Accueil Culture La guerre d’Ukraine en 16 millimètres

La guerre d’Ukraine en 16 millimètres

« Voyage au bord de la guerre », un documentaire d’Antonin Peretjatko, en salles aujourd’hui


La guerre d’Ukraine en 16 millimètres
© Leopard Films Distribution.

Peretjatko, avant de filmer l’Ukraine en guerre, commence par filmer la Russie en paix. Et avant de filmer la Russie en paix, il filme la petite caméra Bolex avec laquelle il a tourné, pour nous dire ceci, et c’est l’essentiel : le formatage d’un docu en 16mm n’est pas le même que celui d’un reportage effectué avec une caméra numérique. Peretjatko explique qu’il faut recharger la bobine de la Bolex, que la durée des prises est très limitée avec cet appareil, qu’on vous regarde comme un ovni vous servir encore d’un tel engin vintage… Bref, extrait de son lointain voyage d’avant-guerre en 2010 à bord du Transsibérien, le prologue baptisé « 5 minutes de Russie » n’a rien d’inconséquent. Car pour commencer, il installe la voix off d’Antonin Peretjatko, omniprésente dans l’heure qui suit : Andreï, l’ami du cinéaste, s’y fera le passeur du spectacle de l’Ukraine à l’orée de la guerre, en 2022, décrivant le contraste saisissant entre l’arrière et le front, montrant le calvaire intime de ces exilés de l’intérieur que sont les artistes… Une sorte de candeur bienveillante se dégage du propos, nimbé de motifs de Bach et de Beethoven, l’orgue et le piano s’offrant comme ponctuation d’un regard en rien assimilable à un reportage de guerre.

A lire aussi: Les plumes du paon

Le sens aigu du saugrenu, de la loufoquerie qui habitent de loin en loin les longs métrages de fiction d’Antonin Peretjatko – La Fille du 14 juillet (2013), La Loi de la jungle (2016), La Pièce rapportée (2020) – trouvent en quelque sorte ici leur contrepoint sur le mode mineur et le versant tragique, pour greffer sur le réel un grain doublement anachronique : celui d’une pellicule hors saison ; celui du commentaire rétrospectif sur ces périples effectués à neuf mois de distance l’un de l’autre, voici trois ans déjà. Godardien, dirait-on, par sa facture délibérément atypique, est ce voyage si intensément vécu, et qui jette par-dessus bords tous les attendus du genre.


Voyage au bord de la guerre. Documentaire d’Antonin Peretjatko. France, Ukraine, couleur, 2024. Durée : 1h02. En salles le 18 juin 2025.




Article précédent La reconnaissance prématurée d’un État palestinien: un risque pour la paix et la stabilité
Article suivant Iran: face aux mollahs, cette France qui se débine

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération