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J’ai un trou dans mon Panthéon

LGBT: bas les pattes sur Verlaine et Rimbaud!


J’ai un trou dans mon Panthéon
David Thewlis interprète Paul Verlaine, et Leonardo DiCaprio Arthur Rimbaud dans le film "Rimbaud Verlaine" de Agnieszka Holland (1995) © RONALDGRANT/MARY EVANS/SIPA Numéro de reportage: 51431405_000017

Vouloir faire rentrer au Panthéon Verlaine et Rimbaud relève du contresens le plus total.


Les saisons en enfer sont pavées de confusions… Rimbaud, dont l’auberge était à la grande ourse, va-t-il enfin déménager au Panthéon pour un caveau familial avec son (ex) ami Verlaine ? C’est l’idée farfelue de pétitionnaires – académiciens et anciens ministres de leur état. Animée de nobles sentiments, comme celui de faire entrer l’homosexualité au Panthéon, la pétition reste assez approximative en histoire littéraire. Concernant les deux auteurs certains faits furent si connus, que nous avons un peu honte de devoir les rappeler aujourd’hui.

Rimbaud, écrivain national ? 

Les pétitionnaires l’ignorent mais ils représentent tout ce qu’Arthur Rimbaud avait cherché à fuir. Précocement, le jeune poète abandonne l’écriture en 1875. Il a alors 20 ans. En société, ses manières choquent ; au point de lui aliéner les soutiens qui auraient pu faire sa gloire. Déjà, pour réussir dans les lettres, le talent paie moins que la complaisance ; et le dire à cette faune de mauvais poètes vous attire assez rarement leurs faveurs. Rimbaud les méprisait sans trop de précautions et les a congédiés aussitôt terminée sa recréation du monde. 

On ne se souvient pas non plus que le jeune homme ait manifesté un intérêt immodéré pour les célébrations et affinités officielles. Il en est peu qu’il ait épargné : patrie, Église, routine, famille, épargne, honneur, propriété… Ses chants rebelles nous ont fait de beaux morceaux littéraires. Pour certains, écrits à 17 ans, ils ne sont, de l’aveu même de l’auteur, pas toujours sérieux. Mais à la fois valorisants et faciles d’accès, ils séduisent toujours car ils servent de particule littéraire à toute adolescence voulant s’ennoblir en faisant valoir son subjectivisme intégral de dandy.

De manière plus sincère, ils peuvent initier la jeunesse au goût précoce pour des mots ; du moins avant que notre culture cesse d’être littéraire, que le chanteur ne remplace le poète et Bob Dylan Pablo Neruda au prix Nobel. Et depuis déjà un moment, le fétiche des immatures, des jeunes snobs et des étudiants en lettres cherchant à paraître n’est plus Rimbaud mais… Serge Gainsbourg.  

Rimbaud et Verlaine icônes LGBT ? 

Erreur d’ailleurs de son collègue Brassens quand il écrivait : « Le crime pédérastique ne paie plus ». Il est aujourd’hui célébré. Que sait-on de l’homosexualité des deux poètes ? Assurément, Verlaine était fou de Rimbaud – et littéralement, jusqu’à lui tirer dessus dans un accès de démence. Lequel se plaisait à lutiner avec son amant et à torturer son malheureux esprit. La sincérité de leur relation – comme de l’intérêt de Rimbaud pour les hommes – peut être mise en doute…

Une chose est toutefois certaine, Rimbaud n’aimait pas beaucoup les femmes. Dans ses écrits, ce sont au mieux de sympathiques connes. La pauvre Ophélie du poème éponyme est crédule et voluptueuse. La fille du cabaret vert a « des tétons énormes ». La femme n’est qu’un corps. Elle peut plaire, sans qu’on puisse vraiment l’aimer. Ce sexe lui rappelle sa mère: souvenir du conformisme étouffant et de la ville de Charleville qu’il exècre. 

Rimbaud s’estime un peu plus lui-même que le beau sexe. Aussi, il cherche un esprit à sa mesure. Au XIXe, les femmes-auteures étaient encore rares…  Il lui reste Verlaine. L’a-t-il aimé ? Rien n’est moins sûr. Était-il homosexuel ? D’un genre particulier – et particulièrement misogyne – qui n’est pas le type même de figure LGBT que l’on cherche à célébrer. Et il est douteux que Rimbaud ait manifesté de l’intérêt pour un vice s’il avait fait l’objet de cette célébration. Les deux amants ont d’ailleurs rapidement rompu leur relation névrotique. Et en toute sincérité, Verlaine est retourné à la foi chrétienne pour s’en guérir. 

En 2013, Najat Vallaud-Belkacem regrettait que les manuels scolaires n’insistent pas assez « sur l’identité LGBT des auteurs en classe de français ». La patrimonialisation du couple Rimbaud et Verlaine rendrait justice à ce projet ; à défaut d’honorer les personnes, leur œuvre ou simplement l’intelligence. À l’entrée du Panthéon, une notice explicative viendra-t-elle préciser la nature misogyne de l’homosexualité rimbaldienne ou celle, pénitentielle et repentie de Verlaine ? 

Sans fermer notre esprit aux évolutions sociétales, on peut trouver regrettable cette méconnaissance de faits si importants d’histoire littéraire, comme leur affadissement. Et si, plutôt que de faire des icônes à partir de n’importe quoi, nous laissions un peu Rimbaud et Verlaine reposer – et forniquer – en paix ?



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