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Supprimer les vols courts : un drame socio-économique pour des résultats climatiques dérisoires

Greenpeace et le puissant lobby vert exigent que l'État empêche le redécollage des vols courts après la pandémie, une mesure aussi coûteuse qu'inutile


Supprimer les vols courts : un drame socio-économique pour des résultats climatiques dérisoires
Paulo Amorim/Sipa USA/SIPA SIPAUSA30194096_000003

Un rapport publié par Greenpeace prétend que, pour sauver la planète, il faut que l’État s’attaque au secteur aérien en empêchant la reprise des vols courts après la fin de la pandémie. En réalité, cette mesure ne représente rien de moins que le sabordement de tout le secteur.


Préoccupée par l’évolution du climat de notre planète, la puissance publique est sommée de faire la chasse aux combustions contribuant à un réchauffement. Une promesse devrait ainsi être tenue de ne pas laisser l’atmosphère se réchauffer au-delà d’une limite de 2,0 °C fixée dans l’accord de Paris, rabaissée à 1,5 °C selon les injonctions d’experts intergouvernementaux. Pour y parvenir, toutes les pistes sont explorées, y compris les plus dangereuses.

Un secteur aéronautique de plus en plus vertueux

C’est ainsi que, dans un communiqué du 21 janvier, le puissant lobby vert exige par le truchement de Greenpeace France que les avions ne redécollent plus, après avoir été cloués au sol depuis bientôt un an. Un rapport de 26 pages y est consacré. La contribution carbonée de l’aviation est, pour un tiers chacun, faite par les courts, moyens et longs courriers[i]. Ce ne sont pourtant que les vols courts qui sont visés car il serait impopulaire de remettre le trafic des Outre-mer sur des caboteurs et difficile de s’attaquer d’emblée aux vols internationaux et intercontinentaux. Selon Greenpeace, les projets d’extension d’aéroports devraient aussi être abandonnés. Par sa singularité technologique, l’aviation est une cible idéale bien qu’elle ne soit à l’origine que de 2,4 % des émissions carbonées mondiales[ii] – environ sept fois moins que le transport routier et du même ordre de grandeur que le transport maritime. Se posant en leader de la société civile, le lobby écologiste ne manque pas de tomber dans le populisme pour obtenir un impact climatique anecdotique et dérisoire.

Aucune amélioration technique ne sera suffisante ; c’est de suppression dont il doit s’agir

Comme tous les autres, le secteur aérien porterait une responsabilité climatique, mais dans son cas, c’est son sabordement qui est exigé. Les progrès techniques réalisés n’ont pas d’importance, comme par exemple la division par sept des émissions de CO2 par passager-kilomètre au cours des cinquante dernières années. Améliorer encore les moteurs et les aéronefs, guider plus précisément les avions pour écourter leurs trajets, utiliser des carburants non issus de fossiles : aucune perspective de continuer sur cette pente vertueuse n’est du goût des censeurs écologistes puisqu’il en résulte un trafic plus intense pour de plus en plus de gens qui se permettent de voyager, de plus en plus fréquemment et plus loin. Aucune amélioration technique ne sera suffisante ; c’est de suppression dont il doit s’agir, celle des vols courts permettant de mettre le pied dans une porte qui ne se refermera pas de sitôt.

Il n’est pas non plus important que 350 000 personnes travaillent directement ou indirectement dans ce secteur car elles participent à un système de dégradation qu’il faut réduire drastiquement afin de sauver la planète ; n’est-ce pas là un sacrifice nécessaire ? Particulièrement concentrée dans le sud-ouest, fleuron technologique et industriel représentant une filière de 90 000 personnes, l’industrie aéronautique doit donc se réformer, avant tout en fermant ses carnets de commandes.

L’avion, droit fondamental à l’évasion

Depuis quelques décennies, les voyages aériens ne sont plus réservés à une élite et sont consommés par un très grand nombre de Français. Que ce soit pour des déplacements professionnels ou d’agrément, c’est une formidable ouverture au monde appréciée et recherchée par chacun, tous les sondages l’indiquent. Mais le voyage n’est pas qu’un déplacement, c’est aussi un rapprochement entre les gens qui leur fait appréhender les similitudes de sentiments tout comme les différences de modes de vie et de cultures tout autour du monde. Voler fait aussi rêver, même beaucoup de frequent flyers qu’on pourrait croire blasés. Dès que ce sera de nouveau possible, qui ne mettra pas un voyage en avion ou plusieurs en tête de sa liste ? Quoi qu’on en pense, le tourisme de masse est aussi une manifestation de cette envie car parmi les droits fondamentaux des personnes, la liberté de mouvement est l’une des plus chères, au double sens de ce mot depuis bientôt une année.

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Selon Greenpeace et ses compagnons de route ce serait maintenant le rôle de l’État de poser une main encore plus ferme sur le secteur aérien pour l’empêcher de se développer. Est-ce la mission d’un État que de décider de la vertu d’une activité humaine et de la conformité des comportements des voyageurs alors que c’est aux clients de le faire ? Est-ce son rôle de sabrer la liberté de se déplacer à leur guise de personnes ne présentant aucun caractère criminel ?

Prétendue aberration ‘écologique’, les vols intérieurs devraient donc disparaître, au nom d’un bien collectif supérieur dont l’écologisme militant serait le gardien. Ce sont de telles certitudes dont il faut douter.

[i] Brandon Graver, Kevin Zhang, and Dan Rutherford, ‘CO2 Emissions from Commercial Aviation, 2018’, International Council on Clean Transportation, 2019, September, 2019, 13.

[ii] D. S. Lee and others, ‘The Contribution of Global Aviation to Anthropogenic Climate Forcing for 2000 to 2018’, Atmospheric Environment, 244.February 2020 (2021) <https://doi.org/10.1016/j.atmosenv.2020.117834>.



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Ingénieur chimiste, diplômé de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, il est auteur du blog https://blog.mr-int.ch/ et de l’ouvrage "Réarmer la Raison"

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