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Une rue Al-Baghdadi à Riyad


Une rue Al-Baghdadi à Riyad
Pique nique à Riyad, en 2017. Le prince heritier Mohammed Bin Salman a lancé un ambitieux plan de transformation du royaume, baptise 'Vision 2030', pour sortir du tout pétrole. © ERIC DESSONS/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00797333_000079

Le refus des autorités de renommer une artère baptisée Al-Baghdadi à Riyad fait polémique. On peut y voir l’illustration des difficultés du royaume à se départir d’une influence islamiste délétère qui finit par lui causer du tort.


Décidément, les noms de rue peuvent devenir gênants. C’est le cas jusqu’en Arabie saoudite où une artère baptisée Al-Baghdadi fait polémique : depuis quatre ans, une rue dans un quartier de Riyad porte le même nom que le « calife » de l’Etat islamique. Les riverains essaient depuis lors de faire rebaptiser la rue au nom sulfureux mais le gouvernement saoudien refuse obstinément. Prétexte de son inertie, il s’agit d’un autre Al-Baghdadi, un grand penseur musulman du Moyen-Age. Effectivement, des Al-Baghdadi, il y en a eu pléthore pendant l’âge d’or de l’islam, ce nom désignant celui qui vient de Bagdad ! Mais cet hommage rendu au moment même où son homonyme, à la tête de l’État Islamique, mettait à feu et à sang la Syrie et l’Irak et semait la terreur dans le monde, était une drôle de coïncidence.

Où va l’Arabie saoudite?

La toponymie du quartier Al-Hourouj n’a pas empêché l’Arabie Saoudite de se féliciter de la mort d’Abou Bakr Al-Baghdadi en octobre 2019… Riyad a  alors salué l’élimination du chef djihadiste qui avait, selon ses propres morts, « défiguré le vrai islam »

Pourquoi cette histoire somme toute dérisoire mérite notre attention ? C’est bien évidement le contexte, la grande histoire, qui donne tout son sens à l’anecdote. Où va l’Arabie saoudite ? De toute évidence, « l’Agenda 2030 », censé révolutionner le pays et apporter un vent de modernité libérale à une société cadenassée, bat de l’aile depuis son lancement. Après le déclenchement du blocus contre le Qatar en 2017, le psychodrame de la « démission » du Premier ministre libanais Saad Hariri, l’assassinat du journaliste d’opposition Jamel Khashoggi, la guerre au Yémen et les purges au sein même du royaume, le prince héritier Mohamed Ben Salmane inquiète. Est-il capable de diriger l’un des pays les plus importants de la région ? Que compte-t-il faire de l’alliance entre les fondateurs de sa dynastie et le clergé wahhabite, l’un des deux piliers – avec l’alliance avec les États-Unis scellé en 1945 à bord du Quincy – du trône et du pouvoir des Saoud ?

Embarrassante influence

Montrant du doigt l’Iran, accusant le Qatar, ravageant le Yémen, Mohamed Ben Salmane ne semble pas avoir totalement renoncé au rôle plus traditionnel du royaume : promouvoir un islam arriéré, source importante du mal qui ronge depuis plusieurs décennies le monde arabo-musulman ainsi que de nombreuses communautés musulmanes en Occident.

La campagne idéologique lancée par Riyad pour contrer la révolution islamique iranienne en 1979 n’est décidément pas finie. L’Arabie saoudite elle-même en souffre. Cette petite histoire toute en ambiguïtés en témoigne.

Gratte-ciel fr Riyad, Arabie Saoudite. Photo: Unsplash
Gratte-ciel de Riyad, Arabie Saoudite. Photo: Unsplash



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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