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Célébrités: Regardez, elles sont pires que nous

Ce que l'affaire Pierre Palmade dit de la société française


Célébrités: Regardez, elles sont pires que nous
Pierre Palmade sur le plateau d'"On n'est pas couché", 2019. D.R.

L’affaire Palmade: un fait divers exemplaire


Il est des faits divers qui laissent durablement une trace vivace sur la société. Le cas du Petit Grégory, plus récemment le meurtre horrifique de la jeune Lola, ou encore le célèbre « pullover rouge », auront tous imprimé les inconscients des Français, allant jusqu’à marquer des générations entières au fer rouge de l’effroi collectif.

Le feuilleton Palmade, qui rythme le quotidien des chaînes d’information en continu depuis près d’un mois, n’a pas tout à fait la dramaturgie des affaires évoquées plus avant mais il fascine par la personnalité de son principal protagoniste ainsi que par ses multiples rebondissements.

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Humoriste célèbre de la France des années 1990, Pierre Palmade appartenait à cette catégorie de célébrités populaires parvenant à toucher peu ou prou l’ensemble des milieux. Avec ses amies Michèle Laroque et Muriel Robin, il fut l’auteur et l’interprète de nombreux spectacles comiques parlant de ces thèmes universels que sont le couple – homme / femme, c’est plutôt bon de le préciser – et l’amitié. Légèrement has been depuis quelques années, le natif de Bordeaux produisait et écrivait toutefois toujours des pièces à succès dans le genre du théâtre de boulevard.

Coming-out tardif

Longtemps, Pierre Palmade fut un homosexuel du placard. Le public savait confusément, mais l’artiste entretenait le doute, semblant ne pas tout à fait assumer son orientation sexuelle en raison peut-être d’une éducation bourgeoise. Il est d’ailleurs resté marié plus de six ans avec la chanteuse Véronique Sanson, amitié amoureuse qui troubla encore un peu les pistes avant qu’il ne finisse par admettre son homosexualité. Un « coming out » tardif qui trouva son aboutissement dans le spectacle J’ai jamais été aussi vieux donné en 2010 : « Boujenah, Elmaleh, Jamel ont bâti leurs spectacles sur leurs racines, leur identité, eh bien moi, mon identité, c’est mon homosexualité ».


Cette carrière d’artiste est maintenant du passé. La personnalité privée a pris le pas sur la vedette. En 2019, déjà, Pierre Palmade ne passait pas loin du billot, se défendant avec succès d’une fausse accusation de viol lancée par un clandestin d’à peine 19 ans avec qui il avait passé une nuit de « chemsex » dans le Marais. Le 10 février, l’acteur n’a pas eu cette chance, et encore moins ceux qui ont eu le malheur de croiser sa route. Drogué et hagard après trois jours d’orgies sans dormir, Pierre Palmade a percuté le véhicule qui arrivait en face du sien sur une route près de Cély-en-Bière, provoquant l’hospitalisation du conducteur qui ne pourra plus jamais retravailler, d’une femme enceinte dont l’enfant à naître est décédé après un accouchement dans l’urgence, et de graves blessures à un enfant de six ans.

Ennemi public numéro 1, on n’avait pas vu ça depuis Jérôme Kerviel

Depuis lors, Pierre Palmade est littéralement l’ennemi public numéro un, son visage d’oiseau déplumé s’affichant en permanence sur BFM TV, LCI, C-News, et l’ensemble des bulletins de nouvelles. Avocats, pipoles, psychologues, addictologues, représentants des homosexuels, amis célèbres de l’acteur, gendarmes ou hommes politiques viennent tour à tour commenter les moindres détails de l’enquête et les soubresauts d’une instruction judiciaire si suivie qu’elle pourrait servir de révision pour l’examen de procédure pénale des jeunes licenciés en droit.

Car, entre-temps, Pierre Palmade a aussi été cité dans une nouvelle enquête relative à de la détention d’images pédopornographiques, avec un « transsexuel chinois » venu compléter ce tableau Benetton d’amants et de gigolos qui servaient de récréation à l’immortel interprète du barde Assurencetourix. Il est notable de constater que de nombreuses célébrités du petit écran des années 1990 ont toutes, à leur manière, sombré. La descente aux enfers de Pierre Palmade est la plus choquante, mais des gens comme Francis Lalanne ou encore Jean-Marie Bigard, autrefois aimés du grand public, n’en finissent plus de se distinguer par leurs excès et leurs déclarations tapageuses.

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Faut-il pour autant faire le procès de la célébrité ? Soupçonner, comme certains s’empressent de le faire, la majorité des homosexuels de s’adonner au « chemsex » en compagnie de migrants clandestins payés en liquide ? Pis, de participer à des réseaux pédophiles sous la protection des puissants ? Ou, a contrario, dénoncer la « richophobie » qui serait la cause de la curée que subirait Pierre Palmade selon l’inénarrable Roselyne Bachelot ? L’homme a provoqué un accident mortel sous l’emprise d’un cocktail de drogues et d’alcool. Que l’opinion soit choquée et demande justice est parfaitement normal. Il n’y a là nulle « richophobie ».

Les complotistes se régalent

Il ne semble pas non plus spécifiquement protégé par l’institution judiciaire ou la police. Sa santé est surveillée. C’est mieux. Il y aura ainsi moins de chance qu’il ne décède au prochain AVC ou qu’il se suicide en cellule, afin qu’il puisse être jugé et que le fin mot des deux affaires dans lesquelles il est impliqué soit connu. Evidemment, une telle affaire ne pouvait qu’enflammer les imaginations. C’est du pain béni pour les « complotistes » et un terrain de jeu merveilleux pour leurs adversaires, de quoi nourrir des centaines d’heures de discussions en ligne et de talk-shows débiles. L’infotainment des sociétés connectées est pornographique. Le public se nourrit de ces drames, les décortique et se rassure : « Regardez, ils sont pires que nous ». 

Le procès Palmade ne doit pas devenir celui de la célébrité, mais le procès exemplaire des salauds qui tuent sur les routes sans aucune considération pour leur prochain. Ceux qui en ont été témoins ou qui l’ont vécu savent bien que la bêtise et la malhonnêteté ne connaissent pas de barrières de classes.


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Notre directrice de la rédaction consacre son éditorial de mars à l’affaire Palmade. Le numéro est disponible à la vente maintenant.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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