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Stade de (non)-France: notre fierté nationale outragée

France, où es-tu ?


Stade de (non)-France: notre fierté nationale outragée
Saint-Denis, 28 mai 2022 © Christophe Ena/AP/SIPA

France, où es-tu ? Ce qui s’est passé dans la soirée du 28 mai au Stade de France et surtout dans ses abords, à l’occasion du match Real Madrid contre Liverpool, n’est pas loin d’une honte absolue même si une triste réalité quasiment quotidienne, à Paris ou ailleurs, nous conduit à relativiser ce constat extrême. Offensant la fierté des Français comme elle a dégradé l’image de la France en Europe.

Étrangement, Emmanuel Macron se tait et ne tweete même pas contrairement à son habitude, comme s’il n’y avait que la belle victoire de La Rochelle qui méritait une réaction de sa part !

Dans un excellent édito, ce 30 mai, Pascal Praud a dénoncé une « pauvre France » dans un mélange d’indignation et de dérision (vidéo ci-dessous). D’une certaine manière, il admettait que la France constituait encore une identité que sa faiblesse et ses errements mettaient à mal.

Pour ma part, je me demande si la France telle que nous la voulons et la rêvons existe toujours. Si à force de contredire ce qu’on attend et qu’on espère d’elle, elle n’a pas disparu dans une sorte de brouillard qui laisse le citoyen au mieux stupéfait, au pire catastrophé.

Il n’y a pas besoin d’être le général de Gaulle pour que nous ayons le droit, chacun de nous, d’avoir notre idée de la France.

Je n’ai jamais pu m’empêcher de l’imaginer libre, responsable, courageuse, conciliant l’autorité nécessaire avec le souci prioritaire de la majorité des honnêtes gens, orgueilleuse, consciente de ses devoirs envers tous ses concitoyens, jamais en retard d’une protection, humaniste mais sans naïveté.

Pour le désastre du 29 mai, on pourrait multiplier « défaillances en chaîne » qui, toutes ensemble, ont permis cet opprobre national et abîmé la réputation de notre nation au regard de l’organisation impeccable qu’on attend d’elle dans le futur, pour le rugby comme pour les Jeux olympiques.

Le président de la République, Saint-Pétersbourg ayant été ostracisé, avait fait peser son influence pour que la France accueille cette finale de la Coupe d’Europe dans un délai très bref de trois mois, alors qu’en général il faut au moins un an, voire davantage, pour préparer une telle manifestation. Il est clair que personne n’a été à la hauteur et, bien évidemment, que personne ne sera sanctionné.

Une commission d’enquête parlementaire sera sans doute mise en place, elle prendra du temps, elle dégagera des responsabilités mais je fais le pari que tout s’arrêtera là. Comme d’habitude. Parce que les commissions ne sont pas instituées pour formuler des mises en cause mais pour faire oublier que dans l’immédiateté, aucune démission n’aura été demandée, préfet de police en place, ministres contents d’eux comme s’ils n’étaient concernés par rien, faux billets ou fraudeurs, tout a été perpétré en Angleterre, les coupables sont là-bas… La France est sauve, chez nous l’incurie est patriotique et l’impuissance nationale. Les voyous qui sont venus en razzia, eux, étaient bien de chez nous, ils ont détroussé, volé, agressé les supporteurs anglais mais il paraît que le ministre Darmanin a son plan : on ne les verra plus lors de la coupe du monde du rugby !

Je ne suis pas de ceux qui crient « immigration » comme la cause de tous nos maux, comme chez Molière on invoquait le « poumon ». Tout ce qui a été commis dans la soirée du 29 mai n’a été que le paroxysme, la lamentable synthèse de ce qu’on peut constater ailleurs, par exemple à Saint-Etienne le 30 mai. Rien ne m’étonne plus des fiascos français puisque chaque jour on les subit. L’insécurité augmente de manière effrayante sur tout le territoire, pas seulement à Paris, mais pourquoi s’en émouvoir puisqu’il serait indécent de réclamer le départ de tous ceux qui ont participé au processus de cette honte, de cette soirée prévue pour être festive et devenue le symbole d’un pays qui ne se respecte plus.

Pourquoi ce pouvoir pousserait-il le masochisme jusqu’à s’accabler lui-même puisqu’en toute logique, il devrait tirer les conséquences de son amateurisme, de son impuissance, de cette manie qu’il a de faire porter sur l’étranger, sur les opposants, sur les faibles et les modestes la charge de ses errements ? Faute d’avoir le courage de s’incriminer, il se rengorge.

France, où es-tu ? Cette question n’est pas vaine. Je ne peux pas croire que la France se trouve mêlée à ce délitement, à cette médiocrité. Quand jour après jour le pire ici ou là surgit, qu’il multiplie ses poisons, qu’il blesse et tue, qu’il fait honte aux Français, qu’on est moqué par d’autres pays, la France, ce miracle qui a tenu, a résisté et a brillé, ne peut qu’être absente.

Ne m’appelez plus France pour l’instant.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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