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Paris a gagné les Olympiades


Paris a gagné les Olympiades

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Cela devait être un « Club Med » urbain. Le Pavillon de l’Arsenal consacre une exposition aux Olympiades,
ensemble architectural des années 1970, phalanstère disco d’un urbanisme débridé, « Manhattan-sur-Seine » aux portes du 13
e arrondissement, « Chinatown » arty, zone étrange et fantasmagorique d’un Paris en pleine spéculation immobilière.
Ce fut le dernier sursaut des Trente Glorieuses durant lesquelles architectes, promoteurs et pouvoirs publics ont tenté d’inventer un nouvel habitat hybride. Au-delà de l’imbroglio juridique qui en découla et des espoirs forcément déçus de ses habitants, la dalle des Olympiades a conservé cette atmosphère froide, épurée et altière, qui impressionne les visiteurs d’un jour. Certainement le décor le plus « melvillien » de la capitale. Le cinéma y a souvent pris ses quartiers, des scènes de L’Héritier de Philippe Labro y ont été tournées, et le plus célèbre commissaire de France, Navarro, y logeait avec sa fille. Même la littérature de qualité y puisait une trame romanesque et violente, expression d’un désenchantement romantique.[access capability= »lire_inedits »]
« Le vent s’engouffrait avec violence dans tous les coins et recoins de Chinatown. Ses hurlements semblaient harceler les tours comme une meute de chiens de chasse tandis que, dans les souterrains, une longue plainte, lugubre et isolée, poursuivait les rares passants », écrivait le regretté Frédéric H. Fajardie dans Brouillard d’automne. Ironie du sort, la librairie de son père, « Le Grenier », a été transformée depuis en médiathèque qui porte le nom de Jean-Pierre Melville, figure du 13e avec ses studios Jenner situés rue Jenner.
Cette dalle fut un rêve de classe moyenne, une ébauche de mixité sociale, un american way of life à la française. Construit sur l’ancienne gare à charbon des Gobelins, le projet Italie fut approuvé en 1966 par le conseil municipal et présenté au général de Gaulle dans le cadre du « Grand Paris de l’an 2000 » au même titre que le Front de Seine ou le quartier Maine-Montparnasse. De hautes tours modernes, vitrées, bétonnées, figures géométriques, excroissances stylisées en lieu et place du 13e arrondissement populeux et ouvrier représenté par les usines Panhard & Levassor de la porte d’Ivry. Il s’agissait, à l’époque, de rénover cette zone insalubre et désindustrialisée afin d’offrir des milliers de logements. C’était le mythe de l’expansion économique et du confort pour tous ! La société de consommation guidait le peuple. Michel Holley, l’architecte en chef, fut chargé de réinventer ce Paris débarrassé de ses flonflons et de sa charge historique pour faire entrer la ville dans la modernité. Délimité par l’avenue d’Ivry, la rue Baudricourt, la rue de Tolbiac et la rue Nationale, ce projet tout en hauteur a vu le jour en février 1970, date des premiers terrassements et, durant sept années, huit tours aux noms de métropoles comme Mexico, Tokyo ou Athènes et abritant 3400 logements dépendant à la fois du parc privé et parc public  ont poussé sur cet îlot appartenant à la SNCF. La campagne de promotion vantait « la plus vaste entreprise d’urbanisme jamais tentée depuis Haussmann », « Paris au prix de la banlieue » ou « les Champs-Elysées du Sud » (l’avenue d’Italie). Des suppléments dans France-Soir et L’Équipe incitèrent même les Parisiens et banlieusards à s’installer à l’extrémité de cette austère rive gauche.
Ce complexe devait attirer aussi bien l’ouvrier que le cadre supérieur travaillant à Orly ou à Roissy, tous fascinés par la société des loisirs et des prix attractifs. Les 10 000 à 15 000 habitants déchantèrent rapidement, en découvrant la piscine qui n’avait rien d’olympique ou le manque de services publics (une seule crèche et école maternelle). Mais, quarante ans plus tard, ces tours tant décriées ont bien résisté au temps. L’arrivée des Frères Tang, à partir de 1981, suivie de celle de nombreux autres commerces asiatiques, ont transformé les Olympiades en centre névralgique de Chinatown. À l’heure où Paris met un grand coup de polish sur ses bâtiments, où le clinquant fait office d’avant-gardisme et où le « Grand Paris » patine, faites un tour dans ce quartier « irréel », tout droit sorti d’un songe des seventies. Les rues souterraines du Disque et du Javelot n’ont pas encore révélé tous leurs mystères.[/access]

*Photo : fredpanassac.

Mars 2013 . N°57

Article extrait du Magazine Causeur



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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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