Le déraciné


Le déraciné

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Renaud Santa Maria, littérateur éclectique, auteur de nouvelles et poésies, plume de Gaspard Proust à ses heures perdues, nous livre son second roman : Le malheur sera ta chance. Dans les flots de la rentrée littéraire, ce livre au ton intime et parfois lyrique dévoile la vie d’un homme entre deux rives.

Chaque jour que Dieu essaie de faire, Augustin se rend au cimetière du Père-Lachaise, sur la tombe de Palma. Le 9 Septembre, elle l’a quitté, elle qui l’a construit, elle qui l’a porté, elle qui lui a donné son nom. Dès le début, l’œuvre revêt une dimension autofictionnelle puisque la mère récemment défunte de l’auteur s’appelle Palma Santa Maria. La mère-modèle du héros, le laisse, orphelin, face à ses responsabilités d’adulte. Mais l’écrivain se sert de cette histoire pour écrire une parabole à portée universelle.

Si le style est parfois légèrement filandreux, il sert un récit initiatique d’une construction intelligente et d’un classicisme trompeur. Plus centré sur l’introspection et le ressassement du souvenir, le roman nous raconte l’aventure du deuil. Deuil de la mère mais aussi de la foi, évaporée avec cette figure tutélaire. Perdu dans le monde moderne, Augustin est dans l’attente d’un signe divin pour continuer une vie suivant son cours sans le moindre repère. C’est à travers ce récit ordinaire que Renaud Santa Maria éclaire sous un nouveau jour l’aventure contemporaine.

Du cimetière du Père-Lachaise à Bruxelles, l’homme apprend progressivement à se détacher du souvenir pour pouvoir enfin se libérer du passé et embrasser le futur. Se plaçant sous le patronage de Rimbaud, qui, lui aussi, entretenait une relation fusionnelle avec sa mère, il revisite les lieux où celui-ci se fit tirer dessus par son amant et ami Paul Verlaine. La liberté du poète contraste pourtant avec la lourdeur des pas du héros.

Dans sa quête de sens, le personnage principal se pose une question universelle : « Quel est le sens de la vie quand la personne qui nous a construit disparaît »? Sorte de déraciné, il ne voit plus l’utilité de parler ni de vivre. Pourtant, par le dialogue avec ses amis et ceux qui ont connu sa mère, il apprend à grandir.

Pour grandir, Augustin doit réapprendre le rapport à l’autre. Aveuglé par le lien qui le relie toujours à sa mère, il en vient à perdre tout contact avec les vivants. C’est donc en faisant le deuil qu’il réapprend à se lier aux autres et à aimer. Et à aller de nouveau de l’avant en dépassant sa révolte.

Ode à la liberté, mais aussi à la nécessité du souvenir, le roman questionne la foi. Adolescent porté mais aussi freiné dans sa croissance par l’omniprésence de sa mère, Augustin survit en s’appuyant sur l’héritage spirituel et mystique de celle qui l’a formé. La foi était pour elle le phare immatériel d’une époque qui se noie dans le vide. Le roman prend en définitive la forme d’une réconciliation avec Dieu. En acceptant la mort, le jeune homme redécouvre la vie. Prêt à repartir de plus belle, le héros ne ressort pas neuf cette aventure mais grandi, car l’épreuve, dit-il est formatrice: « Les grandes victoires ne sont rien d’autre que de grands obstacles surmontés. »

Le malheur sera ta chance, Renaud Santa Maria, Belfond.

Le Malheur sera ta chance

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*Photo: wikimedia.



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