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À quand une minute de silence pour les punaises de lit?

La rentrée parlementaire a été marquée par la gravité et les fausses urgences : terrorisme, écriture inclusive et punaises de lit ont occupé de longues séances dans l’hémicycle.


Bon, finie la rigolade ! Terminées les journées à arpenter ma bonne terre du Biterrois… Retour à l’Assemblée nationale avec ses longues journées dans l’hémicycle.

Non, non, rien n’a changé

C’est la rentrée. J’ai l’impression de retrouver notre hémicycle dans le même état que deux mois plus tôt. LFI braille toujours autant. Les écolos renouent avec le cirque et ne trouvent rien de mieux qu’arborer, dès la première séance de questions au gouvernement, des tee-shirts siglés contre le réchauffement climatique, strictement interdits par notre règlement intérieur. Et, comble de l’ironie, on apprend que, le matin même, lors de la conférence des présidents, Yaël Braun-Pivet, présidente de notre auguste assemblée, avait remis les choses au clair concernant les chahuts à l’Assemblée avec un impérial « Je ne laisserai plus rien passer. » Ça promet !

49.3 le retour…

Pour finir de nous replonger dans l’ambiance, un petit 49.3 dès le lendemain pour faire passer la loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Sans que ça émeuve grand-monde, semble-t-il…

Plein emploi

Ça, vous avez dû en entendre parler. C’était le texte de la rentrée parlementaire : le projet de loi qui remet les bénéficiaires du RSA au boulot. Un dialogue de sourds tant les positions semblent irréconciliables entre ceux qui sont favorables aux quinze heures d’activité demandées aux allocataires du RSA en contrepartie des indemnités versées (les partis de la majorité et la droite) et ceux qui estiment que cette mesure s’apparente à de l’exploitation (la gauche et le RN). Les débats sont difficiles. On passe des heures à pinailler sur un mot – faut-il parler d’emploi ou d’emploi de qualité ? –, mais la palme revient sans conteste à un amendement d’un député du RN qui proposait de « comptabiliser dans la durée hebdomadaire d’activité du demandeur d’emploi les heures consacrées aux devoirs des enfants, aux courses et à l’entretien du foyer. » Si, si…

Minutes de silence

Le 10 octobre dernier, la présidente de l’Assemblée nous a demandé d’observer une minute de silence pour les victimes israéliennes de l’attaque terroriste du Hamas. Puis, une autre le 17 octobre en hommage à Dominique Bernard, professeur tué par un islamiste à Arras. Rien de plus évident pour manifester notre solidarité. Mais je ne peux m’empêcher de remarquer que ces instants censés être des moments d’unité, de concorde, sont en forte augmentation – et régulièrement contestés –ces derniers temps à l’Assemblée nationale : huit depuis le début de l’année. Je pense notamment à celle que l’Assemblée a organisée pour la mort de Nahel –« le petit ange parti trop tôt », dixit le footballeur Kylian Mbappé. Vous avez dit discernement ?

Drame national

Le gouvernement avait déjà dévoilé, en mars 2022, le premier plan interministériel contre les punaises de lit ! Mais ces vilaines petites bêtes ont refait surface lors de la rentrée parlementaire et ont été déclarées ennemi public numéro 1 de la septième puissance économique mondiale ! À quand la minute de silence pour les victimes des punaises de lit ?

Empathie

Annoncés pour 2024, les cours d’empathie ou cours « du respect de soi et de l’autre » devront permettre de lutter, notamment, contre le harcèlement scolaire. C’est la nouvelle mesure annoncée par le ministre de l’Éducation nationale après le suicide d’un adolescent à la rentrée. En quoi vont-ils consister ? Difficile de le dire encore avec précision, mais « ces compétences feront désormais partie officiellement des savoirs fondamentaux de l’école », explique Gabriel Attal. En d’autres temps, on appelait ça des cours de catéchisme…

Terrorisme islamiste

Difficile d’appeler les choses par leur nom. L’attaque odieuse subie par Israël de la part des terroristes du Hamas le 7 octobre dernier aura au moins permis de lever le masque sur la France insoumise et ses amis. À l’Assemblée, la position de Mathilde Panot a provoqué des tollés en ce qu’elle refusait d’utiliser le mot « terroriste » pour qualifier les agissements du Hamas. Pour Danièle Obono, il s’agit ni plus ni moins d’un « mouvement de résistance »… Il faut dire que les députés LFI, rameau d’olivier à la boutonnière, tentaient d’expliquer qu’ils plaidaient pour la paix en mettant en avant la cause palestinienne. Clientélisme, quand tu nous tiens…

À la niche

Une fois par an, chaque groupe politique bénéficie d’une journée pendant laquelle il met à l’ordre du jour les textes de son choix. Le 12 octobre, c’est la niche du Rassemblement national. La journée commence par une proposition de loi pour lutter contre l’endométriose, cette maladie gynécologique qui touche environ une femme sur dix dans le monde. Bérengère Couillard, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, s’est exprimée ainsi quelques jours avant son examen : « J’ai pour principe politique de refuser toutes les lois qui viennent du RN. »Et d’ajouter q u’elle était même« totalement » favorable à prendre un décret sur le sujet qui pourrait« contrer » la démarche du RN. Bravo ! Applaudissez tous ! Car sachez-le, madame la ministre, pour « contrer » le Rassemblement national, est prête à faire… son travail ! On croit vraiment rêver… ou cauchemarder.

Féminisme

Même journée, même niche, mais cette fois, nous examinons un texte visant à interdire l’écriture inclusive. Les débats traînent en longueur. Mais j’arrive finalement à rire (nerveusement, je l’avoue) en entendant une autre députée écologiste (eh oui, encore eux !) nous avouer à la tribune qu’elle rêve de voir les « hommages » se transformer en « femmages »… Je ne suis pas certaine qu’elle ait bien saisi l’étymologie du mot puisque, initialement, « hommage est un terme féodal qui désignait l’acte par lequel un vassal se déclarait l’homme de son seigneur et s’engageait à le servir, en échange de la protection de celui-ci ». Pour une féministe, ça la fout mal, non ?

Retournement de veste

Je ne résiste pas à une dernière petite méchanceté en rappelant que le parti du président Macron avait lui aussi porté, sous la précédente législature, une proposition de loi visant à… interdire l’écriture inclusive. Mais voilà, pas question de voter pour un texte du RN ! La consigne est donc tombée : il faut maintenant défendre l’écriture inclusive ! Finalement, j’adore la politique !

Macron absent de la manifestation contre l’antisémitisme, une dérobade qui indigne

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Pensant vraisemblablement devoir rester à distance de l’ensauvagement du monde, le président Macron ne participera pas à la grande marche civique contre l’antisémitisme. Il se contente d’écrire une lettre dans Le Parisien Dimanche. Craindrait-il la rue arabe ? Le coup de gueule de Céline Pina.


Qui abandonne les Juifs, abandonne la France. Qui ne fait pas aujourd’hui de la lutte contre l’antisémitisme une priorité de la nation, livre symboliquement une partie de sa population à la vindicte d’une autre partie, fanatisée. Qui abandonne une minorité persécutée parce que ses bourreaux ont pour eux la loi du nombre, est destiné à trahir tous ses engagements. L’histoire révèle les grands hommes et met au grand jour les médiocres. Alors que l’on voit ressurgir les prémisses de ce qui annonça naguère la Shoah et les totalitarismes sanguinaires qui l’ont rendue possible, nos hommes politiques sont soumis à un terrible révélateur. Terrible parce que la majorité des donneurs de leçons bardés de principes qui s’exhibe à longueur de congrès et de meetings s’est vite transformée en une congrégation de lâches prête à sacrifier leurs concitoyens et leurs principes avant même d’y être obligée.

Il a été souvent écrit qu’Emmanuel Macron voulait laisser une trace dans l’histoire. En 40 par exemple on pouvait être de Gaulle ou Pétain. Bien sûr tout le monde se rêve en de Gaulle alors que la plupart finiront en Pétain. Emmanuel Macron, placé face à son moment de vérité, vient de démontrer qu’il n’y avait rien de gaullien en lui. En ne participant pas à la marche contre l’antisémitisme alors que les Juifs de France sont attaqués pour ce qu’ils sont, cet homme a trahi son devoir. Il est devenu indigne de sa fonction.

Terrorisé par l’idée qu’il y aurait une rue arabe en France aussi violente que les foules haineuses que l’on a vues à Berlin ou à Londres et résolu à lui donner des gages, il se montre particulièrement lâche dans un entretien à la BBC où il criminalise Israël et ne dit pas un mot des corridors humanitaires ouverts pour évacuer la population par les hommes de Tsahal. Pas un mot non plus sur les caches du Hamas dans les hôpitaux ni sur le fait que celui-ci tire sur les gazaouis car il ne veut pas que ses boucliers humains s’enfuient. Pourtant qui souhaiteriez-vous avoir comme voisin ? Un terroriste du Hamas ou un soldat de Tsahal ? Poser la question, c’est y répondre. Le premier vit au Moyen-âge et ne rêve que de mort, le second est notre contemporain et se bat pour que son pays puisse continuer à vivre. Le premier tire sur sa population, le second la défend et la protège.

Deux fois plus d’actes antisémites en un mois qu’en deux ans

Pour ne pas froisser la part de la communauté musulmane dominée par les islamistes qui applaudissent aux crimes du Hamas, Emmanuel Macron a choisi de faire de l’antisémitisme un point de détail. Il n’est pas au rendez-vous de l’histoire alors que l’on a dénombré deux fois plus d’attaques contre les Juifs en un mois qu’en deux ans ! Ultime cynisme. Il se permet de se dérober car dans le fond il pense que les Français ne seront pas non plus au rendez-vous, qu’ils sont prêts à sacrifier leurs compatriotes juifs et qu’ils sont trop idiots pour avoir compris qu’ils sont les suivants au menu.

A lire aussi, du même auteur: Le Hamas, fossoyeur de la Nupes?

La réalité, c’est qu’en France, aujourd’hui, les Juifs doivent se cacher : retirer leurs mezouzas de leur porte, enlever leurs étoiles de David, quitter dans certains endroits les écoles publiques, déménager de certaines villes, les écoles juives doivent être protégées, comme les synagogues, leurs magasins sont tagués et ils voient un parti comme LFI, leader de la gauche, faire de l’antisémitisme décomplexé une martingale électorale.

Être Juif en France est devenu dangereux. Surtout quand symboliquement le président de la République vous abandonne, donnant ainsi le signal que la curée peut se poursuivre. Ceux qui pratiquent la chasse aux juifs et l’intimidation peuvent donc continuer, le pouvoir vient de révéler qu’il a peur et se couche.


Pourquoi ? Parce qu’il a commencé les accommodements déraisonnables avec les islamistes. Premier gage : l’abandon de nos compatriotes juifs à la violence communautariste. Car c’est là que le bât blesse. Si on avait pu accuser l’extrême-droite de persécuter les Juifs, nul doute qu’Emmanuel Macron aurait pris la tête du cortège et nous aurait abreuvés de couplets sur les ventres féconds d’où sortent les bêtes immondes et sur notre amour de la liberté et de l’égalité qui nous a permis de les vaincre.

Seulement voilà, la France est face à un antisémitisme culturel arabo-musulman que l’influence de l’islamisme a décomplexé, libéré et que personne ne s’est soucié de combattre. Voire qui a été alimenté par l’extrême-gauche qui a très vite compris que le levier du vote musulman dans les banlieues était religieux et identitaire. Ce qui signifie qu’en reprenant les éléments de langage des islamistes, on peut faire un carton électoral à peu de frais. Or les islamistes utilisent énormément le conflit israélo-palestinien pour entretenir le ressentiment des jeunes musulmans et cultiver la haine des Juifs et le rejet de l’Occident.

Quand le poids du nombre anéantit toute morale

Les Juifs, eux, représentent moins de 1% de la population, quand la population d’origine arabo-musulmane représente aujourd’hui plus de 20% des naissances et se chiffre en millions. Le rapport de force numérique n’est donc pas en faveur des Juifs et cela, les politiques l’ont compris. Ils ont compris aussi qu’une partie non négligeable de cette population est sous influence des islamistes et a rompu avec notre mode de vie, nos principes et nos lois. Certains vivent ou désirent vivre ici comme ils le feraient sous la charia: ils voilent les femmes, applaudissent aux prêches antisémites, refusent les principes et valeurs occidentales et veulent imposer un mode de vie islamique en Europe. Pour continuer à profiter de la part de l’électorat musulman sous influence islamiste, ils épousent donc leurs représentations, dont un discours pro-palestinien plus axé sur la haine des Juifs que sur la quête de solutions pour les Palestiniens.

Ainsi, quand les Juifs sont les cibles d’une idéologie violente, obscurantiste qui rejette l’égalité en droit des hommes, retire à certains toute dignité humaine, légitime le meurtre, le viol, l’esclavage de ce qui n’est pas eux et hait tout ce que nous représentons en tant que peuple, ils ne la reconnaissent pas. Alors que les islamistes, quelle que soit leur obédience, partagent une vision du monde que n’auraient pas démenti les nazis, ils font semblant de l’ignorer. Les islamistes pourtant ne se cachent pas. La branche Frère Musulman par exemple n’a jamais caché son alliance avec Hitler lors de la Seconde guerre mondiale ni le partage de nombre des idées du IIIème Reich. D’ailleurs le modèle de société qu’ils portent est monstrueux : l’État islamique alias Daech n’en est pas une dérive, mais l’aboutissement logique.

L’heure est grave et le président n’est pas au rendez-vous du courage et de la dignité

Cela, le président le sait. Alors pourquoi ne pas être au rendez-vous du courage ? Peut-être tout simplement parce qu’il n’en a aucun. Peut-être parce que, par intérêt électoral et au nom du poids des musulmans dans la société, il prépare les abandons futurs. D’autres explications peuvent être avancées : la crainte que l’emprise islamiste soit tellement forte que si on ne leur abandonne pas symboliquement les Juifs de France, la banlieue pourrait s’embraser. On a vu aussi avec les sorties de Dominique de Villepin le poids et l’influence du Qatar, allié et financeur des Frères musulmans et du Hamas, qui sait faire profiter de ses largesses les hommes de pouvoir des pays européens. On peut aussi évoquer l’absence de travail sur la question de l’emprise islamiste en France au sein des partis politiques, de la haute fonction publique, de l’université…

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Royaume Uni contre islamogauchisme: le choc des mémoires

Un autre point peut être relevé, l’entourage proche de M. Macron vient de la gauche. Or aujourd’hui elle sombre avec LFI dans l’antisémitisme le plus crasse. Quant aux professionnels de l’agitation de la menace fasciste que sont devenus le PS et EELV, non seulement ils ne reconnaissent pas un pogrom et un crime contre l’humanité quand il se commet sous leurs yeux, mais ils sont incapables de défendre sans barguigner les innocents attaqués car ils pensent qu’être trop fermes contre l’antisémitisme leur fera perdre la seule rente électorale qui leur reste.

Une promesse sacrifiée et nos compatriotes juifs abandonnés

Mais si nos compatriotes juifs sont sacrifiés si facilement par des gens qui n’ont que leur intérêt électoral et financier comme boussole morale, vous croyez vraiment qu’ils vous défendront ? Les islamistes ne s’arrêteront pas aux Juifs, c’est notre façon d’être, de penser, de vivre qu’ils haïssent. Notre président vient de montrer qu’il était un Daladier, ce signataire des accords de Munich qui céda tout à Hitler pour éviter la guerre au prix du déshonneur et infligea à son pays, le déshonneur et la guerre selon le bon mot de Churchill.

« Plus jamais ça » était une des plus belles promesses qui aient été faites à l’humanité. Or si on ne peut empêcher que les monstres renaissent, cette phrase signifie que la détermination à les combattre sera telle que le mal ne se propagera plus. Cette promesse vient d’être piétinée par un de ceux qui en étaient garants, notre président. Alors qu’à nouveau l’antisémitisme se déchaine, il choisit sciemment de regarder ailleurs. Après avoir usé jusqu’à la corde le discours de « je suis l’unique garant des valeurs de la République contre le fascisme », il se dérobe quand il s’agit d’agir réellement. Aujourd’hui que le principal marqueur du nazisme, la déshumanisation des Juifs, est de retour, le président se met en scène s’en lavant les mains. Alors certes, comme le rêve Emmanuel Macron, Ponce Pilate est resté dans l’histoire. Mais comme l’archétype de l’irresponsable.

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Profession: Tanguy

Se prendre en main ou tenir celle de ses parents. En Chine, alors que le taux de chômage des 16-25 ans dépassait les 20 % en début d’année, pour certains, le choix est vite vu.


« Enfant à temps plein ». Voilà une profession, ou une position, qui compte de plus en plus d’adeptes en Chine. Un certain nombre de jeunes Chinois, au chômage ou dégoûtés par un emploi harassant, font le choix de retourner vivre chez leurs parents – et à leurs frais. « Des vidéos virales publiées par des influenceurs “enfants à plein temps”, révèlent un style de vie idyllique : ils font la grasse matinée, préparent les repas à la maison, prennent le thé à 17 heures, emmènent leurs parents danser le soir », a constaté un média shanghaïen. Si certains sont rémunérés par leurs parents pour s’acquitter des tâches ménagères ou leur tenir compagnie, beaucoup se contentent de profiter du gîte et du couvert.

A lire aussi : Causeur: Octobre noir. Du Hamas à Arras, l’internationale de la barbarie

Comment en est-on arrivé là ? Le droit à la paresse est-il en train de gagner la Chine ? En réalité, c’est la situation économique du pays qui explique cette recrudescence de Tanguy. Selon le Bureau national des statistiques, le taux de chômage des 16-25 ans dépassait les 20 % en avril et ceux qui ont un emploi sont souvent surmenés par le rythme de travail, de 9 à 21 heures, six jours par semaine, pour beaucoup. En mai, Xi Jinping a appelé les jeunes à « manger de l’amertume » pour les exhorter à faire face aux difficultés. Cependant, une partie de la jeunesse chinoise, loin de ce sens du sacrifice, aspire à travailler moins pour vivre mieux. Les « enfants à temps plein » ont été critiqués sur les réseaux sociaux, des internautes leur demandant de « s’adapter à la société pour devenir une personne de valeur réelle ».

Il est vrai que les limites d’un tel système sont aisément perceptibles. « Si tout le monde reste à la maison, alors si je sors manger, il n’y aura pas de serveurs. Pour la société en général, ce n’est pas si bon », reconnaît Tian, elle-même « enfant à temps plein ». Cette situation ne va pas disparaître de sitôt car, à en croire les experts, le chômage des jeunes risque de s’aggraver alors qu’un nombre record de 11,6 millions de nouveaux diplômés arrivent sur le marché du travail.

Agnès Desarthe et sa mémoire juive

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Dans Le Château des Rentiers, Agnès Desarthe parle à ses lecteurs d’elle-même et de ses racines juives avec une touchante sincérité.


Dans son nouveau livre, Le Château des Rentiers, la romancière Agnès Desarthe a souhaité quitter brièvement la fiction pure, pour en revenir à elle-même de manière très autobiographique. Elle nous livre un récit éclaté de sa vie, insistant sur les origines centre-européennes de sa famille, non loin des rivages de la mer Noire. Ses ancêtres « venaient tous de la même région, écrit-elle. La Bessarabie. Que certains appellent la Moldavie. Et que d’autres associent à la Bucovine. » Agnès Desarthe fait le lien avec ses grands-parents russophones Boris et Tsila Jampolski, « deux Juifs immigrés en France au début des années 1930 ». Tous deux décident, avec leurs amis migrants, de s’installer à Paris dans un même immeuble, rue du Château des Rentiers, dans le 13e arrondissement. C’est ce quartier, cet univers, ce monde presque imaginaire qui aura bercé l’enfance d’Agnès Desarthe, elle qui adorait sa grand-mère, une femme « douce et discrète ».

Une petite communauté juive

Agnès Desarthe se replonge avec une délectation évidente dans l’évocation de cette petite communauté juive, dont elle est issue. « Personne n’était riche. Tout le monde avait souffert. Sur certains poignets, on lisait une série de chiffres tatoués. Je n’ai su que des années plus tard ce que cela signifiait. » Agnès Desarthe se comporte comme une enfant aimante, mais peu curieuse. Elle le regrette aujourd’hui, au moment où elle désirerait en savoir plus : « Si j’avais été sérieuse, j’aurais posé des questions, je me serais intéressée à ces gens, mais je pensais qu’ils étaient là pour toujours, comme mon enfance qui durerait éternellement. » Le temps passe, destructeur, et arrivent les regrets de n’avoir pas été plus redevable aux autres.

A lire aussi, Renée Fregosi: Les tribulations méditerranéennes de Josiane Sberro-Hania

Les aléas de l’histoire, eux aussi, ont apporté leurs bouleversements et leurs drames. La Shoah, bien sûr. La mère d’Agnès Desarthe était « enfant de déporté », c’est-à-dire « enfant cachée ». En 1996, elle a témoigné dans une vidéo de la fondation Spielberg sur ses années de guerre, et l’attente vaine du père, disparu à Auschwitz. Agnès Desarthe remet la main sur l’enregistrement de sa mère, qu’elle n’avait pas regardé jusqu’à présent. Elle prend dès lors la mesure de cet événement historique dans sa propre vie. Ce grand-père qui ne revient pas, l’espérance déçue de sa mère, et finalement la résignation, tout cela forge chez elle, par une sorte d’atavisme, « une patience face au quotidien, un attrait pour l’irrésolu qui, aujourd’hui encore, me fait préférer les questions aux réponses ». Comme une blessure qui ne se referme pas.

Nécessité de la résilience

Au milieu de tous ces malheurs, Agnès Desarthe apprend la nécessité de la résilience. De fait, sa grand-mère, puis sa mère, lui ont inculqué la joie de vivre, la foi en l’avenir. Un projet naît en elle : reconstituer en plein Paris une sorte de « phalanstère », sur le modèle de celui de ses grands-parents, rue du Château des Rentiers, où elle pourrait habiter plus tard avec sa bande d’amis. Pour Agnès Desarthe, la vieillesse est tout sauf un naufrage. D’une manière positive, la vieillesse se définirait même comme une incessante victoire sur la mort. Agnès Desarthe parle d’ailleurs très peu de la mort, comme si c’était une fatalité hors champ. En revanche, le trop-plein de la vie s’affirme pleinement en évacuant la perspective de la finitude, comme renvoyée à un passé révolu : « La mort était ce à quoi ils avaient échappé », écrit-elle de ses grands-parents et de leurs compagnons juifs.

Dans Le Château des Rentiers, Agnès Desarthe a su parler d’elle-même et de ses racines juives avec une touchante sincérité. Au seuil d’une vieillesse qu’elle voudrait heureuse, prenant modèle sur les femmes de sa famille, elle relève la tête crânement, pour ne rien dérober au futur. Optimiste par héritage, moderne par nécessité, elle voudrait préserver la meilleure part de ce qui lui reste à vivre, en bannissant toute perspective funeste. C’est un pari audacieux et sympathique, une manière de repousser la mort aux calendes grecques, à la manière épicurienne.

Agnès Desarthe, Le Château des Rentiers. Éd. De l’Olivier.

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Royaume Uni contre islamogauchisme: le choc des mémoires

L’Occident va-t-il imploser sous le poids de sa propre tolérance multiculturelle, de sa lâcheté face à la cancel culture, et de son indolence de société de consommation? Les manifestations propalestiniennes, très violentes sur le plan symbolique, sont l’occasion pour ceux qui y tiennent encore de défendre les valeurs de notre civilisation. Ce weekend, celui du 11 novembre, le Royaume Uni fournira un cas type de l’épreuve de force entre l’obscurantisme islamogauchiste et les traditions autochtones. Qui en sortira victorieux?


Autrefois, nous avions du courage.

Le Royaume Uni est venu à la défense de la Belgique en 1914 et est resté aux côtés de son allié français pendant quatre ans – et plus – afin de contrecarrer l’agression allemande de l’époque.

Aujourd’hui, les autorités britanniques n’arrivent même pas à faire ce que le gouvernement français est arrivé à faire : interdire des manifestations propalestiniennes dans les rues de ses villes, notamment Londres. De telles manifestations rassemblent sans doute un certain nombre de citoyens de bonne volonté, mais aussi des militants islamistes et des activistes d’extrême gauche réunis dans une véritable coalition islamogauchiste. Ces énergumènes exercent une pression et un effet d’entraînement sur les autres manifestants, les poussant trop souvent à des actions outrancières. Depuis le 7 octobre, le résultat a été, au-delà d’un certain nombre d’atteintes à l’ordre public, des démonstrations d’une grande violence symbolique, exprimant à la fois une haine antisémite et un rejet de l’histoire britannique. Autrement dit, un rejet du pays où la vaste majorité de ces manifestants vivent et où ils jouissent de droits – comme la liberté d’expression, l’État de droit et le suffrage universel – pour lesquels les Britanniques du passé (et les peuples de son empire) ont lutté, parfois au sacrifice de leur vie.

La guerre des drapeaux

« Les marches de la haine ». C’est ainsi que la ministre de l’Intérieur ou Home Secretary, Suella Braverman, a qualifié les différentes manifestations qui ont investi le centre de Londres et d’autres villes à travers le Royaume Uni chaque samedi depuis les atrocités sans nom commises par le Hamas. Celle du 14 octobre a donné le ton. Les manifestants ont provoqué des échauffourées avec la police, tandis que cette dernière a procédé à un certain nombre d’arrestations dont celles de deux femmes qui, criant « Le royaume Uni est un État terroriste », portaient chacune sur sa veste une image de parapente. Au cours de la nuit précédente, l’entrée du siège de la BBC à Londres avait été aspergée de peinture rouge représentant du sang qui, selon l’organisation qui a revendiqué l’acte, Palestine Action, « symbolise la complicité de la BBC dans le génocide du peuple palestinien par ses reportages biaisés ».

Le samedi suivant, le 21 octobre, le nombre des manifestants a atteint 100 000 dans la capitale. Un homme a été arrêté qui, agitant un drapeau noir avec la chahada (la profession de foi musulmane), scandait : « Que Dieu maudisse les juifs ! Que Dieu maudisse Israël ! » Un autre brandissait une pancarte proclamant « Je soutiens le Hamas à 100% ». Les deux se sont fait arrêter. Dans le métro, un conducteur de rame a profité de son microphone pour crier des slogans propalestiniens repris en chœur par les passagers. Il a été suspendu depuis. Le clou de la journée a été une manifestation dans la manifestation, organisée devant l’ambassade égyptienne par Hizb ut-Tahrir. Interdite dans beaucoup de pays arabes et en Turquie – ce que les autorités britanniques ne sont jamais parvenues à faire – cette organisation milite pour la libération de la Palestine et la création d’un nouveau califat. Un de ses partisans criait « Jihad ! Jihad ! » devant des pancartes qui parlaient d’« armées musulmanes ». Juste à côté, les forces de l’ordre se limitaient à un rôle de spectateurs.

Par la suite, une déclaration de la police londonienne a assuré que le mot de « Jihad » avait plusieurs sens, mais que, comme le public l’associait avec le terrorisme, elle avait contacté l’homme en question afin de le dissuader de recommencer. Une simple tape sur les doigts, quoi ! Toujours selon la police, rien dans cette manifestation ne contrevenait à la loi. Quant au slogan « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », fréquemment chanté au cours des manifestations, la police a considéré qu’il ne constituait pas ce que le ministre d’État à l’immigration, Robert Jenrick, a appelé « une incitation à la violence terroriste ». On se demande qui a bien pu chuchoter à l’oreille de la hiérarchie des forces de l’ordre. Il s’est avéré qu’un de leurs conseillers était Attiq Malik, un notaire et le président du Forum des communautés musulmanes de Londres, une association dont un des objectifs est d’influer sur la stratégie policière dans la capitale. Début novembre, une vidéo datant de 2022 a fait surface qui le montre en train de haranguer une foule et de scander avec elle « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ! » Là, même la police, autrement si indulgente, a perdu patience. Il a été viré.

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Si le nombre des manifestants à Londres a diminué par la suite – 70 000 le 28 octobre, 30 000 le 4 novembre – la virulence des actions symboliques s’est maintenue. C’est ainsi que les drapeaux sont devenus un enjeu central, les partisans de la Palestine ne tolérant que le drapeau vert, rouge, noir et blanc qu’ils essaient d’afficher partout. Rien que la vue du drapeau israélien les met hors d’eux et même le drapeau britannique ne trouve pas grâce à leurs yeux. En visant une forme d’omniprésence du drapeau palestinien, ils cherchent à effacer tout autre emblème d’appartenance. Peu après le début de la guerre, le drapeau israélien a été projeté de nuit sur le Parlement de Londres et sur le 10 Downing Street dans un geste de solidarité. En revanche, le gouvernement écossais, dont le chef, Humza Yousaf, est musulman, a refusé qu’il soit projeté sur le parlement d’Édimbourg. Or, le 9 novembre, des manifestants propalestiniens ont grimpé sur le toit de ce bâtiment public pour afficher une grande pancarte avec l’injonction : « Arrêtez d’armer Israël » et fixer un grand drapeau palestinien sur la façade. Entretemps, le 10 octobre, d’autres fanatiques sont montés sur le toit de la mairie de la ville de Sheffield afin de remplacer le drapeau israélien, qui y flottait à la demande du gouvernement de Westminster, par un drapeau palestinien. Lors de la manifestation du 14 octobre, à proximité de l’ambassade israélienne à Londres, un groupe a piétiné un drapeau bleu et blanc et s’apprêtait à le brûler quand un policier le leur a confisqué. Le même jour, l’Anglo-iranien, Vahid Behesthi, brandissait un drapeau israélien devant le ministère des Affaires étrangères britannique pour protester contre le régime de Téhéran. Des manifestants propalestiniens qui venaient de piétiner des drapeaux israéliens l’ont poursuivi en menaçant de lui couper la tête. Seule l’intervention d’une grappe de policiers l’a sauvé d’un lynchage en règle.

La guerre des drapeaux a pris des proportions absurdes. Le 21 octobre, deux hommes à Londres sont réprimandés par la police pour avoir dévoilé un drapeau anglais. Deux jours plus tard, trois adolescents sont arrêtés pour avoir arraché des drapeaux britanniques à la façade d’un pub dans la banlieue de Twickenham et tenté de les brûler aux cris de « Libérez la Palestine ! » Le 26 octobre, les nombreux drapeaux palestiniens attachés aux lampadaires et poteaux dans la banlieue de Tower Hamlets sont enlevés par la municipalité pour des raisons de sécurité routière. Mais le 31, une vidéo devient virale où l’on voit la police arrêter un homme qui avait posté sur Facebook un film où il montrait et dénonçait les drapeaux palestiniens qui fleurissaient partout dans sa banlieue de Bethnall Green.

C’est ainsi que le drapeau palestinien est devenu, plus que la simple bannière d’une cause, une sorte d’étendard anti-occidental qui doit remplacer et annihiler toute autre forme de représentation, de la même manière que le récit historique des islamogauchistes doit gommer tout autre récit historique, et qu’une nouvelle culture doit se substituer à une autre.

Une tolérance intolérable?

Autrefois, nous avions du courage.

Le Royaume Uni a tenu tête au nazisme, au fascisme et au militarisme japonais avant de triompher, de concert avec ses alliés, dont la France, sur ces fléaux de l’humanité.

Aujourd’hui, nous tolérons qu’une attitude haineuse s’installe durablement dans une partie de notre population qui l’affiche ouvertement et parfois sans retenue. Certes, le gouvernement conservateur de Richi Sunak a pris position très fermement en faveur du droit des Israéliens de se défendre. Certes, le chef de l’opposition, Sir Keir Starmer, a refusé, contre l’avis de beaucoup des collègues travaillistes, d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza. Un ministre conservateur a été viré et un député travailliste expulsé de son parti, l’un pour avoir parlé en faveur d’une trêve, l’autre pour avoir eu des paroles haineuses. Dans ces décisions, nos dirigeants ont fait preuve d’un certain courage. Mais il reste d’autres défis de taille en dehors de nos grandes institutions dans la rue. Quelle est la raison du succès des manifestations propalestiniennes ?

Dès le début, la ministre de l’Intérieur a adopté une attitude sans compromis. Le 10 octobre, dans une lettre à la police, Suella Braverman lui a recommandé une grande vigilance concernant tout ce qui pourrait être interprété comme un acte antisémite ou un geste de soutien au Hamas, donnant comme exemple le chant « De la rivière à la mer… ». Après la première manifestation, elle a déclaré publiquement : « Mon message pour tous ceux qui ont cru bon de promouvoir le génocide et de se moquer de l’assassinat de juifs, y compris de femmes et de bébés, c’est que la police vous a dans le collimateur ». Au fur et à mesure que les protestations se sont répétées et ont pris de l’ampleur, elle a critiqué les forces de l’ordre de plus en plus ouvertement et sévèrement pour leur pusillanimité apparente. Pourquoi n’a-t-elle pas tout simplement donné à ces dernières l’ordre d’interdire les manifestations ou de sanctionner plus lourdement certaines actions ? La réponse se trouve dans la doctrine constitutionnelle de l’autonomie opérationnelle de la police. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, c’est la police qui décide d’interdire ou non une marche de protestation. Et à l’heure actuelle, la police britannique, suite à de nombreux scandales, notamment une intervention trop musclée en 2021 lors d’une marche blanche pour une femme assassinée par un policier, est devenue excessivement timide. Elle est plus prompte à peindre ses voitures dans les couleurs de l’arc-en-ciel et à verbaliser des citoyens ayant posté sur les réseaux sociaux qu’un homme est une homme et une femme est une femme (contrairement à la théorie du genre) qu’à faire face à certaines situations difficiles.

Ainsi, dans la mesure où si la coalition islamogauchiste connaît actuellement une grande réussite outre-Manche, c’est parce qu’elle sait exploiter à fond les libertés traditionnelles des Britanniques et l’incapacité des forces de l’ordre en proie à une forme de wokisation. C’est aussi parce que cette coalition agit à travers un certain nombre d’organismes qui sont bien rompus aux actions d’éclat et savent très bien organiser des événements. Quand le leader travailliste, Starmer, a purgé les échelons supérieurs de son parti des disciples de Jeremy Corbyn, le réseau de militants extrémistes et antisémites créé par ce dernier est resté en place au niveau local. Non seulement Corbyn reste actif en tant que député indépendant (il a été expulsé du parti en 2020), mais son influence reste présente dans de nombreuses associations se trouvant derrière les manifestations actuelles. Parmi elles : la Palestinian Solidarity Campaign, fondée en 2004 pour organiser des boycottes de tout ce qui est israélien ; la Palestine Action, créée en 2020 pour accomplir des actions de désobéissance civile ; les Friends of Al-Aqsa, une organisation anti-israélienne datant de 1997 ; la Stop the War Coalition, surnommée « Stop the West » (Arrêtez l’Occident) par ses critiques, fondée en 2001 pour dénoncer toute action militaire par le Royaume Uni et dont Corbyn a été le président de 2011 à 2015 ; Sisters Uncut, un groupe néoféministe ; Black Lives Matter UK ; et la Black Jewish Alliance et un certain nombre d’organismes juifs antisionistes. Secondées par des ONG internationales avec un tropisme gauchisant, comme Amnesty International et Human Rights Watch, ces organisations ont acquis une expertise dans la logistique des manifestations, dans l’art d’attiser les émotions des foules et dans des mises en scène théâtrales dans le style des écolos britanniques comme Just Stop Oil. Malgré la détermination de Braverman, la tolérance britannique a fini par donner trop de place à l’intolérable au risque d’encourager un extrémisme dénué de toute tolérance.

Le combat des morts

Autrefois, nous avions du courage. Le Royaume Uni a joué son rôle dans l’alliance occidentale contre le communisme soviétique jusqu’à la défaite finale de ce dernier. En un dernier sursaut de courage militaire, il a riposté à l’agression d’un régime autoritaire argentin dans la guerre des Malouines (encore une fois, avec l’aide de notre allié français).

Aujourd’hui, nous nous montrons démunis face à des profanations de la mémoire de nos morts des nombreuses guerres qui ont marqué notre histoire. A Londres, dans le quartier des institutions publiques, il y a une forme de géographie sacrée laïque qui s’étend de la place de Trafalgar, site de la colonne de Nelson, au Parlement et à l’abbaye de Westminster, à l’autre bout de Whitehall, la grande rue des ministères où débouche la petite artère de Downing Street. D’un côté, l’Embankment qui longe la Tamise, de l’autre, le palais royal de Buckingham. C’est dans cet espace que se trouvent les statues des héros politiques et militaires du pays et les monuments aux morts, surtout, au milieu de Whitehall, le mémorial suprême du Cénotaphe, un bloc de pierre austère qui a été comparé à la poignée d’une épée plongée dans la terre comme le glaive légendaire du roi Arthur. Les pertes en combattants subies par le Royaume Uni dans la Première Guerre mondiale, 885 138 (118 264 en comptant les troupes de l’Empire), bien qu’inférieures à celles de la France (1 397 800), ont donné lieu à un culte exceptionnel des morts militaires, célébré avec la plus grande solennité tous les ans au mois de novembre. Dès le mois d’octobre, des coquelicots en papier (« poppies »), l’équivalent des bleuets français, sont vendus dans les rues et les magasins pour collecter des fonds pour les vétérans. Aucun politique n’apparaitrait en public sans arborer la fleur artificielle qui rappelle la vie dans les tranchées. Le respect général concernant cet ensemble de rituels reste entier plus d’un siècle après l’Armistice de 1918. Ou presque. Car les manifestants propalestiniens s’en sont pris aux symboles des morts, des héros et des chefs.

D’abord, les statues. Le 14 octobre, la statue équestre du roi George IV a été défigurée par des tags enjoignant de « Libérer la Palestine ». Tout près, la statue de Charles 1er a été enveloppée dans un drapeau palestinien. Le 28 octobre, près du pont de Westminster, c’est au tour de celle de Boadicée, la reine guerrière des anciens britanniques qui a résisté à l’occupation romaine au prix de sa vie, d’être décorée avec un drapeau et des pancartes. Le même jour, la statue équestre du maréchal Hague, le commandant suprême de la Grande guerre, située dans Whitehall, a été taguée en peinture rouge : « Que Dieu préserve Gaza ». Ces cibles n’ont pas été choisies parce qu’elles étaient commodes, mais parce qu’elles incarnent l’histoire et la fierté britanniques.

C’est ainsi que même les vendeurs de coquelicots sont devenus eux aussi des cibles. Le 4 novembre, dans la gare principale d’Édimbourg, un vétéran de 78 ans qui collectait des fonds a été la victime d’une agression par une bande de manifestants. Depuis, les « poppy sellers », qui sont des volontaires, ont été beaucoup moins nombreux dans les gares londoniennes à la veille du weekend du 11 novembre. Au cours des manifestations à Londres ces dernières semaines, le public (sur les réseaux sociaux) et certains dirigeants politiques ont exprimé leur inquiétude de voir la foule en ébullition très près du Cénotaphe à Whitehall. Cette inquiétude s’est révélée partiellement justifiée quand une réplique du monument aux morts à Rochester, ville du nord de l’Angleterre tristement célèbre pour avoir été le centre d’opérations d’une bande organisant des viols collectifs sur des mineures (« grooming gang »), a subi des dégradations. Le 6 novembre, les coquelicots qui le décoraient ont été enlevés. Le lendemain, le mémorial lui-même a été tagué avec la formule « Libérez la Palestine », obligeant la police à monter la garde autour du monument jusqu’à la célébration du 11 novembre. Ces profanations ne sont pas le fait du hasard. Depuis au moins dix ans, des extrémistes islamistes au Royaume Uni expriment leur rejet et leur mépris à l’égard des coquelicots, des cénotaphes et de la commémoration des morts, malgré les nombreux soldats musulmans qui ont donné leur vie pour préserver les libertés britanniques. Cette attitude est bien résumée dans un tweet du 28 octobre de Dilly Hussain, animateur de 5 Pillars, un média musulman assez proche de la cause islamiste :  « On s’attend à ce que nous respections deux minutes de silence le jour de l’Armistice. La défaite de l’empire ottoman, la colonisation de la Palestine par le Mandat britannique et la déclaration Balfour de 1917 – voilà ce qui a actualisé l’idée d’Israël. Cette année, il y aura un refus tonitruant de ce silence, et pour des années à venir ». La menace est claire.

C’est dans ce contexte que l’association Palestinian Solidarity Campaign a appelé à une grande marche pour la Palestine aujourd’hui, samedi 11 novembre. Elle veut voir un million de manifestants à Londres ; 500 000 sont attendus, c’est déjà considérable. Le Premier ministre, Richi Sunak, avait déjà qualifié les manifestations qui s’aventuraient trop près du Cénotaphe à Londres de « provocatrices et irrespectueuses » et a exprimé sa crainte que ce monument aux morts et d’autres soient « profanés ». Il a depuis demandé à la police d’interdire la manifestation du 11 novembre, mais elle a refusé, prétextant que la menace qu’elle représente est insuffisante. Selon Palestinian Solidarity Campaign, la marche débutera deux heures après la minute de silence à 11 heures et son chemin évitera Whitehall. Ce qui n’exclut pas la possibilité que la minute de silence ne soit perturbée ou le Cénotaphe profané par des excités propalestiniens.

Hier, dans un article publié par The Times, Braverman a déclenché un esclandre en accusant la police de favoritisme, puisque cette dernière interdit des marches de groupes considérés d’extrême droite tout en permettant à l’extrême gauche de faire ce qu’elle veut dans nos rues. Des politiques de tous les bords, y compris de son propre parti, ont exigé sa démission ou son renvoi, jusqu’à présent en vain. Car Braverman dit tout haut ce que pensent beaucoup de Britanniques. Selon un sondage publié le 4 novembre par la chaîne GB News, 43% de la population est contre la marche et seulement 20% en sa faveur. La police a au moins décidé d’interdire tout le quartier de Whitehall autour du Cénotaphe à tout manifestant. Reste à voir si le « Festival du souvenir » ayant lieu au Royal Albert Hall ce soir en présence de la famille royale ou le grand défilé solennel des militaires en présence du roi et des dirigeants politiques demain feront l’objet de protestations ou de tentatives de profanation.

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Autrefois, on avait du courage. Qui se souvient aujourd’hui d’Orde Wingate (1903-1944) ? Entre 1942 et 1944, en Birmanie, ce général britannique a conçu et déployé des unités de forces spéciales capables de vivre dans la jungle derrière les lignes japonaises, de harceler l’ennemi et de désorganiser son approvisionnement. Les « chindits », selon le surnom des ces unités, d’après un mot birman pour un lion mythique, ont montré aux forces britanniques en Asie que les soldats japonais n’étaient pas invincibles, contribuant ainsi à la victoire finale dans ce théâtre de guerre. Déjà, en Éthiopie en 1941, Wingate avait aidé l’empereur Haïlé Sélassié à expulser les Italiens par des méthodes similaires. Mais il avait d’abord développé celles-ci entre 1936 et 1939 quand il a été envoyé en Palestine. Maître des tactiques non-conventionnelles, il a créé des unités de choc nocturnes (« Special Night Squads ») pour aider les juifs à repousser les attaques des arabes. Selon l’historien américano-israélien Michael B. Oren, Wingate – qualifié par Churchill d’« homme de génie » – serait presque « le père de l’armée israélienne ». Le monument aux chindit est situé sur l’Embankment, derrière le ministère de la Défense, mais les manifestants sont probablement trop ignorants pour le profaner.

Le vrai courage aujourd’hui, ce ne sera pas seulement celui des forces de l’ordre qui encadreront les marcheurs et protégeront le Cénotaphe. Ce ne sera pas seulement celui des politiques comme Braverman qui dénonceront toute profanation de la mémoire des morts britanniques, ni celui des citoyens britanniques qui refuseront de voir perturbée leur commémoration des héros du passé. Ce sera celui des musulmans britanniques qui rejetteront le chant des sirènes de la coalition islamogauchiste et qui montreront que leur mémoire est en très grande partie celle du pays où ils habitent.

Ce weekend, chacun est appelé à choisir son camp.

Notre démocratie ou les Précieux ridicules…


Les mêmes qui dénonçaient la politisation du rassemblement à venir, dimanche 12 novembre, « pour la République et contre l’antisémitisme », ont tout fait pour l’aggraver. Au point que ce qui aurait dû apparaître comme une lutte commune et consensuelle contre un poison universel s’est fortement réduit. Par le refus de LFI d’y participer (elle y aurait été très mal accueillie !) mais surtout par l’expression de pudeurs démocratiques visant à créer « un cordon sanitaire symbolique » pour préserver les purs, les intègres, les authentiques Républicains de la moindre promiscuité avec le RN qui sera présent en masse, j’en suis persuadé, comme Marine Le Pen l’a demandé. Depuis quelques jours, en effet, il s’agit moins de relever le caractère positif et salubre d’une telle manifestation, voulue par la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, que de montrer à quel point nos politiques sont délicats et sauront tenir leurs distances à l’égard d’un parti dont on a sans cesse besoin de rappeler les origines passées et lointaines pour exorciser un présent et peut-être un futur où beaucoup le voient victorieux (ce qui n’est pas mon cas, je le répète). Notre démocratie ou les Précieux ridicules, c’est vraiment cela. Il y a heureusement des voix qui, dans l’indignation, l’approbation ou la dérision, savent faire preuve de lucidité et de bon sens en mettant en évidence ce qui devra inspirer seulement la multitude probable du 12 novembre : la dénonciation forte, éclatante et massive de l’antisémitisme et de la quotidienneté de plus en plus menacée et angoissée de nos concitoyens juifs à l’égard desquels propos et actes agressifs se multiplient à une cadence vertigineuse. Et non pas l’approbation obligatoire de la politique d’Israël et de son dirigeant Netanyahou. Gilles-William Goldnadel, toujours singulier et ferme dans ses résolutions, ne participera pas au « défilé » du 12 novembre – si j’ose dire, le distinguo entre « marche civique » et « rassemblement politique » me semble byzantin ! – parce qu’il reproche, à juste titre, au ministre Olivier Véran et au Crif d’en avoir fait « un enjeu politicard ». Quand il s’agissait de s’opposer au projet de loi sur les retraites, apparemment personne, où que ce soit sur l’échiquier politique, n’a fait la fine bouche devant la solidarité de fait unissant, dans la rue, le RN et les autres forces sur la même ligne que lui.

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Olivier Marleix, le président du groupe parlementaire LR à l’Assemblée nationale, a moqué avec esprit le fait qu’on voulait bien, « assis », être aux côtés du RN comme lors des Rencontres de Saint-Denis mais qu’on refusait, « debout », de côtoyer le RN le 12 novembre dans un combat contre l’antisémitisme. Quelle absurdité ! Quand on tient des postures et que les postures nous tiennent !

Le malaise de ces personnalités de gauche (Boris Vallaud par exemple chez Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio) ou de ces ministres macronistes (Bérangère Couillard notamment le 10 novembre chez le même) pour justifier la légitimité de l’exclusion d’un parti – démocratique jusqu’à nouvel ordre – d’une lutte nécessaire contre l’antisémitisme ! À cause, précisément, de l’absence totale de fondement d’un ostracisme qui vise à prolonger la facilité et le confort de l’opprobre éthique à la place de la contradiction politique. Faut-il minimiser la position sans équivoque de Serge Klarsfeld – qui oserait discuter la portée fondamentale de son avis, lui qui a été en première ligne pour la défense des Juifs et le respect de leur mémoire ? – soulignant dans le Figaro qu’il se « réjouissait » de la participation du RN à la marche du 12 novembre et qu’il était « soulagé de voir le RN abandonner l’antisémitisme et se poser en défenseur des Juifs mais (…) triste de voir l’extrême gauche abandonner sa ligne d’action contre l’antisémitisme ».

Je n’ai pas envie non plus de négliger l’opinion doublement majoritaire des Français qui à la fois approuvent la manifestation du 12 novembre mais désapprouvent la volonté de mise à l’écart du RN. Il y a dans cet équilibre une leçon qui devrait faire réfléchir nos politiques. Merveilleuse surprise pour les adversaires du RN : la déclaration de Jordan Bardella affirmant que malgré ses condamnations Jean-Marie Le Pen n’était pas « antisémite ». On devine, derrière ce qu’il a reconnu être une « maladresse » vite corrigée, le désir de ne pas essentialiser une personnalité mais il n’empêche que cela a jeté le trouble dans une dédiabolisation dont la réussite est consacrée par l’entêtement acharné d’adversaires nostalgiques à continuer à prendre la fille pour le père. Alors, oui, je persiste : nos démocrates patentés, autoproclamés exemplaires, justiciers du bon grain et de l’ivraie, sont en réalité « des Précieux ridicules ». Leur souci n’est pas de vaincre le Mal mais d’être les seuls à avoir le droit de le faire.

Le Ajar et la nécessité

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Delphine Horvilleur, dans Il n’y a pas de Ajar et ailleurs également, pourfend l’idée d’identité avec mordant, et autant on peut et on doit même entendre son éloge du multiple, autant renvoyer l’idée d’identité nationale à une nostalgie fantasmée d’un âge d’or fermé à tout étranger et toute étrangeté en nous – plénitude perdue où l’on voudrait retourner comme dans le giron maternel – relève de la caricature et s’avère terriblement inactuel.


Il me semble que la question de l’identité nationale ou française, si elle a connu, par le passé, des précurseurs très discutables, s’est posée il n’y a pas si longtemps à notre pays en réaction à trois mises en cause de plus en plus agressives : les institutions européennes qui désavouent les décisions nationales, le mouvement de la déconstruction qui n’en finit pas de culpabiliser son monde, et la réislamisation d’une certaine population immigrée ou de ses descendants.

Ce retour de l’identité a une histoire, et à en parler sans l’y situer, on l’essentialise et on peut dès lors s’autoriser légitimement à faire la grimace. Mais dans ce cas, on risque aussi de faire dans l’angélisme. Dans l’angélisme subtil, drôle, intelligent et virevoltant comme une valse, mais dans l’angélisme tout de même.

Car il y a finalement un paradoxe, et c’est le sentiment que j’ai eu en lisant Delphine Horvilleur (et en lisant Rachel Kahn, aussi) : à savoir que la possibilité de l’identité mobile, du multiple en nous, ne peut se pratiquer que dans certaines contrées et dans certaines cultures… qu’il nous faut bien défendre si l’on veut pouvoir ne pas se shooter à l’identité comme d’autres à la coke. Et que ces contrées et ces cultures sont bien des identités, et des identités menacées. Je pense à la laïcité à la française, à la République une et indivisible – à moins de tomber dans l’agrégat de communautés juxtaposées -, à l’idée de frontière, à celle de nation, de citoyenneté, à l’héritage politique et littéraire, aux paysages, aux mœurs et coutumes etc.

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Entre les institutions européennes qui nous vouent à l’ectoplasme, à l’interchangeabilité des uns et des autres dans l’optique économiste qui est la sienne, les narcisses imbus d’identité sexuelle choisie, les revendicateurs racialistes revendiquant cela même qu’ils dénoncent, les fanatiques de l’Autre qui font que quand il n’y a plus que l’Autre, il n’y a plus d’Autre du tout, l’immigration extra-européenne encouragée par cette même Europe des technocrates pour les raisons que l’on sait, et qui, de son côté, remet en cause des fondements capitaux (appelons cela des racines aussi) et, enfin, l’islamisme radical qui s’étend et fait des ravages, il y a malaise dans la civilisation, et je dirais même plus, il y a cauchemar.

Quand le tragique pointe le bout de son nez (et je ne sais quand et où il oublierait de le faire) il y a bien quelque chose à défendre qui ne fait pas de nous des « fachos » ou des obsédés de l’identité une et une seule, et qui s’appelle une certaine idée de la France, pour laquelle Gary-Ajar s’est battu dès les premières heures… et dans laquelle, précisément, nous pouvons mettre en cause ce qui nous figerait dans des postures mortifères ; je suis ceci, cela, et pas autre chose. Mais il faut impérativement se rappeler qu’il n’y a qu’ici, ou dans très peu d’endroits sur terre, et dans un cadre politique précis qu’on peut le faire. Dès lors, c’est bien au nom de la possibilité d’une identité non figée défendue dans le livre… qu’il nous faut défendre ce qui la permet, et qui a bel et bien à voir avec l’histoire et l’identité d’un pays.

Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur, Grasset 2022

Il n'y a pas de Ajar: Monologue contre l'Identité

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Le Débat

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Pour vivre heureux, vivons cachés Jean-Pierre Claris de Florian, Le Grillon.


« Regardez-moi dans les yeux ! »

Un classique. Tiré du catalogue des injonctions censées déstabiliser l’adversaire. Voilà bientôt une heure et demie qu’ils débattent. Avec un acharnement, une pugnacité, une conviction qui ne sont pas feints, sans doute, mais doivent beaucoup aux conseillers en communication. Lesquels n’ont rien laissé au hasard, comme il sied lorsque des millions de télévoyeurs sont rivés devant leur poste. L’un et l’autre jettent furtivement, à la dérobée, un regard sur les notes, les statistiques, les phrases qu’il faudra ab-so-lu-ment prononcer et qui devront faire mouche.

Car l’enjeu, ce soir, est important. Rien de moins que l’accès à la présidence de la République. Avec ce que cela signifie, désir de servir son pays, de faire prévaloir ses idées, mais aussi ambition personnelle. Rêve de gloire ou, au moins, de notoriété. Voire envie de jouir des prébendes attachées à la fonction, ce que chacun des deux, même sous la torture, se garderait de reconnaître.

Pour l’heure ils sont là, assis face à face, devant une table. À bonne distance l’un de l’autre. Assez proches cependant pour que rien, sous la lumière crue des sunlights, ne puisse échapper de leurs mimiques, de leurs gestes, volontaires ou non, et qu’ils ont appris tant bien que mal à maîtriser. L’impassibilité, la faculté de rester impavide sous les assauts de l’adversaire, voilà qui se cultive. Avec plus ou moins de bonheur et de réussite.

« Regardez-moi donc dans les yeux ! »

Elle réitère. Avec une véhémence dont la gradation a fait l’objet de maintes répétitions préalables (un dada de son chargé de communication).

Comment se dérober sans donner l’impression de capituler, devant les caméras qui les scrutent l’un et l’autre ? Il plonge son regard dans celui de son adversaire. Elle a des yeux verts, d’un vert transparent dont la profondeur, la limpidité évoquent celles d’un lac de montagne. Du moins est-ce l’impression qu’il ressent, tandis qu’un trouble inattendu s’empare de lui.

Jamais, jusqu’ici, il n’avait remarqué le magnétisme qui émane d’elle. Il est vrai qu’il n’a jamais eu l’occasion de l’observer d’aussi près. La beauté radieuse de son visage. Son teint d’albâtre, sous la chevelure d’un blond cendré qui descend en torsades sur ses épaules. Ses formes de jeune femme dans la force de l’âge. Ses mains fines, posées à plat sur la table – sans doute un moyen de dissimuler la nervosité qu’elles pourraient trahir. Son parfum, enfin, léger et enivrant, qui lui parvient par intermittence. Légèrement opiacé. A la fois discret et provocant.

Elle aussi le regarde sans ciller. Avec intensité. Surtout, ne pas baisser les yeux. Ne manifester aucun signe qui puisse être interprété en sa défaveur. Pourtant, est-ce vraiment la chaleur des projecteurs qui lui met soudain le rouge aux joues ? L’ardeur de la joute verbale qui la fait intérieurement flageoler ?  

Elle l’observe, elle aussi, pour la première fois. Découvre la régularité de ses traits. La séduction qui sourd de toute sa personne, de ses gestes, de sa voix. Quel âge a-t-il ? Trois ans de plus qu’elle. Elle a potassé sa biographie, comme il a épluché, sans doute, la sienne. Elle n’ignore rien de lui, sinon ce que lui dévoile la proximité soudaine qui les réunit autour de la même table. Elle en est si désarçonnée qu’elle ne trouve plus aucun argument pour répondre à la réplique qu’il vient de lui opposer.

Il est vrai que, lui d’ordinaire si sûr, n’a pu que bredouiller cette réponse. Au point de la rendre inintelligible. Fait plus étrange encore, il l’a terminée par un sourire, au lieu de pulvériser, en une de ces formules définitives qu’il affectionne, les arguments de son contradicteur. Son contradicteur… A-t-elle vraiment encore envie d’endosser ce rôle? Elle le regarde, une expression de béatitude peinte sur son visage. Elle se surprend même à répondre au sourire charmeur qui, pour inattendu qu’il soit, ne saurait lui échapper. Que lui arrive-t-il donc ? L’introspection n’est guère de saison. Le chronomètre indique qu’il n’est que temps de conclure, comme le leur signifie le modérateur chargé de veiller à l’équité du débat. C’est l’heure de vérité. Celle où les boxeurs rassemblent leurs dernières forces pour terrasser définitivement l’adversaire. C’est elle que le sort a désignée pour prendre d’abord la parole.

« Je voudrais, dit-elle d’une voix douce dont le léger tremblement trahit l’émotion, remercier du fond du cœur mon interlocuteur. Ses arguments m’ont convaincue. Il est digne, sans doute plus que je ne le serais moi-même, d’exercer la fonction suprême que nous briguions l’un et l’autre, mais pour laquelle, j’en ai conscience, il est bien mieux qualifié que moi.

« Ses compétences en matière d’économie comme de géopolitique, sa prestance et son talent d’orateur qui lui permettront de s’imposer dans les instances internationales, son sens profond de la justice, son humanité qui l’incite à prendre en compte le sort des plus faibles de nos compatriotes, tout cela fait qu’il sera, à coup sûr, le meilleur président qu’aura jamais connu notre République. C’est pourquoi je vous demande de lui apporter vos suffrages. »

Un murmure parmi les quelques privilégiés conviés au débat. Il enfle comme une rumeur trahissant l’incompréhension, voire le désarroi qui gagne la salle et que fait taire, d’un geste, le challenger ainsi adoubé.

« Qu’il me soit permis, chère Madame – je ne saurais vous nommer autrement, même si ce qualificatif est trop faible pour exprimer l’intensité de mes sentiments – qu’il me soit permis, donc, de vous remercier sincèrement pour les paroles que vous venez de prononcer et qui, croyez-le, me vont droit au cœur.

« Je ne puis néanmoins les accepter sans objections. Car les vertus et les compétences que vous me prêtez devraient vous être attribuées à bon droit. Vous y joignez, en outre, ce dont je n’aurais l’outrecuidance de me prévaloir : la grâce, la beauté, le charme, une féminité irrésistible. Toutes qualités que vous possédez au plus haut degré et que nulle autre que vous ne mettrait avec un tel éclat au service du rayonnement de notre cher pays. Voilà pourquoi je ne saurais trop inciter nos concitoyennes et nos concitoyens à vous porter, par leur vote massif, à la magistrature suprême que vous exercerez pour le plus grand bénéfice et le plus grand bonheur de notre belle patrie. Permettez, très chère Madame, que je vous baise la main. »

Il s’est levé, a contourné la table, s’apprêtait à un baisemain protocolaire, mais elle l’a devancé. A-t-elle glissé, sous le coup de l’émotion, sur le parquet trop bien ciré ? Toujours est-il qu’elle se retrouve dans ses bras.

La photo officielle fut celle d’un couple énamouré, en pleine étreinte. La dernière image, du reste. L’un et l’autre ont tourné le dos à la politique. Modernes Cincinnatus, ils ont acheté un domaine blotti au fin fond de l’Ariège, loin de toute agglomération. Ils y vivent heureux. Ce qui, somme toute, vaut tous les ors des palais officiels.

Thomas Jolly, de Shakespeare aux JO. Ou la culture à l’heure de la déconstruction

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Portrait de l’effrayant metteur en scène des cérémonies des Jeux olympiques 2024 à Paris.


Il est en ce moment le chouchou des médias, de Télérama à France Inter en passant par Le Monde. Il faut dire que le « prodige du théâtre public » Thomas Jolly coche, bien qu’il s’en défende, toutes les cases du culturellement correct. Il croit, dit-il par exemple dans un entretien donné à L’Express, « à une forme de déhiérarchisation des objets culturels » et à « l’inclusivité ». Au demeurant, l’homme n’est pas antipathique. Il est seulement risible. Cet amusant personnage arbore un perpétuel et imperturbable sourire juvénile traduisant une totale insouciance, une véritable incapacité à comprendre ce qu’il est réellement, à savoir un animateur de la grande braderie culturelle en cours. Philippe Muray a décrit en son temps la transformation de la culture et des arts en cette gigantesque et universelle Foire du Trône culturelle aux multiples attractions – ses théâtres de rue participatifs, ses Nuits Blanches stupéfiantes, ses Techno Parades tolérantes, ses théâtres subventionnés à messages progressistes, ses Fêtes de la musique citoyennes, ses musées et ses festivals en pagaille. Thomas Jolly rêve d’un « Festival d’Avignon permanent » – c’est-à-dire, pour le dire comme Muray, d’une incessante mécanique de disparition de ce que le metteur en scène prétend mettre au pinacle, à savoir l’art théâtral.

L’écrivain Philippe Muray (1945-2006) et notre directrice de la rédaction Elisabeth Lévy © Hannah Assouline

« Rockeur dégénéré », « solaire » …

En 2014, Chloé Aeberhardt, alors journaliste à Libération, rencontrait l’acteur et metteur en scène. Subjuguée, captivée, envoûtée, elle rapportait une phrase de l’artiste parlant de lui : « Je suis phosphorique ». « Soit, en homéopathie, écrivait la journaliste avec des étoiles plein la tête et l’Encyclopédie des thérapies alternatives sous le coude, l’un des trois profils de base désignant à raison, en ce qui le concerne, les sujets longilignes, sensibles et créatifs. » Elle comparait alors l’artiste aux chétifs vers luisants qui ont « cette faculté tellement géniale de rayonner la nuit », et rappelait que le mentor de Thomas Jolly, Stanislas Nordey, directeur du Théâtre National de Strasbourg, l’avait toujours trouvé « extrêmement solaire ». Qu’avait donc fait ce jeune metteur en scène, 32 ans à l’époque, pour mériter ces éloges incandescents ? Nous sortions du Festival d’Avignon – dirigé à l’époque par Olivier Py, représentant éminent du wokisme culturel – où Thomas Jolly avait dirigé un spectacle marathon de 18 heures tiré de l’œuvre shakespearienne, Henry VI. La critique, unanime, avait apprécié cet « univers qui se joue des repères historiques » (dixit la plaquette de présentation du spectacle) et salué la performance.

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Ainsi, après avoir vu ledit spectacle, le critique théâtral René Solis écrivait dans Libération : « Ni un sommet, ni une révolution esthétique, pas le Ring de Chéreau, ni le Soulier de satin de Vitez, juste tout un jour et toute une nuit de théâtre qui revigorent. » Ça, pour revigorer, ça revigora. 15 actes, 150 personnages ; entre chaque partie, une comédienne s’adressant aux spectateurs : « Non contents d’avoir déjà enduré quatre heures de notre épopée, vous êtes revenus. Pour en reprendre treize !!! C’est gentil » ; Thomas Jolly interprétant lui-même Richard III « en rockeur dégénéré » ; des chevaliers galopant sur des chaises « qui serviront ensuite au bûcher de Jeanne d’Arc, perruque bleue et seins à l’air », s’esbaudit René Solis qui raffola également des « lumières rouges, éclairs aveuglants, lancers de cotillons et giclées électro-rock » et de « l’usage des faisceaux, entre DCA et boîte de nuit ». Le marketing publicitaire s’appliquant de nos jours indifféremment au commerce et à l’art, la direction du théâtre offrit un pin’s aux courageux spectateurs qui restèrent jusqu’au bout du spectacle : « J’ai vu Henry VI en entier. »

Plus c’est long…

Toujours plus loin, toujours plus fort. En 2022, Thomas Jolly montera, au Centre Dramatique National d’Angers, Henry VI + Richard III, c’est-à-dire la tétralogie de Shakespeare en intégralité. La performance durera cette fois 24 heures, avec les mêmes ingrédients que pour celle d’Avignon. Par exemple, une batucada (musique rythmée brésilienne) résonnera lors de la première scène de bataille et sera suivie de la bande sonore du Space Mountain de Disneyland : « Ce mélange d’influences et de références, c’est avant tout une profonde marque de respect du public, à tous les publics de théâtre », affirmera sans rire, sur le site de France Inter, Julien Baldacchino qui appréciera également l’entrée du rebelle John Cade sur une « chanson aux accents punk », l’ambiance « opéra rock macabre » et les facéties de Bruno Bayeux, le comédien tenant le rôle du maire de Londres, entrant en scène en prévenant le public : « Je suis Bruno, je joue le maire, mais je ne suis pas Bruno Le Maire ! » Les spectateurs repartiront là encore avec une preuve de leur assiduité, un pin’s sur lequel il est écrit cette fois : « J’ai vu Henry VI + Richard III en entier. »

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Le relativisme généralisé – qui alimente le wokisme déconstructionniste – ne pouvait pas ne pas atteindre ce que certains appellent encore la culture par commodité et en voulant profiter du prestige d’un mot dont ils détournent le sens à leur guise. Thomas Jolly fait partie de cette génération d’artistes qui ne veulent plus hiérarchiser les œuvres. Benjamin Britten ou les Spice Girls, Mozart ou les Daft Punk, Shakespeare ou Britney Spears, pour lui tout est égal, équivalent, tout se vaut et peut se parer d’adjectifs interchangeables et progressistes : populaire, citoyen, ouvert, égalitaire, inclusif ou festif.

Audacieuses et audacieux

Dans La défaite de la pensée (Gallimard), Alain Finkielkraut soulignait cette (im)posture post-moderne et dévastatrice consistant à mettre sur le même plan l’auteur du Roi Lear et un acteur célèbre, un slogan publicitaire et un poème d’Apollinaire, un grand couturier et Michel-Ange, et, « à condition qu’elle porte la signature d’un grand styliste », une paire de bottes et Shakespeare. Dans ce bouleversement des valeurs, le metteur en scène n’est plus au service de Shakespeare – c’est Shakespeare qui devient le faire-valoir du génial metteur en scène. Dans le cas de certaines œuvres anciennes, le texte littéraire – malencontreusement encombré de références historiques incompréhensibles, de mots désuets, de sentiments surannés – peut être un obstacle à la révélation de ce génie, surtout s’il est décidé de faire entrer la performance théâtrale dans le Livre Guinness des records, rubrique « le spectacle le plus long ». Par-delà le texte, des « giclées électro-rock » sortiront alors le spectateur de sa torpeur ; une quincaillerie pyrotechnique et une mise en scène épileptique le tiendront éveillé. Thomas Jolly excellant apparemment dans ce domaine, il n’est pas étonnant qu’il ait été sollicité pour mettre en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques de 2024 et tenir en haleine les presque deux milliards de téléspectateurs attendus. « J’aime les grands enjeux, les grands défis ! J’ai cette audace-là ! » dit-il hardiment sur France Inter, face à une Léa Salamé sous le charme. Comme ses congénères du théâtre subventionné – David Bobée, directeur du Théâtre national de Lille, membre fondateur du collectif  “Décoloniser les arts”, ou Olivier Py, antifasciste de théâtre qui envisagea de délocaliser le festival d’Avignon en cas de victoire du RN aux élections municipales – Thomas Jolly chante l’inclusivité sur tous les tons permis par la novlangue du politiquement correct : il espère que « les autrices et les auteurs » qui l’accompagneront sur ce projet et que « celles et ceux » qui y participeront seront aussi enthousiastes que lui pour « délivrer des choses importantes » – au moins aussi importantes que celles issues de Starmania, la comédie musicale qu’il a relancée et qui est, selon lui, « une œuvre qui s’adresse à nous tous et à nous toutes, parce qu’elle est justement le reflet, au-delà de l’actualité, même si elle est très, très fortement impactée par notre actualité – c’est d’ailleurs aussi le côté visionnaire de l’œuvre − c’est quand même au fond une question qui se pose, de qu’est-ce qu’on fait là, à quoi on sert et qu’est-ce qu’on fait dans ce monde qui ne nous ressemble pas ? » Léa Salamé, impressionnée par cette interrogation existentielle et cette syntaxe acrobatique, ouvre des yeux grands comme ça et ajoute son gros grain de sel à cette conversation quasi-métaphysique : « Le texte (de Starmania) est furieusement moderne et il était très avant-gardiste. Il y a beaucoup de résonance avec aujourd’hui. Comment ne pas voir dans le personnage de Zéro Janvier, le magnat de la presse multimillionnaire qui va devenir président de l’Occident, grâce à un programme ultra-sécuritaire, nationaliste et anti-écologique, la figure de Trump par exemple. » Shakespeare peut aller se rhabiller.

A lire aussi, Marie-Hélène Verdier: La Fontaine en fables et en notes

« Je suis frappé par la médiocrité artistique de cette époque », disait récemment Michel Fau dans ces colonnes1 en pointant du doigt le théâtre subventionné et l’hégémonie culturelle de la gauche. Usant des mêmes discours affectés sur l’égalité, l’anti-élitisme et un « théâtre engagé et inclusif », Thomas Jolly peut diriger indifféremment Shakespeare, Starmania ou les Cérémonies des Jeux Olympiques, et déclarer dans L’Express, en massacrant, en plus du reste, la langue française : « Quand on fait du service public, on sert qui, on sert à quoi, on sert quoi ? Moi, j’essaie de servir à cet endroit-là de la société, c’est-à-dire l’inclusivité, réguler l’égalité parce qu’elle n’est pas là sur beaucoup de sujets. » De ce charabia, nous sommes censés retenir essentiellement les syntagmes service public, inclusivité, égalité – c’est-à-dire les nouveaux mantras de la caste culturelle à l’heure du wokisme, mantras qui sont l’antithèse absolue de ce qu’on appelait justement, du temps où elle se prévalait d’un certain élitisme sans se refuser à quiconque faisait un effort pour l’appréhender, l’admirer et en jouir, la culture.

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  1. https://www.causeur.fr/michel-fau-un-grand-artiste-nest-ni-de-droite-ni-de-gauche-265092 ↩︎

Quand les Soulèvements de la Terre disent «cheh» à Gérald Darmanin

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Le Conseil d’État a annulé la dissolution des Soulèvements de la Terre décidée par notre ministre de l’Intérieur. Un désaveu juridique qui est surtout une victoire pour tous les groupes violents et les partisans de la « désobéissance civile », déplore Elisabeth Lévy.


Gérald Darmanin sait prendre des risques. Il a joué et il a perdu. Le décret de dissolution pris le 21 juin, qui était déjà suspendu en référé, a été finalement annulé jeudi avec un de ces raisonnements bizarres dont la haute juridiction a le secret.

Extraits choisis. Le groupe ne se serait rendu coupable d’« aucune provocation à la violence contre les personnes ». Donc, quand les « Soulèvements de la Terre » diffusent, avec gourmandise, « des images d’affrontements de manifestants avec les forces de l’ordre, ce n’est pas une revendication, une valorisation ou une justification de tels agissements ». Oh non, pas du tout ! C’est pour les dénoncer, peut-être ? On se moque de nous. Traduction : les « Soulèvements de la Terre » ne sont nullement responsables des violences commises dans leurs manifestations, même s’ils les relaient ensuite avec complaisance. Les forces de l’ordre blessées à Sainte-Soline ou ailleurs apprécieront certainement.

Par ailleurs, le Conseil d’État reconnait que les membres de l’association sont bien coupables de provocations à des violences contre les biens. Mais on ne va pas faire une histoire pour ça non plus. Après tout, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Tant pis pour les agriculteurs, qu’ils se débrouillent.

A lire ensuite, Martin Pimentel: Une « loi Gayssot » contre les climatosceptiques? Vivement demain!

On n’interdit qu’avec la main qui tremble : on pourrait admettre ce raisonnement libéral s’il n’était pas aussi sélectif. Je ne vois pas en quoi les happenings de Génération Identitaire, groupe dissous qui ne s’était pas non plus rendu coupable de violences, par exemple, menaçaient l’ordre public. Il est donc difficile de ne pas penser que le Conseil d’État fait des choix idéologiques. D’ailleurs, il a récemment découvert les dangers de l’islamisme – ce qui était appréciable – mais il fait preuve d’une curieuse indulgence pour les écolos-dingos.

Gérald Darmanin avait-il pour autant raison de vouloir interdire les « Soulèvements de la Terre » ? Non ! Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman, j’interdis à gauche un jour, j’interdis à droite le lendemain ; cela ne fait pas une politique. Et même validées, ces interdictions sont de toute façon assez inutiles, car il s’agit de groupes fluides, numériques, très difficilement contrôlables voire sans existence juridique et qui se reconstituent facilement. En revanche, il serait plus efficace de poursuivre chaque délit et de frapper individuellement et collectivement au portefeuille. Je vous assure qu’ainsi cela les enquiquinerait nettement plus !

À ne pas manquer, l’éditorial d’Elisabeth Lévy: Le crépuscule des jeux

Reste que cet arrêt est une victoire de taille pour les groupes violents, quand ils agissent pour la bonne cause. J’en veux pour preuve le Libération du jour qui écrit : « En rejetant le décret de dissolution, le Conseil d’État acte la légitimité de la désobéissance civile en matière d’environnement »1. Le pire, c’est que c’est vrai : les « Soulèvements de la Terre » triomphent. Curieusement, en arabe. Cheh ! (« bien fait ! ») lancent-ils, sur les réseaux sociaux à Gérald Darmanin. « Cette décision prend acte du rapport de forces que nous avons instauré », affirme leur communiqué. Cette jurisprudence pourra désormais être invoquée par tous les illuminés qui pensent que la fin justifie n’importe quel moyen.

Si Gérald Darmanin veut montrer ses muscles, il devrait peut-être commencer par dissoudre le Conseil d’État – je blague !! N’empêche, il est curieux que nos prétendus Sages choisissent les fauteurs de troubles et les casseurs de flics contre les défenseurs de l’ordre public. Tout de même : ils sont censés être les conseillers du pouvoir. Ils sont surtout les grands artisans de son impuissance.

  1. https://www.liberation.fr/societe/police-justice/soulevements-de-la-terre-le-conseil-detat-annule-le-decret-de-dissolution-20231109_ZOYSNOKE25D5FPWE4Q2SFMNIOU/ ↩︎

À quand une minute de silence pour les punaises de lit?

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D.R.

La rentrée parlementaire a été marquée par la gravité et les fausses urgences : terrorisme, écriture inclusive et punaises de lit ont occupé de longues séances dans l’hémicycle.


Bon, finie la rigolade ! Terminées les journées à arpenter ma bonne terre du Biterrois… Retour à l’Assemblée nationale avec ses longues journées dans l’hémicycle.

Non, non, rien n’a changé

C’est la rentrée. J’ai l’impression de retrouver notre hémicycle dans le même état que deux mois plus tôt. LFI braille toujours autant. Les écolos renouent avec le cirque et ne trouvent rien de mieux qu’arborer, dès la première séance de questions au gouvernement, des tee-shirts siglés contre le réchauffement climatique, strictement interdits par notre règlement intérieur. Et, comble de l’ironie, on apprend que, le matin même, lors de la conférence des présidents, Yaël Braun-Pivet, présidente de notre auguste assemblée, avait remis les choses au clair concernant les chahuts à l’Assemblée avec un impérial « Je ne laisserai plus rien passer. » Ça promet !

49.3 le retour…

Pour finir de nous replonger dans l’ambiance, un petit 49.3 dès le lendemain pour faire passer la loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Sans que ça émeuve grand-monde, semble-t-il…

Plein emploi

Ça, vous avez dû en entendre parler. C’était le texte de la rentrée parlementaire : le projet de loi qui remet les bénéficiaires du RSA au boulot. Un dialogue de sourds tant les positions semblent irréconciliables entre ceux qui sont favorables aux quinze heures d’activité demandées aux allocataires du RSA en contrepartie des indemnités versées (les partis de la majorité et la droite) et ceux qui estiment que cette mesure s’apparente à de l’exploitation (la gauche et le RN). Les débats sont difficiles. On passe des heures à pinailler sur un mot – faut-il parler d’emploi ou d’emploi de qualité ? –, mais la palme revient sans conteste à un amendement d’un député du RN qui proposait de « comptabiliser dans la durée hebdomadaire d’activité du demandeur d’emploi les heures consacrées aux devoirs des enfants, aux courses et à l’entretien du foyer. » Si, si…

Minutes de silence

Le 10 octobre dernier, la présidente de l’Assemblée nous a demandé d’observer une minute de silence pour les victimes israéliennes de l’attaque terroriste du Hamas. Puis, une autre le 17 octobre en hommage à Dominique Bernard, professeur tué par un islamiste à Arras. Rien de plus évident pour manifester notre solidarité. Mais je ne peux m’empêcher de remarquer que ces instants censés être des moments d’unité, de concorde, sont en forte augmentation – et régulièrement contestés –ces derniers temps à l’Assemblée nationale : huit depuis le début de l’année. Je pense notamment à celle que l’Assemblée a organisée pour la mort de Nahel –« le petit ange parti trop tôt », dixit le footballeur Kylian Mbappé. Vous avez dit discernement ?

Drame national

Le gouvernement avait déjà dévoilé, en mars 2022, le premier plan interministériel contre les punaises de lit ! Mais ces vilaines petites bêtes ont refait surface lors de la rentrée parlementaire et ont été déclarées ennemi public numéro 1 de la septième puissance économique mondiale ! À quand la minute de silence pour les victimes des punaises de lit ?

Empathie

Annoncés pour 2024, les cours d’empathie ou cours « du respect de soi et de l’autre » devront permettre de lutter, notamment, contre le harcèlement scolaire. C’est la nouvelle mesure annoncée par le ministre de l’Éducation nationale après le suicide d’un adolescent à la rentrée. En quoi vont-ils consister ? Difficile de le dire encore avec précision, mais « ces compétences feront désormais partie officiellement des savoirs fondamentaux de l’école », explique Gabriel Attal. En d’autres temps, on appelait ça des cours de catéchisme…

Terrorisme islamiste

Difficile d’appeler les choses par leur nom. L’attaque odieuse subie par Israël de la part des terroristes du Hamas le 7 octobre dernier aura au moins permis de lever le masque sur la France insoumise et ses amis. À l’Assemblée, la position de Mathilde Panot a provoqué des tollés en ce qu’elle refusait d’utiliser le mot « terroriste » pour qualifier les agissements du Hamas. Pour Danièle Obono, il s’agit ni plus ni moins d’un « mouvement de résistance »… Il faut dire que les députés LFI, rameau d’olivier à la boutonnière, tentaient d’expliquer qu’ils plaidaient pour la paix en mettant en avant la cause palestinienne. Clientélisme, quand tu nous tiens…

À la niche

Une fois par an, chaque groupe politique bénéficie d’une journée pendant laquelle il met à l’ordre du jour les textes de son choix. Le 12 octobre, c’est la niche du Rassemblement national. La journée commence par une proposition de loi pour lutter contre l’endométriose, cette maladie gynécologique qui touche environ une femme sur dix dans le monde. Bérengère Couillard, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, s’est exprimée ainsi quelques jours avant son examen : « J’ai pour principe politique de refuser toutes les lois qui viennent du RN. »Et d’ajouter q u’elle était même« totalement » favorable à prendre un décret sur le sujet qui pourrait« contrer » la démarche du RN. Bravo ! Applaudissez tous ! Car sachez-le, madame la ministre, pour « contrer » le Rassemblement national, est prête à faire… son travail ! On croit vraiment rêver… ou cauchemarder.

Féminisme

Même journée, même niche, mais cette fois, nous examinons un texte visant à interdire l’écriture inclusive. Les débats traînent en longueur. Mais j’arrive finalement à rire (nerveusement, je l’avoue) en entendant une autre députée écologiste (eh oui, encore eux !) nous avouer à la tribune qu’elle rêve de voir les « hommages » se transformer en « femmages »… Je ne suis pas certaine qu’elle ait bien saisi l’étymologie du mot puisque, initialement, « hommage est un terme féodal qui désignait l’acte par lequel un vassal se déclarait l’homme de son seigneur et s’engageait à le servir, en échange de la protection de celui-ci ». Pour une féministe, ça la fout mal, non ?

Retournement de veste

Je ne résiste pas à une dernière petite méchanceté en rappelant que le parti du président Macron avait lui aussi porté, sous la précédente législature, une proposition de loi visant à… interdire l’écriture inclusive. Mais voilà, pas question de voter pour un texte du RN ! La consigne est donc tombée : il faut maintenant défendre l’écriture inclusive ! Finalement, j’adore la politique !

Macron absent de la manifestation contre l’antisémitisme, une dérobade qui indigne

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Paris, 11 novembre 2023 © Stephane Lemouton / POOL/SIPA

Pensant vraisemblablement devoir rester à distance de l’ensauvagement du monde, le président Macron ne participera pas à la grande marche civique contre l’antisémitisme. Il se contente d’écrire une lettre dans Le Parisien Dimanche. Craindrait-il la rue arabe ? Le coup de gueule de Céline Pina.


Qui abandonne les Juifs, abandonne la France. Qui ne fait pas aujourd’hui de la lutte contre l’antisémitisme une priorité de la nation, livre symboliquement une partie de sa population à la vindicte d’une autre partie, fanatisée. Qui abandonne une minorité persécutée parce que ses bourreaux ont pour eux la loi du nombre, est destiné à trahir tous ses engagements. L’histoire révèle les grands hommes et met au grand jour les médiocres. Alors que l’on voit ressurgir les prémisses de ce qui annonça naguère la Shoah et les totalitarismes sanguinaires qui l’ont rendue possible, nos hommes politiques sont soumis à un terrible révélateur. Terrible parce que la majorité des donneurs de leçons bardés de principes qui s’exhibe à longueur de congrès et de meetings s’est vite transformée en une congrégation de lâches prête à sacrifier leurs concitoyens et leurs principes avant même d’y être obligée.

Il a été souvent écrit qu’Emmanuel Macron voulait laisser une trace dans l’histoire. En 40 par exemple on pouvait être de Gaulle ou Pétain. Bien sûr tout le monde se rêve en de Gaulle alors que la plupart finiront en Pétain. Emmanuel Macron, placé face à son moment de vérité, vient de démontrer qu’il n’y avait rien de gaullien en lui. En ne participant pas à la marche contre l’antisémitisme alors que les Juifs de France sont attaqués pour ce qu’ils sont, cet homme a trahi son devoir. Il est devenu indigne de sa fonction.

Terrorisé par l’idée qu’il y aurait une rue arabe en France aussi violente que les foules haineuses que l’on a vues à Berlin ou à Londres et résolu à lui donner des gages, il se montre particulièrement lâche dans un entretien à la BBC où il criminalise Israël et ne dit pas un mot des corridors humanitaires ouverts pour évacuer la population par les hommes de Tsahal. Pas un mot non plus sur les caches du Hamas dans les hôpitaux ni sur le fait que celui-ci tire sur les gazaouis car il ne veut pas que ses boucliers humains s’enfuient. Pourtant qui souhaiteriez-vous avoir comme voisin ? Un terroriste du Hamas ou un soldat de Tsahal ? Poser la question, c’est y répondre. Le premier vit au Moyen-âge et ne rêve que de mort, le second est notre contemporain et se bat pour que son pays puisse continuer à vivre. Le premier tire sur sa population, le second la défend et la protège.

Deux fois plus d’actes antisémites en un mois qu’en deux ans

Pour ne pas froisser la part de la communauté musulmane dominée par les islamistes qui applaudissent aux crimes du Hamas, Emmanuel Macron a choisi de faire de l’antisémitisme un point de détail. Il n’est pas au rendez-vous de l’histoire alors que l’on a dénombré deux fois plus d’attaques contre les Juifs en un mois qu’en deux ans ! Ultime cynisme. Il se permet de se dérober car dans le fond il pense que les Français ne seront pas non plus au rendez-vous, qu’ils sont prêts à sacrifier leurs compatriotes juifs et qu’ils sont trop idiots pour avoir compris qu’ils sont les suivants au menu.

A lire aussi, du même auteur: Le Hamas, fossoyeur de la Nupes?

La réalité, c’est qu’en France, aujourd’hui, les Juifs doivent se cacher : retirer leurs mezouzas de leur porte, enlever leurs étoiles de David, quitter dans certains endroits les écoles publiques, déménager de certaines villes, les écoles juives doivent être protégées, comme les synagogues, leurs magasins sont tagués et ils voient un parti comme LFI, leader de la gauche, faire de l’antisémitisme décomplexé une martingale électorale.

Être Juif en France est devenu dangereux. Surtout quand symboliquement le président de la République vous abandonne, donnant ainsi le signal que la curée peut se poursuivre. Ceux qui pratiquent la chasse aux juifs et l’intimidation peuvent donc continuer, le pouvoir vient de révéler qu’il a peur et se couche.


Pourquoi ? Parce qu’il a commencé les accommodements déraisonnables avec les islamistes. Premier gage : l’abandon de nos compatriotes juifs à la violence communautariste. Car c’est là que le bât blesse. Si on avait pu accuser l’extrême-droite de persécuter les Juifs, nul doute qu’Emmanuel Macron aurait pris la tête du cortège et nous aurait abreuvés de couplets sur les ventres féconds d’où sortent les bêtes immondes et sur notre amour de la liberté et de l’égalité qui nous a permis de les vaincre.

Seulement voilà, la France est face à un antisémitisme culturel arabo-musulman que l’influence de l’islamisme a décomplexé, libéré et que personne ne s’est soucié de combattre. Voire qui a été alimenté par l’extrême-gauche qui a très vite compris que le levier du vote musulman dans les banlieues était religieux et identitaire. Ce qui signifie qu’en reprenant les éléments de langage des islamistes, on peut faire un carton électoral à peu de frais. Or les islamistes utilisent énormément le conflit israélo-palestinien pour entretenir le ressentiment des jeunes musulmans et cultiver la haine des Juifs et le rejet de l’Occident.

Quand le poids du nombre anéantit toute morale

Les Juifs, eux, représentent moins de 1% de la population, quand la population d’origine arabo-musulmane représente aujourd’hui plus de 20% des naissances et se chiffre en millions. Le rapport de force numérique n’est donc pas en faveur des Juifs et cela, les politiques l’ont compris. Ils ont compris aussi qu’une partie non négligeable de cette population est sous influence des islamistes et a rompu avec notre mode de vie, nos principes et nos lois. Certains vivent ou désirent vivre ici comme ils le feraient sous la charia: ils voilent les femmes, applaudissent aux prêches antisémites, refusent les principes et valeurs occidentales et veulent imposer un mode de vie islamique en Europe. Pour continuer à profiter de la part de l’électorat musulman sous influence islamiste, ils épousent donc leurs représentations, dont un discours pro-palestinien plus axé sur la haine des Juifs que sur la quête de solutions pour les Palestiniens.

Ainsi, quand les Juifs sont les cibles d’une idéologie violente, obscurantiste qui rejette l’égalité en droit des hommes, retire à certains toute dignité humaine, légitime le meurtre, le viol, l’esclavage de ce qui n’est pas eux et hait tout ce que nous représentons en tant que peuple, ils ne la reconnaissent pas. Alors que les islamistes, quelle que soit leur obédience, partagent une vision du monde que n’auraient pas démenti les nazis, ils font semblant de l’ignorer. Les islamistes pourtant ne se cachent pas. La branche Frère Musulman par exemple n’a jamais caché son alliance avec Hitler lors de la Seconde guerre mondiale ni le partage de nombre des idées du IIIème Reich. D’ailleurs le modèle de société qu’ils portent est monstrueux : l’État islamique alias Daech n’en est pas une dérive, mais l’aboutissement logique.

L’heure est grave et le président n’est pas au rendez-vous du courage et de la dignité

Cela, le président le sait. Alors pourquoi ne pas être au rendez-vous du courage ? Peut-être tout simplement parce qu’il n’en a aucun. Peut-être parce que, par intérêt électoral et au nom du poids des musulmans dans la société, il prépare les abandons futurs. D’autres explications peuvent être avancées : la crainte que l’emprise islamiste soit tellement forte que si on ne leur abandonne pas symboliquement les Juifs de France, la banlieue pourrait s’embraser. On a vu aussi avec les sorties de Dominique de Villepin le poids et l’influence du Qatar, allié et financeur des Frères musulmans et du Hamas, qui sait faire profiter de ses largesses les hommes de pouvoir des pays européens. On peut aussi évoquer l’absence de travail sur la question de l’emprise islamiste en France au sein des partis politiques, de la haute fonction publique, de l’université…

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Royaume Uni contre islamogauchisme: le choc des mémoires

Un autre point peut être relevé, l’entourage proche de M. Macron vient de la gauche. Or aujourd’hui elle sombre avec LFI dans l’antisémitisme le plus crasse. Quant aux professionnels de l’agitation de la menace fasciste que sont devenus le PS et EELV, non seulement ils ne reconnaissent pas un pogrom et un crime contre l’humanité quand il se commet sous leurs yeux, mais ils sont incapables de défendre sans barguigner les innocents attaqués car ils pensent qu’être trop fermes contre l’antisémitisme leur fera perdre la seule rente électorale qui leur reste.

Une promesse sacrifiée et nos compatriotes juifs abandonnés

Mais si nos compatriotes juifs sont sacrifiés si facilement par des gens qui n’ont que leur intérêt électoral et financier comme boussole morale, vous croyez vraiment qu’ils vous défendront ? Les islamistes ne s’arrêteront pas aux Juifs, c’est notre façon d’être, de penser, de vivre qu’ils haïssent. Notre président vient de montrer qu’il était un Daladier, ce signataire des accords de Munich qui céda tout à Hitler pour éviter la guerre au prix du déshonneur et infligea à son pays, le déshonneur et la guerre selon le bon mot de Churchill.

« Plus jamais ça » était une des plus belles promesses qui aient été faites à l’humanité. Or si on ne peut empêcher que les monstres renaissent, cette phrase signifie que la détermination à les combattre sera telle que le mal ne se propagera plus. Cette promesse vient d’être piétinée par un de ceux qui en étaient garants, notre président. Alors qu’à nouveau l’antisémitisme se déchaine, il choisit sciemment de regarder ailleurs. Après avoir usé jusqu’à la corde le discours de « je suis l’unique garant des valeurs de la République contre le fascisme », il se dérobe quand il s’agit d’agir réellement. Aujourd’hui que le principal marqueur du nazisme, la déshumanisation des Juifs, est de retour, le président se met en scène s’en lavant les mains. Alors certes, comme le rêve Emmanuel Macron, Ponce Pilate est resté dans l’histoire. Mais comme l’archétype de l’irresponsable.

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Profession: Tanguy

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D.R

Se prendre en main ou tenir celle de ses parents. En Chine, alors que le taux de chômage des 16-25 ans dépassait les 20 % en début d’année, pour certains, le choix est vite vu.


« Enfant à temps plein ». Voilà une profession, ou une position, qui compte de plus en plus d’adeptes en Chine. Un certain nombre de jeunes Chinois, au chômage ou dégoûtés par un emploi harassant, font le choix de retourner vivre chez leurs parents – et à leurs frais. « Des vidéos virales publiées par des influenceurs “enfants à plein temps”, révèlent un style de vie idyllique : ils font la grasse matinée, préparent les repas à la maison, prennent le thé à 17 heures, emmènent leurs parents danser le soir », a constaté un média shanghaïen. Si certains sont rémunérés par leurs parents pour s’acquitter des tâches ménagères ou leur tenir compagnie, beaucoup se contentent de profiter du gîte et du couvert.

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Comment en est-on arrivé là ? Le droit à la paresse est-il en train de gagner la Chine ? En réalité, c’est la situation économique du pays qui explique cette recrudescence de Tanguy. Selon le Bureau national des statistiques, le taux de chômage des 16-25 ans dépassait les 20 % en avril et ceux qui ont un emploi sont souvent surmenés par le rythme de travail, de 9 à 21 heures, six jours par semaine, pour beaucoup. En mai, Xi Jinping a appelé les jeunes à « manger de l’amertume » pour les exhorter à faire face aux difficultés. Cependant, une partie de la jeunesse chinoise, loin de ce sens du sacrifice, aspire à travailler moins pour vivre mieux. Les « enfants à temps plein » ont été critiqués sur les réseaux sociaux, des internautes leur demandant de « s’adapter à la société pour devenir une personne de valeur réelle ».

Il est vrai que les limites d’un tel système sont aisément perceptibles. « Si tout le monde reste à la maison, alors si je sors manger, il n’y aura pas de serveurs. Pour la société en général, ce n’est pas si bon », reconnaît Tian, elle-même « enfant à temps plein ». Cette situation ne va pas disparaître de sitôt car, à en croire les experts, le chômage des jeunes risque de s’aggraver alors qu’un nombre record de 11,6 millions de nouveaux diplômés arrivent sur le marché du travail.

Agnès Desarthe et sa mémoire juive

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L'écrivaine française Agnès Desarthe photographiée en 2009 © Kazam Media / Rex Featu/REX/SIPA

Dans Le Château des Rentiers, Agnès Desarthe parle à ses lecteurs d’elle-même et de ses racines juives avec une touchante sincérité.


Dans son nouveau livre, Le Château des Rentiers, la romancière Agnès Desarthe a souhaité quitter brièvement la fiction pure, pour en revenir à elle-même de manière très autobiographique. Elle nous livre un récit éclaté de sa vie, insistant sur les origines centre-européennes de sa famille, non loin des rivages de la mer Noire. Ses ancêtres « venaient tous de la même région, écrit-elle. La Bessarabie. Que certains appellent la Moldavie. Et que d’autres associent à la Bucovine. » Agnès Desarthe fait le lien avec ses grands-parents russophones Boris et Tsila Jampolski, « deux Juifs immigrés en France au début des années 1930 ». Tous deux décident, avec leurs amis migrants, de s’installer à Paris dans un même immeuble, rue du Château des Rentiers, dans le 13e arrondissement. C’est ce quartier, cet univers, ce monde presque imaginaire qui aura bercé l’enfance d’Agnès Desarthe, elle qui adorait sa grand-mère, une femme « douce et discrète ».

Une petite communauté juive

Agnès Desarthe se replonge avec une délectation évidente dans l’évocation de cette petite communauté juive, dont elle est issue. « Personne n’était riche. Tout le monde avait souffert. Sur certains poignets, on lisait une série de chiffres tatoués. Je n’ai su que des années plus tard ce que cela signifiait. » Agnès Desarthe se comporte comme une enfant aimante, mais peu curieuse. Elle le regrette aujourd’hui, au moment où elle désirerait en savoir plus : « Si j’avais été sérieuse, j’aurais posé des questions, je me serais intéressée à ces gens, mais je pensais qu’ils étaient là pour toujours, comme mon enfance qui durerait éternellement. » Le temps passe, destructeur, et arrivent les regrets de n’avoir pas été plus redevable aux autres.

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Les aléas de l’histoire, eux aussi, ont apporté leurs bouleversements et leurs drames. La Shoah, bien sûr. La mère d’Agnès Desarthe était « enfant de déporté », c’est-à-dire « enfant cachée ». En 1996, elle a témoigné dans une vidéo de la fondation Spielberg sur ses années de guerre, et l’attente vaine du père, disparu à Auschwitz. Agnès Desarthe remet la main sur l’enregistrement de sa mère, qu’elle n’avait pas regardé jusqu’à présent. Elle prend dès lors la mesure de cet événement historique dans sa propre vie. Ce grand-père qui ne revient pas, l’espérance déçue de sa mère, et finalement la résignation, tout cela forge chez elle, par une sorte d’atavisme, « une patience face au quotidien, un attrait pour l’irrésolu qui, aujourd’hui encore, me fait préférer les questions aux réponses ». Comme une blessure qui ne se referme pas.

Nécessité de la résilience

Au milieu de tous ces malheurs, Agnès Desarthe apprend la nécessité de la résilience. De fait, sa grand-mère, puis sa mère, lui ont inculqué la joie de vivre, la foi en l’avenir. Un projet naît en elle : reconstituer en plein Paris une sorte de « phalanstère », sur le modèle de celui de ses grands-parents, rue du Château des Rentiers, où elle pourrait habiter plus tard avec sa bande d’amis. Pour Agnès Desarthe, la vieillesse est tout sauf un naufrage. D’une manière positive, la vieillesse se définirait même comme une incessante victoire sur la mort. Agnès Desarthe parle d’ailleurs très peu de la mort, comme si c’était une fatalité hors champ. En revanche, le trop-plein de la vie s’affirme pleinement en évacuant la perspective de la finitude, comme renvoyée à un passé révolu : « La mort était ce à quoi ils avaient échappé », écrit-elle de ses grands-parents et de leurs compagnons juifs.

Dans Le Château des Rentiers, Agnès Desarthe a su parler d’elle-même et de ses racines juives avec une touchante sincérité. Au seuil d’une vieillesse qu’elle voudrait heureuse, prenant modèle sur les femmes de sa famille, elle relève la tête crânement, pour ne rien dérober au futur. Optimiste par héritage, moderne par nécessité, elle voudrait préserver la meilleure part de ce qui lui reste à vivre, en bannissant toute perspective funeste. C’est un pari audacieux et sympathique, une manière de repousser la mort aux calendes grecques, à la manière épicurienne.

Agnès Desarthe, Le Château des Rentiers. Éd. De l’Olivier.

Le Château des Rentiers

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Royaume Uni contre islamogauchisme: le choc des mémoires

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Manifestation propalestinienne devant Downing Street, Londres, 14 octobre 2023 © SOPA Images/SIPA

L’Occident va-t-il imploser sous le poids de sa propre tolérance multiculturelle, de sa lâcheté face à la cancel culture, et de son indolence de société de consommation? Les manifestations propalestiniennes, très violentes sur le plan symbolique, sont l’occasion pour ceux qui y tiennent encore de défendre les valeurs de notre civilisation. Ce weekend, celui du 11 novembre, le Royaume Uni fournira un cas type de l’épreuve de force entre l’obscurantisme islamogauchiste et les traditions autochtones. Qui en sortira victorieux?


Autrefois, nous avions du courage.

Le Royaume Uni est venu à la défense de la Belgique en 1914 et est resté aux côtés de son allié français pendant quatre ans – et plus – afin de contrecarrer l’agression allemande de l’époque.

Aujourd’hui, les autorités britanniques n’arrivent même pas à faire ce que le gouvernement français est arrivé à faire : interdire des manifestations propalestiniennes dans les rues de ses villes, notamment Londres. De telles manifestations rassemblent sans doute un certain nombre de citoyens de bonne volonté, mais aussi des militants islamistes et des activistes d’extrême gauche réunis dans une véritable coalition islamogauchiste. Ces énergumènes exercent une pression et un effet d’entraînement sur les autres manifestants, les poussant trop souvent à des actions outrancières. Depuis le 7 octobre, le résultat a été, au-delà d’un certain nombre d’atteintes à l’ordre public, des démonstrations d’une grande violence symbolique, exprimant à la fois une haine antisémite et un rejet de l’histoire britannique. Autrement dit, un rejet du pays où la vaste majorité de ces manifestants vivent et où ils jouissent de droits – comme la liberté d’expression, l’État de droit et le suffrage universel – pour lesquels les Britanniques du passé (et les peuples de son empire) ont lutté, parfois au sacrifice de leur vie.

La guerre des drapeaux

« Les marches de la haine ». C’est ainsi que la ministre de l’Intérieur ou Home Secretary, Suella Braverman, a qualifié les différentes manifestations qui ont investi le centre de Londres et d’autres villes à travers le Royaume Uni chaque samedi depuis les atrocités sans nom commises par le Hamas. Celle du 14 octobre a donné le ton. Les manifestants ont provoqué des échauffourées avec la police, tandis que cette dernière a procédé à un certain nombre d’arrestations dont celles de deux femmes qui, criant « Le royaume Uni est un État terroriste », portaient chacune sur sa veste une image de parapente. Au cours de la nuit précédente, l’entrée du siège de la BBC à Londres avait été aspergée de peinture rouge représentant du sang qui, selon l’organisation qui a revendiqué l’acte, Palestine Action, « symbolise la complicité de la BBC dans le génocide du peuple palestinien par ses reportages biaisés ».

Le samedi suivant, le 21 octobre, le nombre des manifestants a atteint 100 000 dans la capitale. Un homme a été arrêté qui, agitant un drapeau noir avec la chahada (la profession de foi musulmane), scandait : « Que Dieu maudisse les juifs ! Que Dieu maudisse Israël ! » Un autre brandissait une pancarte proclamant « Je soutiens le Hamas à 100% ». Les deux se sont fait arrêter. Dans le métro, un conducteur de rame a profité de son microphone pour crier des slogans propalestiniens repris en chœur par les passagers. Il a été suspendu depuis. Le clou de la journée a été une manifestation dans la manifestation, organisée devant l’ambassade égyptienne par Hizb ut-Tahrir. Interdite dans beaucoup de pays arabes et en Turquie – ce que les autorités britanniques ne sont jamais parvenues à faire – cette organisation milite pour la libération de la Palestine et la création d’un nouveau califat. Un de ses partisans criait « Jihad ! Jihad ! » devant des pancartes qui parlaient d’« armées musulmanes ». Juste à côté, les forces de l’ordre se limitaient à un rôle de spectateurs.

Par la suite, une déclaration de la police londonienne a assuré que le mot de « Jihad » avait plusieurs sens, mais que, comme le public l’associait avec le terrorisme, elle avait contacté l’homme en question afin de le dissuader de recommencer. Une simple tape sur les doigts, quoi ! Toujours selon la police, rien dans cette manifestation ne contrevenait à la loi. Quant au slogan « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », fréquemment chanté au cours des manifestations, la police a considéré qu’il ne constituait pas ce que le ministre d’État à l’immigration, Robert Jenrick, a appelé « une incitation à la violence terroriste ». On se demande qui a bien pu chuchoter à l’oreille de la hiérarchie des forces de l’ordre. Il s’est avéré qu’un de leurs conseillers était Attiq Malik, un notaire et le président du Forum des communautés musulmanes de Londres, une association dont un des objectifs est d’influer sur la stratégie policière dans la capitale. Début novembre, une vidéo datant de 2022 a fait surface qui le montre en train de haranguer une foule et de scander avec elle « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ! » Là, même la police, autrement si indulgente, a perdu patience. Il a été viré.

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Si le nombre des manifestants à Londres a diminué par la suite – 70 000 le 28 octobre, 30 000 le 4 novembre – la virulence des actions symboliques s’est maintenue. C’est ainsi que les drapeaux sont devenus un enjeu central, les partisans de la Palestine ne tolérant que le drapeau vert, rouge, noir et blanc qu’ils essaient d’afficher partout. Rien que la vue du drapeau israélien les met hors d’eux et même le drapeau britannique ne trouve pas grâce à leurs yeux. En visant une forme d’omniprésence du drapeau palestinien, ils cherchent à effacer tout autre emblème d’appartenance. Peu après le début de la guerre, le drapeau israélien a été projeté de nuit sur le Parlement de Londres et sur le 10 Downing Street dans un geste de solidarité. En revanche, le gouvernement écossais, dont le chef, Humza Yousaf, est musulman, a refusé qu’il soit projeté sur le parlement d’Édimbourg. Or, le 9 novembre, des manifestants propalestiniens ont grimpé sur le toit de ce bâtiment public pour afficher une grande pancarte avec l’injonction : « Arrêtez d’armer Israël » et fixer un grand drapeau palestinien sur la façade. Entretemps, le 10 octobre, d’autres fanatiques sont montés sur le toit de la mairie de la ville de Sheffield afin de remplacer le drapeau israélien, qui y flottait à la demande du gouvernement de Westminster, par un drapeau palestinien. Lors de la manifestation du 14 octobre, à proximité de l’ambassade israélienne à Londres, un groupe a piétiné un drapeau bleu et blanc et s’apprêtait à le brûler quand un policier le leur a confisqué. Le même jour, l’Anglo-iranien, Vahid Behesthi, brandissait un drapeau israélien devant le ministère des Affaires étrangères britannique pour protester contre le régime de Téhéran. Des manifestants propalestiniens qui venaient de piétiner des drapeaux israéliens l’ont poursuivi en menaçant de lui couper la tête. Seule l’intervention d’une grappe de policiers l’a sauvé d’un lynchage en règle.

La guerre des drapeaux a pris des proportions absurdes. Le 21 octobre, deux hommes à Londres sont réprimandés par la police pour avoir dévoilé un drapeau anglais. Deux jours plus tard, trois adolescents sont arrêtés pour avoir arraché des drapeaux britanniques à la façade d’un pub dans la banlieue de Twickenham et tenté de les brûler aux cris de « Libérez la Palestine ! » Le 26 octobre, les nombreux drapeaux palestiniens attachés aux lampadaires et poteaux dans la banlieue de Tower Hamlets sont enlevés par la municipalité pour des raisons de sécurité routière. Mais le 31, une vidéo devient virale où l’on voit la police arrêter un homme qui avait posté sur Facebook un film où il montrait et dénonçait les drapeaux palestiniens qui fleurissaient partout dans sa banlieue de Bethnall Green.

C’est ainsi que le drapeau palestinien est devenu, plus que la simple bannière d’une cause, une sorte d’étendard anti-occidental qui doit remplacer et annihiler toute autre forme de représentation, de la même manière que le récit historique des islamogauchistes doit gommer tout autre récit historique, et qu’une nouvelle culture doit se substituer à une autre.

Une tolérance intolérable?

Autrefois, nous avions du courage.

Le Royaume Uni a tenu tête au nazisme, au fascisme et au militarisme japonais avant de triompher, de concert avec ses alliés, dont la France, sur ces fléaux de l’humanité.

Aujourd’hui, nous tolérons qu’une attitude haineuse s’installe durablement dans une partie de notre population qui l’affiche ouvertement et parfois sans retenue. Certes, le gouvernement conservateur de Richi Sunak a pris position très fermement en faveur du droit des Israéliens de se défendre. Certes, le chef de l’opposition, Sir Keir Starmer, a refusé, contre l’avis de beaucoup des collègues travaillistes, d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza. Un ministre conservateur a été viré et un député travailliste expulsé de son parti, l’un pour avoir parlé en faveur d’une trêve, l’autre pour avoir eu des paroles haineuses. Dans ces décisions, nos dirigeants ont fait preuve d’un certain courage. Mais il reste d’autres défis de taille en dehors de nos grandes institutions dans la rue. Quelle est la raison du succès des manifestations propalestiniennes ?

Dès le début, la ministre de l’Intérieur a adopté une attitude sans compromis. Le 10 octobre, dans une lettre à la police, Suella Braverman lui a recommandé une grande vigilance concernant tout ce qui pourrait être interprété comme un acte antisémite ou un geste de soutien au Hamas, donnant comme exemple le chant « De la rivière à la mer… ». Après la première manifestation, elle a déclaré publiquement : « Mon message pour tous ceux qui ont cru bon de promouvoir le génocide et de se moquer de l’assassinat de juifs, y compris de femmes et de bébés, c’est que la police vous a dans le collimateur ». Au fur et à mesure que les protestations se sont répétées et ont pris de l’ampleur, elle a critiqué les forces de l’ordre de plus en plus ouvertement et sévèrement pour leur pusillanimité apparente. Pourquoi n’a-t-elle pas tout simplement donné à ces dernières l’ordre d’interdire les manifestations ou de sanctionner plus lourdement certaines actions ? La réponse se trouve dans la doctrine constitutionnelle de l’autonomie opérationnelle de la police. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, c’est la police qui décide d’interdire ou non une marche de protestation. Et à l’heure actuelle, la police britannique, suite à de nombreux scandales, notamment une intervention trop musclée en 2021 lors d’une marche blanche pour une femme assassinée par un policier, est devenue excessivement timide. Elle est plus prompte à peindre ses voitures dans les couleurs de l’arc-en-ciel et à verbaliser des citoyens ayant posté sur les réseaux sociaux qu’un homme est une homme et une femme est une femme (contrairement à la théorie du genre) qu’à faire face à certaines situations difficiles.

Ainsi, dans la mesure où si la coalition islamogauchiste connaît actuellement une grande réussite outre-Manche, c’est parce qu’elle sait exploiter à fond les libertés traditionnelles des Britanniques et l’incapacité des forces de l’ordre en proie à une forme de wokisation. C’est aussi parce que cette coalition agit à travers un certain nombre d’organismes qui sont bien rompus aux actions d’éclat et savent très bien organiser des événements. Quand le leader travailliste, Starmer, a purgé les échelons supérieurs de son parti des disciples de Jeremy Corbyn, le réseau de militants extrémistes et antisémites créé par ce dernier est resté en place au niveau local. Non seulement Corbyn reste actif en tant que député indépendant (il a été expulsé du parti en 2020), mais son influence reste présente dans de nombreuses associations se trouvant derrière les manifestations actuelles. Parmi elles : la Palestinian Solidarity Campaign, fondée en 2004 pour organiser des boycottes de tout ce qui est israélien ; la Palestine Action, créée en 2020 pour accomplir des actions de désobéissance civile ; les Friends of Al-Aqsa, une organisation anti-israélienne datant de 1997 ; la Stop the War Coalition, surnommée « Stop the West » (Arrêtez l’Occident) par ses critiques, fondée en 2001 pour dénoncer toute action militaire par le Royaume Uni et dont Corbyn a été le président de 2011 à 2015 ; Sisters Uncut, un groupe néoféministe ; Black Lives Matter UK ; et la Black Jewish Alliance et un certain nombre d’organismes juifs antisionistes. Secondées par des ONG internationales avec un tropisme gauchisant, comme Amnesty International et Human Rights Watch, ces organisations ont acquis une expertise dans la logistique des manifestations, dans l’art d’attiser les émotions des foules et dans des mises en scène théâtrales dans le style des écolos britanniques comme Just Stop Oil. Malgré la détermination de Braverman, la tolérance britannique a fini par donner trop de place à l’intolérable au risque d’encourager un extrémisme dénué de toute tolérance.

Le combat des morts

Autrefois, nous avions du courage. Le Royaume Uni a joué son rôle dans l’alliance occidentale contre le communisme soviétique jusqu’à la défaite finale de ce dernier. En un dernier sursaut de courage militaire, il a riposté à l’agression d’un régime autoritaire argentin dans la guerre des Malouines (encore une fois, avec l’aide de notre allié français).

Aujourd’hui, nous nous montrons démunis face à des profanations de la mémoire de nos morts des nombreuses guerres qui ont marqué notre histoire. A Londres, dans le quartier des institutions publiques, il y a une forme de géographie sacrée laïque qui s’étend de la place de Trafalgar, site de la colonne de Nelson, au Parlement et à l’abbaye de Westminster, à l’autre bout de Whitehall, la grande rue des ministères où débouche la petite artère de Downing Street. D’un côté, l’Embankment qui longe la Tamise, de l’autre, le palais royal de Buckingham. C’est dans cet espace que se trouvent les statues des héros politiques et militaires du pays et les monuments aux morts, surtout, au milieu de Whitehall, le mémorial suprême du Cénotaphe, un bloc de pierre austère qui a été comparé à la poignée d’une épée plongée dans la terre comme le glaive légendaire du roi Arthur. Les pertes en combattants subies par le Royaume Uni dans la Première Guerre mondiale, 885 138 (118 264 en comptant les troupes de l’Empire), bien qu’inférieures à celles de la France (1 397 800), ont donné lieu à un culte exceptionnel des morts militaires, célébré avec la plus grande solennité tous les ans au mois de novembre. Dès le mois d’octobre, des coquelicots en papier (« poppies »), l’équivalent des bleuets français, sont vendus dans les rues et les magasins pour collecter des fonds pour les vétérans. Aucun politique n’apparaitrait en public sans arborer la fleur artificielle qui rappelle la vie dans les tranchées. Le respect général concernant cet ensemble de rituels reste entier plus d’un siècle après l’Armistice de 1918. Ou presque. Car les manifestants propalestiniens s’en sont pris aux symboles des morts, des héros et des chefs.

D’abord, les statues. Le 14 octobre, la statue équestre du roi George IV a été défigurée par des tags enjoignant de « Libérer la Palestine ». Tout près, la statue de Charles 1er a été enveloppée dans un drapeau palestinien. Le 28 octobre, près du pont de Westminster, c’est au tour de celle de Boadicée, la reine guerrière des anciens britanniques qui a résisté à l’occupation romaine au prix de sa vie, d’être décorée avec un drapeau et des pancartes. Le même jour, la statue équestre du maréchal Hague, le commandant suprême de la Grande guerre, située dans Whitehall, a été taguée en peinture rouge : « Que Dieu préserve Gaza ». Ces cibles n’ont pas été choisies parce qu’elles étaient commodes, mais parce qu’elles incarnent l’histoire et la fierté britanniques.

C’est ainsi que même les vendeurs de coquelicots sont devenus eux aussi des cibles. Le 4 novembre, dans la gare principale d’Édimbourg, un vétéran de 78 ans qui collectait des fonds a été la victime d’une agression par une bande de manifestants. Depuis, les « poppy sellers », qui sont des volontaires, ont été beaucoup moins nombreux dans les gares londoniennes à la veille du weekend du 11 novembre. Au cours des manifestations à Londres ces dernières semaines, le public (sur les réseaux sociaux) et certains dirigeants politiques ont exprimé leur inquiétude de voir la foule en ébullition très près du Cénotaphe à Whitehall. Cette inquiétude s’est révélée partiellement justifiée quand une réplique du monument aux morts à Rochester, ville du nord de l’Angleterre tristement célèbre pour avoir été le centre d’opérations d’une bande organisant des viols collectifs sur des mineures (« grooming gang »), a subi des dégradations. Le 6 novembre, les coquelicots qui le décoraient ont été enlevés. Le lendemain, le mémorial lui-même a été tagué avec la formule « Libérez la Palestine », obligeant la police à monter la garde autour du monument jusqu’à la célébration du 11 novembre. Ces profanations ne sont pas le fait du hasard. Depuis au moins dix ans, des extrémistes islamistes au Royaume Uni expriment leur rejet et leur mépris à l’égard des coquelicots, des cénotaphes et de la commémoration des morts, malgré les nombreux soldats musulmans qui ont donné leur vie pour préserver les libertés britanniques. Cette attitude est bien résumée dans un tweet du 28 octobre de Dilly Hussain, animateur de 5 Pillars, un média musulman assez proche de la cause islamiste :  « On s’attend à ce que nous respections deux minutes de silence le jour de l’Armistice. La défaite de l’empire ottoman, la colonisation de la Palestine par le Mandat britannique et la déclaration Balfour de 1917 – voilà ce qui a actualisé l’idée d’Israël. Cette année, il y aura un refus tonitruant de ce silence, et pour des années à venir ». La menace est claire.

C’est dans ce contexte que l’association Palestinian Solidarity Campaign a appelé à une grande marche pour la Palestine aujourd’hui, samedi 11 novembre. Elle veut voir un million de manifestants à Londres ; 500 000 sont attendus, c’est déjà considérable. Le Premier ministre, Richi Sunak, avait déjà qualifié les manifestations qui s’aventuraient trop près du Cénotaphe à Londres de « provocatrices et irrespectueuses » et a exprimé sa crainte que ce monument aux morts et d’autres soient « profanés ». Il a depuis demandé à la police d’interdire la manifestation du 11 novembre, mais elle a refusé, prétextant que la menace qu’elle représente est insuffisante. Selon Palestinian Solidarity Campaign, la marche débutera deux heures après la minute de silence à 11 heures et son chemin évitera Whitehall. Ce qui n’exclut pas la possibilité que la minute de silence ne soit perturbée ou le Cénotaphe profané par des excités propalestiniens.

Hier, dans un article publié par The Times, Braverman a déclenché un esclandre en accusant la police de favoritisme, puisque cette dernière interdit des marches de groupes considérés d’extrême droite tout en permettant à l’extrême gauche de faire ce qu’elle veut dans nos rues. Des politiques de tous les bords, y compris de son propre parti, ont exigé sa démission ou son renvoi, jusqu’à présent en vain. Car Braverman dit tout haut ce que pensent beaucoup de Britanniques. Selon un sondage publié le 4 novembre par la chaîne GB News, 43% de la population est contre la marche et seulement 20% en sa faveur. La police a au moins décidé d’interdire tout le quartier de Whitehall autour du Cénotaphe à tout manifestant. Reste à voir si le « Festival du souvenir » ayant lieu au Royal Albert Hall ce soir en présence de la famille royale ou le grand défilé solennel des militaires en présence du roi et des dirigeants politiques demain feront l’objet de protestations ou de tentatives de profanation.

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Autrefois, on avait du courage. Qui se souvient aujourd’hui d’Orde Wingate (1903-1944) ? Entre 1942 et 1944, en Birmanie, ce général britannique a conçu et déployé des unités de forces spéciales capables de vivre dans la jungle derrière les lignes japonaises, de harceler l’ennemi et de désorganiser son approvisionnement. Les « chindits », selon le surnom des ces unités, d’après un mot birman pour un lion mythique, ont montré aux forces britanniques en Asie que les soldats japonais n’étaient pas invincibles, contribuant ainsi à la victoire finale dans ce théâtre de guerre. Déjà, en Éthiopie en 1941, Wingate avait aidé l’empereur Haïlé Sélassié à expulser les Italiens par des méthodes similaires. Mais il avait d’abord développé celles-ci entre 1936 et 1939 quand il a été envoyé en Palestine. Maître des tactiques non-conventionnelles, il a créé des unités de choc nocturnes (« Special Night Squads ») pour aider les juifs à repousser les attaques des arabes. Selon l’historien américano-israélien Michael B. Oren, Wingate – qualifié par Churchill d’« homme de génie » – serait presque « le père de l’armée israélienne ». Le monument aux chindit est situé sur l’Embankment, derrière le ministère de la Défense, mais les manifestants sont probablement trop ignorants pour le profaner.

Le vrai courage aujourd’hui, ce ne sera pas seulement celui des forces de l’ordre qui encadreront les marcheurs et protégeront le Cénotaphe. Ce ne sera pas seulement celui des politiques comme Braverman qui dénonceront toute profanation de la mémoire des morts britanniques, ni celui des citoyens britanniques qui refuseront de voir perturbée leur commémoration des héros du passé. Ce sera celui des musulmans britanniques qui rejetteront le chant des sirènes de la coalition islamogauchiste et qui montreront que leur mémoire est en très grande partie celle du pays où ils habitent.

Ce weekend, chacun est appelé à choisir son camp.

Notre démocratie ou les Précieux ridicules…

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© Alain ROBERT/SIPA

Les mêmes qui dénonçaient la politisation du rassemblement à venir, dimanche 12 novembre, « pour la République et contre l’antisémitisme », ont tout fait pour l’aggraver. Au point que ce qui aurait dû apparaître comme une lutte commune et consensuelle contre un poison universel s’est fortement réduit. Par le refus de LFI d’y participer (elle y aurait été très mal accueillie !) mais surtout par l’expression de pudeurs démocratiques visant à créer « un cordon sanitaire symbolique » pour préserver les purs, les intègres, les authentiques Républicains de la moindre promiscuité avec le RN qui sera présent en masse, j’en suis persuadé, comme Marine Le Pen l’a demandé. Depuis quelques jours, en effet, il s’agit moins de relever le caractère positif et salubre d’une telle manifestation, voulue par la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, que de montrer à quel point nos politiques sont délicats et sauront tenir leurs distances à l’égard d’un parti dont on a sans cesse besoin de rappeler les origines passées et lointaines pour exorciser un présent et peut-être un futur où beaucoup le voient victorieux (ce qui n’est pas mon cas, je le répète). Notre démocratie ou les Précieux ridicules, c’est vraiment cela. Il y a heureusement des voix qui, dans l’indignation, l’approbation ou la dérision, savent faire preuve de lucidité et de bon sens en mettant en évidence ce qui devra inspirer seulement la multitude probable du 12 novembre : la dénonciation forte, éclatante et massive de l’antisémitisme et de la quotidienneté de plus en plus menacée et angoissée de nos concitoyens juifs à l’égard desquels propos et actes agressifs se multiplient à une cadence vertigineuse. Et non pas l’approbation obligatoire de la politique d’Israël et de son dirigeant Netanyahou. Gilles-William Goldnadel, toujours singulier et ferme dans ses résolutions, ne participera pas au « défilé » du 12 novembre – si j’ose dire, le distinguo entre « marche civique » et « rassemblement politique » me semble byzantin ! – parce qu’il reproche, à juste titre, au ministre Olivier Véran et au Crif d’en avoir fait « un enjeu politicard ». Quand il s’agissait de s’opposer au projet de loi sur les retraites, apparemment personne, où que ce soit sur l’échiquier politique, n’a fait la fine bouche devant la solidarité de fait unissant, dans la rue, le RN et les autres forces sur la même ligne que lui.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Marche contre l’antisémitisme: ira, ira pas?

Olivier Marleix, le président du groupe parlementaire LR à l’Assemblée nationale, a moqué avec esprit le fait qu’on voulait bien, « assis », être aux côtés du RN comme lors des Rencontres de Saint-Denis mais qu’on refusait, « debout », de côtoyer le RN le 12 novembre dans un combat contre l’antisémitisme. Quelle absurdité ! Quand on tient des postures et que les postures nous tiennent !

Le malaise de ces personnalités de gauche (Boris Vallaud par exemple chez Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio) ou de ces ministres macronistes (Bérangère Couillard notamment le 10 novembre chez le même) pour justifier la légitimité de l’exclusion d’un parti – démocratique jusqu’à nouvel ordre – d’une lutte nécessaire contre l’antisémitisme ! À cause, précisément, de l’absence totale de fondement d’un ostracisme qui vise à prolonger la facilité et le confort de l’opprobre éthique à la place de la contradiction politique. Faut-il minimiser la position sans équivoque de Serge Klarsfeld – qui oserait discuter la portée fondamentale de son avis, lui qui a été en première ligne pour la défense des Juifs et le respect de leur mémoire ? – soulignant dans le Figaro qu’il se « réjouissait » de la participation du RN à la marche du 12 novembre et qu’il était « soulagé de voir le RN abandonner l’antisémitisme et se poser en défenseur des Juifs mais (…) triste de voir l’extrême gauche abandonner sa ligne d’action contre l’antisémitisme ».

Je n’ai pas envie non plus de négliger l’opinion doublement majoritaire des Français qui à la fois approuvent la manifestation du 12 novembre mais désapprouvent la volonté de mise à l’écart du RN. Il y a dans cet équilibre une leçon qui devrait faire réfléchir nos politiques. Merveilleuse surprise pour les adversaires du RN : la déclaration de Jordan Bardella affirmant que malgré ses condamnations Jean-Marie Le Pen n’était pas « antisémite ». On devine, derrière ce qu’il a reconnu être une « maladresse » vite corrigée, le désir de ne pas essentialiser une personnalité mais il n’empêche que cela a jeté le trouble dans une dédiabolisation dont la réussite est consacrée par l’entêtement acharné d’adversaires nostalgiques à continuer à prendre la fille pour le père. Alors, oui, je persiste : nos démocrates patentés, autoproclamés exemplaires, justiciers du bon grain et de l’ivraie, sont en réalité « des Précieux ridicules ». Leur souci n’est pas de vaincre le Mal mais d’être les seuls à avoir le droit de le faire.

Le Ajar et la nécessité

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romain gary deserable piekielny
Romain Gary. Sipa.

Delphine Horvilleur, dans Il n’y a pas de Ajar et ailleurs également, pourfend l’idée d’identité avec mordant, et autant on peut et on doit même entendre son éloge du multiple, autant renvoyer l’idée d’identité nationale à une nostalgie fantasmée d’un âge d’or fermé à tout étranger et toute étrangeté en nous – plénitude perdue où l’on voudrait retourner comme dans le giron maternel – relève de la caricature et s’avère terriblement inactuel.


Il me semble que la question de l’identité nationale ou française, si elle a connu, par le passé, des précurseurs très discutables, s’est posée il n’y a pas si longtemps à notre pays en réaction à trois mises en cause de plus en plus agressives : les institutions européennes qui désavouent les décisions nationales, le mouvement de la déconstruction qui n’en finit pas de culpabiliser son monde, et la réislamisation d’une certaine population immigrée ou de ses descendants.

Ce retour de l’identité a une histoire, et à en parler sans l’y situer, on l’essentialise et on peut dès lors s’autoriser légitimement à faire la grimace. Mais dans ce cas, on risque aussi de faire dans l’angélisme. Dans l’angélisme subtil, drôle, intelligent et virevoltant comme une valse, mais dans l’angélisme tout de même.

Car il y a finalement un paradoxe, et c’est le sentiment que j’ai eu en lisant Delphine Horvilleur (et en lisant Rachel Kahn, aussi) : à savoir que la possibilité de l’identité mobile, du multiple en nous, ne peut se pratiquer que dans certaines contrées et dans certaines cultures… qu’il nous faut bien défendre si l’on veut pouvoir ne pas se shooter à l’identité comme d’autres à la coke. Et que ces contrées et ces cultures sont bien des identités, et des identités menacées. Je pense à la laïcité à la française, à la République une et indivisible – à moins de tomber dans l’agrégat de communautés juxtaposées -, à l’idée de frontière, à celle de nation, de citoyenneté, à l’héritage politique et littéraire, aux paysages, aux mœurs et coutumes etc.

A lire aussi: «Le procès Goldman»: les limites du huis-clos

Entre les institutions européennes qui nous vouent à l’ectoplasme, à l’interchangeabilité des uns et des autres dans l’optique économiste qui est la sienne, les narcisses imbus d’identité sexuelle choisie, les revendicateurs racialistes revendiquant cela même qu’ils dénoncent, les fanatiques de l’Autre qui font que quand il n’y a plus que l’Autre, il n’y a plus d’Autre du tout, l’immigration extra-européenne encouragée par cette même Europe des technocrates pour les raisons que l’on sait, et qui, de son côté, remet en cause des fondements capitaux (appelons cela des racines aussi) et, enfin, l’islamisme radical qui s’étend et fait des ravages, il y a malaise dans la civilisation, et je dirais même plus, il y a cauchemar.

Quand le tragique pointe le bout de son nez (et je ne sais quand et où il oublierait de le faire) il y a bien quelque chose à défendre qui ne fait pas de nous des « fachos » ou des obsédés de l’identité une et une seule, et qui s’appelle une certaine idée de la France, pour laquelle Gary-Ajar s’est battu dès les premières heures… et dans laquelle, précisément, nous pouvons mettre en cause ce qui nous figerait dans des postures mortifères ; je suis ceci, cela, et pas autre chose. Mais il faut impérativement se rappeler qu’il n’y a qu’ici, ou dans très peu d’endroits sur terre, et dans un cadre politique précis qu’on peut le faire. Dès lors, c’est bien au nom de la possibilité d’une identité non figée défendue dans le livre… qu’il nous faut défendre ce qui la permet, et qui a bel et bien à voir avec l’histoire et l’identité d’un pays.

Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur, Grasset 2022

Il n'y a pas de Ajar: Monologue contre l'Identité

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Le Débat

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Marine Le Pen sert la main de Jean-Luc Mélenchon lors du premier débat de la présidentielle sur TF1, mars 2017. SIPA.

Pour vivre heureux, vivons cachés Jean-Pierre Claris de Florian, Le Grillon.


« Regardez-moi dans les yeux ! »

Un classique. Tiré du catalogue des injonctions censées déstabiliser l’adversaire. Voilà bientôt une heure et demie qu’ils débattent. Avec un acharnement, une pugnacité, une conviction qui ne sont pas feints, sans doute, mais doivent beaucoup aux conseillers en communication. Lesquels n’ont rien laissé au hasard, comme il sied lorsque des millions de télévoyeurs sont rivés devant leur poste. L’un et l’autre jettent furtivement, à la dérobée, un regard sur les notes, les statistiques, les phrases qu’il faudra ab-so-lu-ment prononcer et qui devront faire mouche.

Car l’enjeu, ce soir, est important. Rien de moins que l’accès à la présidence de la République. Avec ce que cela signifie, désir de servir son pays, de faire prévaloir ses idées, mais aussi ambition personnelle. Rêve de gloire ou, au moins, de notoriété. Voire envie de jouir des prébendes attachées à la fonction, ce que chacun des deux, même sous la torture, se garderait de reconnaître.

Pour l’heure ils sont là, assis face à face, devant une table. À bonne distance l’un de l’autre. Assez proches cependant pour que rien, sous la lumière crue des sunlights, ne puisse échapper de leurs mimiques, de leurs gestes, volontaires ou non, et qu’ils ont appris tant bien que mal à maîtriser. L’impassibilité, la faculté de rester impavide sous les assauts de l’adversaire, voilà qui se cultive. Avec plus ou moins de bonheur et de réussite.

« Regardez-moi donc dans les yeux ! »

Elle réitère. Avec une véhémence dont la gradation a fait l’objet de maintes répétitions préalables (un dada de son chargé de communication).

Comment se dérober sans donner l’impression de capituler, devant les caméras qui les scrutent l’un et l’autre ? Il plonge son regard dans celui de son adversaire. Elle a des yeux verts, d’un vert transparent dont la profondeur, la limpidité évoquent celles d’un lac de montagne. Du moins est-ce l’impression qu’il ressent, tandis qu’un trouble inattendu s’empare de lui.

Jamais, jusqu’ici, il n’avait remarqué le magnétisme qui émane d’elle. Il est vrai qu’il n’a jamais eu l’occasion de l’observer d’aussi près. La beauté radieuse de son visage. Son teint d’albâtre, sous la chevelure d’un blond cendré qui descend en torsades sur ses épaules. Ses formes de jeune femme dans la force de l’âge. Ses mains fines, posées à plat sur la table – sans doute un moyen de dissimuler la nervosité qu’elles pourraient trahir. Son parfum, enfin, léger et enivrant, qui lui parvient par intermittence. Légèrement opiacé. A la fois discret et provocant.

Elle aussi le regarde sans ciller. Avec intensité. Surtout, ne pas baisser les yeux. Ne manifester aucun signe qui puisse être interprété en sa défaveur. Pourtant, est-ce vraiment la chaleur des projecteurs qui lui met soudain le rouge aux joues ? L’ardeur de la joute verbale qui la fait intérieurement flageoler ?  

Elle l’observe, elle aussi, pour la première fois. Découvre la régularité de ses traits. La séduction qui sourd de toute sa personne, de ses gestes, de sa voix. Quel âge a-t-il ? Trois ans de plus qu’elle. Elle a potassé sa biographie, comme il a épluché, sans doute, la sienne. Elle n’ignore rien de lui, sinon ce que lui dévoile la proximité soudaine qui les réunit autour de la même table. Elle en est si désarçonnée qu’elle ne trouve plus aucun argument pour répondre à la réplique qu’il vient de lui opposer.

Il est vrai que, lui d’ordinaire si sûr, n’a pu que bredouiller cette réponse. Au point de la rendre inintelligible. Fait plus étrange encore, il l’a terminée par un sourire, au lieu de pulvériser, en une de ces formules définitives qu’il affectionne, les arguments de son contradicteur. Son contradicteur… A-t-elle vraiment encore envie d’endosser ce rôle? Elle le regarde, une expression de béatitude peinte sur son visage. Elle se surprend même à répondre au sourire charmeur qui, pour inattendu qu’il soit, ne saurait lui échapper. Que lui arrive-t-il donc ? L’introspection n’est guère de saison. Le chronomètre indique qu’il n’est que temps de conclure, comme le leur signifie le modérateur chargé de veiller à l’équité du débat. C’est l’heure de vérité. Celle où les boxeurs rassemblent leurs dernières forces pour terrasser définitivement l’adversaire. C’est elle que le sort a désignée pour prendre d’abord la parole.

« Je voudrais, dit-elle d’une voix douce dont le léger tremblement trahit l’émotion, remercier du fond du cœur mon interlocuteur. Ses arguments m’ont convaincue. Il est digne, sans doute plus que je ne le serais moi-même, d’exercer la fonction suprême que nous briguions l’un et l’autre, mais pour laquelle, j’en ai conscience, il est bien mieux qualifié que moi.

« Ses compétences en matière d’économie comme de géopolitique, sa prestance et son talent d’orateur qui lui permettront de s’imposer dans les instances internationales, son sens profond de la justice, son humanité qui l’incite à prendre en compte le sort des plus faibles de nos compatriotes, tout cela fait qu’il sera, à coup sûr, le meilleur président qu’aura jamais connu notre République. C’est pourquoi je vous demande de lui apporter vos suffrages. »

Un murmure parmi les quelques privilégiés conviés au débat. Il enfle comme une rumeur trahissant l’incompréhension, voire le désarroi qui gagne la salle et que fait taire, d’un geste, le challenger ainsi adoubé.

« Qu’il me soit permis, chère Madame – je ne saurais vous nommer autrement, même si ce qualificatif est trop faible pour exprimer l’intensité de mes sentiments – qu’il me soit permis, donc, de vous remercier sincèrement pour les paroles que vous venez de prononcer et qui, croyez-le, me vont droit au cœur.

« Je ne puis néanmoins les accepter sans objections. Car les vertus et les compétences que vous me prêtez devraient vous être attribuées à bon droit. Vous y joignez, en outre, ce dont je n’aurais l’outrecuidance de me prévaloir : la grâce, la beauté, le charme, une féminité irrésistible. Toutes qualités que vous possédez au plus haut degré et que nulle autre que vous ne mettrait avec un tel éclat au service du rayonnement de notre cher pays. Voilà pourquoi je ne saurais trop inciter nos concitoyennes et nos concitoyens à vous porter, par leur vote massif, à la magistrature suprême que vous exercerez pour le plus grand bénéfice et le plus grand bonheur de notre belle patrie. Permettez, très chère Madame, que je vous baise la main. »

Il s’est levé, a contourné la table, s’apprêtait à un baisemain protocolaire, mais elle l’a devancé. A-t-elle glissé, sous le coup de l’émotion, sur le parquet trop bien ciré ? Toujours est-il qu’elle se retrouve dans ses bras.

La photo officielle fut celle d’un couple énamouré, en pleine étreinte. La dernière image, du reste. L’un et l’autre ont tourné le dos à la politique. Modernes Cincinnatus, ils ont acheté un domaine blotti au fin fond de l’Ariège, loin de toute agglomération. Ils y vivent heureux. Ce qui, somme toute, vaut tous les ors des palais officiels.

Thomas Jolly, de Shakespeare aux JO. Ou la culture à l’heure de la déconstruction

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Thomas Jolly faisant ses facéties à la nuit des Molières, Paris, 25 avril 2023 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Portrait de l’effrayant metteur en scène des cérémonies des Jeux olympiques 2024 à Paris.


Il est en ce moment le chouchou des médias, de Télérama à France Inter en passant par Le Monde. Il faut dire que le « prodige du théâtre public » Thomas Jolly coche, bien qu’il s’en défende, toutes les cases du culturellement correct. Il croit, dit-il par exemple dans un entretien donné à L’Express, « à une forme de déhiérarchisation des objets culturels » et à « l’inclusivité ». Au demeurant, l’homme n’est pas antipathique. Il est seulement risible. Cet amusant personnage arbore un perpétuel et imperturbable sourire juvénile traduisant une totale insouciance, une véritable incapacité à comprendre ce qu’il est réellement, à savoir un animateur de la grande braderie culturelle en cours. Philippe Muray a décrit en son temps la transformation de la culture et des arts en cette gigantesque et universelle Foire du Trône culturelle aux multiples attractions – ses théâtres de rue participatifs, ses Nuits Blanches stupéfiantes, ses Techno Parades tolérantes, ses théâtres subventionnés à messages progressistes, ses Fêtes de la musique citoyennes, ses musées et ses festivals en pagaille. Thomas Jolly rêve d’un « Festival d’Avignon permanent » – c’est-à-dire, pour le dire comme Muray, d’une incessante mécanique de disparition de ce que le metteur en scène prétend mettre au pinacle, à savoir l’art théâtral.

L’écrivain Philippe Muray (1945-2006) et notre directrice de la rédaction Elisabeth Lévy © Hannah Assouline

« Rockeur dégénéré », « solaire » …

En 2014, Chloé Aeberhardt, alors journaliste à Libération, rencontrait l’acteur et metteur en scène. Subjuguée, captivée, envoûtée, elle rapportait une phrase de l’artiste parlant de lui : « Je suis phosphorique ». « Soit, en homéopathie, écrivait la journaliste avec des étoiles plein la tête et l’Encyclopédie des thérapies alternatives sous le coude, l’un des trois profils de base désignant à raison, en ce qui le concerne, les sujets longilignes, sensibles et créatifs. » Elle comparait alors l’artiste aux chétifs vers luisants qui ont « cette faculté tellement géniale de rayonner la nuit », et rappelait que le mentor de Thomas Jolly, Stanislas Nordey, directeur du Théâtre National de Strasbourg, l’avait toujours trouvé « extrêmement solaire ». Qu’avait donc fait ce jeune metteur en scène, 32 ans à l’époque, pour mériter ces éloges incandescents ? Nous sortions du Festival d’Avignon – dirigé à l’époque par Olivier Py, représentant éminent du wokisme culturel – où Thomas Jolly avait dirigé un spectacle marathon de 18 heures tiré de l’œuvre shakespearienne, Henry VI. La critique, unanime, avait apprécié cet « univers qui se joue des repères historiques » (dixit la plaquette de présentation du spectacle) et salué la performance.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Le crépuscule des jeux

Ainsi, après avoir vu ledit spectacle, le critique théâtral René Solis écrivait dans Libération : « Ni un sommet, ni une révolution esthétique, pas le Ring de Chéreau, ni le Soulier de satin de Vitez, juste tout un jour et toute une nuit de théâtre qui revigorent. » Ça, pour revigorer, ça revigora. 15 actes, 150 personnages ; entre chaque partie, une comédienne s’adressant aux spectateurs : « Non contents d’avoir déjà enduré quatre heures de notre épopée, vous êtes revenus. Pour en reprendre treize !!! C’est gentil » ; Thomas Jolly interprétant lui-même Richard III « en rockeur dégénéré » ; des chevaliers galopant sur des chaises « qui serviront ensuite au bûcher de Jeanne d’Arc, perruque bleue et seins à l’air », s’esbaudit René Solis qui raffola également des « lumières rouges, éclairs aveuglants, lancers de cotillons et giclées électro-rock » et de « l’usage des faisceaux, entre DCA et boîte de nuit ». Le marketing publicitaire s’appliquant de nos jours indifféremment au commerce et à l’art, la direction du théâtre offrit un pin’s aux courageux spectateurs qui restèrent jusqu’au bout du spectacle : « J’ai vu Henry VI en entier. »

Plus c’est long…

Toujours plus loin, toujours plus fort. En 2022, Thomas Jolly montera, au Centre Dramatique National d’Angers, Henry VI + Richard III, c’est-à-dire la tétralogie de Shakespeare en intégralité. La performance durera cette fois 24 heures, avec les mêmes ingrédients que pour celle d’Avignon. Par exemple, une batucada (musique rythmée brésilienne) résonnera lors de la première scène de bataille et sera suivie de la bande sonore du Space Mountain de Disneyland : « Ce mélange d’influences et de références, c’est avant tout une profonde marque de respect du public, à tous les publics de théâtre », affirmera sans rire, sur le site de France Inter, Julien Baldacchino qui appréciera également l’entrée du rebelle John Cade sur une « chanson aux accents punk », l’ambiance « opéra rock macabre » et les facéties de Bruno Bayeux, le comédien tenant le rôle du maire de Londres, entrant en scène en prévenant le public : « Je suis Bruno, je joue le maire, mais je ne suis pas Bruno Le Maire ! » Les spectateurs repartiront là encore avec une preuve de leur assiduité, un pin’s sur lequel il est écrit cette fois : « J’ai vu Henry VI + Richard III en entier. »

A lire aussi, du même auteur: Le “monde de la culture”, “L’Humanité” et “Rivarol” sont dans un bateau…

Le relativisme généralisé – qui alimente le wokisme déconstructionniste – ne pouvait pas ne pas atteindre ce que certains appellent encore la culture par commodité et en voulant profiter du prestige d’un mot dont ils détournent le sens à leur guise. Thomas Jolly fait partie de cette génération d’artistes qui ne veulent plus hiérarchiser les œuvres. Benjamin Britten ou les Spice Girls, Mozart ou les Daft Punk, Shakespeare ou Britney Spears, pour lui tout est égal, équivalent, tout se vaut et peut se parer d’adjectifs interchangeables et progressistes : populaire, citoyen, ouvert, égalitaire, inclusif ou festif.

Audacieuses et audacieux

Dans La défaite de la pensée (Gallimard), Alain Finkielkraut soulignait cette (im)posture post-moderne et dévastatrice consistant à mettre sur le même plan l’auteur du Roi Lear et un acteur célèbre, un slogan publicitaire et un poème d’Apollinaire, un grand couturier et Michel-Ange, et, « à condition qu’elle porte la signature d’un grand styliste », une paire de bottes et Shakespeare. Dans ce bouleversement des valeurs, le metteur en scène n’est plus au service de Shakespeare – c’est Shakespeare qui devient le faire-valoir du génial metteur en scène. Dans le cas de certaines œuvres anciennes, le texte littéraire – malencontreusement encombré de références historiques incompréhensibles, de mots désuets, de sentiments surannés – peut être un obstacle à la révélation de ce génie, surtout s’il est décidé de faire entrer la performance théâtrale dans le Livre Guinness des records, rubrique « le spectacle le plus long ». Par-delà le texte, des « giclées électro-rock » sortiront alors le spectateur de sa torpeur ; une quincaillerie pyrotechnique et une mise en scène épileptique le tiendront éveillé. Thomas Jolly excellant apparemment dans ce domaine, il n’est pas étonnant qu’il ait été sollicité pour mettre en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques de 2024 et tenir en haleine les presque deux milliards de téléspectateurs attendus. « J’aime les grands enjeux, les grands défis ! J’ai cette audace-là ! » dit-il hardiment sur France Inter, face à une Léa Salamé sous le charme. Comme ses congénères du théâtre subventionné – David Bobée, directeur du Théâtre national de Lille, membre fondateur du collectif  “Décoloniser les arts”, ou Olivier Py, antifasciste de théâtre qui envisagea de délocaliser le festival d’Avignon en cas de victoire du RN aux élections municipales – Thomas Jolly chante l’inclusivité sur tous les tons permis par la novlangue du politiquement correct : il espère que « les autrices et les auteurs » qui l’accompagneront sur ce projet et que « celles et ceux » qui y participeront seront aussi enthousiastes que lui pour « délivrer des choses importantes » – au moins aussi importantes que celles issues de Starmania, la comédie musicale qu’il a relancée et qui est, selon lui, « une œuvre qui s’adresse à nous tous et à nous toutes, parce qu’elle est justement le reflet, au-delà de l’actualité, même si elle est très, très fortement impactée par notre actualité – c’est d’ailleurs aussi le côté visionnaire de l’œuvre − c’est quand même au fond une question qui se pose, de qu’est-ce qu’on fait là, à quoi on sert et qu’est-ce qu’on fait dans ce monde qui ne nous ressemble pas ? » Léa Salamé, impressionnée par cette interrogation existentielle et cette syntaxe acrobatique, ouvre des yeux grands comme ça et ajoute son gros grain de sel à cette conversation quasi-métaphysique : « Le texte (de Starmania) est furieusement moderne et il était très avant-gardiste. Il y a beaucoup de résonance avec aujourd’hui. Comment ne pas voir dans le personnage de Zéro Janvier, le magnat de la presse multimillionnaire qui va devenir président de l’Occident, grâce à un programme ultra-sécuritaire, nationaliste et anti-écologique, la figure de Trump par exemple. » Shakespeare peut aller se rhabiller.

A lire aussi, Marie-Hélène Verdier: La Fontaine en fables et en notes

« Je suis frappé par la médiocrité artistique de cette époque », disait récemment Michel Fau dans ces colonnes1 en pointant du doigt le théâtre subventionné et l’hégémonie culturelle de la gauche. Usant des mêmes discours affectés sur l’égalité, l’anti-élitisme et un « théâtre engagé et inclusif », Thomas Jolly peut diriger indifféremment Shakespeare, Starmania ou les Cérémonies des Jeux Olympiques, et déclarer dans L’Express, en massacrant, en plus du reste, la langue française : « Quand on fait du service public, on sert qui, on sert à quoi, on sert quoi ? Moi, j’essaie de servir à cet endroit-là de la société, c’est-à-dire l’inclusivité, réguler l’égalité parce qu’elle n’est pas là sur beaucoup de sujets. » De ce charabia, nous sommes censés retenir essentiellement les syntagmes service public, inclusivité, égalité – c’est-à-dire les nouveaux mantras de la caste culturelle à l’heure du wokisme, mantras qui sont l’antithèse absolue de ce qu’on appelait justement, du temps où elle se prévalait d’un certain élitisme sans se refuser à quiconque faisait un effort pour l’appréhender, l’admirer et en jouir, la culture.

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  1. https://www.causeur.fr/michel-fau-un-grand-artiste-nest-ni-de-droite-ni-de-gauche-265092 ↩︎

Quand les Soulèvements de la Terre disent «cheh» à Gérald Darmanin

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Une militante d'extrème gauche opposée à la dissolution des "Soulèvements de la Terre" et son intelligente pancarte à Paris, 22 juin 2023 © Laurent CARON/ZEPPELIN/SIPA

Le Conseil d’État a annulé la dissolution des Soulèvements de la Terre décidée par notre ministre de l’Intérieur. Un désaveu juridique qui est surtout une victoire pour tous les groupes violents et les partisans de la « désobéissance civile », déplore Elisabeth Lévy.


Gérald Darmanin sait prendre des risques. Il a joué et il a perdu. Le décret de dissolution pris le 21 juin, qui était déjà suspendu en référé, a été finalement annulé jeudi avec un de ces raisonnements bizarres dont la haute juridiction a le secret.

Extraits choisis. Le groupe ne se serait rendu coupable d’« aucune provocation à la violence contre les personnes ». Donc, quand les « Soulèvements de la Terre » diffusent, avec gourmandise, « des images d’affrontements de manifestants avec les forces de l’ordre, ce n’est pas une revendication, une valorisation ou une justification de tels agissements ». Oh non, pas du tout ! C’est pour les dénoncer, peut-être ? On se moque de nous. Traduction : les « Soulèvements de la Terre » ne sont nullement responsables des violences commises dans leurs manifestations, même s’ils les relaient ensuite avec complaisance. Les forces de l’ordre blessées à Sainte-Soline ou ailleurs apprécieront certainement.

Par ailleurs, le Conseil d’État reconnait que les membres de l’association sont bien coupables de provocations à des violences contre les biens. Mais on ne va pas faire une histoire pour ça non plus. Après tout, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Tant pis pour les agriculteurs, qu’ils se débrouillent.

A lire ensuite, Martin Pimentel: Une « loi Gayssot » contre les climatosceptiques? Vivement demain!

On n’interdit qu’avec la main qui tremble : on pourrait admettre ce raisonnement libéral s’il n’était pas aussi sélectif. Je ne vois pas en quoi les happenings de Génération Identitaire, groupe dissous qui ne s’était pas non plus rendu coupable de violences, par exemple, menaçaient l’ordre public. Il est donc difficile de ne pas penser que le Conseil d’État fait des choix idéologiques. D’ailleurs, il a récemment découvert les dangers de l’islamisme – ce qui était appréciable – mais il fait preuve d’une curieuse indulgence pour les écolos-dingos.

Gérald Darmanin avait-il pour autant raison de vouloir interdire les « Soulèvements de la Terre » ? Non ! Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman, j’interdis à gauche un jour, j’interdis à droite le lendemain ; cela ne fait pas une politique. Et même validées, ces interdictions sont de toute façon assez inutiles, car il s’agit de groupes fluides, numériques, très difficilement contrôlables voire sans existence juridique et qui se reconstituent facilement. En revanche, il serait plus efficace de poursuivre chaque délit et de frapper individuellement et collectivement au portefeuille. Je vous assure qu’ainsi cela les enquiquinerait nettement plus !

À ne pas manquer, l’éditorial d’Elisabeth Lévy: Le crépuscule des jeux

Reste que cet arrêt est une victoire de taille pour les groupes violents, quand ils agissent pour la bonne cause. J’en veux pour preuve le Libération du jour qui écrit : « En rejetant le décret de dissolution, le Conseil d’État acte la légitimité de la désobéissance civile en matière d’environnement »1. Le pire, c’est que c’est vrai : les « Soulèvements de la Terre » triomphent. Curieusement, en arabe. Cheh ! (« bien fait ! ») lancent-ils, sur les réseaux sociaux à Gérald Darmanin. « Cette décision prend acte du rapport de forces que nous avons instauré », affirme leur communiqué. Cette jurisprudence pourra désormais être invoquée par tous les illuminés qui pensent que la fin justifie n’importe quel moyen.

Si Gérald Darmanin veut montrer ses muscles, il devrait peut-être commencer par dissoudre le Conseil d’État – je blague !! N’empêche, il est curieux que nos prétendus Sages choisissent les fauteurs de troubles et les casseurs de flics contre les défenseurs de l’ordre public. Tout de même : ils sont censés être les conseillers du pouvoir. Ils sont surtout les grands artisans de son impuissance.

  1. https://www.liberation.fr/societe/police-justice/soulevements-de-la-terre-le-conseil-detat-annule-le-decret-de-dissolution-20231109_ZOYSNOKE25D5FPWE4Q2SFMNIOU/ ↩︎