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Des chiffres et des lettres

L’École Alsacienne (Paris 6e) est l’objet de tous les fantasmes. Est-elle vraiment inaccessible? Pouvez-vous y scolariser vos rejetons? Enquête


Des chiffres et des lettres
D.R.

Notre gentil et empathique ministre de l’Éducation nous vient de l’École Alsacienne. Les enfants de son prédécesseur y sont scolarisés. La (un peu) moins gentille et (un peu) moins empathique ex-ministre de la Santé y a fait ses classes. Stanislas Guérini, Juan Branco, Thierry Breton, Guillaume Pepy, Benjamin Castaldi, Carlos, Thomas Dutronc, Joyce Jonathan, Izia Higelin, Nathalie Baye aussi. Notre chroniqueuse s’est penchée sur ce dossier scolaire.


Une école d’exception

Créé en 1874 par des « réfugiés » alsaciens protestants, ne trouvant pas sur leur terre d’accueil d’institutions éducatives à leur convenance, cet établissement privé laïque sous contrat d’association avec l’État propose aux mini-Germanopratins un cursus allant de la maternelle (jardin d’enfants dans le texte) à la terminale. Et, sans conteste, pour les enseignants, les parents et bien sûr les élèves, c’est une pépite, un modèle, une exception.  Pas de harcèlement, pas de phobie scolaires. Pas de notes chiffrées jusqu’à la fin du collège, pas de moyenne générale au lycée. Pas de rivalités à la noix. Du sport, de la musique, des beaux-arts. De l’épanouissement personnel. Du plaisir d’apprendre et d’aller à l’école. Des beaux locaux, bien clos. Des professeurs compétents, impliqués, jamais menacés. De l’ordre, de la discipline. De la bienveillance, beaucoup de bienveillance. Tous les parents en rêvent, l’École Alsacienne le fait.

Une sélection qui ne dit pas son nom

Forcément, un tel bonheur n’est pas donné à tout le monde. Tout d’abord, il faut « respecter la carte scolaire » et être du « quartier ». Quartier multiculturel où vivent ensemble et avec beaucoup de tolérance : avocats (de renom), acteurs (engagés), médecins (spécialisés), écrivains (à succès), patrons (plus des grands que des petits) et aussi producteurs, architectes, journalistes, éditeurs, élus du peuple, professeurs d’université. Mixité scolaire donc pour ce petit monde bigarré mais bien installé. Prix moyen du m2 : 15 145 € et jusqu’à 21 860 € selon l’adresse.

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Ensuite, priorité (de fait mais pas revendiquée) aux membres de « la famille ». Ainsi, 67% des 1.800 élèves ont au moins un frère ou une sœur dans la place ; et, pour nombre d’entre eux, les parents 1 et/ou 2 sont d’anciens élèves. Préférence gentiment donnée aux cousins germains plutôt qu’à ceux à la mode de Bretagne ou venant d’encore plus loin. Le plus « normal » est d’être « admis » en petite section de maternelle et de continuer pépère sur sa lancée. Donc, peu d’entrées en cours de route. Malgré tout, deux fenêtres de tirs, l’entrée en sixième et l’entrée en seconde. Mais, dur-dur d’être accepté. À la rentrée 2021, sur 664 candidats, 86 ont été admis au collège. Pour le lycée, 38 finalistes pour 267 dans les starting-blocks. Bien sûr, les impétrants ne sont pas adoubés que sur leurs résultats scolaires ; même si ces derniers sont examinés mais avec bienveillance. La situation des parents quant à elle n’est pas prise en compte. « L’école recrute des élèves, pas des parents ». Pour éviter toute discrimination, tests et entretiens évaluent la curiosité, la sociabilité, l’aisance bref la capacité à devenir Alsacien.

Des tarifs à l’avenant

Forcément, un tel bonheur a un prix. Pour la prestation de base, compter 1 105 € par trimestre. Un peu plus de 360 € par mois, 12€ par jour diraient les vendeurs de voitures. Nettement moins que l’École des Roches, à recrutement worldwide, (18 784 € la demi-pension annuelle, 47 320 € l’internat) fréquentée, elle, par des fils et filles de « vrais » riches (version nabab-e-s).

À rajouter, un voyage obligatoire par an, entre 550 € et 900 €.

La restauration est annoncée à 586 € par trimestre pour 5 repas par semaine et 514 € pour 4 repas, soit environ 10 € par déjeuner (à Paris, la grille tarifaire du public fixe le prix d’un repas entre 0,13 €  et 7 €) mais à l’École Alsacienne, les tarifs « prennent en compte la surveillance et la prise en charge des élèves ». Le halal n’a pas l’air d’être prévu.

Et puis, il y a les ateliers après l’école ; les bambin-e-s ont vraiment le choix : musique de chambre : 298 € le trimestre, initiation à la langue arabe : 142 €, théâtre 172 €, théâtre (encore) « mais autour d’un texte contemporain avec une approche physique et loufoque »  264 €. Pas de tango, on attendra Sciences-Po. Et, pas d’aviation à 4 452 € l’année, comme à l’École des Roches.

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Et, comme « la diversité des élèves constitue une richesse pour l’établissement », celle-ci est (un peu) favorisée. Ainsi, en 2021/2022,10,8 % des élèves de l’Ecole Alsacienne bénéficiaient d’une scolarité un peu ou beaucoup « aidée ». Ils étaient 22% à la rentrée 2023. Les bourses spécifiques peuvent se cumuler avec les bourses nationales. Elles prennent en charge tout ou partie de la scolarité et depuis la rentrée 2023 de la demi-pension.

Beau, bon, bien

Le site de l’école présente des montages réalisés par des élèves. Impeccables. Rien à voir avec les bricolages à la va comme je te pousse d’un prof de techno échevelé. Le lecteur un peu curieux visionnera un ou plusieurs épisodes des  « Adorables », podcast « exclusivement consacré à l’adolescence, préparé et animé par une équipe de lycéens ». Chic et de bon goût.

Des partenariats « favorisent l’ouverture et la mixité en créant, par exemple, des échanges pédagogiques et éducatifs avec des établissements scolaires aux profils différents » : deux écoles primaires du 14ème et trois collèges de banlieue. Ce programme s’appelle Charcot, du nom de l’explorateur Jean-Baptiste Charcot, ancien élève « qui baptisa ses bateaux d’un nom évocateur : les Pourquoi-Pas ? ». Grâce à cette belle initiative, tout baigne. Et, grâce au mécénat et aux dons, « certains » élèves de ces territoires échangeurs peuvent ensuite intégrer l’Ecole. Pour se convaincre de la générosité du projet, il suffit de visionner les témoignages émouvants de quelques « échappé(e)s ». Dans le sens cycliste du terme, bien entendu.

Effet de serre

La culture en serre présente d’immenses avantages. Elle améliore considérablement les rendements ; elle permet de commencer les semis plus tôt et de prolonger les cultures. Elle protège des intempéries, des maladies ravageuses. Mais, elle n’est pas sans inconvénients : son coût d’abord, ensuite la pollution qu’elle génère, et pour finir une pollinisation plus compliquée. Et, tous les bons jardiniers vous le diront : ils ne donnent pas cher d’une plante de serre brutalement transplantée.




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Experte en petits riens

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