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Suppression des cycles à l’école: je suis pour

La tribune d'un directeur d'école


Suppression des cycles à l’école: je suis pour
Le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal au palais de l'Elysée, 11 octobre 2023 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Gabriel Attal envisage la suppression des cycles à l’école, et de consulter les enseignants dans les prochains mois pour cela, afin de se décider au début de l’année 2024. Quatre « cycles pédagogiques », de la maternelle à la fin du collège, sont actuellement en place. Il faut effectivement un bouleversement profond à l’Éducation nationale, et stopper les formules lénifiantes et faciles qui mènent tout le monde à l’échec (école inclusive, cycles, disparition du redoublement…).


Dans le marasme actuel de l’Éducation nationale, nous pouvons tenter de retenir quelques étapes fondamentales qui l’y ont conduit. Déjà, la loi Haby de 1975 avec l’instauration du collège unique jetait les bases de l’égalité des résultats, et non des chances, qui est un non-sens éducatif, chacun sait bien que nous sommes tous différents avec d’inégales capacités selon les domaines. Ainsi, les prémices du nivellement par le bas voyaient le jour, nous en vivons actuellement les conséquences nuisibles à toute instruction et l’absolue nécessité de changer ce système.

1989, la bascule

Trente années plus tard, nous pouvons noter l’influence de la loi de 2005 en rapport avec la scolarisation des élèves en situation de handicap sur l’école en France. À vouloir l’égalité à tout prix, l’inclusion de tous les enfants que les parents sont légalement légitimes à exiger, nous avons collectivement créé d’innombrables situations ingérables. Si beaucoup d’élèves concernés ont complètement leur place dans une classe, il en va autrement pour de nombreux enfants. Et le législateur, main dans la main avec les tenants de l’idéologie progressiste bien-pensante, s’est acheté une bonne conscience à bas coût. Car pour réussir une inclusion, quelle qu’elle soit, il faut s’en donner les moyens matériel et humain. Là, l’école est le réceptacle de toutes les demandes – pour ne pas dire exigences – des uns et des autres, les classes devenant le lieu privilégié de la gestion des différences, des conflits, des situations de soins non donnés et pourtant nécessaires… bref de tout, sauf de l’instruction !

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À mesure que mon expérience avance, je prends le temps de la réflexion et de l’analyse, je pense de plus en plus que la loi qui a vraiment tué notre école se situe juste entre les deux lois déjà évoquées : la loi d’orientation de 1989. Là, tout le système actuel qui s’écroule sous nos yeux (et sous son poids ?) a vu le jour, avec une volonté politique affichée de mettre l’égalitarisme au premier plan, et sans doute une volonté masquée, voire impensée, de niveler les conséquences de ces bouleversements profonds dont on ne pouvait pas ignorer l’issue : la fin de la transmission par les enseignants des connaissances nécessaires à la bonne instruction de la génération suivante.

Mesures scélérates

Si cette loi est globale, nous pouvons extraire deux mesures qui travaillent encore l’école tant elles ont été nuisibles à l’essence même de la notion d’école à travers l’apprentissage. Déjà, la direction d’école a été amputée, pour ne pas dire décapitée, avec l’abolition du statut du maître-directeur, et l’instauration de l’ineptie de la direction d’école par un maître « comme les autres » qui assure en plus de la charge partielle d’enseignement celle du management de l’école. Et je suis bien placé pour savoir que cela est impossible, idiot et contre-productif. Totalement déchargé de classe, plus aucune de mes actions professionnelles ne relève de mon métier d’enseignant. Ensuite, comment être « comme les autres » et gérer une équipe de plus en plus lourde, de plus en plus exigeante, composée de personnes de plus en plus individualistes, donc de moins en moins enclines à travailler en équipe. En coupant la tête de l’école, on affichait sournoisement sa volonté de pouvoir diriger politiquement toutes les écoles, en rendant possible l’interchangeabilité des enseignants, ceux qui plaisent deviendront directeurs que l’on espérera bien dociles…

Deuxième mesure scélérate pour masquer la baisse (voulue) de niveau, l’instauration des cycles à l’école. Et là, tout le monde en prend pour son grade. Parents, professeurs, élèves, tour à tour, chacun s’y perd, personne ne s’y retrouve et tout le monde tourne en rond ! Parce que le corollaire des cycles est bien la chute drastique du nombre de redoublements, que l’on a même interdits pendant plusieurs années, et un temps dénommé pudiquement « maintien », puisque les élèves ont la durée du cycle pour acquérir, non plus les savoirs, mais les compétences de fin de cycle.

Tambouille pédagogiste

Cette organisation implique un travail en équipe et une répartition de certains élèves dans des classes de niveau différent pour qu’ils puissent travailler en fonction de l’avancée de leurs compétences. Cela est très compliqué à mettre en place à grande échelle, et le plus souvent ce sont les maîtresses et les maîtres qui à force de travail et d’ingéniosité proposent dans leur classe des activités différentes adaptées aux difficultés de plusieurs groupes d’élèves. Parfois, c’est un véritable casse-tête qui bien sûr ne s’effectue pas au détriment des bons éléments, tout au moins officiellement. Les enseignants sont supposés en mesure d’élaborer une progressivité des apprentissages en fonction de la diversité des élèves présents dans leur classe, et tout cela sans que le moindre problème ne soit posé clairement. Bien sûr ils doivent tous finir par avoir les compétences requises, cela s’appelle la différenciation pédagogique, et c’est magnifique. Pour la recette, veuillez patienter quelques temps, elle est en préparation à Poudlard !

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Les cycles sont là à cet effet, voyons ! Mais le niveau d’ensemble ne cesse de chuter, et on en cherche encore les raisons… Voilà un enfant qui ne sait pas lire au CP, ce n’est pas grave, il apprendra en CE1, nous verrons bien où il en sera à la fin du cycle 2. À l’époque, ce cycle courrait de la Grande Section de maternelle au CE1, donc trois ans. Mais les élèves, toujours aussi peu enclins aux apprentissages scolaires, de plus en plus inaptes à l’activité studieuse prolongée, le niveau en fin de CE1 n’étant pas brillant, on a changé les cycles. Sous couvert de liaison avec le collège, inexistante dans l’immense majorité des cas, et souhaitée par personne, on a fait terminer le cycle 2 en CE2, pour permettre au cycle 3 de s’étaler du CM1 à la sixième. La maternelle composant les trois années du cycle 1. Le cycle 4 termine la scolarité au collège de la cinquième à la troisième. Ainsi de changement en changement, on a non seulement abaissé sournoisement les attendus des élèves et les exigences des maîtres, mais on a en plus allongé la durée de la scolarité pour que les élèves acquièrent ce piètre bagage. Fromage et dessert ! Et on s’étonne que tout le monde s’endorme, repus de toute cette tambouille politicienne et pédagogiste qui ne donne plus que des miettes à apprendre aux élèves. Une volonté égalitariste pour conduire la population à l’ignorance, très féconde en obéissance passive…

Supprimer les cycles n’est qu’un début

Alors évidemment je suis pour la suppression des cycles à l’école, mais cela n’aura aucun effet tangible si nous ne prenons pas d’autres mesures d’ampleur pour accompagner ce changement.

Il faut un bouleversement profond à l’Éducation nationale et stopper les formules lénifiantes et faciles qui mènent tout le monde à l’échec, adultes comme élèves. Fin du travail par compétences. Retour de l’évaluation chiffrée (notes) par le contrôle régulier des connaissances. Mise en place d’un examen de fin d’année : en cas d’échec notable ajouté à une mauvaise année scolaire, cela signifierait un redoublement quasiment systématisé. Mise en place de classes de soutien en lieu et place d’un second redoublement qui serait totalement inutile et contre-productif. Création d’une vraie orientation dès la fin du CM2 avec plusieurs possibilités en fonction des capacités des élèves, et non seulement 6ème classique ou orientation en SEGPA, comme c’est le cas actuellement (je ne parle pas des ULIS qui concernent le champ du handicap).

Voilà quelques-unes des mesures d’urgence à penser concrètement pour accompagner la fin des cycles et espérons-le, le début du relèvement du niveau.

Je conclus par le nécessaire retour du sens de la présence à l’école des enfants, à savoir être élèves, donc entrer dans l’école pour apprendre. Afin de concrétiser ce passage de l’enfant à l’élève, je suis très clairement favorable au port de la blouse à l’école et de l’uniforme au collège. Cela ne sera pas magique, mais cela aura le mérite d’être clair pour tous, parents compris. L’école doit redevenir le lieu du savoir et de sa transmission par le maître !

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Médiateur prévention violence. Ancien directeur d'école élémentaire, auteur de "Dans l'entre-moi - Le tourbillon de la vie", publié aux éditions Baudelaire

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