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Le Hamas, fossoyeur de la Nupes?

L'analyse politique de Céline Pina


Le Hamas, fossoyeur de la Nupes?
Photo de famille aux universités d’été de LFI à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), 27 août 2023 © Alain ROBERT/SIPA

Un crime contre l’humanité met la gauche au pied du mur. En étant incapable de dénoncer le terrorisme du Hamas, Jean-Luc Mélenchon place ses alliés dans une situation intenable: pour exister, le PS et le PC ont besoin de LFI, donc de ses électeurs, dont beaucoup applaudissent le discours du grand chef. LFI utilise comme prétexte la présence de Marine Le Pen, pour ne pas avoir à manifester contre l’antisémitisme dimanche.


Les principes sont toujours faciles à défendre quand ça ne coûte rien. Ainsi la gauche s’est-elle longtemps spécialisée dans la dénonciation d’un fascisme imaginaire où elle puisait sa bonne conscience. Elle était la gardienne de la promesse issue de la Seconde Guerre mondiale – plus jamais ça. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme était son ADN.

L’union en soins palliatifs

Le pogrom du 7 octobre a fait voler en éclats toute cette belle construction. Confrontée à des crimes contre l’humanité, la gauche a semblé incapable de prendre la mesure de ce qui s’était passé. Et quand elle l’a prise, elle a eu pour le moins du mal à en tirer les conséquences en termes d’alliances. Devant des massacres dignes des nazis, LFI par la voix de son leader a renvoyé dos à dos juifs martyrisés et Hamas meurtrier, déclenchant l’entrée en soins palliatifs de la Nupes. Quant aux autres forces, elles ont eu du mal à imposer un narratif clair, prises dans une tension entre soutien historique à la cause palestinienne et horreur face aux exactions des nazislamistes. Agacé par les tergiversations de la direction du PS, un opposant à Olivier Faure s’emporte : « À cause de Mélenchon, la gauche passe pour le camp des donneurs de leçons hypocrites qui font passer les vils calculs électoraux avant le massacre de civils. Le PS a hésité à rompre et quand il a semblé le faire, c’était avec des mots que personne ne comprend. Moratoire La dernière fois que les Français ont entendu parler de moratoire, c’est Tariq Ramadan qui le proposait au sujet de la lapidation des femmes. Si ça continue, on ne retirera rien de notre rupture. La faillite est totale. »

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Du côté de la majorité du PS, on déplore que le vote du conseil national choisissant de suspendre l’alliance n’ait pas été unanime et le communiqué trop timoré. Un soutien d’Olivier Faure réagit : « Alors qu’un enjeu civilisationnel dépasse les questions électorales, pourtant un vote unanime aurait été une réponse forte et lisible, mais les bisbilles internes l’ont emporté sur la responsabilité politique. »

Mauvais traitements

Côté PCF, la porte a claqué plus nettement et la sortie de la Nupes a été parfaitement assumée. « Je le fais pour eux, je ne voudrais pas qu’ils se compromettent en s’asseyant à côté d’un nazi », a ironisé Fabien Roussel, récemment assimilé à Doriot par la volcanique Sophia Chikirou, dite « la femme du chef » dans les cercles autorisés de LFI. Mais derrière cette boutade, il y a des années d’insultes et de mauvais traitements accumulés. Souvenez-vous du « vous êtes la mort et le néant », décoché dans un texto par Jean-Luc Mélenchon à Pierre Laurent alors secrétaire national du PCF, durant les législatives de 2017. Vous l’aviez oublié ? Pas eux. Plus sérieusement, l’incapacité de la direction de LFI à dénoncer des actes terroristes a choqué des militants qui ont un rapport fort à l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, largement caviardée s’agissant de leur propre histoire d’ailleurs. Cependant, le pacte germano-soviétique ne saurait effacer le fait que nombre de militants communistes ont connu la déportation pour faits de résistance.

Chez Europe Écologie-Les Verts, le plus clair est Yannick Jadot : « Si on ne pose pas maintenant la question des valeurs à la direction des Insoumis sur un sujet aussi essentiel, alors nous ne le ferons jamais. » Finalement, la théorie des deux gauches irréconciliables de Manuel Valls se révèle plutôt pertinente. Que ce soit la question du crime contre l’humanité qui mette la gauche au pied du mur en dit long sur la nature et l’ampleur de la rupture. Pour autant, la situation est plus trouble qu’elle en a l’air.

D’abord, l’union à gauche est une mystique. Le mot fait rêver et n’a pas besoin d’être doté d’un contenu, comme l’observe, désabusé, un ancien élu socialiste : « C’est un positionnement à la Jean-Claude Dusse, en mode “sur un malentendu, ça peut marcher”, dans lequel on s’unit pour la victoire en espérant dépouiller son partenaire au coin du bois. À ce jeu, c’est le PS qui a plumé la volaille communiste. Il rêve de recommencer avec LFI. Il ne se rend pas compte que l’on a changé de monde et surtout que l’on n’a plus rien à dire au monde. LFI a choisi l’islamo-gauchisme, c’est triste mais au moins ils ont un discours et un public, nous on est paumés. »

Clientélisme communautaire

En conséquence, les ruptures sont tout sauf claires. EELV est dans le flou, le PS parle de moratoire, mais on voit bien que chacun dirige ses flèches sur Jean-Luc Mélenchon pour mieux épargner LFI. Le caractère violent, le goût de la conflictualisation, la parole brutale et l’absence de contrôle de soi du leader de la France insoumise deviennent la vraie cause du divorce. Au bout du compte, la question des principes est vite mise sous le tapis. Pour la bonne raison que, dépourvue de discours adapté aux classes moyennes et au monde du travail, la gauche est tributaire de la capacité de mobilisation des quartiers et du vote musulman. Or cet électorat est avant tout celui des Insoumis.

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Cela explique les appels du pied d’une partie de la gauche aux historiques de LFI marginalisés par Mélenchon. Ceux-là ont trouvé les mots pour condamner clairement les crimes du Hamas. C’est le cas de François Ruffin, Alexis Corbière, Raquel Garrido, Manon Aubry, Clémentine Autain…

Il faut dire que l’équation est complexe : elle doit en partie sa survie électorale et ses bons résultats aux élections présidentielle et législatives à l’alliance avec les islamistes et au clientélisme communautaire. Mais la ligne qui en découle – discours antipolice, soutien aux émeutiers, justification de la violence politique – choque les Français qui désormais, considèrent que LFI est plus dangereuse que le RN pour la démocratie.

Pour le PS ou le PC, la question des alliances est devenue existentielle – ils jouent leur survie. Mais même en éliminant Jean-Luc Mélenchon du jeu, il reste un problème de fond : la stratégie électorale de LFI repose sur la reprise des éléments de langage et mots d’ordre des islamistes. Un discours massivement rejeté par une France qui a reconnu dans les tueurs du Hamas ceux du Bataclan, de Charlie, de Nice, de l’école Ozar Hatorah, de Samuel Paty et de Dominique Bernard.

Novembre 2023 – Causeur #117

Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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