et même sur la politique de Bolsonaro, c’était encore mieux. Et cerise sur le gâteau, il est resté inflexible avec Boris Johnson. La seule différence entre Boris Johnson d’une part et Bolsonaro et Trump de l’autre, c’est que Johnson est passé par Eton et est capable de scander les hexamètres dactyliques de l’Iliade. Cela ne le rend guère plus sympathique. Il n’a même pas l’excuse d’être une brute galonnée ou un faux self-made man inculte fils à papa.

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Il sait parfaitement ce qu’il fait, il s’aperçoit que c’est condamné à l’échec et visiblement, derrière la désinvolture élégamment négligée de l’enfant de la gentry, on sent pointer un début de panique. Rester dans l’histoire, grâce au hard Brexit, comme le premier ministre qui aura réussi à réduire la taille du Royaume-Uni en provoquant l’unification de l’Irlande et l’indépendance de l’Ecosse, ça le rendra encore plus calamiteux que Cameron.

Effet de contraste

Alors me direz-vous, peut-être est-ce une illusion d’optique, en ce qui concerne Macron. Face à des Bolsonaro, des Trump, des Bojo, Macron n’a pas de mal à paraître brillant, aimable, calme et compétent. Sans doute. Mais malgré tout, dans un monde où des leaders populistes dirigent la première puissance du monde ou de grandes puissances régionales, Macron m’a, à vrai dire, rassuré par sa sérénité presque gaullienne. Il a tenu face à une rhétorique guerrière, face à la démagogie identitaire et face à la recherche systématique de boucs émissaires qui rendent le climat plus étouffant qu’une journée d’été où il fait nuit en plein jour à Sao Paulo, dans un monde où le souverainisme n’est plus le souverainisme mais une ruse du capitalisme pour enrichir encore plus les hyperbourgoisies locales. A croire que les présidents français, de toute nuance politique, sont touchés par la grâce dès qu’il s’agit de politique étrangère : de De Gaulle rompant avec l’Otan en passant par Chirac et le refus de la guerre en Irak. Même Hollande, c’est dire, a eu un véritable esprit de décision dans la question malienne.

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Il reste que Macron va devoir faire avec de très grosses contradictions. Déjà, Donald Tusk, le président du Conseil européen, l’a démenti à demi-mot à propos de l’abandon du Mercosur. Et sur le plan intérieur, la rentrée s’annonce particulièrement violente avec à nouveau des réformes (ah! l’emploi falsifié de ce mot), sur les retraites notamment, qui continuent à mettre le monde du travail aux normes libérales.

C’est bien dommage, d’ailleurs, un tel paradoxe chez Macron. Il se comporte chez lui en chef de bande, mais à l’extérieur devient chef d’état, et un chef d’état courageux.



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