Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…
Une personne proche de ma Sauvageonne nous a invités, il y a peu, au concert qu’a donné l’Orchestre universitaire de Picardie, à l’occasion de son quarantième anniversaire sur la place Gambetta, à Amiens. Il y avait beaucoup de monde ; des gens avaient sorti les transats, les sièges ; d’autres étaient assis dans l’herbe urbaine produite par notre grasse terre picarde. La personne proche avait réservé une table entière, Au Forum, l’un des bars les plus connus de l’endroit. C’était le soir ; la canicule avait baissé d’un ton son assommant caquet. Nous étions bien. Avant que le concert ne commençât, mon attention fut attirée par un pigeon qui s’était posé sur le gazon à quelques mètres de notre table ; la pauvre bestiole n’avait qu’une patte. Accident ? Malformation ? Je n’eus pas la présence d’esprit de lui poser la question. Ma Sauvageonne l’observa aussi, encore plus attendrie que moi. « Tu penses que ça l’empêche de voler ? » lui demandai-je, plus idiot qu’à mon habitude. Sa réponse ne se fit pas attendre : « Il ne vole pas avec ses pattes, mais avec ses ailes, Vieux Yak », sourit-elle, surprise par tant de bêtise de ma part. L’oiseau continuait de nous observer avec ses petits yeux sombres qui me faisaient penser à ceux de Daniel Auteuil. M’avait-il entendu ? M’avait-il compris ? Il prit soudain son envol comme pour me rassurer. Ce fut à ce moment-là que le concert commença. Il y avait longtemps que je n’avais pas assisté au concert d’un grand orchestre, moi qui suis plus habitué aux riffs du bon vieux rock’n’roll. Je ne fus pas déçu. Nappes liquides de violons, cuivres rougeoyants… avec sa baguette, le chef semblait écrire sur le tableau sombre du ciel des paroles sur la délicieuse musique qui – au début tout au moins – n’en possédait pourtant point. La formation universitaire interpréta notamment la « Valse des Fleurs », de Piotr Ilitch Tchaïkovski, « Sicilienne », de Gabriel Fauré, « Uptown Funk », de Bruno Mars et Mark Ronson. On nous donna également à entendre « September », de Earth Wind & Fire, et le sublime « Summertime », de George Gershwin, sans oublier « Shéhérazade IV », de Nikolaï Rimski-Korsakov. Il y en avait donc pour tous les goûts. En quittant les lieux, je ne cessais de penser au pigeon à une patte. Accident ? Malformation ? Je regrettai déjà de ne pas lui avoir posé la question.
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