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Pompes et circonstances


Pompes et circonstances
Nicolas Sarkozy et David Cameron.
Nicolas Sarkozy et David Cameron
Nicolas Sarkozy et David Cameron.

Aussi incroyable que cela paraisse, jamais un président français n’était venu célébrer à Londres l’Appel du 18 juin. De Débarquement en Libération, nos chefs d’Etat ne sont pourtant avares ni de commémorations ni de moissons de gerbes tricolores, mais la traversée de la Manche les retenait sans doute. Parader en maître de maison sur les plages de Normandie ou les pavés de Paris martyrisé est une chose, reconnaître chez les Anglais que nous leur devons beaucoup en est une autre.

Sans Churchill, sans BBC, pas de France indépendante

Pourtant, en offrant le micro de la BBC à un général un peu fou qui ne représentait que lui-même et une certaine idée de la France, en reconnaissant de fait sa légitimité contre le gouvernement parjure de Pétain, les Anglais ont posé la première pierre de la maison France moderne. Celle qui nous mène à la table des vainqueurs et au conseil de sécurité de l’ONU, lavés du déshonneur de l’armistice et de la collaboration. D’un « clochard épique », ils ont fait une légende. Sans Churchill, sans BBC, pas d’Appel, pas d’épopée, pas de France indépendante. Eventuellement un Etat-satellite des Etats-Unis, sorti de l’histoire pour un bon moment. Peut-être même définitivement.

Au pas de course ou plutôt au petit trot, à l’image des chevaux de la Garde républicaine qui ont pris possession du pavé londonien, c’est cela que Nicolas Sarkozy est venu dire aux Anglais en ce vendredi 18 juin, sous un soleil un peu pâle dans la cour du Royal Hospital Chelsea, une copie des Invalides parisiennes, tombeau impérial en moins. Plutôt très bien d’ailleurs. Chacun sait que la « plume » du président est magistrale. Pour l’occasion, un dosage savant entre émotion, histoire et reconnaissance éternelle, ouvrant habilement sur l’unité européenne indispensable. « La condition de la survie de notre civilisation ». La plume n’y est pas allée par quatre chemins.

Les Anglais ont-ils apprécié ? Pour eux le 18 juin, c’est au mieux le discours fondateur de Churchill aux Communes proclamant la fin de la bataille de France et annonçant celle d’Angleterre, quelques heures avant l’appel de de Gaulle. Au pire… Waterloo. L’histoire a parfois de curieux pieds de nez. Comme David Cameron se félicitant de la réintégration par la France de l’OTAN… dont de Gaulle avait claqué la porte. On peut être amis mais un peu sourds. Le Premier ministre anglais a surtout vu dans cette célébration l’occasion de rappeler les combats militaires communs en Afghanistan. Quand la politique reprend ses droits… Bien loin des préoccupations des tabloïds qui attendaient… Carla. Ils n’ont pas été déçus. La first lady est indéniablement éblouissante.

« Dans la nuit, la liberté nous écoute… »

Beaucoup moins glamour, mais ô combien plus touchants, 800 anciens combattants ont fait le voyage. Les ders des ders. Ceux qui avaient moins de 20 ans en 40. Des gosses qui, de l’Ile de Sein (un quart de la France libre) à Paris ont tout laissé tomber, une famille, un bachot, des amis, pour se lancer seuls sur la mer, dans des rafiots de fortune pour rallier ce mystérieux général que pas un sur cent n’avait entendu. Aujourd’hui ce sont de frêles vieillards qui viennent à Londres pour une ultime visite. Ils se comptent du regard. Ils viennent d’apprendre que depuis le matin, Marcel Bigeard manque à l’appel. Un 18 juin. Sacré Marcel.

Comment oublier les larmes de ce très vieil homme, résistant de la première heure et décoré de la légion d’honneur par Nicolas Sarkozy après 70 ans ? Combien de compagnons lui font-ils cortège ? Ou ce Chant des partisans écrit au Savile Club, juste à côté, qui unit les chœurs de l’armée française aux voix des enfants du lycée français… Charles de Gaulle, pour rappeler que « dans la nuit la liberté nous écoute » ? Et nous parle, au micro de la BBC, avec une voix un peu théâtrale à jamais inscrite dans l’histoire du monde.



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Agnes Wickfield est correspondante permanente à Londres.

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