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Non-assistance à police en danger


Non-assistance à police en danger
Manifestation "contre la haine antiflics". Paris, octobre 2016. Simon Guillemin/ Hans Lucas.
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Manifestation "contre la haine antiflics". Paris, octobre 2016. Simon Guillemin/ Hans Lucas.

Il est quand même étrange que le mouvement déclenché dans la police ait pu provoquer cette surprise apeurée. S’il y avait quelque chose de prévisible, c’était bien cette réaction d’exaspération d’un corps soumis à toutes sortes de pressions et qui mesure tous les jours qu’il n’a plus les moyens d’accomplir les missions qu’on exige de lui. Alors, bien évidemment ce mouvement d’humeur, qui n’est pas le prodrome d’un coup d’État fasciste, soyons sérieux, charrie beaucoup de choses.

Tout d’abord il n’est incontestablement pas homogène, même s’il n’y a aucune raison que l’influence du Front National n’y soit pas forte, comme dans le reste du pays où l’on n’est pas loin de voir un Français sur trois envisager de lui apporter sa voix. Il y a ensuite ce rapport très français à la police, où chaque couche sociale aspirant à l’hédonisme sécuritaire et comptant sur la police pour le lui assurer, est prompte, quand elle est confrontée à celle-ci, à faire sien le folklore anti-flics. Et dans la situation d’aujourd’hui, les fonctionnaires de police vivent de plus en plus mal leurs mises en cause systématiques, et la complaisance avec laquelle la bien-pensance médiatique les relaie. Alors, débarrassons-nous des fantasmes de 6 février 34 et des «no pasaran » de pacotille, et essayons de comprendre ce que raconte cet épisode, et pourquoi, aujourd’hui, l’institution chargée du sale boulot, le corps qui est par définition chargé de se taper le sale boulot se met à renâcler.[access capability= »lire_inedits »]

Quelques chiffres difficilement contestables. En 2015, policiers et gendarmes ont eu 1032 blessés par mois dans leurs rangs. Au premier semestre 2016, 6 753 blessés « en mission ou en service» pour la seule police, soit une augmentation de 14% par rapport à la même période en 2015. Bien sûr, toutes les blessures ne sont pas de même gravité, mais il est clair que les conditions de travail et d’intervention se sont considérablement dégradées, et que le sentiment de ne pas avoir les moyens d’accomplir leur mission est général. Et quand on parle des moyens, ce ne sont pas seulement les moyens matériels mais aussi ceux que confère la légitimité et l’autorité. Sur le front de la « petite délinquance » celle qui pourrit la vie des gens et nourrit le sentiment d’insécurité, mais aussi celui de l’intervention dans les « quartiers », les policiers se sentent abandonnés, mais également méprisés. Et de ce point de vue l’actuel pouvoir socialiste est complètement irresponsable. Quand Edwy Plenel dont la proximité avec les huiles de la police est notoire, anime une campagne à base d’affiches : « urgence la police assassine », le ministre de l’intérieur, face à l’insulte reste coi. Lorsqu’un avocat ami intime du Président poursuit d’une vindicte inlassable de jeunes policiers pour leur faire porter une responsabilité qui n’est pas la leur, n’hésitant pas à vilipender violemment la décision de justice qui a reconnu leur innocence, Madame Taubira, garde des sceaux reste muette. Et quand quatre fonctionnaires affectés à une mission de la plus haute importance qui consistait à surveiller une caméra de surveillance surveillant un carrefour(!), sont l’objet d’une tentative d’assassinat qui laisse deux d’entre eux très grièvement blessés et provoque une émotion considérable, il ne vient pas à l’esprit du Président de la République de reporter l’un des rendez-vous journalistiques qu’il affectionne tant pour se rendre à leur chevet à l’hôpital ! Rappelons aussi l’instrumentalisation, par leur commandement, des forces de l’ordre dans la répression des manifestations contre la loi El Khomry, avec l’objectif évident et cynique de déconsidérer le mouvement. Il y a enfin le mur d’incompréhension dressé entre police et justice, dont ni Christiane Taubira, ni Bernard Cazeneuve n’ont vraiment mesuré le caractère délétère.

En conséquent, il ne faut pas se demander pourquoi cette poussée de fièvre a lieu mais pourquoi elle n’a pas eu lieu plus tôt. La réponse tient à la concomitance entre ce mouvement et la constatation par un pays effaré de la réalité de l’exercice du pouvoir par François Hollande. Avec la publication de ses confidences  à Davet et Lhomme, le sentiment d’un affaiblissement de l’État s’est transformé en certitude. L’autorité et maintenant la légitimité du Président de la République mais aussi de tous ses ministres ont définitivement volé en éclats. Et cela, les policiers l’ont brutalement mesuré, assurés du fait qu’il n’était même plus question de rapport de force, puisque le pouvoir n’en avait aucune. L’épisode risible du communiqué du directeur général venant après l’utilisation par Bernard Cazeneuve du terme « sauvageons » pour les criminels de Viry-Châtillon a fini de leur démontrer. Jean-Marc Falcone l’a  en effet joué « jugulaire, jugulaire, silence dans les rangs » et annoncé l’ouverture de procédures disciplinaires. C’était précisément ce qu’il fallait faire pour étendre l’incendie à toute la prairie. Et la vieille ficelle des médias amis qui a consisté à hurler au danger fasciste est tombée complètement à plat. Le FN, qui ne doit d’ailleurs pas être le seul, essaie de tirer son épingle du jeu ? Sans blague. Sauf que Marine Le Pen n’a guère à se fatiguer pour préparer 2017.

La seule chose qui empêche que se noue une crise gravissime, c’est la perspective des élections présidentielles de 2017. En attendant, la France donne au monde l’image d’un étonnant foutoir : le terrorisme à l’affût, une police en rébellion, un état qui n’embraye plus, des ministres tout occupés à la succession, une droite engluée dans le piège de sa primaire, Jean-Luc Mélenchon engagé dans une lutte à mort avec ce qui reste du PCF. Autant dire qu’il n’y a plus dans l’avion de pilote, ni d’hôtesse, ni de steward, ni personne vers qui le peuple français puisse se tourner.

A moins que la situation soit plus périlleuse encore et que François Hollande, tel le pilote de la Germanwings, se soit enfermé dans le cockpit.

Fatale erreur, avant de l’envoyer battre Nicolas Sarkozy les Français ont oublié de vérifier s’il avait son brevet de pilote. Ou emmène-t-il l’avion ? Personne ne le sait vraiment, mais tout le monde espère que l’on parviendra à ouvrir la porte au mois de mai prochain, et que l’appareil ne sera pas trop abîmé.[/access]



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