Accueil Site Page 331

Initiation aux interdits?

La vente du «Sniffy», cette poudre blanche énergisante à inhaler par le nez, indigne. Mais, d’autres produits équivoques sont commercialisés chez nos buralistes, et ne provoquent pas autant de commentaires. Après le tollé, l’industriel derrière «Sniffy» songe finalement à proposer une version à diluer dans un verre d’eau.


La vente en bureau de tabac de « Sniffy », poudre blanche « énergisante » à inhaler, véritable Canada Dry de la cocaïne, a suscité l’émoi de la presse et des autorités. Bien que composée de produits légaux (caféine, taurine, créatine, maltodextrine et d’autres substances en « ine »), c’est bien sûr son rituel de consommation qui alerte tout adulte responsable – l’aspiration nasale au moyen d’une paille aimablement fournie par Sniffy et tous ses amis – ça ne vous rappelle rien ? Lutter contre le tabagisme, mais consentir à cette initiation cocaïnomaniaque, à l’heure où la coke s’impose dans tous les milieux, est-ce tolérable ? À quand « Héroincola » avec un kit seringue et Coca Zéro ?

Ce n’est pourtant pas la cohérence qui étouffe l’administration française (étonnant, hein ?), car on trouve désormais chez nos buralistes des sachets d’herbe qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à la « ganjah » des coffee-shops hollandais. Certes, le chanvre que recèlent ces paquets est dépourvu de THC, mais ne propose qu’aux fumeurs un ersatz riche uniquement de CBD. En termes de rituel de consommation, le cousinage avec le roulage de pétard n’en demeure pas moins évident. Alors, pourquoi pas Sniffy et sa paille ? Pour avoir une vision complète de la schizophrénie des autorités compétentes, on se souviendra de l’interdiction des… cigarettes en chocolat, dont le rituel (autant qu’il m’en souvienne) n’était guère comparable à celui de l’initiatique Gauloise sans filtre. À 10 ans, il ne me serait pas venu à l’esprit de mettre le feu au chocolat, ni de tenter de l’inhaler.

Derrière tous ces risibles errements se cache une question essentielle : la survie des bars-tabac-presse-PMU-Loto qui maillent – de moins en moins – le territoire. Tout ce qu’ils vendent se révèle mauvais pour la santé ou en voie de disparition. Jeux de hasard addictifs, alcool nocif, tabac prohibé jusque dans leur établissement, presse en chute libre. Sauver ces lieux populaires relève bien de l’intérêt général. Quitte à les transformer en dealers en chocolat, voire en banquier pour orphelins de la Poste ou interdits bancaires (« René, un demi et un RIB sans faux col »). Aux dernières nouvelles, les concepteurs de Sniffy feraient machine arrière pour éviter l’interdiction. La poudre ne serait plus à inhaler, mais à diluer dans un verre d’eau. Un peu comme le Ricard en somme. Alors, ça va.

Ah, le foot!

0

Dans un moment où certaines de nos stars du ballon rond se révèlent meilleurs agents électoraux que marqueurs de buts, il n’est pas inintéressant d’établir un parallèle footballistique avec la situation politique que nous connaissons depuis le début de la semaine. On est en effet saisi de constater combien il est aisé – et surtout amusant – de débusquer des similitudes.

Le hors-jeu. Il y en eut peu lors de la demi-finale perdue contre les Espagnols. Il est vrai que, en la matière, on avait fait le plein dimanche soir au coup de sifflet final du second tour. Quelque dix millions de hors-jeux. Dix-millions d’électeurs RN et alliés, renvoyés sans ménagement dans les vestiaires, sans autre forme de procès. Dix millions à se voir immédiatement traités en hooligans pestiférés, interdits de voix au chapitre comme les autres – les vrais – le sont de stade. Hors-jeu, donc.

A lire aussi, Robert Ménard: La défaite en aimant

But contre son camp. L’équipe de France en a beaucoup bénéficié dans la première phase de cet Euro, de là à s’en faire une spécialité, on ne tranchera pas, la place étant déjà prise dans ce domaine par les joueurs petit bras du centre du terrain législatif qui, se mettant volontairement sur la touche, en ont été réduits, impuissants, bras ballants, à regarder scorer les porteurs de maillots rouges, très rouges, qu’on ne confondra pas, ceux-là, avec les tuniques rutilantes de la belle équipe d’outre Pyrénées. 

Arbitrage. Litigieux, comme toujours en fait. Y avait-il bien matière ou non à siffler avec tant d’empressement la dissolution ? Y avait-il urgence à convoquer les supporters dès à présent au jeu si risqué des urnes et à renvoyer sans plus de préparation les équipes dans le grand bain de la campagne ? Les supporters des diverses équipes n’ont pas fini d’en débattre. 

En vente à partir d’aujourd’hui: Causeur #125: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Carton rouge. Aucun lors de cette même demi-finale de l’Euro. Mais là encore un plein tombereau dans l’entre-deux-tours. Pour trahison, pour antijeu, pour trucage de match, pour changement de maillot à la sauvette, pour compromission, pour passe décisive et délibérée à l’adversaire, pour tacle par l’arrière, etc, etc. On notera sur ce point une différence de première importance avec le football. Au foot, quand on prend un carton rouge, on se voit exclu du terrain. Dans notre affaire de politicaillerie, tout au contraire, les accumuler semble bien être le meilleur moyen de s’y maintenir. Comme quoi, tout à ses limites. Tout y compris les tentatives de rigoler de ce qui n’est pas drôle du tout.

Sociétés secrètes: Mythes, réalités, fantasmes, impostures

Price: 20,90 €

17 used & new available from 10,20 €

Shigeru Ban notre contemporain: un architecte inventeur de formes

0

Un beau livre est publié consacré à l’architecte star japonais, dessinateur chez nous du Centre-Pompidou Metz (57)  et de La Seine Musicale (92)…


Si la valeur n’attend point le nombre des kilos, le poids du volume XXL lancé par la maison Taschen donne néanmoins la pleine mesure de l’architecte dont l’impressionnant table book intitulé Shigeru Ban, Complete Works 1985- Today vient à bon escient célébrer l’œuvre considérable. Trilingue, comme toujours, chez l’éditeur d’outre-Rhin, signé de l’émérite auteur-maison et grand spécialiste Philip Jodidio, l’épais album à couverture cartonnée, illustrée de superbes photos pleine page et de plans, agrémenté de données précises (superficie, emplacement, datation) et nourri d’opulentes notices, projet par projet, recense les réalisations du maître nippon, des États-Unis au Japon, de la Suisse à l’Inde ou à la Turquie : elles se comptent par centaines.  

Science-fiction

En France, Shiberu Ban est essentiellement connu aujourd’hui du public non spécialisé par le fameux Centre-Pompidou Metz, dont la construction entamée en 2004 s’est achevée en 2010, se signale à présent par cet « « étonnant toit tressé de forme hexagonale », emblème contemporain de la vieille cité lorraine. Grand admirateur du bâtiment construit par Piano et Rogers à Paris, l’architecte japonais avait même, on s’en souvient, pour mener à bien son projet, installé une agence éphémère au sommet du Centre Pompidou, « structure en tubes de carton à pièce d’assemblage en bois et câble d’acier » qui avait l’air de sortir d’un film de science-fiction. De l’extérieur, le public avait vue sur les équipes au travail dans cet espace à la beauté insolite. Une forte filiation relie d’ailleurs Shigeru Ban à cet édifice de « Beaubourg » dont on sait qu’il va fermer dès 2025, pour cinq années de transformation radicale : l’agence franco-japonaise de Nicolas Moreau et Hiroko Kusumoki qui vient de remporter à l’unanimité le concours pour cette métamorphose ont été formés, le premier chez Kengo Kuma, et le second, précisément chez Shigeru Ban.


L’autre bâtiment-phare du japonais dans l’Hexagone, c’est évidemment La Seine Musicale, édifiée sur l’île Seguin de Boulogne-Billancourt, en bordure de Paris, entre 2014 et 2017, sur l’ancien site des usines Renault, bâtiment imposant (près de 37 000 m2) inséré dans un plan directeur conçu par Jean Nouvel. Saisissant contraste entre la géométrie rectiligne des accès et la forme arrondie des salles de concert, enchâssées sous cette soucoupe de verre et d’acier aux chromatismes changeants, qui de loin s’aperçoit dans l’horizon urbain.

À lire aussi, du même auteur: Nicolae Ceausescu, architecte comique

On doit à Shigeru Ban quelques autres réalisations de moindre ampleur en France : le Centre d’Interprétation du Canal de Bourgogne, à Pouilly-en-Auxois (21) ; de l’habitat social à Mulhouse (68)… Mais deux arbres ne disent rien de la forêt ! Natif de Tokyo en 1957, Shigeru Ban avait voulu être charpentier, d’ailleurs.  Après avoir créé sa propre structure dans la capitale de l’archipel, il était parti étudier aux États-Unis. À distance du post-modernisme alors en vogue, il infléchit son travail à dater de la mise en scène d’une exposition Alvar Aalto, cet architecte de génie dont, à peine diplômé de la Cooper Union il venait de découvrir l’œuvre en Finlande.

Prix Pritzker 2014

Détenteur du Pritzker en 2014, le plus prestigieux des prix internationaux d’architecture, Shigeru Ban ne s’est jamais départi d’approches constructives tendant toujours à trouver des solutions essentiellement liées au contexte – d’où ses architectures de l’urgence dans lesquelles (toujours bénévolement)  il s’est impliqué à la suite de plusieurs catastrophes naturelles dans le monde :  par exemple les bâtiments scolaires, dans la province chinoise du Sichuan, imaginés à la suite du tremblement de terre du 12 mai 2008… Comme l’observe Jodidio : « son architecture n’est pas guidée par l’esthétique, mais par la résolution des problèmes. (…) Il le dit lui-même, il n’est pas un architecte qui crée des formes, mais un architecte qui trouve des formes ».

Une grande pureté de ligne ne s’en dégage pas moins, bien souvent. Il n’est que de voir cette étonnante cathédrale « provisoire » Christchurch, en Nouvelle-Zélande, faite tout simplement de tubes de carton ; ou encore l’extraordinaire Pavillon Hermès réalisé en collaboration avec Jean de Gastines, et monté en 2011 à Tokyo et à Milan ; ou le pavillon de l’IE University Business School de Madrid.

Ces architectures légères n’entrent nullement en contradiction, sur le plan visuel, avec des projets plus spectaculaires, tels le Club de golf de Skolkovo, à Moscou, avec sa façade de 72 mètres de long, en bois, qui domine le parcours ; ou cet autre « club-house » de golf implanté sur 20 000m2 à Gyeonggi, en Corée du Sud… Ou ce magnifique Musée d’art de la préfecture d’Oita, au Japon, qui abrite des collections d’art japonais et occidental : « J’ai créé une forme oblongue qui flotte sur le site et devient une extension du paysage urbain », commente l’architecte.

700 pages

Ce rapport de l’édifice à l’environnement extérieur, cette ambiguïté des limites entre le dedans et le dehors ne sont jamais mieux exploités que dans les remarquables (et parfois fort luxueuses) commandes privées : comme cette villa circulaire située dans un quartier résidentiel d’Hakatone, au Japon ; ou cet hôtel construit en longueur dans une région rizicole, au Japon, tout en légèreté, dans une alternance de bois clair, de béton et de verre…. Ou par exemple encore, deuxième projet résidentiel de Shigeru Ban à New-York (après la Metal Shutter House en 2008), cette Cast Iron House (Maison de fonte) qui, à Broadway, abrite 13 lofts en duplex implantés au sommet s’un superbe édifice classé, millésimé 1881 : appartements de grand style, dont la minéralité immaculée contraste avec le raffinement richement ornementé de l’immeuble qui en est le socle.

Ainsi que l’écrit avec justesse Philip Jodidio : « La force de Ban repose sur sa capacité à interpréter des idées, ou à rechercher l’essence de sa propre tradition culturelle, y compris dans celle qui a évolué autour de l’architecture moderne, par exemple ». À feuilleter les près de 700 pages grand format de cette monographie, recension in extenso de son travail, on découvre ce qu’est un authentique inventeur de formes – à l’infini.

Le siège de Swatch, à Bienne, en Suisse, une des plus grosses architectures en bois au monde © Tashen

Shigeru Ban, Complete Works, 1985/ Today. Par Shigeru Ban et Philip Jodidio, 696p. Format XXL, trilingue allemand, anglais, français.  

+ une Edition d’art numérotée de 1 à 2000 avec un tirage signé de l’architecte et une couverture en 3D en bois découpé au laser.

Dédicace ce 10 juillet de 18h30 à 19h30 : Boutique Tashen, 2 rue de Buci 75006 Paris.

Dans le maelström

Les danseurs de l’Opéra de Paris survivent, vainqueurs, à la puissance superbe et chaotique du « Blaubart » de Pina Bausch. À voir jusqu’au 14 juillet.


C’était il y a deux ans : «Kontakthof», l’une des œuvres majeures de Pina Bausch, entrait au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris.

Conduite avec autant de savoir-faire que d’intelligence par l’une des danseuses emblématiques du Tanztheater de Wuppertal, Josephine Ann Endicott, cette passation avait débouché sur quelque chose d’époustouflant. Et à quoi on n’aurait peut-être jamais cru si on ne l’avait vu. On retrouvait chez les danseurs de l’Opéra, atténuées certes, la conviction, la théâtralité, la force intérieure qui avaient porté les artistes du Tanztheater à l’époque de la création de « Kontakthof ». Chez les femmes surtout, entrées dans l’univers de Pina Bausch avec une souplesse d’esprit et une sensibilité inimaginables, quelques lustres auparavant, au sein d’une compagnie de ballet classique.

On pourrait en dire autant de « Blaubart », quatrième ouvrage de la chorégraphe allemande à figurer désormais au répertoire du Ballet de l’Opéra après « Le Sacre du printemps », « Orphée » et « Kontakthof ». Mais ici, la pièce est moins puissante et, partant, l’engagement des danseurs en est peut-être moins spectaculaire.

Des scènes à couper le souffle

Parce que l’ouvrage offre des scènes d’une beauté à couper le souffle, « Blaubart » était resté dans les mémoires comme une pièce majeure de Pina Bausch. Sa reprise au Théâtre du Châtelet avec le Tanztheater de Wuppertal, il y a deux ans également, avait fait l’effet d’une douche froide. Ce qu’on avait vu naguère comme une œuvre puissante avait fort mal vieilli et on en découvrait les faiblesses quand les scènes les plus fascinantes n’avaient plus la force et la beauté de l’inédit. On redécouvrait aussi que les fragments du livret écrit pour Béla Bartók par le poète Béla Balàzs étaient chantés en allemand au détriment de la poésie de la langue hongroise, ce qui en affaiblissait le climat. En fait, aussi sacrilège que l’idée puisse paraître, « Blaubart » mériterait d’être abrégé. Une démarche tout à fait impensable aujourd’hui, et c’est d’ailleurs heureux, puisque la mort de Pina Bausch est encore trop récente pour qu’on se permette une telle transgression. On y viendra peut-être beaucoup plus tard : la pièce, trop étirée, inutilement répétitive, s’en trouverait sans doute renforcée. Cette audace un peu barbare signifierait que « Blaubart » serait définitivement entrée dans le répertoire chorégraphique universel et qu’on pourrait alors oser de tels ajustements sans avoir le sentiment de trahir.

L’impitoyable domination masculine

Si l’œuvre se révèle quelque peu décevante, malgré l’incisif propos de Pina Bausch qui souligne avec force, et non sans humour aussi, la pesante, l’impitoyable domination masculine exercée sur les femmes, son interprétation par les artistes de l’Opéra, les danseuses surtout, n’en est pas moins remarquable.  

A lire aussi, Martin Pimentel: Thomas Jolly, « mi-homme mi-coffre fort »

Là encore, c’est une interprète historique de Pina Bausch, Béatrice Libonati, qui a dirigé les répétitions de « Blaubart » et choisi en amont les danseurs. Avec la même intelligence et la même exigence que Josephine Ann Endicott pour «Kontakthof », elle a fait des miracles en sachant diriger les artistes de l’Opéra avec assez de doigté pour en obtenir le meilleur. Certes, les exécutants d’aujourd’hui sont fondamentalement différents de ceux de jadis et il serait aussi vain que stupide d’espérer qu’ils soient des répliques parfaites de ceux de Pina Bausch, ayant œuvré en d’autres temps et dans un tout autre contexte artistique, politique et social. Mais ils se sont engagés dans cette tâche aussi noble que redoutable avec une ardeur, une foi, un désir apparent de servir « Blaubart » qui disent bien l’intérêt qu’ils y portent. Et le résultat est remarquable. Dans les créations de la chorégraphe allemande, ce sont les femmes qui la plupart du temps sont les plus flamboyantes. C’est tout aussi évident avec les danseuses de l’Opéra. Elles sont dix, Ida Viikinkoska, Laure-Adélaïde Boucaud, Camille de Bellefon, Laurence Lévy, Adèle Belem, Lilian Di Piazza, Eugénie Drion, Marion Gautier de Charnacé, Alycia Hiddinga, Amélie Joannides, et toutes franchement dignes d’admiration, tant pour la puissance physique qu’elles déploient dans une chorégraphie tyrannique, épuisante et chaotique, que pour la beauté de leurs visages, devenus des masques de tragédiennes. Pour les danseurs, la partie est plus ingrate. Ils demeurent quelque peu en retrait. Cela n’empêche pas des Milo Avêque ou des Julien Guillemard d’imposer leur aura.

Un courage sans faille

Tout en s’engageant avec un courage sans faille dans le rôle si périlleux de Judith, Koharu Yamamoto est sans doute trop jeune pour l’incarner pleinement. Et son visage de poupée est fâcheusement inexpressif. Dans le personnage de Barbe-Bleue, Alexandre Boccara, quant à lui, paraît un peu transparent au début de l’ouvrage. Mais on comprend vite pourquoi ce très jeune homme, qui n’est encore que sujet au sein du Ballet, a été lui aussi élu pour assumer ce rôle magistral. Au fil de l’ouvrage, il dévoile une personnalité remarquable et l’on devine bientôt que le bel interprète qu’il est aujourd’hui a beaucoup pour être magnifique demain.


« Blaubart », chorégraphie de Pina Bausch exécutée sur un enregistrement du « Château de Barbe-Bleue » de Béla Bartók. Jusqu’au 14 juillet 2024. Opéra de Paris-Garnier : 08 92 89 90 90 ou operadeparis.fr

Tour: des jours avec et des « jours sans »

0

Le Tour de France était de retour mardi 9 juillet, après une pause lundi.


Si, après une semaine éprouvante, les coureurs du Tour aspirent naturellement à une journée de pause, ils l’appréhendent aussi. Ils craignent surtout de connaître le lendemain « le jour sans », comme cela est arrivé à certains d’entre eux et pas des moindres. C’est « un jour sans », post journée de repos, en 1975, qui priva en effet le grand Eddy Merckx, d’une 6ᵉ victoire et mit fin à son règne. À 6 km de l’arrivée du Pra-Loup, alors qu’il était en tête et devait remporter l’étape et consacrer son insolente domination sur ces rivaux, il fut victime, lui, dit le Cannibale tant il était affamé de victoires, d’une foudroyante fringale qui le cloua sur place. Son rival Bernard Thévenet qui avait été lâché dans la 3ᵉ difficulté de l’étape, le col d’Allos, le rattrapa, lui prit deux minutes et le déposséda définitivement de son ultime maillot jaune. Il dut se résigner à se contenter de cinq victoires1.

Quand la journée de repos est fatale

En 2015, dans une étape qui se concluait aussi sur le Pra-Loup, l’Américain Tejay Van Garderen, connut une identique cruelle mésaventure « d’un jour sans ». Troisième au général, il avait toutes les chances de décrocher la place de second derrière l’intouchable Chris Froome, l’unique quadruple vainqueur du Tour. L’étape comptait cinq cols. Dans le 3ᵉ, un magistral coup de pompe s’abat sur lui. Il met pied à terre. Il ne peut pas repartir. Ses jambes l’ont trahi, ne lui laissant d’autre choix que celui d’abandonner.

À lire aussi : Tour: Girmay-les-Deux-Victoires ou la Flèche noire

En 2010, l’Australien Cadel Evans a connu le même déboire. La veille du repos, il s’était emparé du Jaune à Morzine-Avoriaz et pouvait envisager de l’emmener jusqu’à Paris. Mais à l’étape de reprise, il y avait le col de La Madeleine. Sur ses pentes, l’équipe Astana place une imparable accélération qui laisse Evans sur place. Ses « jambes étaient en laine »2. Le repos l’avait vidé de son jus. À l’arrivée, son retard est tel qu’il est éjecté du top 10.

En 2000, le patenté dopé et septuple vainqueur du Tour déchu, Lance Armstrong, dans le col de la Morzine, a, lui aussi, connu le fatidique « jour sans ». Il était sûrement chargé à bloc, avait comme de coutume « allumé la chaudière »2. Comme quoi « saler la soupe »2 avec des amphétamines ou de l’EPO, n’est pas l’antidote à « se retrouver dans la Pampa »2.

Gueule de bois et dopage au champ’

Le plus rocambolesque « jour sans » revient sans conteste à Jacques Anquetil, maître Jacques, le premier quintuple vainqueur de la grande boucle. C’était jour de repos, à Andorre. Le lendemain, le 6 juillet 1964, l’étape conduisait les coureurs à Toulouse par le col d’Envalira. Pour Anquetil, un jour de repos devait être un jour de relâche, foin du moindre entraînement. Radio-Andorre (aujourd’hui Sud Radio) organise un méchoui, très à la mode dans ces années-là, coutume importée par les Pieds-Noirs qui avait fui l’Algérie après son indépendance. Tous les coureurs y sont invités. Seul Anquetil honore l’invitation avec son directeur sportif Raphaël Geminiani, dit « Grand fusil », qui est décédé le 5 juillet dernier à 99 ans. Preuve que le vélo conserve son homme. Ses deux principaux rivaux, Raymond Poulidor et Federico Bahamontes, préfèrent rester dans leur chambre d’hôtel vu que l’étape qui les attend risque d’être cruciale.

Donc pendant ces agapes, Anquetil s’empiffre de mouton et écluse à discrétion les verres de sangria qu’il puisse dans une baignoire faisant office de bar. Quand il regagne son hôtel, le sybarite Anquetil est à la ramasse. Quand il s’aligne au départ le matin qui suit, il n’en peut mais… la rumeur avait couru: il avait une gueule de bois carabinée… Le départ donné, les attaques fusent tous azimuts. Anquetil résiste mais arrive le col fatidique, le juge de paix, et dès les premières pentes, il décroche. Au sommet, il accuse quatre minutes de retard. Alors qu’il est second au général, devancé par son rival de toujours, l’humble éternel second Raymond Poulidor, le flamboyant Maître Jacques peut déjà faire son deuil de la perspective d’une cinquième victoire. C’est alors que Geminiani lui passe un bidon de champagne. Anquetil en est très friand. Miracle, il fait la descente à tombeau ouvert, à l’aveugle, fendant un épais brouillard. Il revient sur ses rivaux qui n’en reviennent pas de son retour. Les exégètes de la pédale imputent cet exploit aux bulles du pétillant champenois. En vérité, on ne peut qu’être sceptique. Aux bulles avait été très certainement additionnée quelques substances dont la vertu première était de rendre intrépide celui qui en consommait. Le comble, c’est qu’une voyante peu clairvoyante lui avait prédit une chute mortelle dans cette descente. Et ce fut aussi un jour de poisse pour le sage Poupou. À quelques kilomètres de l’arrivée, il crève et personne n’a l’élégance de l’attendre. Et ainsi, lui, perdit le seul Tour qu’il était en fait en mesure de gagner et Anquetil gagna son cinquième alors qu’il s’annonçait fatalement perdu.

Fini de blaguer

C’est pour cela qu’aujourd’hui le jour de repos n’est pas un jour aussi de repos que ça. C’est une journée austère, pas question de se relâcher, pas la moindre facétie. Le matin les leaders sacrifient aux contraintes médiatiques, les équipiers se soignent, puis sortie à vélo afin de garder le tonus musculaire. Le vrai repos se résume à une sieste l’après-midi… et au réveil, le coureur a déjà la tête dans l’étape du lendemain avec l’appréhension d’avoir « le jour sans ».

À lire aussi : Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez les Bleus?

Aucun n’a connu mardi dans la morne étape qui a conduit le peloton d’Orléans à Saint-Amand-Montrond (187,3 km) cette amère déconvenue. Sauf peut-être Cavendish: à 10 km de la ligne, son équipe lui avait préparé un solide train. Il n’avait pas caché son intention de gagner et d’inscrire ainsi à son palmarès une 36ᵉ victoire d’étape. Mais à moins de 3 km de l’arrivée, il s’est éclipsé curieusement des avant-postes et ne s’est même pas classé dans le top 10… peut-être parce que c’était son « jour sans » à lui…  Dommage, car c’est à Saint-Amand-Montrond (18), alors qu’il était encore novice sur le Tour, qu’il avait remporté une de ses toutes premières 35 victoires d’étape, un record absolu qui est peu probable d’être battu un jour.


  1. Ils sont quatre à avoir remporté cinq Tours : Anquetil, Merckx, Hinault, Indurain ; un quatre : Froome ; trois à avoir gagné trois fois : Lemond, Bobet, Thys. ↩︎
  2. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎
  3. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎
  4. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎
  5. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎

Meurice me va comme un gland!

Je l’avoue, ça me faisait mal aux seins de payer le salaire de Guillaume Meurice. Mais demander des têtes, ce n’est décidément pas mon truc.


Je sais, ça énerve mes amis. Ils voudraient que j’applaudisse au licenciement de Guillaume Meurice. Je n’y arrive pas. J’ai les meutes en horreur, même quand je suis d’accord avec elles. Même quand elles ont raison.

Je déteste l’humour de Guillaume Meurice. Il m’est arrivé de rire en l’écoutant, je n’en suis pas fière. Comme le dit Philippe Val, ce rire est un rire grégaire, un rire de connivence, d’entre-soi. Il n’oblige pas à un pas de côté, il ne provoque pas une petite bagarre intérieure, il permet de jouer au résistant en crachant sur le nazi du moment – au choix, les adversaires de l’avortement, les électeurs de Zemmour, les riches, les ploucs qui roulent au diesel ou votre servante. Je n’ai jamais entendu Meurice prendre le risque de chatouiller son public en attaquant ses vaches sacrées. Féministes, djihadistes, militants LGBT, artistes engagés et wokes décérébrés, il y a pourtant l’embarras du choix, en plus, il suffit de les citer. Il a eu mille occasions de se fendre la poire sur Mélenchon. Il aurait pu se gondoler sur les salopards du 7 octobre et leur QI de singe (désolée, mais un type qui appelle ses parents pour hurler qu’il a tué dix juifs, a un QI de singe et je suis sympa). Mais non, Meurice préfère courageusement cogner sur les électeurs du RN, qui sont méchants et racistes, les journalistes de CNews, qui sont méchants et racistes, et Benyamin Nétanyahou, qui est aussi méchant et raciste puisque tout le monde le dit.

A lire aussi, Didier Desrimais: Du pluralisme dans les médias? Oui, mais pas n’importe comment…

Je ne sais pas si Meurice est antisémite et je m’en fous. J’ai tendance à croire que sa blague sur le « nazi sans prépuce » n’a fait marrer que ceux qui l’étaient déjà. Peu importe le prépuce, c’est la nazification des Israéliens, surtout au moment où ils viennent de subir un pogrome, qui est insupportable.

Puisque le crime est constitué, on se demandera pourquoi je n’approuve pas le châtiment. D’abord, l’indignation ne suffit pas. Aucune instance ne peut affirmer avec certitude que le crime est constitué. Certes, Meurice pourrait être condamné devant la dix-septième chambre – ce dont je doute. Veut-on vraiment que des juges décident si une plaisanterie est cachère ou pas ? Faudra-t-il créer une police de l’humour qui ira chercher les contrevenants au petit matin ? Je ne veux pas vivre dans un monde où les blagues limites (mes préférées) sont proscrites. Le mauvais goût est un droit de l’homme. Et puis, les juifs ont d’autres problèmes que des mauvaises blagues. On ne devient pas plus antisémite en écoutant Meurice que « facho » en regardant CNews. Enfin, je ne vois pas l’utilité de créer un martyr, même s’il s’est démené pour allumer le bûcher en adressant un grand bras d’honneur à sa direction – laquelle, exceptionnellement, a réagi avec fermeté. Pour tous les gogos qui le prennent pour Voltaire qu’on assassine, ce limogeage est la preuve que les juifs ont le bras long.

A lire aussi: Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews»

Il est vrai que c’est (c’était) l’argent des contribuables. Je l’avoue, ça me faisait mal aux seins de payer son salaire. Mais demander des têtes, ce n’est décidément pas mon truc. Je n’ai pas non plus envie que Charline se retrouve au chômage. J’aurais préféré que France Inter, touchée par la grâce du pluralisme, adjoigne à Meurice un coloc vaguement dissident – et drôle tant qu’à faire. Pas un facho, ni même un vrai type de droite mais tiens, me disais-je, pourquoi pas Blanche Gardin. Une fille qui ose blasphémer MeToo, c’est qu’elle en a, non ? Eh bien, je ne sais pas ce qu’elle doit se faire pardonner, mais maintenant elle coche toutes les cases. Une vraie born-again. Participant à une soirée Voices for Gaza – so radical-chic ! –, elle a joué un sketch sur une réunion d’Antisémites Anonymes: – « Bonjour, je m’appelle Blanche et je suis antisémite. » « Ne t’inquiète pas, lui répond un comparse, ici tu es dans une “sale place”, personne ne te jugera car nous sommes tous antisémites. » Au second degré c’est marrant, au quatrième, c’est puant. La suite est un festival. Au comparse qui lui conseille de remonter sur scène, elle répond : « Ce serait trop de pression, il faudrait que j’aille chercher un Molière et je ne peux pas, il faudrait que je sois islamophobe, comme Sophia Aram. Mais je peux pas être islamophobe, parce que je suis antisémite. L’un exclut l’autre en fait. Si tu es islamophobe, ça te protège contre l’antisémitisme, c’est comme l’herpès. Si tu l’as à la bouche, tu peux pas l’avoir au cul. » Vous voulez le sous-texte ? Primo : pour réussir dans le showbiz, il faut être bien avec les juifs, donc islamophobe. Deuxio : l’antisémitisme est une invention destinée à faire oublier l’islamophobie et les crimes israéliens. Grosse fatigue.

Finalement, Gardin ne fera pas l’affaire. Je ne me vois pas défendre son droit de dire des saloperies. J’ai mes limites. Et mes doutes. Certains jours, je me dis que cette obstination à défendre la liberté d’expression de ceux qui ne pensent pas comme moi (et parfois ne pensent pas du tout) est absurde. Aujourd’hui, par exemple. Après le sketch de Gardin, je ne suis pas d’humeur voltairienne. Pour me calmer, je vais aller manifester en soutien à Sophia Aram. Je suis sûre que je retrouverai Guillaume Meurice et toute la bande de Charline. Et en attendant, chère Sophia, bienvenue chez les méchants. Tu verras, on y rigole beaucoup plus que chez les dames patronnesses de France Inter.

PS. Notre cher Jonathan Siksou vient de recevoir un très mérité Grand prix de l’Académie française pour Vivre en ville (Le Cerf, 2023). Bravo à lui ! Si vous l’avez raté à sa sortie, c’est l’occasion de vous jeter sur ce délicieux texte.

Causeur: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

0

Découvrez le sommaire de notre numéro d’été


Notre une raconte l’histoire d’un casse médiatique, celui d’une nouvelle génération de journalistes – jeunes, intellos, drôles et courageux – qui n’hésite pas à monter au front pour défendre la liberté́ de pensée. Présentés par Elisabeth Lévy, Eugénie Bastié, Charlotte d’Ornellas, Alexandre Devecchio, Gauthier Le Bret, Geoffroy Lejeune et Arthur de Watrigant représentent toutes les nuances de la droite culturelle. Et donnent un sacré coup de vieux à Plenel, Aphatie et autres curés francintériens. Les six personnages qui figurent sur notre une ne sont pas une bande de copains, même s’il y a parmi eux des paires d’amis, mais plutôt des compagnons de route devenus frères d’armes dans les combats partagés. À la tête du Figaro Vox, Alexandre Devecchio anime les pages Idées les plus pluralistes et les plus lues de la presse française. Avec une telle franchise – et un tel pouvoir–, pas étonnant qu’il soit respecté à droite comme à gauche. Se confiant à notre directrice de la rédaction, cet homme de convictions sans fausse pudeur donne la clé de son approche : « Je me bats pour des idées, pas pour un parti. L’important, c’est le pluralisme ».

Notre numéro de l’été est disponible aujourd’hui dans le kiosque numérique et demain chez votre marchand de journaux !

Face aux victoires électorales à répétition du RN, les élites parisiennes ont mis en place un « quoi qu’il en coûte » politique doublé d’un confinement des doléances françaises. Tout sauf Bardella ! Nous venons de voir que, à coups d’âneries antifascistes et de chantage aux heures les plus sombres, l’alliance improbable du camp du Bien (la gauche) et du Cercle de la raison (la Macronie) a réussi. Les grands perdants de cette croisade « antifasciste », ce sont les Français qui habitent en dehors des grandes métropoles, autrement dit la France de CNews. Notre dossier de l’été part à l’exploration de ces territoires. Première grande étape, Orléans, où Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques ont mené l’enquête. Conjuguant avec un certain bonheur la foi dans l’économie, le respect de l’autorité et le sens de l’action sociale, cette ville voit monter le vote RN inexorablement. Malgré la politique du maire, aux effets positifs incontestables, le sentiment de dépossession gagne de plus en plus la population. Ensuite, Cachan, et les abords de la RN20, dans le Val-de-Marne, qui pour Driss Ghali préfigurent la France de demain : un pays cloisonné en communautés inintégrées où, face à la « diversité », les Blancs vivent retranchés. Sur les décombres de l’assimilation ne prospère qu’un seul modèle, la société de consommation. Pierre Vermeren analyse notre nouvelle géographie électorale. Face à des zones urbaines hors-sol de plus en plus rouges et de rares bastions bourgeois où l’on vote encore comme il y a vingt ans, le RN est désormais ancré dans 93% des communes françaises.

Lisez maintenant notre magazine dans le kiosque numérique

Céline Pina a recueilli les propos de Philippe Guibert. Pour l’ex-directeur du Service d’information du gouvernement sous François Hollande, le PS commet une erreur gravissime en se laissant dominer par LFI. Construire une gauche « de gouvernement » à l’ombre de Jean-Luc Mélenchon, un tel projet ne relève-t-il pas de l’utopie ? C’est la conclusion de Céline Pina pour qui trop de divergences séparent LFI des classiques socialistes et communistes. Qu’en est-il de l’économie ? Selon l’analyse de Stéphane Germain, les trois blocs qui se partagent la vie politique partagent aussi une vision folle de l’économie : l’argent public ne coûte rien ! Au-delà̀ de leurs nuances, tous veulent continuer de biberonner les Français à la dépense publique. La cure d’austérité́ qui vient s’annonce douloureuse. Qui devra s’y coller ? Et le travail dans tout cela ? La valeur-travail était un concept central chez Marx, nous rappelle Frédéric Magellan. Mais elle a quasiment disparu du logiciel du Nouveau Front Populaire qui lui préfère les allocs et la hausse du SMIC. N’oublions jamais le côté humain des choses. Robert Ménard nous rappelle que la politique est très souvent cruelle et injuste. Et une élection est rarement une prime au mérite. Emmanuelle Ménard en a fait la triste expérience en s’étant représentée à Béziers. Elle qui a prouvé qu’un député pouvait servir, soutenir et écouter. Son époux témoigne de sa douleur et de son admiration. Enfin, puisque pour les puristes de l’extrême-gauche, nous autres sommes tous des fascistes, Il vaut mieux savoir à quel courant on appartient. Le test de Céline Pina, « Quel fasciste êtes-vous ? », vous permettra enfin de le savoir.

Dans son édito de l’été, Elisabeth Lévy se trouve, de manière peut-être contre-intuitive, à défendre Guillaume Meurice, licencié pour la désormais célèbre blague sur le prépuce. Bien que détestant l’humour francintérien qui ne prend jamais le risque d’attaquer ses propres vaches sacrées, notre directrice de la rédaction n’approuve pas l’idée de punir les satiristes. « Veut-on vraiment que des juges décident si une plaisanterie est cachère ou pas ? Faudra-t-il créer une police de l’humour qui ira chercher les contrevenants au petit matin ? Je ne veux pas vivre dans un monde où les blagues limites (mes préférées) sont proscrites ».

Côté MeToo, la parole des hommes se libère – enfin ! Le réalisateur Yohan Manca était en pleine ascension. Une dispute violente avec sa compagne Judith Chemla a déclenché la terreur MeToo et brisé sa carrière. Depuis, alors qu’il a purgé sa peine, l’actrice multiplie les accusations les plus folles avec la bénédiction des médias. Face à cet acharnement, il sort de son silence, en se confiant à Causeur. La cuvée 2024 du Bac est aussi navrante que les précédentes, nous annonce Corinne Berger. Et les copies des épreuves de français confirment une situation alarmante : les jeunes Français ne maîtrisent pas notre langue. Une ignorance couverte par le ministère de l’Éducation qui pipeaute les moyennes générales.

Nos pages culture s’ouvrent au doux rythme de la mer. Sauf que ce n’est pas toujours très doux. La culpabilisation a débarqué́ sur nos côtes, nous apprend Georgia Ray. La mer est désormais considérée comme une victime et l’homme lui doit réparation. Condamnés à l’éco-rédemption, nous sommes « tous éboueurs » et « tous migrants ». Opposons à cette propagande les profondeurs de l’art et les finesses de la littérature. Souvenez-vous : la statue de Voltaire avait été enlevée de son socle du square Honoré-Champion. Jonathan Siksou (qui vient de recevoir un très mérité Grand prix de l’Académie française pour son livre, Vivre en ville, Le Cerf, 2023) nous annonce son retour après deux ans de bataille.

Yannis Ezziadi nous raconte une autre disparition mais qui s’est moins bien terminée. Cette année, l’affiche de la féria de Béziers a créé la polémique avec un dessin signé Jean Moulin. Le héros de la Résistance était un aficionado ! Cela a fait hurler les anticorrida… Julien San Frax se penche sur le cas de Leni Riefenstahl, qui a mis son talent au service du nazisme, ce qui a occulté son génie aux yeux de la postérité. Emmanuel Domont a rencontré Patrick Eudeline, cet esthète d’un autre temps qui cultive comme personne la réac n’roll attitude. Dans notre série « La boîte du bouquiniste », Paul Rafin nous fait découvrir Cléopâtre de la romancière Jean Bertheroy, une évocation flaubertienne de l’antiquité sortie en 1891. Dominique Labarrière a lu le dernier roman de Jean-Paul Brighelli, Soleil noir, un vrairoman de cape et d’épée qui offre une vision impitoyable de la France de Louis XIV.

Lisez maintenant notre magazine dans le kiosque numérique

Les carnets d’Ivan Rioufol évoquent le drame que nous vivons actuellement en France. Seul un insensé peut jouer à la roulette belge (toutes les balles dans le barillet) en croyant pouvoir gagner. Un chef d’État si peu perméable à l’assaut du réel et aux attentes de son peuple est un homme clos qui ne se fie qu’à lui-même et à ses cireurs de bottes. Emmanuel Macron est ce narcisse esseulé. Enfin, Gilles-William Goldnadel nous livre son petit lexique du wokisme, de « Antisémitisme » à « Transports publics ».

Comme chaque été, les films nouveaux et de qualité se font plutôt rares dans les salles. Jean Chauvet nous conseille de nous tourner vers le patrimoine qui est là… bien vivant ! Emmanuel Tresmontant nous présente un breuvage millénaire qui a trouvé́ en France une terre d’élection. Blonde, blanche, brune, ambrée… la bière se décline à l’envi et séduit de plus en plus d’amateurs, des campings aux restos étoilés. Quelques conseils avisés pour siroter, cet été, une pinte à votre goût. Entre les Jeux olympiques et les soubresauts politiques, nous pourrons y trouver une des meilleures formes de consolation.

Les nouveaux enfants du siècle

Price: 10,00 €

9 used & new available from 6,01 €

CNews passera-t-elle l’été?

Le sort de la chaîne d’information de Vincent Bolloré sera fixé d’ici la fin du mois.


C’est à partir du lundi 8 juillet que l’Arcom remet en jeu l’attribution de 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT). En tout, 24 candidats seront auditionnés jusqu’au milieu de la semaine prochaine par Roch-Olivier Maistre et ses équipes dans les bureaux du Quai André Citroën à Paris. Rappelons que les fréquences de la TNT ont le statut de domaine public et que leurs exploitants, qu’il s’agisse d’une émanation de l’État ou d’un opérateur privé, sont tenus à un cahier des charges bien précis, incluant notamment des obligations de tenue de l’antenne et de lutte contre les discriminations.  

Nouveaux venus

Certains des concurrents en lice sont des nouveaux venus dans le secteur de la télévision. Par exemple le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui ambitionne de lancer la chaîne Réels TV, ou l’éditeur du quotidien Ouest-France, porteur du projetOF TV. Mais la plupart sont des candidats à leur propre reconduction, tels que le groupe M6, qui va demander à continuer d’émettre les chaînes W9, Gulli et Paris Première, et qui a été le premier à passer son grand oral lundi matin (pour Gulli).

Mais celui qui risque le plus gros dans cette affaire n’est autre que l’homme d’affaires Vincent Bolloré. Son groupe Vivendi va présenter des dossiers de renouvellement pour rien moins que sept de ses filiales : Canal +, Canal + Sport, Canal+ Cinéma(s)), Planète +, CStar, C8 et CNews. Le 15 juillet, tous les regards se porteront en particulier vers cette dernière, dont le grand oral est prévu ce jour-là entre 9 heures et 10h30. Depuis des mois, d’innombrables journaux de gauche ou du centre accusent la chaîne d’information du groupe Canal d’être un vecteur de propagande pour l’extrême droite, quand bien même celle-ci respecte scrupuleusement les règles de pluralisme auxquelles elle est obligée.

Des « Insoumis » à la macronie, beaucoup veulent la peau de CNews

À cela s’ajoutent les sanctions de l’Arcom. Dernier exemple en date, en mai dernier, CNews a été condamné à 50 000 euros d’amende pour des propos tenus à l’antenne par le directeur de rédaction du JDD, Geoffroy Lejeune, qui avait affirmé en septembre 2023, alors qu’il était invité dans l’émission de Pascal Praud (« L’Heure des pros 2 ») que l’antisémitisme et la surpopulation carcérale étaient des conséquences de « l’immigration arabo-musulmane »…

On le voit, CNews est dans le collimateur. Il y a deux mois, le rapporteur d’une commission parlementaire sur la TNT, le député insoumis Aurélien Saintoul, écrivait même dans son document de synthèse qu’il « ne comprendrait pas que les chaînes CNews et C8 puissent se voir en l’état renouveler leurs autorisations de diffusion ». On se souvient aussi qu’en mars 2023, Rima Abdul-Malak, alors ministre de la Culture, avait sur France Inter fustigé les « menaces » que ferait peser selon elle Vincent Bolloré sur la « liberté d’expression et de création ».

À l’heure où tant d’éditorialistes font preuve d’une éclatante partialité sur les autres ondes françaises, de BFM TV à TMC en passant par France Info, en appelant à « faire barrage contre le RN », le gendarme de l’audiovisuel sera-t-il sensible aux attaques des belles âmes contre CNews, dont certaines constituent de flagrantes violations du principe de séparation des pouvoirs ? Ou au contraire, préférera-t-il affirmer son indépendance et une préférence pour la variété des opinions et des angles dans le paysage audiovisuel français ? Réponse fin juillet.

J’ai vécu dans la Roumanie communiste, vais-je maintenant vivre dans la France mélenchoniste?

Si Mélenchon ou ses amis gouvernent la France, les riches seront-ils envoyés dans des camps, ou devront-ils porter un écusson doré sur la poitrine?


Il y a environ trente ans, quand je suis arrivé en France après avoir subi le totalitarisme communiste dans ma Roumanie natale, pas une seconde je n’aurais imaginé que mon pays de cœur et d’adoption pourrait avoir un jour un gouvernement qui se réclamerait de l’idéologie communiste.

Cauchemar

Aujourd’hui, au lendemain du deuxième tour des élections législatives, cette éventualité est plus que plausible.
Je me frotte les yeux, cela ressemble à une triste farce de l’Histoire. Une grande partie de ce pays, l’un des plus beaux au monde et des plus riches, a voté pour une coalition d’extrême gauche déterminée à le collectiviser. Une coalition incluant un parti communiste qui n’a même pas changé de nom alors que 100 millions d’humains sont morts à cause de son idéologie ! Pourquoi ? Savent-ils ce que cela veut dire, ceux qui ont mis leur bulletin dans l’urne ? Souffrent-ils de ce que Jean-François Revel appelait la tentation totalitaire ? N’ont-ils rien appris de l’Histoire ? Partout où il a été appliqué, ce funeste programme n’a provoqué que des catastrophes. Humaines et économiques. Au nom de la lutte des classes, on a condamné à mort des millions d’êtres humains et déporté des millions d’autres dans des camps. Le beau prétexte de rendre les hommes égaux n’a conduit qu’à la négation de l’individu et à la privation des libertés. L’étatisation et le contrôle de l’économie se sont soldés par des famines et des pénuries. Ce que veut le Nouveau Front populaire pour la France n’a jamais marché nulle part. Je peux en témoigner.

A lire aussi : CNews passera-t-elle l’été?

Mélenchon, leader à vie de la gauche française ?

Car de Jean-Luc Mélenchon à Philippe Poutou et de Fabien Roussel à Sandrine Rousseau, le logiciel est le même : c’est celui du marxisme-léninisme. C’est-à-dire faire table rase du passé, mettre au pas le capitalisme, interdire ce qui ne convient pas aux dirigeants par principe omniscients, mettre en place un interventionnisme tous azimuts, planifier l’économie, lancer des purges fiscales et sociales, bref imposer une idéologie qui s’est révélée partout mortifère. La grande majorité des élus du NFP, en commençant par leur leader à vie, Mélenchon, admirent Castro, Chavez et Maduro et rêvent d’une révolution socialiste. En s’inspirant des régimes communistes, ils soutiennent les islamistes et défendent les organisations terroristes, ils sont fermement décidés à museler les médias qui ne relaient pas leur propagande ou qui, a fortiori, osent les critiquer. Ils menacent et insultent les journalistes qui ne se soumettent pas, comme tous leurs adversaires. Ils peuvent même parfois être antisémites, ou pratiquer le racisme anti-blanc sans la moindre gêne. Ils méprisent les lois, appellent à la désobéissance civile, qui chez eux devient un noble devoir, quand une mesure pourtant votée par les représentants du peuple les contrarie.

L’accession aux responsabilités de la Nupes et… de sa bordelisation

Ils encouragent, voire organisent, les blocages de routes et de gares, transforment l’Assemblée nationale en arène d’agitprop propalestinienne et s’en prennent aux institutions démocratiques de leur propre pays. L’agressivité et la violence font partie intégrante de leur programme. Sur les réseaux sociaux, dans la rue, dans les assemblées représentatives, ils s’infiltrent partout. S’ils le pouvaient, ils enverraient au goulag tous ceux qui leur tiennent tête. C’est exactement le genre de tactique qu’avait employée Lénine pour prendre le pouvoir en 1917. En pur idéologue (il n’avait jamais travaillé), il a inventé le système totalitaire et en bon pragmatique, il l’a appliqué avec minutie. « L’État, c’est nous », proclamait-il, en instaurant la terreur bolchévique et la dictature du parti-Etat. « Je n’apprends rien à personne en disant que les Insoumis ont comme projet de changer l’histoire du monde en commençant par changer celle de leur pays », écrit Jean-Luc Mélenchon dans son livre Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne. « Une France sans milliardaires ! », a appelé de ses vœux Marine Tondelier. « Les milliardaires, ça ne sert à rien, a-t-elle asséné. Ce ne sont pas des talents, mais des vampires. Ce ne sont pas des génies, mais des égoïstes ». Les riches seront-ils envoyés dans des camps ou devront-ils porter un écusson doré sur la poitrine ?

A lire aussi : Ces charlatans qui ont fait de la démocratie un jeu de dupes

Je souffre de voir qu’il puisse exister encore, en France, des organisations politiques qui se réclament du communisme et que cela ne pose aucun problème de conscience, ni à ses membres et zélateurs, ni aux médias qui les invitent. Il est vrai que l’antilibéralisme, l’antiaméricanisme, l’égalitarisme, le wokisme et l’exécration des riches sont profondément ancrés dans le tempérament français.
C’est probablement la raison pour laquelle l’idéologie marxiste, entre toutes les idéologies, y bénéficie toujours d’un statut privilégié.

Comment sortir de notre médiocratie

0

Après les combines politiciennes sans lendemain, l’heure de la refondation du pays est venue.


La campagne des élections législatives a été le théâtre de combines politiciennes dignes des plus mauvaises heures de la IIIe et de la IVe Républiques au détriment d’une réflexion de fond, objective, sur l’état réel du pays et les voies et moyens de répondre à ses difficultés, à ses défis et aux aspirations de la majorité de sa population. Résultat : une France non seulement sans cap, mais totalement paralysée, incapable même d’assurer la gestion du quotidien sans majorité claire à l’Assemblée nationale.  

Nous sommes en médiocratie

Les principaux partis en place ne sont plus des laboratoires d’idées qui présentent aux Français des projets pour le pays élaborés de longue date à l’image de ce qui se passe encore dans la plupart des autres démocraties. Il suffit de regarder leur communication et leurs sites internet pour voir qu’ils se sont mués depuis des années en écuries à individualités, à égos, vraisemblablement du fait de l’inversion du calendrier électoral avec une élection présidentielle qui écrase tout et qui renvoie au second plan le vrai scrutin démocratique, les élections législatives qui décident du cap donné à la nation au-delà de l’incarnation. C’est en quelque sorte un « concours de beauté » permanent. On nous parle déjà de candidats putatifs à l’élection présidentielle, mais pour faire quoi ?

Un projet pour gouverner ne s’improvise pas car une fois aux manettes, c’est un peu comme entrer dans le grand huit d’une fête foraine. Vous ne maîtrisez plus grand-chose, happé que vous êtes par la gestion du quotidien avec ses moult urgences et rebondissements.

Le fonctionnement du pays n’est pas viable et nous amène tout droit aux chaos sans changements en profondeur

Notre « modèle » craquelle de toute part faute de réformes structurelles trop longtemps renvoyées aux calendes grecques. Derrière le théâtre d’ombres de la politique politicienne et ses jeux d’appareils, notre pays s’enfonce dans une crise globale d’ampleur, vraisemblablement la plus importante depuis 1958, qui pourrait se muer en « mai-juin 1940 économique et social », soit un effondrement temporaire si rien n’est fait au cours des mois à venir. La France apparaît encore une fois incapable de réparer le toit par beau temps, en retard d’une réforme et en avance d’une révolte, voire d’une révolution.

Le cœur de nos maux est une mauvaise gestion de l’argent public, de notre argent. Le budget de la France, de nos jours, c’est comme si vous gagnez 3000 € et dépensez 4500 € avec des personnes qui vous prêtent qui sont majoritairement extérieures à votre famille et vos amis, soit qui peuvent vous envoyer l’huissier à chaque instant. Pire, on s’endette pour payer des factures et non simplement pour investir et générer des recettes futures. Si, en face, les services publics étaient de très hauts niveaux, on pourrait se dire que ce sont des avances de trésorerie que l’on récupère en aval par une Ecole, une Santé, une Justice, une Sécurité, etc. performantes. Mais hélas non. Dans tous les classements de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France figure en queue de peloton. Par conséquent, cette mauvaise gestion asphyxie le pays à petit feu, le pouvoir d’achat des Français et les marges de nos TPE-PME-ETI qui emploient 70% des salariés sans pouvoir optimiser via des filiales à l’étranger comme les grands groupes. Selon une étude KPMG de 2019, une PME qui réalise 34 M€ de chiffre d’affaires dégage en France 1 M€ de résultat net (i.e. après impôts) contre 3 M€ en Italie, 4,4 M€ en Allemagne et 5 M€ aux Pays-Bas, pays qui sont loin d’être des enfers sociaux, affichant souvent des indicateurs de prospérité désormais supérieurs aux nôtres. Corollaire, si notre argent public était géré comme dans la plupart des pays de l’UE (on ne parle même pas des meilleurs), sur 100 € versés par l’employeur, 60 € resteraient dans la poche du salarié français contre 47 € aujourd’hui, soit plus de 300 € d’augmentation potentielle pour un salaire net de 2700 €. Le cercle vicieux est enclenché: forts prélèvements obligatoires, perte de compétitivité, faible croissance, chômage de masse, dépenses publiques en hausse, aggravation du déficit et de la dette, hausse des prélèvements, etc.

A lire aussi, Stéphane Germain: Politique économique: le choix des sophismes

Concrètement, si cela continue, c’est le scénario grec qui nous menace, soit une mise sous tutelle du pays par le FMI, l’UE, avec pour conséquence le blocage de tout ou partie de l’épargne des Français (assurance-vie, livrets A, de développement durable, etc.) et une limitation de leurs retraits en banque au quotidien (60€ en Grèce, en 2015) le temps que les comptes publics soient rétablis. En effet, les 6000 Md€ d’économies des Français compensent largement les 3000 Md€ de dette publique avec un cadre juridique (loi Sapin II de 2016) et technique (Haut Conseil de stabilité financière) déjà prêt…

Le nœud gordien du sursaut français consiste donc en une réforme ciblée, puissante et ambitieuse du fonctionnement de la nation

Dans cette période d’incertitude, de troubles à venir, un puissant projet de refondation ne s’improvise pas. Il doit être le fruit d’une longue réflexion, d’une longue maturation à l’image de la situation du pays en 1958 lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir alors que la France traversait aussi une grande crise politique et économique avec une mise sous tutelle du FMI. Et si le général a pu redresser rapidement la situation, c’est qu’il avait réfléchi bien en amont aux ressorts du sursaut, tant sur le plan constitutionnel depuis au moins le discours de Bayeux de 1946 que, ce qui est moins connu, sur le plan économique avec une troisième voie entre capitalisme et communisme longuement réfléchie, soit un capitalisme à visage humain au service de la grandeur du pays et non un libéralisme transnational purement financier.

Nouvel essor français met sur la table à la disposition de toutes les bonnes volontés un puissant projet de refondation, toute grande nation devant se réinventer tous les 50/100 ans

Ce projet pour la France, élaboré pendant plus de cinq ans de façon collaborative, collective et actualisé depuis par des dizaines de personnes au plus près du terrain, s’articule en trois axes.

Tout d’abord, financer notre modèle social et environnemental de haut niveau et augmenter le pouvoir d’achat des Français en relocalisant la création de richesses dans nos territoires par :

  • une baisse massive des prélèvements sur nos TPE/PME/ETI, les plus taxées de l’UE et de l’OCDE, qui emploient 70% des salariés du pays ;
  • un alignement des normes qui pèsent sur nos entreprises, y compris le Code du travail, sur le cadre européen en laissant ensuite les partenaires sociaux adapter en toute autonomie ;
  • et un gros effort de recherche, les pays les plus dynamiques sur le temps long (Allemagne, Etats-Unis, Corée du Sud par exemple) y consacrant au moins 3,5% de leur PIB contre 2,2% pour la France.

Il s’agit en quelque sorte pour ce premier axe de « faire grossir le gâteau avant de partager les parts ».

Ensuite, il nous faut remettre l’Etat à l’endroit, soit plus de moyens dans ses missions essentielles : Santé, Education, Sécurité, Justice et Défense.

Enfin, nous ne pouvons financer cela qu’en diminuant les dépenses. Face à l’impossibilité d’augmenter les impôts, taxes, cotisations ou l’endettement, nous devons enfin dégonfler intelligemment la sphère publique qui absorbe le pouvoir d’achat des Français et asphyxie nos entreprises, la France étant le pays champion du monde des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques avec pourtant des services aux citoyens qui se dégradent jour après jour et une dette qui s’envole, 40 000€ par Français aujourd’hui. Il s’agit en cela d’économiser 10% de la dépense publique (150 Md€) en tapant « dans le gras », soit l’administration de bureaux qui a pris le pas sur l’administration de terrain. Pour ce faire, trois principes doivent être suivis :

  • remettre l’État sur la stratégie (le pourquoi/quoi) et laisser aux forces vives dans les territoires (préfets, élus, entreprises, branches professionnelles) le soin de déterminer « comment » atteindre les objectifs nationaux déclinés localement ;
  • mettre moins d’agents dans les bureaux et plus sur le terrain (« moins de gras, plus de muscles ») ;
  • ne jamais séparer le décideur du payeur afin de responsabiliser les acteurs (les maires étant un bon exemple, ils n’ont plus la main, au mieux, que sur 40% de leurs ressources).

En conclusion, ce projet de refondation peut se résumer par la phrase suivante : « Dégonfler intelligemment la sphère publique pour augmenter le pouvoir d’achat des Français, donner de l’oxygène à nos PME dans les territoires et redonner la clé de leur municipalité à nos maires ! ». Il n’y a aucune fatalité au déclin. Le pire n’est jamais certain et le meilleur jamais acquis…

Vers un nouvel essor français, sous la direction de Patrice Huiban, 328 pages, VA Editions, juillet 2024.

Initiation aux interdits?

0
DR.

La vente du «Sniffy», cette poudre blanche énergisante à inhaler par le nez, indigne. Mais, d’autres produits équivoques sont commercialisés chez nos buralistes, et ne provoquent pas autant de commentaires. Après le tollé, l’industriel derrière «Sniffy» songe finalement à proposer une version à diluer dans un verre d’eau.


La vente en bureau de tabac de « Sniffy », poudre blanche « énergisante » à inhaler, véritable Canada Dry de la cocaïne, a suscité l’émoi de la presse et des autorités. Bien que composée de produits légaux (caféine, taurine, créatine, maltodextrine et d’autres substances en « ine »), c’est bien sûr son rituel de consommation qui alerte tout adulte responsable – l’aspiration nasale au moyen d’une paille aimablement fournie par Sniffy et tous ses amis – ça ne vous rappelle rien ? Lutter contre le tabagisme, mais consentir à cette initiation cocaïnomaniaque, à l’heure où la coke s’impose dans tous les milieux, est-ce tolérable ? À quand « Héroincola » avec un kit seringue et Coca Zéro ?

Ce n’est pourtant pas la cohérence qui étouffe l’administration française (étonnant, hein ?), car on trouve désormais chez nos buralistes des sachets d’herbe qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à la « ganjah » des coffee-shops hollandais. Certes, le chanvre que recèlent ces paquets est dépourvu de THC, mais ne propose qu’aux fumeurs un ersatz riche uniquement de CBD. En termes de rituel de consommation, le cousinage avec le roulage de pétard n’en demeure pas moins évident. Alors, pourquoi pas Sniffy et sa paille ? Pour avoir une vision complète de la schizophrénie des autorités compétentes, on se souviendra de l’interdiction des… cigarettes en chocolat, dont le rituel (autant qu’il m’en souvienne) n’était guère comparable à celui de l’initiatique Gauloise sans filtre. À 10 ans, il ne me serait pas venu à l’esprit de mettre le feu au chocolat, ni de tenter de l’inhaler.

Derrière tous ces risibles errements se cache une question essentielle : la survie des bars-tabac-presse-PMU-Loto qui maillent – de moins en moins – le territoire. Tout ce qu’ils vendent se révèle mauvais pour la santé ou en voie de disparition. Jeux de hasard addictifs, alcool nocif, tabac prohibé jusque dans leur établissement, presse en chute libre. Sauver ces lieux populaires relève bien de l’intérêt général. Quitte à les transformer en dealers en chocolat, voire en banquier pour orphelins de la Poste ou interdits bancaires (« René, un demi et un RIB sans faux col »). Aux dernières nouvelles, les concepteurs de Sniffy feraient machine arrière pour éviter l’interdiction. La poudre ne serait plus à inhaler, mais à diluer dans un verre d’eau. Un peu comme le Ricard en somme. Alors, ça va.

Ah, le foot!

0
François Hollande, Match de football amical Politiques-Variétés, Stade Charléty, Paris, 20 mai 2008 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Dans un moment où certaines de nos stars du ballon rond se révèlent meilleurs agents électoraux que marqueurs de buts, il n’est pas inintéressant d’établir un parallèle footballistique avec la situation politique que nous connaissons depuis le début de la semaine. On est en effet saisi de constater combien il est aisé – et surtout amusant – de débusquer des similitudes.

Le hors-jeu. Il y en eut peu lors de la demi-finale perdue contre les Espagnols. Il est vrai que, en la matière, on avait fait le plein dimanche soir au coup de sifflet final du second tour. Quelque dix millions de hors-jeux. Dix-millions d’électeurs RN et alliés, renvoyés sans ménagement dans les vestiaires, sans autre forme de procès. Dix millions à se voir immédiatement traités en hooligans pestiférés, interdits de voix au chapitre comme les autres – les vrais – le sont de stade. Hors-jeu, donc.

A lire aussi, Robert Ménard: La défaite en aimant

But contre son camp. L’équipe de France en a beaucoup bénéficié dans la première phase de cet Euro, de là à s’en faire une spécialité, on ne tranchera pas, la place étant déjà prise dans ce domaine par les joueurs petit bras du centre du terrain législatif qui, se mettant volontairement sur la touche, en ont été réduits, impuissants, bras ballants, à regarder scorer les porteurs de maillots rouges, très rouges, qu’on ne confondra pas, ceux-là, avec les tuniques rutilantes de la belle équipe d’outre Pyrénées. 

Arbitrage. Litigieux, comme toujours en fait. Y avait-il bien matière ou non à siffler avec tant d’empressement la dissolution ? Y avait-il urgence à convoquer les supporters dès à présent au jeu si risqué des urnes et à renvoyer sans plus de préparation les équipes dans le grand bain de la campagne ? Les supporters des diverses équipes n’ont pas fini d’en débattre. 

En vente à partir d’aujourd’hui: Causeur #125: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Carton rouge. Aucun lors de cette même demi-finale de l’Euro. Mais là encore un plein tombereau dans l’entre-deux-tours. Pour trahison, pour antijeu, pour trucage de match, pour changement de maillot à la sauvette, pour compromission, pour passe décisive et délibérée à l’adversaire, pour tacle par l’arrière, etc, etc. On notera sur ce point une différence de première importance avec le football. Au foot, quand on prend un carton rouge, on se voit exclu du terrain. Dans notre affaire de politicaillerie, tout au contraire, les accumuler semble bien être le meilleur moyen de s’y maintenir. Comme quoi, tout à ses limites. Tout y compris les tentatives de rigoler de ce qui n’est pas drôle du tout.

Sociétés secrètes: Mythes, réalités, fantasmes, impostures

Price: 20,90 €

17 used & new available from 10,20 €

Shigeru Ban notre contemporain: un architecte inventeur de formes

0
New-York © Tashen

Un beau livre est publié consacré à l’architecte star japonais, dessinateur chez nous du Centre-Pompidou Metz (57)  et de La Seine Musicale (92)…


Si la valeur n’attend point le nombre des kilos, le poids du volume XXL lancé par la maison Taschen donne néanmoins la pleine mesure de l’architecte dont l’impressionnant table book intitulé Shigeru Ban, Complete Works 1985- Today vient à bon escient célébrer l’œuvre considérable. Trilingue, comme toujours, chez l’éditeur d’outre-Rhin, signé de l’émérite auteur-maison et grand spécialiste Philip Jodidio, l’épais album à couverture cartonnée, illustrée de superbes photos pleine page et de plans, agrémenté de données précises (superficie, emplacement, datation) et nourri d’opulentes notices, projet par projet, recense les réalisations du maître nippon, des États-Unis au Japon, de la Suisse à l’Inde ou à la Turquie : elles se comptent par centaines.  

Science-fiction

En France, Shiberu Ban est essentiellement connu aujourd’hui du public non spécialisé par le fameux Centre-Pompidou Metz, dont la construction entamée en 2004 s’est achevée en 2010, se signale à présent par cet « « étonnant toit tressé de forme hexagonale », emblème contemporain de la vieille cité lorraine. Grand admirateur du bâtiment construit par Piano et Rogers à Paris, l’architecte japonais avait même, on s’en souvient, pour mener à bien son projet, installé une agence éphémère au sommet du Centre Pompidou, « structure en tubes de carton à pièce d’assemblage en bois et câble d’acier » qui avait l’air de sortir d’un film de science-fiction. De l’extérieur, le public avait vue sur les équipes au travail dans cet espace à la beauté insolite. Une forte filiation relie d’ailleurs Shigeru Ban à cet édifice de « Beaubourg » dont on sait qu’il va fermer dès 2025, pour cinq années de transformation radicale : l’agence franco-japonaise de Nicolas Moreau et Hiroko Kusumoki qui vient de remporter à l’unanimité le concours pour cette métamorphose ont été formés, le premier chez Kengo Kuma, et le second, précisément chez Shigeru Ban.


L’autre bâtiment-phare du japonais dans l’Hexagone, c’est évidemment La Seine Musicale, édifiée sur l’île Seguin de Boulogne-Billancourt, en bordure de Paris, entre 2014 et 2017, sur l’ancien site des usines Renault, bâtiment imposant (près de 37 000 m2) inséré dans un plan directeur conçu par Jean Nouvel. Saisissant contraste entre la géométrie rectiligne des accès et la forme arrondie des salles de concert, enchâssées sous cette soucoupe de verre et d’acier aux chromatismes changeants, qui de loin s’aperçoit dans l’horizon urbain.

À lire aussi, du même auteur: Nicolae Ceausescu, architecte comique

On doit à Shigeru Ban quelques autres réalisations de moindre ampleur en France : le Centre d’Interprétation du Canal de Bourgogne, à Pouilly-en-Auxois (21) ; de l’habitat social à Mulhouse (68)… Mais deux arbres ne disent rien de la forêt ! Natif de Tokyo en 1957, Shigeru Ban avait voulu être charpentier, d’ailleurs.  Après avoir créé sa propre structure dans la capitale de l’archipel, il était parti étudier aux États-Unis. À distance du post-modernisme alors en vogue, il infléchit son travail à dater de la mise en scène d’une exposition Alvar Aalto, cet architecte de génie dont, à peine diplômé de la Cooper Union il venait de découvrir l’œuvre en Finlande.

Prix Pritzker 2014

Détenteur du Pritzker en 2014, le plus prestigieux des prix internationaux d’architecture, Shigeru Ban ne s’est jamais départi d’approches constructives tendant toujours à trouver des solutions essentiellement liées au contexte – d’où ses architectures de l’urgence dans lesquelles (toujours bénévolement)  il s’est impliqué à la suite de plusieurs catastrophes naturelles dans le monde :  par exemple les bâtiments scolaires, dans la province chinoise du Sichuan, imaginés à la suite du tremblement de terre du 12 mai 2008… Comme l’observe Jodidio : « son architecture n’est pas guidée par l’esthétique, mais par la résolution des problèmes. (…) Il le dit lui-même, il n’est pas un architecte qui crée des formes, mais un architecte qui trouve des formes ».

Une grande pureté de ligne ne s’en dégage pas moins, bien souvent. Il n’est que de voir cette étonnante cathédrale « provisoire » Christchurch, en Nouvelle-Zélande, faite tout simplement de tubes de carton ; ou encore l’extraordinaire Pavillon Hermès réalisé en collaboration avec Jean de Gastines, et monté en 2011 à Tokyo et à Milan ; ou le pavillon de l’IE University Business School de Madrid.

Ces architectures légères n’entrent nullement en contradiction, sur le plan visuel, avec des projets plus spectaculaires, tels le Club de golf de Skolkovo, à Moscou, avec sa façade de 72 mètres de long, en bois, qui domine le parcours ; ou cet autre « club-house » de golf implanté sur 20 000m2 à Gyeonggi, en Corée du Sud… Ou ce magnifique Musée d’art de la préfecture d’Oita, au Japon, qui abrite des collections d’art japonais et occidental : « J’ai créé une forme oblongue qui flotte sur le site et devient une extension du paysage urbain », commente l’architecte.

700 pages

Ce rapport de l’édifice à l’environnement extérieur, cette ambiguïté des limites entre le dedans et le dehors ne sont jamais mieux exploités que dans les remarquables (et parfois fort luxueuses) commandes privées : comme cette villa circulaire située dans un quartier résidentiel d’Hakatone, au Japon ; ou cet hôtel construit en longueur dans une région rizicole, au Japon, tout en légèreté, dans une alternance de bois clair, de béton et de verre…. Ou par exemple encore, deuxième projet résidentiel de Shigeru Ban à New-York (après la Metal Shutter House en 2008), cette Cast Iron House (Maison de fonte) qui, à Broadway, abrite 13 lofts en duplex implantés au sommet s’un superbe édifice classé, millésimé 1881 : appartements de grand style, dont la minéralité immaculée contraste avec le raffinement richement ornementé de l’immeuble qui en est le socle.

Ainsi que l’écrit avec justesse Philip Jodidio : « La force de Ban repose sur sa capacité à interpréter des idées, ou à rechercher l’essence de sa propre tradition culturelle, y compris dans celle qui a évolué autour de l’architecture moderne, par exemple ». À feuilleter les près de 700 pages grand format de cette monographie, recension in extenso de son travail, on découvre ce qu’est un authentique inventeur de formes – à l’infini.

Le siège de Swatch, à Bienne, en Suisse, une des plus grosses architectures en bois au monde © Tashen

Shigeru Ban, Complete Works, 1985/ Today. Par Shigeru Ban et Philip Jodidio, 696p. Format XXL, trilingue allemand, anglais, français.  

+ une Edition d’art numérotée de 1 à 2000 avec un tirage signé de l’architecte et une couverture en 3D en bois découpé au laser.

Dédicace ce 10 juillet de 18h30 à 19h30 : Boutique Tashen, 2 rue de Buci 75006 Paris.

Dans le maelström

0
"Barbe Bleue" de Pina Bausch, A Hiddinga, E Hasboun, E Drion, A Belem, LA Boucaud © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris

Les danseurs de l’Opéra de Paris survivent, vainqueurs, à la puissance superbe et chaotique du « Blaubart » de Pina Bausch. À voir jusqu’au 14 juillet.


C’était il y a deux ans : «Kontakthof», l’une des œuvres majeures de Pina Bausch, entrait au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris.

Conduite avec autant de savoir-faire que d’intelligence par l’une des danseuses emblématiques du Tanztheater de Wuppertal, Josephine Ann Endicott, cette passation avait débouché sur quelque chose d’époustouflant. Et à quoi on n’aurait peut-être jamais cru si on ne l’avait vu. On retrouvait chez les danseurs de l’Opéra, atténuées certes, la conviction, la théâtralité, la force intérieure qui avaient porté les artistes du Tanztheater à l’époque de la création de « Kontakthof ». Chez les femmes surtout, entrées dans l’univers de Pina Bausch avec une souplesse d’esprit et une sensibilité inimaginables, quelques lustres auparavant, au sein d’une compagnie de ballet classique.

On pourrait en dire autant de « Blaubart », quatrième ouvrage de la chorégraphe allemande à figurer désormais au répertoire du Ballet de l’Opéra après « Le Sacre du printemps », « Orphée » et « Kontakthof ». Mais ici, la pièce est moins puissante et, partant, l’engagement des danseurs en est peut-être moins spectaculaire.

Des scènes à couper le souffle

Parce que l’ouvrage offre des scènes d’une beauté à couper le souffle, « Blaubart » était resté dans les mémoires comme une pièce majeure de Pina Bausch. Sa reprise au Théâtre du Châtelet avec le Tanztheater de Wuppertal, il y a deux ans également, avait fait l’effet d’une douche froide. Ce qu’on avait vu naguère comme une œuvre puissante avait fort mal vieilli et on en découvrait les faiblesses quand les scènes les plus fascinantes n’avaient plus la force et la beauté de l’inédit. On redécouvrait aussi que les fragments du livret écrit pour Béla Bartók par le poète Béla Balàzs étaient chantés en allemand au détriment de la poésie de la langue hongroise, ce qui en affaiblissait le climat. En fait, aussi sacrilège que l’idée puisse paraître, « Blaubart » mériterait d’être abrégé. Une démarche tout à fait impensable aujourd’hui, et c’est d’ailleurs heureux, puisque la mort de Pina Bausch est encore trop récente pour qu’on se permette une telle transgression. On y viendra peut-être beaucoup plus tard : la pièce, trop étirée, inutilement répétitive, s’en trouverait sans doute renforcée. Cette audace un peu barbare signifierait que « Blaubart » serait définitivement entrée dans le répertoire chorégraphique universel et qu’on pourrait alors oser de tels ajustements sans avoir le sentiment de trahir.

L’impitoyable domination masculine

Si l’œuvre se révèle quelque peu décevante, malgré l’incisif propos de Pina Bausch qui souligne avec force, et non sans humour aussi, la pesante, l’impitoyable domination masculine exercée sur les femmes, son interprétation par les artistes de l’Opéra, les danseuses surtout, n’en est pas moins remarquable.  

A lire aussi, Martin Pimentel: Thomas Jolly, « mi-homme mi-coffre fort »

Là encore, c’est une interprète historique de Pina Bausch, Béatrice Libonati, qui a dirigé les répétitions de « Blaubart » et choisi en amont les danseurs. Avec la même intelligence et la même exigence que Josephine Ann Endicott pour «Kontakthof », elle a fait des miracles en sachant diriger les artistes de l’Opéra avec assez de doigté pour en obtenir le meilleur. Certes, les exécutants d’aujourd’hui sont fondamentalement différents de ceux de jadis et il serait aussi vain que stupide d’espérer qu’ils soient des répliques parfaites de ceux de Pina Bausch, ayant œuvré en d’autres temps et dans un tout autre contexte artistique, politique et social. Mais ils se sont engagés dans cette tâche aussi noble que redoutable avec une ardeur, une foi, un désir apparent de servir « Blaubart » qui disent bien l’intérêt qu’ils y portent. Et le résultat est remarquable. Dans les créations de la chorégraphe allemande, ce sont les femmes qui la plupart du temps sont les plus flamboyantes. C’est tout aussi évident avec les danseuses de l’Opéra. Elles sont dix, Ida Viikinkoska, Laure-Adélaïde Boucaud, Camille de Bellefon, Laurence Lévy, Adèle Belem, Lilian Di Piazza, Eugénie Drion, Marion Gautier de Charnacé, Alycia Hiddinga, Amélie Joannides, et toutes franchement dignes d’admiration, tant pour la puissance physique qu’elles déploient dans une chorégraphie tyrannique, épuisante et chaotique, que pour la beauté de leurs visages, devenus des masques de tragédiennes. Pour les danseurs, la partie est plus ingrate. Ils demeurent quelque peu en retrait. Cela n’empêche pas des Milo Avêque ou des Julien Guillemard d’imposer leur aura.

Un courage sans faille

Tout en s’engageant avec un courage sans faille dans le rôle si périlleux de Judith, Koharu Yamamoto est sans doute trop jeune pour l’incarner pleinement. Et son visage de poupée est fâcheusement inexpressif. Dans le personnage de Barbe-Bleue, Alexandre Boccara, quant à lui, paraît un peu transparent au début de l’ouvrage. Mais on comprend vite pourquoi ce très jeune homme, qui n’est encore que sujet au sein du Ballet, a été lui aussi élu pour assumer ce rôle magistral. Au fil de l’ouvrage, il dévoile une personnalité remarquable et l’on devine bientôt que le bel interprète qu’il est aujourd’hui a beaucoup pour être magnifique demain.


« Blaubart », chorégraphie de Pina Bausch exécutée sur un enregistrement du « Château de Barbe-Bleue » de Béla Bartók. Jusqu’au 14 juillet 2024. Opéra de Paris-Garnier : 08 92 89 90 90 ou operadeparis.fr

Tour: des jours avec et des « jours sans »

0
10e étape du Tour de France, le mardi 9 juillet 2024 © Goding Images/Shutterstock/SIPA

Le Tour de France était de retour mardi 9 juillet, après une pause lundi.


Si, après une semaine éprouvante, les coureurs du Tour aspirent naturellement à une journée de pause, ils l’appréhendent aussi. Ils craignent surtout de connaître le lendemain « le jour sans », comme cela est arrivé à certains d’entre eux et pas des moindres. C’est « un jour sans », post journée de repos, en 1975, qui priva en effet le grand Eddy Merckx, d’une 6ᵉ victoire et mit fin à son règne. À 6 km de l’arrivée du Pra-Loup, alors qu’il était en tête et devait remporter l’étape et consacrer son insolente domination sur ces rivaux, il fut victime, lui, dit le Cannibale tant il était affamé de victoires, d’une foudroyante fringale qui le cloua sur place. Son rival Bernard Thévenet qui avait été lâché dans la 3ᵉ difficulté de l’étape, le col d’Allos, le rattrapa, lui prit deux minutes et le déposséda définitivement de son ultime maillot jaune. Il dut se résigner à se contenter de cinq victoires1.

Quand la journée de repos est fatale

En 2015, dans une étape qui se concluait aussi sur le Pra-Loup, l’Américain Tejay Van Garderen, connut une identique cruelle mésaventure « d’un jour sans ». Troisième au général, il avait toutes les chances de décrocher la place de second derrière l’intouchable Chris Froome, l’unique quadruple vainqueur du Tour. L’étape comptait cinq cols. Dans le 3ᵉ, un magistral coup de pompe s’abat sur lui. Il met pied à terre. Il ne peut pas repartir. Ses jambes l’ont trahi, ne lui laissant d’autre choix que celui d’abandonner.

À lire aussi : Tour: Girmay-les-Deux-Victoires ou la Flèche noire

En 2010, l’Australien Cadel Evans a connu le même déboire. La veille du repos, il s’était emparé du Jaune à Morzine-Avoriaz et pouvait envisager de l’emmener jusqu’à Paris. Mais à l’étape de reprise, il y avait le col de La Madeleine. Sur ses pentes, l’équipe Astana place une imparable accélération qui laisse Evans sur place. Ses « jambes étaient en laine »2. Le repos l’avait vidé de son jus. À l’arrivée, son retard est tel qu’il est éjecté du top 10.

En 2000, le patenté dopé et septuple vainqueur du Tour déchu, Lance Armstrong, dans le col de la Morzine, a, lui aussi, connu le fatidique « jour sans ». Il était sûrement chargé à bloc, avait comme de coutume « allumé la chaudière »2. Comme quoi « saler la soupe »2 avec des amphétamines ou de l’EPO, n’est pas l’antidote à « se retrouver dans la Pampa »2.

Gueule de bois et dopage au champ’

Le plus rocambolesque « jour sans » revient sans conteste à Jacques Anquetil, maître Jacques, le premier quintuple vainqueur de la grande boucle. C’était jour de repos, à Andorre. Le lendemain, le 6 juillet 1964, l’étape conduisait les coureurs à Toulouse par le col d’Envalira. Pour Anquetil, un jour de repos devait être un jour de relâche, foin du moindre entraînement. Radio-Andorre (aujourd’hui Sud Radio) organise un méchoui, très à la mode dans ces années-là, coutume importée par les Pieds-Noirs qui avait fui l’Algérie après son indépendance. Tous les coureurs y sont invités. Seul Anquetil honore l’invitation avec son directeur sportif Raphaël Geminiani, dit « Grand fusil », qui est décédé le 5 juillet dernier à 99 ans. Preuve que le vélo conserve son homme. Ses deux principaux rivaux, Raymond Poulidor et Federico Bahamontes, préfèrent rester dans leur chambre d’hôtel vu que l’étape qui les attend risque d’être cruciale.

Donc pendant ces agapes, Anquetil s’empiffre de mouton et écluse à discrétion les verres de sangria qu’il puisse dans une baignoire faisant office de bar. Quand il regagne son hôtel, le sybarite Anquetil est à la ramasse. Quand il s’aligne au départ le matin qui suit, il n’en peut mais… la rumeur avait couru: il avait une gueule de bois carabinée… Le départ donné, les attaques fusent tous azimuts. Anquetil résiste mais arrive le col fatidique, le juge de paix, et dès les premières pentes, il décroche. Au sommet, il accuse quatre minutes de retard. Alors qu’il est second au général, devancé par son rival de toujours, l’humble éternel second Raymond Poulidor, le flamboyant Maître Jacques peut déjà faire son deuil de la perspective d’une cinquième victoire. C’est alors que Geminiani lui passe un bidon de champagne. Anquetil en est très friand. Miracle, il fait la descente à tombeau ouvert, à l’aveugle, fendant un épais brouillard. Il revient sur ses rivaux qui n’en reviennent pas de son retour. Les exégètes de la pédale imputent cet exploit aux bulles du pétillant champenois. En vérité, on ne peut qu’être sceptique. Aux bulles avait été très certainement additionnée quelques substances dont la vertu première était de rendre intrépide celui qui en consommait. Le comble, c’est qu’une voyante peu clairvoyante lui avait prédit une chute mortelle dans cette descente. Et ce fut aussi un jour de poisse pour le sage Poupou. À quelques kilomètres de l’arrivée, il crève et personne n’a l’élégance de l’attendre. Et ainsi, lui, perdit le seul Tour qu’il était en fait en mesure de gagner et Anquetil gagna son cinquième alors qu’il s’annonçait fatalement perdu.

Fini de blaguer

C’est pour cela qu’aujourd’hui le jour de repos n’est pas un jour aussi de repos que ça. C’est une journée austère, pas question de se relâcher, pas la moindre facétie. Le matin les leaders sacrifient aux contraintes médiatiques, les équipiers se soignent, puis sortie à vélo afin de garder le tonus musculaire. Le vrai repos se résume à une sieste l’après-midi… et au réveil, le coureur a déjà la tête dans l’étape du lendemain avec l’appréhension d’avoir « le jour sans ».

À lire aussi : Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez les Bleus?

Aucun n’a connu mardi dans la morne étape qui a conduit le peloton d’Orléans à Saint-Amand-Montrond (187,3 km) cette amère déconvenue. Sauf peut-être Cavendish: à 10 km de la ligne, son équipe lui avait préparé un solide train. Il n’avait pas caché son intention de gagner et d’inscrire ainsi à son palmarès une 36ᵉ victoire d’étape. Mais à moins de 3 km de l’arrivée, il s’est éclipsé curieusement des avant-postes et ne s’est même pas classé dans le top 10… peut-être parce que c’était son « jour sans » à lui…  Dommage, car c’est à Saint-Amand-Montrond (18), alors qu’il était encore novice sur le Tour, qu’il avait remporté une de ses toutes premières 35 victoires d’étape, un record absolu qui est peu probable d’être battu un jour.


  1. Ils sont quatre à avoir remporté cinq Tours : Anquetil, Merckx, Hinault, Indurain ; un quatre : Froome ; trois à avoir gagné trois fois : Lemond, Bobet, Thys. ↩︎
  2. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎
  3. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎
  4. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎
  5. Jargon cycliste (en voie d’obsolescence). Voir le savoureux dico des expressions du cyclisme : Allumer la chaudière, de Jean-Damien Lesay, Editions de la Martinière (2013) ↩︎

Meurice me va comme un gland!

0
L'humoriste Guillaume Meurice à Paris, février 2024 © LAURENT BENHAMOU/SIPA

Je l’avoue, ça me faisait mal aux seins de payer le salaire de Guillaume Meurice. Mais demander des têtes, ce n’est décidément pas mon truc.


Je sais, ça énerve mes amis. Ils voudraient que j’applaudisse au licenciement de Guillaume Meurice. Je n’y arrive pas. J’ai les meutes en horreur, même quand je suis d’accord avec elles. Même quand elles ont raison.

Je déteste l’humour de Guillaume Meurice. Il m’est arrivé de rire en l’écoutant, je n’en suis pas fière. Comme le dit Philippe Val, ce rire est un rire grégaire, un rire de connivence, d’entre-soi. Il n’oblige pas à un pas de côté, il ne provoque pas une petite bagarre intérieure, il permet de jouer au résistant en crachant sur le nazi du moment – au choix, les adversaires de l’avortement, les électeurs de Zemmour, les riches, les ploucs qui roulent au diesel ou votre servante. Je n’ai jamais entendu Meurice prendre le risque de chatouiller son public en attaquant ses vaches sacrées. Féministes, djihadistes, militants LGBT, artistes engagés et wokes décérébrés, il y a pourtant l’embarras du choix, en plus, il suffit de les citer. Il a eu mille occasions de se fendre la poire sur Mélenchon. Il aurait pu se gondoler sur les salopards du 7 octobre et leur QI de singe (désolée, mais un type qui appelle ses parents pour hurler qu’il a tué dix juifs, a un QI de singe et je suis sympa). Mais non, Meurice préfère courageusement cogner sur les électeurs du RN, qui sont méchants et racistes, les journalistes de CNews, qui sont méchants et racistes, et Benyamin Nétanyahou, qui est aussi méchant et raciste puisque tout le monde le dit.

A lire aussi, Didier Desrimais: Du pluralisme dans les médias? Oui, mais pas n’importe comment…

Je ne sais pas si Meurice est antisémite et je m’en fous. J’ai tendance à croire que sa blague sur le « nazi sans prépuce » n’a fait marrer que ceux qui l’étaient déjà. Peu importe le prépuce, c’est la nazification des Israéliens, surtout au moment où ils viennent de subir un pogrome, qui est insupportable.

Puisque le crime est constitué, on se demandera pourquoi je n’approuve pas le châtiment. D’abord, l’indignation ne suffit pas. Aucune instance ne peut affirmer avec certitude que le crime est constitué. Certes, Meurice pourrait être condamné devant la dix-septième chambre – ce dont je doute. Veut-on vraiment que des juges décident si une plaisanterie est cachère ou pas ? Faudra-t-il créer une police de l’humour qui ira chercher les contrevenants au petit matin ? Je ne veux pas vivre dans un monde où les blagues limites (mes préférées) sont proscrites. Le mauvais goût est un droit de l’homme. Et puis, les juifs ont d’autres problèmes que des mauvaises blagues. On ne devient pas plus antisémite en écoutant Meurice que « facho » en regardant CNews. Enfin, je ne vois pas l’utilité de créer un martyr, même s’il s’est démené pour allumer le bûcher en adressant un grand bras d’honneur à sa direction – laquelle, exceptionnellement, a réagi avec fermeté. Pour tous les gogos qui le prennent pour Voltaire qu’on assassine, ce limogeage est la preuve que les juifs ont le bras long.

A lire aussi: Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews»

Il est vrai que c’est (c’était) l’argent des contribuables. Je l’avoue, ça me faisait mal aux seins de payer son salaire. Mais demander des têtes, ce n’est décidément pas mon truc. Je n’ai pas non plus envie que Charline se retrouve au chômage. J’aurais préféré que France Inter, touchée par la grâce du pluralisme, adjoigne à Meurice un coloc vaguement dissident – et drôle tant qu’à faire. Pas un facho, ni même un vrai type de droite mais tiens, me disais-je, pourquoi pas Blanche Gardin. Une fille qui ose blasphémer MeToo, c’est qu’elle en a, non ? Eh bien, je ne sais pas ce qu’elle doit se faire pardonner, mais maintenant elle coche toutes les cases. Une vraie born-again. Participant à une soirée Voices for Gaza – so radical-chic ! –, elle a joué un sketch sur une réunion d’Antisémites Anonymes: – « Bonjour, je m’appelle Blanche et je suis antisémite. » « Ne t’inquiète pas, lui répond un comparse, ici tu es dans une “sale place”, personne ne te jugera car nous sommes tous antisémites. » Au second degré c’est marrant, au quatrième, c’est puant. La suite est un festival. Au comparse qui lui conseille de remonter sur scène, elle répond : « Ce serait trop de pression, il faudrait que j’aille chercher un Molière et je ne peux pas, il faudrait que je sois islamophobe, comme Sophia Aram. Mais je peux pas être islamophobe, parce que je suis antisémite. L’un exclut l’autre en fait. Si tu es islamophobe, ça te protège contre l’antisémitisme, c’est comme l’herpès. Si tu l’as à la bouche, tu peux pas l’avoir au cul. » Vous voulez le sous-texte ? Primo : pour réussir dans le showbiz, il faut être bien avec les juifs, donc islamophobe. Deuxio : l’antisémitisme est une invention destinée à faire oublier l’islamophobie et les crimes israéliens. Grosse fatigue.

Finalement, Gardin ne fera pas l’affaire. Je ne me vois pas défendre son droit de dire des saloperies. J’ai mes limites. Et mes doutes. Certains jours, je me dis que cette obstination à défendre la liberté d’expression de ceux qui ne pensent pas comme moi (et parfois ne pensent pas du tout) est absurde. Aujourd’hui, par exemple. Après le sketch de Gardin, je ne suis pas d’humeur voltairienne. Pour me calmer, je vais aller manifester en soutien à Sophia Aram. Je suis sûre que je retrouverai Guillaume Meurice et toute la bande de Charline. Et en attendant, chère Sophia, bienvenue chez les méchants. Tu verras, on y rigole beaucoup plus que chez les dames patronnesses de France Inter.

PS. Notre cher Jonathan Siksou vient de recevoir un très mérité Grand prix de l’Académie française pour Vivre en ville (Le Cerf, 2023). Bravo à lui ! Si vous l’avez raté à sa sortie, c’est l’occasion de vous jeter sur ce délicieux texte.

Causeur: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

0
© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro d’été


Notre une raconte l’histoire d’un casse médiatique, celui d’une nouvelle génération de journalistes – jeunes, intellos, drôles et courageux – qui n’hésite pas à monter au front pour défendre la liberté́ de pensée. Présentés par Elisabeth Lévy, Eugénie Bastié, Charlotte d’Ornellas, Alexandre Devecchio, Gauthier Le Bret, Geoffroy Lejeune et Arthur de Watrigant représentent toutes les nuances de la droite culturelle. Et donnent un sacré coup de vieux à Plenel, Aphatie et autres curés francintériens. Les six personnages qui figurent sur notre une ne sont pas une bande de copains, même s’il y a parmi eux des paires d’amis, mais plutôt des compagnons de route devenus frères d’armes dans les combats partagés. À la tête du Figaro Vox, Alexandre Devecchio anime les pages Idées les plus pluralistes et les plus lues de la presse française. Avec une telle franchise – et un tel pouvoir–, pas étonnant qu’il soit respecté à droite comme à gauche. Se confiant à notre directrice de la rédaction, cet homme de convictions sans fausse pudeur donne la clé de son approche : « Je me bats pour des idées, pas pour un parti. L’important, c’est le pluralisme ».

Notre numéro de l’été est disponible aujourd’hui dans le kiosque numérique et demain chez votre marchand de journaux !

Face aux victoires électorales à répétition du RN, les élites parisiennes ont mis en place un « quoi qu’il en coûte » politique doublé d’un confinement des doléances françaises. Tout sauf Bardella ! Nous venons de voir que, à coups d’âneries antifascistes et de chantage aux heures les plus sombres, l’alliance improbable du camp du Bien (la gauche) et du Cercle de la raison (la Macronie) a réussi. Les grands perdants de cette croisade « antifasciste », ce sont les Français qui habitent en dehors des grandes métropoles, autrement dit la France de CNews. Notre dossier de l’été part à l’exploration de ces territoires. Première grande étape, Orléans, où Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques ont mené l’enquête. Conjuguant avec un certain bonheur la foi dans l’économie, le respect de l’autorité et le sens de l’action sociale, cette ville voit monter le vote RN inexorablement. Malgré la politique du maire, aux effets positifs incontestables, le sentiment de dépossession gagne de plus en plus la population. Ensuite, Cachan, et les abords de la RN20, dans le Val-de-Marne, qui pour Driss Ghali préfigurent la France de demain : un pays cloisonné en communautés inintégrées où, face à la « diversité », les Blancs vivent retranchés. Sur les décombres de l’assimilation ne prospère qu’un seul modèle, la société de consommation. Pierre Vermeren analyse notre nouvelle géographie électorale. Face à des zones urbaines hors-sol de plus en plus rouges et de rares bastions bourgeois où l’on vote encore comme il y a vingt ans, le RN est désormais ancré dans 93% des communes françaises.

Lisez maintenant notre magazine dans le kiosque numérique

Céline Pina a recueilli les propos de Philippe Guibert. Pour l’ex-directeur du Service d’information du gouvernement sous François Hollande, le PS commet une erreur gravissime en se laissant dominer par LFI. Construire une gauche « de gouvernement » à l’ombre de Jean-Luc Mélenchon, un tel projet ne relève-t-il pas de l’utopie ? C’est la conclusion de Céline Pina pour qui trop de divergences séparent LFI des classiques socialistes et communistes. Qu’en est-il de l’économie ? Selon l’analyse de Stéphane Germain, les trois blocs qui se partagent la vie politique partagent aussi une vision folle de l’économie : l’argent public ne coûte rien ! Au-delà̀ de leurs nuances, tous veulent continuer de biberonner les Français à la dépense publique. La cure d’austérité́ qui vient s’annonce douloureuse. Qui devra s’y coller ? Et le travail dans tout cela ? La valeur-travail était un concept central chez Marx, nous rappelle Frédéric Magellan. Mais elle a quasiment disparu du logiciel du Nouveau Front Populaire qui lui préfère les allocs et la hausse du SMIC. N’oublions jamais le côté humain des choses. Robert Ménard nous rappelle que la politique est très souvent cruelle et injuste. Et une élection est rarement une prime au mérite. Emmanuelle Ménard en a fait la triste expérience en s’étant représentée à Béziers. Elle qui a prouvé qu’un député pouvait servir, soutenir et écouter. Son époux témoigne de sa douleur et de son admiration. Enfin, puisque pour les puristes de l’extrême-gauche, nous autres sommes tous des fascistes, Il vaut mieux savoir à quel courant on appartient. Le test de Céline Pina, « Quel fasciste êtes-vous ? », vous permettra enfin de le savoir.

Dans son édito de l’été, Elisabeth Lévy se trouve, de manière peut-être contre-intuitive, à défendre Guillaume Meurice, licencié pour la désormais célèbre blague sur le prépuce. Bien que détestant l’humour francintérien qui ne prend jamais le risque d’attaquer ses propres vaches sacrées, notre directrice de la rédaction n’approuve pas l’idée de punir les satiristes. « Veut-on vraiment que des juges décident si une plaisanterie est cachère ou pas ? Faudra-t-il créer une police de l’humour qui ira chercher les contrevenants au petit matin ? Je ne veux pas vivre dans un monde où les blagues limites (mes préférées) sont proscrites ».

Côté MeToo, la parole des hommes se libère – enfin ! Le réalisateur Yohan Manca était en pleine ascension. Une dispute violente avec sa compagne Judith Chemla a déclenché la terreur MeToo et brisé sa carrière. Depuis, alors qu’il a purgé sa peine, l’actrice multiplie les accusations les plus folles avec la bénédiction des médias. Face à cet acharnement, il sort de son silence, en se confiant à Causeur. La cuvée 2024 du Bac est aussi navrante que les précédentes, nous annonce Corinne Berger. Et les copies des épreuves de français confirment une situation alarmante : les jeunes Français ne maîtrisent pas notre langue. Une ignorance couverte par le ministère de l’Éducation qui pipeaute les moyennes générales.

Nos pages culture s’ouvrent au doux rythme de la mer. Sauf que ce n’est pas toujours très doux. La culpabilisation a débarqué́ sur nos côtes, nous apprend Georgia Ray. La mer est désormais considérée comme une victime et l’homme lui doit réparation. Condamnés à l’éco-rédemption, nous sommes « tous éboueurs » et « tous migrants ». Opposons à cette propagande les profondeurs de l’art et les finesses de la littérature. Souvenez-vous : la statue de Voltaire avait été enlevée de son socle du square Honoré-Champion. Jonathan Siksou (qui vient de recevoir un très mérité Grand prix de l’Académie française pour son livre, Vivre en ville, Le Cerf, 2023) nous annonce son retour après deux ans de bataille.

Yannis Ezziadi nous raconte une autre disparition mais qui s’est moins bien terminée. Cette année, l’affiche de la féria de Béziers a créé la polémique avec un dessin signé Jean Moulin. Le héros de la Résistance était un aficionado ! Cela a fait hurler les anticorrida… Julien San Frax se penche sur le cas de Leni Riefenstahl, qui a mis son talent au service du nazisme, ce qui a occulté son génie aux yeux de la postérité. Emmanuel Domont a rencontré Patrick Eudeline, cet esthète d’un autre temps qui cultive comme personne la réac n’roll attitude. Dans notre série « La boîte du bouquiniste », Paul Rafin nous fait découvrir Cléopâtre de la romancière Jean Bertheroy, une évocation flaubertienne de l’antiquité sortie en 1891. Dominique Labarrière a lu le dernier roman de Jean-Paul Brighelli, Soleil noir, un vrairoman de cape et d’épée qui offre une vision impitoyable de la France de Louis XIV.

Lisez maintenant notre magazine dans le kiosque numérique

Les carnets d’Ivan Rioufol évoquent le drame que nous vivons actuellement en France. Seul un insensé peut jouer à la roulette belge (toutes les balles dans le barillet) en croyant pouvoir gagner. Un chef d’État si peu perméable à l’assaut du réel et aux attentes de son peuple est un homme clos qui ne se fie qu’à lui-même et à ses cireurs de bottes. Emmanuel Macron est ce narcisse esseulé. Enfin, Gilles-William Goldnadel nous livre son petit lexique du wokisme, de « Antisémitisme » à « Transports publics ».

Comme chaque été, les films nouveaux et de qualité se font plutôt rares dans les salles. Jean Chauvet nous conseille de nous tourner vers le patrimoine qui est là… bien vivant ! Emmanuel Tresmontant nous présente un breuvage millénaire qui a trouvé́ en France une terre d’élection. Blonde, blanche, brune, ambrée… la bière se décline à l’envi et séduit de plus en plus d’amateurs, des campings aux restos étoilés. Quelques conseils avisés pour siroter, cet été, une pinte à votre goût. Entre les Jeux olympiques et les soubresauts politiques, nous pourrons y trouver une des meilleures formes de consolation.

Les nouveaux enfants du siècle

Price: 10,00 €

9 used & new available from 6,01 €

CNews passera-t-elle l’été?

0
Le président de l'autorité de régulation des médias, Roch-Olivier Maistre (ici photographié en juillet 2020), auditionnera CNews le 15 juillet © Jacques Witt/SIPA

Le sort de la chaîne d’information de Vincent Bolloré sera fixé d’ici la fin du mois.


C’est à partir du lundi 8 juillet que l’Arcom remet en jeu l’attribution de 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT). En tout, 24 candidats seront auditionnés jusqu’au milieu de la semaine prochaine par Roch-Olivier Maistre et ses équipes dans les bureaux du Quai André Citroën à Paris. Rappelons que les fréquences de la TNT ont le statut de domaine public et que leurs exploitants, qu’il s’agisse d’une émanation de l’État ou d’un opérateur privé, sont tenus à un cahier des charges bien précis, incluant notamment des obligations de tenue de l’antenne et de lutte contre les discriminations.  

Nouveaux venus

Certains des concurrents en lice sont des nouveaux venus dans le secteur de la télévision. Par exemple le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui ambitionne de lancer la chaîne Réels TV, ou l’éditeur du quotidien Ouest-France, porteur du projetOF TV. Mais la plupart sont des candidats à leur propre reconduction, tels que le groupe M6, qui va demander à continuer d’émettre les chaînes W9, Gulli et Paris Première, et qui a été le premier à passer son grand oral lundi matin (pour Gulli).

Mais celui qui risque le plus gros dans cette affaire n’est autre que l’homme d’affaires Vincent Bolloré. Son groupe Vivendi va présenter des dossiers de renouvellement pour rien moins que sept de ses filiales : Canal +, Canal + Sport, Canal+ Cinéma(s)), Planète +, CStar, C8 et CNews. Le 15 juillet, tous les regards se porteront en particulier vers cette dernière, dont le grand oral est prévu ce jour-là entre 9 heures et 10h30. Depuis des mois, d’innombrables journaux de gauche ou du centre accusent la chaîne d’information du groupe Canal d’être un vecteur de propagande pour l’extrême droite, quand bien même celle-ci respecte scrupuleusement les règles de pluralisme auxquelles elle est obligée.

Des « Insoumis » à la macronie, beaucoup veulent la peau de CNews

À cela s’ajoutent les sanctions de l’Arcom. Dernier exemple en date, en mai dernier, CNews a été condamné à 50 000 euros d’amende pour des propos tenus à l’antenne par le directeur de rédaction du JDD, Geoffroy Lejeune, qui avait affirmé en septembre 2023, alors qu’il était invité dans l’émission de Pascal Praud (« L’Heure des pros 2 ») que l’antisémitisme et la surpopulation carcérale étaient des conséquences de « l’immigration arabo-musulmane »…

On le voit, CNews est dans le collimateur. Il y a deux mois, le rapporteur d’une commission parlementaire sur la TNT, le député insoumis Aurélien Saintoul, écrivait même dans son document de synthèse qu’il « ne comprendrait pas que les chaînes CNews et C8 puissent se voir en l’état renouveler leurs autorisations de diffusion ». On se souvient aussi qu’en mars 2023, Rima Abdul-Malak, alors ministre de la Culture, avait sur France Inter fustigé les « menaces » que ferait peser selon elle Vincent Bolloré sur la « liberté d’expression et de création ».

À l’heure où tant d’éditorialistes font preuve d’une éclatante partialité sur les autres ondes françaises, de BFM TV à TMC en passant par France Info, en appelant à « faire barrage contre le RN », le gendarme de l’audiovisuel sera-t-il sensible aux attaques des belles âmes contre CNews, dont certaines constituent de flagrantes violations du principe de séparation des pouvoirs ? Ou au contraire, préférera-t-il affirmer son indépendance et une préférence pour la variété des opinions et des angles dans le paysage audiovisuel français ? Réponse fin juillet.

J’ai vécu dans la Roumanie communiste, vais-je maintenant vivre dans la France mélenchoniste?

0
Jean-Luc Mélenchon à Paris le dimanche 7 juillet, après les résultats du second tour des législatives 2024 © Thomas Padilla/AP/SIPA

Si Mélenchon ou ses amis gouvernent la France, les riches seront-ils envoyés dans des camps, ou devront-ils porter un écusson doré sur la poitrine?


Il y a environ trente ans, quand je suis arrivé en France après avoir subi le totalitarisme communiste dans ma Roumanie natale, pas une seconde je n’aurais imaginé que mon pays de cœur et d’adoption pourrait avoir un jour un gouvernement qui se réclamerait de l’idéologie communiste.

Cauchemar

Aujourd’hui, au lendemain du deuxième tour des élections législatives, cette éventualité est plus que plausible.
Je me frotte les yeux, cela ressemble à une triste farce de l’Histoire. Une grande partie de ce pays, l’un des plus beaux au monde et des plus riches, a voté pour une coalition d’extrême gauche déterminée à le collectiviser. Une coalition incluant un parti communiste qui n’a même pas changé de nom alors que 100 millions d’humains sont morts à cause de son idéologie ! Pourquoi ? Savent-ils ce que cela veut dire, ceux qui ont mis leur bulletin dans l’urne ? Souffrent-ils de ce que Jean-François Revel appelait la tentation totalitaire ? N’ont-ils rien appris de l’Histoire ? Partout où il a été appliqué, ce funeste programme n’a provoqué que des catastrophes. Humaines et économiques. Au nom de la lutte des classes, on a condamné à mort des millions d’êtres humains et déporté des millions d’autres dans des camps. Le beau prétexte de rendre les hommes égaux n’a conduit qu’à la négation de l’individu et à la privation des libertés. L’étatisation et le contrôle de l’économie se sont soldés par des famines et des pénuries. Ce que veut le Nouveau Front populaire pour la France n’a jamais marché nulle part. Je peux en témoigner.

A lire aussi : CNews passera-t-elle l’été?

Mélenchon, leader à vie de la gauche française ?

Car de Jean-Luc Mélenchon à Philippe Poutou et de Fabien Roussel à Sandrine Rousseau, le logiciel est le même : c’est celui du marxisme-léninisme. C’est-à-dire faire table rase du passé, mettre au pas le capitalisme, interdire ce qui ne convient pas aux dirigeants par principe omniscients, mettre en place un interventionnisme tous azimuts, planifier l’économie, lancer des purges fiscales et sociales, bref imposer une idéologie qui s’est révélée partout mortifère. La grande majorité des élus du NFP, en commençant par leur leader à vie, Mélenchon, admirent Castro, Chavez et Maduro et rêvent d’une révolution socialiste. En s’inspirant des régimes communistes, ils soutiennent les islamistes et défendent les organisations terroristes, ils sont fermement décidés à museler les médias qui ne relaient pas leur propagande ou qui, a fortiori, osent les critiquer. Ils menacent et insultent les journalistes qui ne se soumettent pas, comme tous leurs adversaires. Ils peuvent même parfois être antisémites, ou pratiquer le racisme anti-blanc sans la moindre gêne. Ils méprisent les lois, appellent à la désobéissance civile, qui chez eux devient un noble devoir, quand une mesure pourtant votée par les représentants du peuple les contrarie.

L’accession aux responsabilités de la Nupes et… de sa bordelisation

Ils encouragent, voire organisent, les blocages de routes et de gares, transforment l’Assemblée nationale en arène d’agitprop propalestinienne et s’en prennent aux institutions démocratiques de leur propre pays. L’agressivité et la violence font partie intégrante de leur programme. Sur les réseaux sociaux, dans la rue, dans les assemblées représentatives, ils s’infiltrent partout. S’ils le pouvaient, ils enverraient au goulag tous ceux qui leur tiennent tête. C’est exactement le genre de tactique qu’avait employée Lénine pour prendre le pouvoir en 1917. En pur idéologue (il n’avait jamais travaillé), il a inventé le système totalitaire et en bon pragmatique, il l’a appliqué avec minutie. « L’État, c’est nous », proclamait-il, en instaurant la terreur bolchévique et la dictature du parti-Etat. « Je n’apprends rien à personne en disant que les Insoumis ont comme projet de changer l’histoire du monde en commençant par changer celle de leur pays », écrit Jean-Luc Mélenchon dans son livre Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne. « Une France sans milliardaires ! », a appelé de ses vœux Marine Tondelier. « Les milliardaires, ça ne sert à rien, a-t-elle asséné. Ce ne sont pas des talents, mais des vampires. Ce ne sont pas des génies, mais des égoïstes ». Les riches seront-ils envoyés dans des camps ou devront-ils porter un écusson doré sur la poitrine ?

A lire aussi : Ces charlatans qui ont fait de la démocratie un jeu de dupes

Je souffre de voir qu’il puisse exister encore, en France, des organisations politiques qui se réclament du communisme et que cela ne pose aucun problème de conscience, ni à ses membres et zélateurs, ni aux médias qui les invitent. Il est vrai que l’antilibéralisme, l’antiaméricanisme, l’égalitarisme, le wokisme et l’exécration des riches sont profondément ancrés dans le tempérament français.
C’est probablement la raison pour laquelle l’idéologie marxiste, entre toutes les idéologies, y bénéficie toujours d’un statut privilégié.

Comment sortir de notre médiocratie

0
La cathédrale Notre-Dame de Paris en travaux, mai 2024 © Xavier Francolon/SIPA

Après les combines politiciennes sans lendemain, l’heure de la refondation du pays est venue.


La campagne des élections législatives a été le théâtre de combines politiciennes dignes des plus mauvaises heures de la IIIe et de la IVe Républiques au détriment d’une réflexion de fond, objective, sur l’état réel du pays et les voies et moyens de répondre à ses difficultés, à ses défis et aux aspirations de la majorité de sa population. Résultat : une France non seulement sans cap, mais totalement paralysée, incapable même d’assurer la gestion du quotidien sans majorité claire à l’Assemblée nationale.  

Nous sommes en médiocratie

Les principaux partis en place ne sont plus des laboratoires d’idées qui présentent aux Français des projets pour le pays élaborés de longue date à l’image de ce qui se passe encore dans la plupart des autres démocraties. Il suffit de regarder leur communication et leurs sites internet pour voir qu’ils se sont mués depuis des années en écuries à individualités, à égos, vraisemblablement du fait de l’inversion du calendrier électoral avec une élection présidentielle qui écrase tout et qui renvoie au second plan le vrai scrutin démocratique, les élections législatives qui décident du cap donné à la nation au-delà de l’incarnation. C’est en quelque sorte un « concours de beauté » permanent. On nous parle déjà de candidats putatifs à l’élection présidentielle, mais pour faire quoi ?

Un projet pour gouverner ne s’improvise pas car une fois aux manettes, c’est un peu comme entrer dans le grand huit d’une fête foraine. Vous ne maîtrisez plus grand-chose, happé que vous êtes par la gestion du quotidien avec ses moult urgences et rebondissements.

Le fonctionnement du pays n’est pas viable et nous amène tout droit aux chaos sans changements en profondeur

Notre « modèle » craquelle de toute part faute de réformes structurelles trop longtemps renvoyées aux calendes grecques. Derrière le théâtre d’ombres de la politique politicienne et ses jeux d’appareils, notre pays s’enfonce dans une crise globale d’ampleur, vraisemblablement la plus importante depuis 1958, qui pourrait se muer en « mai-juin 1940 économique et social », soit un effondrement temporaire si rien n’est fait au cours des mois à venir. La France apparaît encore une fois incapable de réparer le toit par beau temps, en retard d’une réforme et en avance d’une révolte, voire d’une révolution.

Le cœur de nos maux est une mauvaise gestion de l’argent public, de notre argent. Le budget de la France, de nos jours, c’est comme si vous gagnez 3000 € et dépensez 4500 € avec des personnes qui vous prêtent qui sont majoritairement extérieures à votre famille et vos amis, soit qui peuvent vous envoyer l’huissier à chaque instant. Pire, on s’endette pour payer des factures et non simplement pour investir et générer des recettes futures. Si, en face, les services publics étaient de très hauts niveaux, on pourrait se dire que ce sont des avances de trésorerie que l’on récupère en aval par une Ecole, une Santé, une Justice, une Sécurité, etc. performantes. Mais hélas non. Dans tous les classements de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France figure en queue de peloton. Par conséquent, cette mauvaise gestion asphyxie le pays à petit feu, le pouvoir d’achat des Français et les marges de nos TPE-PME-ETI qui emploient 70% des salariés sans pouvoir optimiser via des filiales à l’étranger comme les grands groupes. Selon une étude KPMG de 2019, une PME qui réalise 34 M€ de chiffre d’affaires dégage en France 1 M€ de résultat net (i.e. après impôts) contre 3 M€ en Italie, 4,4 M€ en Allemagne et 5 M€ aux Pays-Bas, pays qui sont loin d’être des enfers sociaux, affichant souvent des indicateurs de prospérité désormais supérieurs aux nôtres. Corollaire, si notre argent public était géré comme dans la plupart des pays de l’UE (on ne parle même pas des meilleurs), sur 100 € versés par l’employeur, 60 € resteraient dans la poche du salarié français contre 47 € aujourd’hui, soit plus de 300 € d’augmentation potentielle pour un salaire net de 2700 €. Le cercle vicieux est enclenché: forts prélèvements obligatoires, perte de compétitivité, faible croissance, chômage de masse, dépenses publiques en hausse, aggravation du déficit et de la dette, hausse des prélèvements, etc.

A lire aussi, Stéphane Germain: Politique économique: le choix des sophismes

Concrètement, si cela continue, c’est le scénario grec qui nous menace, soit une mise sous tutelle du pays par le FMI, l’UE, avec pour conséquence le blocage de tout ou partie de l’épargne des Français (assurance-vie, livrets A, de développement durable, etc.) et une limitation de leurs retraits en banque au quotidien (60€ en Grèce, en 2015) le temps que les comptes publics soient rétablis. En effet, les 6000 Md€ d’économies des Français compensent largement les 3000 Md€ de dette publique avec un cadre juridique (loi Sapin II de 2016) et technique (Haut Conseil de stabilité financière) déjà prêt…

Le nœud gordien du sursaut français consiste donc en une réforme ciblée, puissante et ambitieuse du fonctionnement de la nation

Dans cette période d’incertitude, de troubles à venir, un puissant projet de refondation ne s’improvise pas. Il doit être le fruit d’une longue réflexion, d’une longue maturation à l’image de la situation du pays en 1958 lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir alors que la France traversait aussi une grande crise politique et économique avec une mise sous tutelle du FMI. Et si le général a pu redresser rapidement la situation, c’est qu’il avait réfléchi bien en amont aux ressorts du sursaut, tant sur le plan constitutionnel depuis au moins le discours de Bayeux de 1946 que, ce qui est moins connu, sur le plan économique avec une troisième voie entre capitalisme et communisme longuement réfléchie, soit un capitalisme à visage humain au service de la grandeur du pays et non un libéralisme transnational purement financier.

Nouvel essor français met sur la table à la disposition de toutes les bonnes volontés un puissant projet de refondation, toute grande nation devant se réinventer tous les 50/100 ans

Ce projet pour la France, élaboré pendant plus de cinq ans de façon collaborative, collective et actualisé depuis par des dizaines de personnes au plus près du terrain, s’articule en trois axes.

Tout d’abord, financer notre modèle social et environnemental de haut niveau et augmenter le pouvoir d’achat des Français en relocalisant la création de richesses dans nos territoires par :

  • une baisse massive des prélèvements sur nos TPE/PME/ETI, les plus taxées de l’UE et de l’OCDE, qui emploient 70% des salariés du pays ;
  • un alignement des normes qui pèsent sur nos entreprises, y compris le Code du travail, sur le cadre européen en laissant ensuite les partenaires sociaux adapter en toute autonomie ;
  • et un gros effort de recherche, les pays les plus dynamiques sur le temps long (Allemagne, Etats-Unis, Corée du Sud par exemple) y consacrant au moins 3,5% de leur PIB contre 2,2% pour la France.

Il s’agit en quelque sorte pour ce premier axe de « faire grossir le gâteau avant de partager les parts ».

Ensuite, il nous faut remettre l’Etat à l’endroit, soit plus de moyens dans ses missions essentielles : Santé, Education, Sécurité, Justice et Défense.

Enfin, nous ne pouvons financer cela qu’en diminuant les dépenses. Face à l’impossibilité d’augmenter les impôts, taxes, cotisations ou l’endettement, nous devons enfin dégonfler intelligemment la sphère publique qui absorbe le pouvoir d’achat des Français et asphyxie nos entreprises, la France étant le pays champion du monde des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques avec pourtant des services aux citoyens qui se dégradent jour après jour et une dette qui s’envole, 40 000€ par Français aujourd’hui. Il s’agit en cela d’économiser 10% de la dépense publique (150 Md€) en tapant « dans le gras », soit l’administration de bureaux qui a pris le pas sur l’administration de terrain. Pour ce faire, trois principes doivent être suivis :

  • remettre l’État sur la stratégie (le pourquoi/quoi) et laisser aux forces vives dans les territoires (préfets, élus, entreprises, branches professionnelles) le soin de déterminer « comment » atteindre les objectifs nationaux déclinés localement ;
  • mettre moins d’agents dans les bureaux et plus sur le terrain (« moins de gras, plus de muscles ») ;
  • ne jamais séparer le décideur du payeur afin de responsabiliser les acteurs (les maires étant un bon exemple, ils n’ont plus la main, au mieux, que sur 40% de leurs ressources).

En conclusion, ce projet de refondation peut se résumer par la phrase suivante : « Dégonfler intelligemment la sphère publique pour augmenter le pouvoir d’achat des Français, donner de l’oxygène à nos PME dans les territoires et redonner la clé de leur municipalité à nos maires ! ». Il n’y a aucune fatalité au déclin. Le pire n’est jamais certain et le meilleur jamais acquis…

Vers un nouvel essor français, sous la direction de Patrice Huiban, 328 pages, VA Editions, juillet 2024.