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Viva Nakamura

Les LED constituent une véritable révolution technologique qui est trop peu commentée.


Opprobre jetée sur les mangeurs de viande, flygskam1, réduction de la vitesse sur autoroute2, encouragement à se nourrir d’insectes3, quasi-interdiction du pavillon avec jardin : la décroissance que nos dirigeants nous infligent au nom de l’écologie, d’autant plus violente qu’elle ne dit pas son nom et qu’elle a contourné tous les circuits décisionnels démocratiques4, est sans doute bien moins efficace que l’innovation technologique pour répondre aux défis environnementaux.

Ainsi, au pays de Descartes et de Pasteur, le nom de Nakamura devrait spontanément évoquer Shuji Nakamura, récipiendaire (conjointement avec deux autres chercheurs) du prix Nobel de physique 2014 pour l’invention de la LED bleue. Anecdotique ? Non, révolutionnaire ! En effet, auparavant les LED (Diodes Electro Luminescentes) se cantonnaient aux couleurs rouge, verte et jaune, et à des applications limitées : témoins de fonctionnement, écrans des radio-réveil ou de calculatrices notamment. Avec l’ajout de la couleur bleue, les LED peuvent désormais produire la lumière blanche utilisée pour éclairer (et également le lancement des disques Blu-Ray !), et vont connaître un développement spectaculaire qui se poursuit encore aujourd’hui. 

Ainsi la bonne vielle ampoule à incandescence de 100W est devenue une LED de 10W (voire 5W pour certains modèles) : une réduction de 90% à 95% de la consommation d’électricité !  La durée de vie a également spectaculairement augmenté (jusqu’à 50 000h, soit 45 ans à raison de 3h par jour). Les LED restituent une lumière de plus en plus qualitative (faible scintillement, rendu de couleurs élevé, choix de l’éclairage…)5, et ne contiennent que peu voire pas de métaux rares, le tout pour des prix en baisse constante. Bref les LED nous offrent un exemple de progrès technologique rapide et sans compromis (à l’image des semi-conducteurs dont elles se rapprochent par les procédés de production, l’intensité de l’effort de R&D et les cycles de progrès très rapides). 

A lire aussi: Déficits: ce qui attend à la rentrée un éventuel “gouvernement technique”

Au niveau macro, cette nouvelle technologie a des répercussions significatives sur le réseau électrique français : réduction de la consommation d’électricité estimée à 25 TWh/an6 (environ 5% de la consommation française) et baisse de 3 GW du pic d’appel de puissance électrique7 – l’équivalent de deux réacteurs nucléaires qui n’auront pas besoin d’être construits. Des effets d’autant plus intéressants pour l’environnement qu’ils ont lieu principalement la nuit, lorsque la production solaire est minimale (merci M. de La Palisse) : l’électricité économisée est statistiquement celle qui aurait été la plus carbonée (issue de centrales à gaz ou à charbon via des importations allemandes). 

Par ailleurs, dans les régions non connectées à des réseaux électriques (Asie et Afrique principalement), les LED permettent, grâce à leur ultra-faible consommation, de déployer massivement des solutions autonomes associant panneau solaire, batterie et LED, qui permettent d’immenses progrès sociaux (les enfants peuvent faire leurs devoirs ou lire le soir, les villages peuvent être éclairés…).

Les LED illustrent donc de façon exemplaire les trois axes du développement durable : l’environnement, le social et l’économie. 

Il est intéressant de noter que cette révolution technologique qui se passe sous nos yeux est très peu commentée – parce qu’elle se déroule loin des laboratoires européens ? Ou parce que, comme pour les crises, le propre des révolutions serait qu’elles sont largement incompréhensibles pour leurs contemporains ? Jean Fourastié remarquait déjà dans ses Trente Glorieuses que la croissance économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, sans doute un des changements les plus extraordinaires qu’ait connu l’humanité, était largement ignorée des historiens et économistes.

Alors que certains appellent à la grève de l’école et du savoir, que d’autres attendent le salut de l’empilement de réglementations soviétoïdo-bruxelloïdes (taxonomie, CSRD, MACF, RSE, DPE, ZFE, ZAN & Co.), saluons Nakamura et tous ceux qui ont choisi la voie du travail, de l’imagination et de la science pour faire émerger des réponses pertinentes aux défis du tournant énergétique.


  1. Honte de prendre l’avion, du suédois flyg pour avion et skam pour déshonneur. ↩︎
  2. Grâce aux gilets jaunes le sujet de la réduction de la vitesse sur autoroute à 110 km/h a été mis en veille, néanmoins cette limite s’applique déjà aux véhicules de la fonction publique (hors armée). ↩︎
  3. L’UE a déjà autorisé quatre insectes pour l’alimentation humaine. ↩︎
  4. Ainsi par exemple via la caricaturale parodie de démocratie qu’a été la Convention citoyenne pour le climat. ↩︎
  5. Attention cependant à bien choisir des LED respectant les normes européennes. ↩︎
  6. Bilan prévisionnel 2023 RTE, Annexes Consommation : réduction de la consommation de 10 TWh/an entre 2010 et 2020 (p26) puis de 15 TWh/an d’ici à 2035 (p27). ↩︎
  7. Bilan prévisionnel 2021 RTE, Annexes Techniques : l’appel de puissance de l’éclairage passerait de  plus de 5 GW en 2019 à 2 GW en 2030 (p112). ↩︎

Cérémonie d’ouverture à Paris: la grandeur malgré tout

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Depuis 48 heures, conservateurs et progressistes s’opposent sur une seule question: la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques était-elle réussie ? Et vous, chers lecteurs de Causeur, qu’en avez-vous vraiment pensé ?


Il a fallu attendre un siècle avant que les Jeux Olympiques d’été ne daignent revenir dans le pays qui les a vus naître dans leur version moderne. Une longue patience qui s’est trouvée récompensée après plusieurs tentatives infructueuses. Pierre de Coubertin peut désormais se réjouir, la plus grande compétition sportive mondiale est enfin de retour dans la plus belle ville du monde. La cérémonie d’ouverture pensée par Thomas Jolly était donc particulièrement attendue. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’aura pas laissé indifférent…

Just do it

« Merci à Thomas Jolly et son génie créatif pour cette cérémonie grandiose. Merci aux artistes pour ce moment unique et magique », a écrit Emmanuel Macron sur son compte X, remerciant également les « forces de l’ordre et de secours », « agents et bénévoles ». « On en reparlera dans 100 ans ! ON L’A FAIT ! », a-t-il poursuivi. « Un immense bravo à Thomas Jolly et à tous les artistes et techniciens pour leur savoir-faire et leur talent extraordinaires. […] Quelle fierté quand la France parle au monde », a dit Manuel Bompard (LFI). Une réaction contrastant avec celle de… Jean-Luc Mélenchon, lequel a dénoncé la parodie de la Cène qu’il a jugée offensante pour les chrétiens, de même que le passage où Marie-Antoinette apparaissait la tête coupée. Il aurait préféré Louis XVI à la place. Julien Aubert (ancien député Les Républicains) a dénoncé de son côté « un défilé olympique ayanakamuresque, wokiste, où le sport a été invisibilisé par des messages politiques et sociétaux qui n’y avaient pas sa place ». De la même manière que Julien Odoul (RN), choqué par la présence d’Aya Nakamura avec la Garde républicaine, ou encore Marion Maréchal (ex-Reconquête) qui a fustigé « les Marie-Antoinette décapitées, le trouple qui s’embrasse, des drag-queens, l’humiliation de la Garde républicaine obligée de danser sur du Aya Nakamura, la laideur générale des costumes et des chorégraphies ».

Ob-Seine, du gênant au géant

La presse internationale a oscillé entre enthousiasme et dégoût, et aussi en fonction de la couleur politique des titres des journaux. Le meilleur résumé de la cérémonie est peut-être celui du Corriere della Sera de Milan : « Plus Édith Piaf que Napoléon. Plus Vénus que Mars. Des chansons d’amour, des films qui finissent bien. Couleur dominante, le rose. La sororité s’ajoute à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. On ne voit pas la statue de Jeanne d’Arc, mais plutôt celle de Louise Michel, héroïne de la Commune, avec une Marianne noire chantant la Marseillaise […] Paris a présenté au monde une version adoucie, irénique et idéalisée de son histoire. Une performance d’art contemporain : tantôt on semblait être à la Biennale, tantôt lors d’une gay pride, tantôt encore à un défilé de mode. »

Un succès opérationnel : médaille d’or pour les forces de sécurité

Le premier succès de cette cérémonie d’ouverture est celui des forces de sécurité. Alors que de nombreux observateurs s’indignaient, jugeant irresponsable d’organiser un tel évènement en ville, a fortiori sur la Seine, à l’image d’Alain Bauer qui tout juste deux ans en arrière estimait la chose « impossible » et trop risquée, tout s’est parfaitement déroulé sans un seul incident à déplorer. Un exploit. Nos policiers, gendarmes, militaires, pompiers, bénévoles, organisateurs et travailleurs de l’ombre méritent une médaille du plus beau métal. Ils ont sauvé un pays et une ville attaqués de toutes parts par des forces malignes qui espéraient un fiasco.

D’ailleurs, la journée avait très mal commencé avec de multiples sabotages qui ont gravement entravé la circulation des trains à grande vitesse et décalé les voyages de 800 000 passagers de la SNCF. Pis encore, le climat s’en est mêlé. Toutatis a fait tomber le ciel sur la tête des Gaulois réfractaires pour « gâcher » la fête en mondovision. Las, si la pluie a sûrement eu une incidence sur le rythme de la cérémonie et gâté quelques tableaux, elle n’a au fond que peu perturbé le spectacle sur le plan technique.

La laideur et la grandeur peuvent-elles longtemps cohabiter ?

Que retenir donc de cette cérémonie ? Les Français font toujours ressortir le pire et le meilleur… et ils sont les meilleurs dans les deux exercices. Cette longue cérémonie aura donc offert deux visages bien distincts. Le premier prenait les traits de la grandeur classique, montrant au monde les trésors d’inventivité et de génie dont les Français peuvent, quand ils sont inspirés, se montrer capables. Innovante et ambitieuse, convoquant l’artisanat du luxe avec Notre Dame et LVMH ou les Gobelins avec les Minions, la cérémonie d’ouverture a voulu brasser de multiples influences servies par d’immenses vedettes françaises et internationales. Citons notamment Lady Gaga ou Gojira, groupe français de heavy métal particulièrement remarqué qui a offert un concert perché sur les fenêtres de la Conciergerie en forme d’hommage aux victimes du Bataclan.

La cérémonie d’ouverture s’est en réalité déclinée en trois parties. Une première correcte convoquant les clichés du Paris chic et kitsch, décrivant un pays flirtant avec le libertinage, où le french cancan et le glamour servent d’horizons aux grandes dames de ce monde. C’est un peu réducteur, mais ce Paris plaît à l’étranger. Du reste, ces jeux sont d’abord et avant tout parisiens. Malgré quelques défauts de rythme, l’ensemble n’était pas outrageant ni particulièrement innovant. Il s’est néanmoins conclu par une première petite polémique avec la mise en scène d’une Marie-Antoinette tenant dans ses mains sa tête décapitée et chantant « Ah, ça ira ! ».

Quoique bien réalisé, ce tableau a pu heurter certaines consciences. Plus « adolescente » que véritablement animée de l’intention de nuire, l’idée du gore était sûrement inadaptée à un spectacle grand public en mondovision. Surtout qu’elle ne fut pas compensée par une note déplorant ce qui fut un crime politique dont les motifs étaient misogynes et xénophobes, mais aussi basés sur des « mensonges », soit ces fausses informations et préjugés que dénoncent pourtant à cor et à cri les progressistes contemporains. La chose eut pu être parfaite avec un peu plus de discernement.

La deuxième partie bascula non pas dans le gore mais dans la laideur la plus grotesque par moments. Sorte de bacchanale dionysiaque à une époque qui aurait besoin d’ordre apollinien, ce segment a fait la part belle aux diversités dites « LGBT », offrant notamment plus d’une vingtaine de minutes de drag-queens, de femmes à barbe et de transformistes, lors d’un défilé assez malsain qui était non seulement trop long, mais aussi inutile et mal réalisé. Le tout donnait parfois des airs de fins de mariage, avec ses musiques discos passéistes et ses invités ivres d’eux-mêmes et de vin. Ce moment particulièrement pathétique aura servi aux ennemis de l’Occident les éléments de propagande qu’ils demandaient.

Des télévisions étrangères ont même dû couper ces passages. Ce nombrilisme hexagonal, ou plutôt parisianiste, est préjudiciable. La France n’est pas seule au monde. Cette prétendue « inclusivité » exclut en réalité bien des gens et bien des nations. Elle n’inclut que des minorités « visibles » complaisamment et caricaturalement mises en scène de manière monstrueuse au sens étymologique du terme. L’idée générale était de faire l’inverse d’une cérémonie nostalgique et passéiste. Soit, c’est louable. Mais l’excès inverse a souvent été atteint. À la ringardise des uns s’est opposé l’opiniâtreté « provoc » et passée de mode des autres, comme si les Jeux Olympiques étaient le champ d’expression d’une bataille idéologique… On me répondra Marivaux, tradition du Guignol ou Molière. Je rétorquerai que bien que j’apprécie les Contes de Canterbury de Pasolini et le Caligula de Tinto Brass, il ne me viendrait jamais à l’idée que ces films puissent être destinés à un public allant de 7 à 77 ans et convoquent l’intégralité des cultures de ce monde devant son écran. 

Un manque de discernement mais des coups d’éclat

Quel dommage ! Il était pourtant possible d’amener de la légèreté sans sombrer dans ce déballage de vulgarité provocatrice uniquement destiné à « choquer le bourgeois ». Un entresoi « wokiste » qui était exclusif d’une communauté arrogante et déconnectée. Le tout s’est conclu par un Philippe Katerine déguisé en Silène, moment lunaire mais amusant qui aurait pu être acceptable avec un peu de discernement et de goût. Mettre à l’honneur la mode et l’excès du cabaret n’était pas interdit, encore fallait-il le faire élégamment. Le dire semble pourtant un crime de lèse-olympisme. Est-il encore interdit de penser qu’une gay pride n’a pas sa place pour célébrer le sport ? Qu’il faut inviter aussi des enfants et des gens de peu ?

Heureusement, le troisième tiers aura montré une France assez sublime. Certes, cette cérémonie bling bling était parfois semblable à une succession de vignettes publicitaires piochant chez Jean-Paul Goude et Pierre et Gilles, omettant tout un pan de l’identité française, martiale et enracinée, mais elle avait aussi sa part de beauté qui a pu pousser au milieu de la boue mondialisée. L’idée de la déesse Sequana sur la Seine, du piano enflammé, les illuminations de la Tour Eiffel et bien sûr la Montgolfière resteront gravées longtemps dans les mémoires. Le grand final de Céline Dion était de même particulièrement émouvant et bien mis en scène. Par certains aspects, cette cérémonie surpassa toutes celles qui l’ont précédée : elle marquera son temps et a eu des moments de génie. Elle était vive, originale et orgiaque. Mais ses immenses qualités n’effaceront pas la gêne provoquée par ses défauts. Restent une belle organisation et des équipements fabuleux qui peuvent rendre très fiers les Français. Car, la beauté de la gloire historique de la France est visible partout dans des Jeux qui, en dehors de quelques épouvantables couacs, sont magnifiques, dévoilant un Paris sublimé porté par l’enthousiasme d’un peuple qui se réjouit enfin un peu après des mois de morosité.

Arles: gladiateurs, mémoire et festivités

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Arles à l’heure romaine…


Chaque mois d’août, l’espace d’une semaine (du 19 au 24 août pour l’édition 2024), les organisateurs de deux festivals arlésiens (« Arelate » et « Films Péplums ») conjuguent leurs passions et leurs talents, pour proposer au grand public une série d’animations, de reconstitutions, de rencontres et de projections dans des lieux exceptionnels de la commune afin de faire revivre le glorieux passé antique de cette grande cité touristique classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité, tout en programmant chaque soir un grand péplum sur écran (méga) géant (18 m x 10 m !) dans le magnifique Théâtre antique de l’ancienne Préfecture des Gaules. Suivez le guide.

Le Péplum à l’honneur

Ils fêteront cette année leur 37e et 18e édition. Commençons par le plus ancien. « Le Festival du Film Peplum, unique en France, est né en 1987, précise son actuel président Julien Gondat, par ailleurs docteur en Histoire antique, grâce aux efforts conjoints de l’office du tourisme arlésien, du comité des fêtes et de l’association des prémices du riz. L’objectif était de créer un festival de films axé sur le thème de l’Antiquité, puisant son inspiration dans l’histoire de la ville d’Arles, où le fabuleux héritage de Rome est encore si intensément présent. Une équipe de bénévoles s’est alors constituée pour créer l’association Péplum avec pour but d’organiser chaque année le festival au mois d’août. » Du 19 au 24 août, dans l’enceinte du Théâtre antique d’Arles (inauguré vers 12 av. J.-C. sous le règne de l’empereur Auguste), seront projetés de grands films qui ont marqué l’Histoire du péplum, précédés chaque fois à 18h30 d’un apéro-rencontre avec un spécialiste de la thématique vespérale (professeur d’université, archéologue, conservateur du patrimoine…) puis à 19h30 d’un ciné-club qui se veut décalé et disruptif, animé par un critique cinéma, un artiste ou un musicien.

A lire aussi : Pierre Michon, Arthur Rimbaud, l’été

Parmi les temps forts cette année : Gladiator, le film culte de Ridley Scott, lointaine relecture de La Chute de l’Empire romain (Anthony Mann, 1964) avec Russell Crowe et Joaquin Phoenix, lauréat de cinq Oscars en 2001, ce qui permit de rouvrir un fabuleux et inattendu troisième âge d’or du péplum, après les décennies 20 et 50… le tout dans l’attente fébrile du Gladiator 2, toujours réalisé par Scott, prévu pour le 13 novembre avec cette fois les aventures du petit Lucius devenu grand, incarné par l’acteur Paul Mescal (budget global de 250 millions de dollars) ;

Sera également projeté dans la case « Grand classique » le très sacré Golgotha de Julien Duvivier (1935), avec Jean Gabin en Ponce-Pilate et Robert Le Vigan en Jésus-Christ, premier film parlant de l’Histoire du septième art dans lequel on entend directement parler le Christ ! ;

A lire aussi: Voir et revoir Pagnol, Visconti, Truffaut

Pour le plus grand plaisir des petits et des grands, sera proposé Le Pharaon, le sauvage et la Princesse, magnifique film d’animation franco-belge réalisé en 2022 par Michel Ocelot ; Et comment ne pas évoquer Conan le Barbare (1982) dans la case « Hors-frontières » ? Le film-culte de John Milius (scénariste sulfureux de L’Inspecteur Harry et d’Apocalypse Now), l’un des pères fondateurs de l’heroic fantasy au cinéma et l’un des concepteurs de l’« action-man » autrichien « nouvelle génération » nommé « Schwarzy », digne descendant des Macistes et autres Hercules sur grand écran avec de surcroît un sous-texte politique et philosophique on ne peut plus savoureux (le film s’ouvre sur la fameuse citation nietzschéenne du Crépuscule des idoles « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » !).

© Peplum

Animations et reconstitutions historiques

L’originalité de ce Festival du Film Péplum est qu’il s’insère dans un autre événement arlésien très attendu, « Arelate, les Journées Romaines d’Arles », soit une semaine éclectique de découverte du monde romain à visée ludique et pédagogique via toute une série d’animations et de reconstitutions. Pour cette édition 2024, Arelate met à l’honneur la thématique du culte du corps dans l’Antiquité, dans une programmation déployée dans toute la ville, le musée départemental Arles antique et les monuments de la commune. Archéologues, historiens, « reconstituteurs », artistes et passionnés attendront ainsi le public pour lui livrer les clefs de cette époque romaine qui a façonné Arles pour des millénaires.

A lire aussi, du même auteur: “Longlegs”: préparez-vous au grand flip de l’été!

« Il y a 2000 ans, comme aujourd’hui, une partie importante des citoyens (hommes et femmes) portait une attention toute particulière à son apparence argumente Charles Kachelmann, président du Festival Arelate. Les réseaux sociaux n’existant pas à l’époque pour diffuser la meilleure image de soi, c’est en organisant des fêtes somptueuses (pour les plus riches) ou en se pavoisant dans des lieux publics (tels que les thermes ou le forum) que l’on pouvait ainsi s’exhiber à la vue de tous. Mais avant cela, il fallait user de tous les moyens pour sculpter et embellir sa silhouette. Nous aurons le plaisir de proposer plusieurs conférences sur ce thème ainsi que des ateliers créatifs pour les tout petits (à partir de quatre ans) ou encore une proposition de représentation de culte paléo-chrétien, sans oublier les animations au sein de l’espace Vita Romana ainsi que celles du camp de légionnaires (avec démonstrations de manœuvres militaires) et en amont le forum de la BD en lien avec l’Antiquité à Saint-Rémy-de-Provence les 11 et 12 août, au sein d’un ensemble architectural exceptionnel, la cité antique de Glanum. »

A lire aussi : Un petit Balzac, pour l’été, pourquoi pas?

Pour être complet, précisons également que dans la cour de l’Archevêché d’Arles, les badauds auront l’opportunité de découvrir la vie quotidienne des Romains au travers de stands et d’ateliers : coiffure à la romaine, création de couronnes végétales, tissage, mosaïque… Tout en pouvant se restaurer à la « Taberna Arletensis » avec des produits « romains » d’époque. Durant toute la semaine, la Direction du Patrimoine d’Arles s’investit pleinement en proposant de nombreuses activités (reconstitutions historiques, visites flash, spectacles) dans tous les monuments antiques inscrits sur la liste du Patrimoine mondial UNESCO. Une magnifique semaine en perspective ! Connaître et se réapproprier notre héritage gréco-gallo-romain permet plus que jamais de prendre un recul salvateur par rapport aux apories et errances de notre époque hélas défigurée par les excès et les outrances du wokisme débilisant sans-frontiériste…


Plus d’informations :

Festival du film Peplum | Projections en plein air à Arles du 19 au 24 août 2024

Arelate : Le festival (festival-arelate.com)

Antoine Dupont: le voilà, notre génie français…

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Emmenés par leur capitaine, les Bleus ont remporté la première médaille d’or française aux Jeux de Paris, samedi. Ils ont battu les Fidji 28-7 au stade de France.


Loin de moi l’idée de vouloir revenir aux modalités de la cérémonie d’ouverture, à l’admiration de beaucoup, aux controverses qu’elle a suscitées et notamment à la critique puissante mais discutée d’Alain Finkielkraut dans Le Figaro reprochant l’absence totale du génie français dans cette fête du 25 juillet1. J’ai seulement envie d’opposer à cette France globale qui s’est offerte avec une vision parfois orientée, l’image éblouissante de la France singulière d’Antoine Dupont, ce génial joueur de rugby à 15 puis à 7, cette personnalité d’exception se révélant tant lors du jeu qu’en dehors. Il est aujourd’hui, probablement, le sportif préféré des Français et pour des raisons qui ne tiennent pas qu’à son aura professionnelle. Il est de bon ton de vanter l’esprit d’équipe. Le groupe magique qui a remporté la médaille d’or, après avoir vaincu les Fidjiens jamais battus lors des Jeux Olympiques précédents, en est une exemplaire incarnation. Mais ce n’est pas battre en brèche cette exigence du collectif que de saluer dans ce triomphe le rôle capital d’Antoine Dupont. L’entraîneur a eu la sagesse de le faire entrer seulement en seconde mi-temps (à chaque fois, dans les matchs précédents, ce pari s’était avéré gagnant), quand les adversaires émoussés n’avaient plus la force de résister à cette rapide et étincelante boule d’énergie et de talent. Antoine Dupont n’a pas manqué d’être immédiatement décisif, soutenant d’excellents partenaires stimulés par lui et lui-même soutenu par eux, dans une fusion fraternelle de tous les instants.

Auteur de deux essais en finale

Quelle plus belle illustration de cette symbiose que l’irrésistible chevauchée de 80 mètres d’Antoine Dupont avec le parfait dernier geste : une passe à son partenaire Aaron Grandidier marquant l’essai, Antoine Dupont par ailleurs auteur lui-même de deux essais dont le dernier de cette finale.

Cette alliance irréprochable entre le génie sportif d’Antoine Dupont avec ses qualités physiques hors du commun, et son esprit de solidarité, son altruisme – rien pour sa propre gloire ou pire, sa vanité, tout pour l’équipe – est sans doute le trait le plus remarquable de ce jeune homme. Il se met sur le terrain au service des autres en même temps qu’il se distingue par des actions d’éclat. Capitaine du XV de France, il n’enjoignait rien à ses coéquipiers mais leur montrait par son seul exemple la voie à suivre.

La France qu’on aime

Cette disposition ne serait que sportive si elle n’était pas, dans ses attitudes une fois le match gagné, à chacune de ses interventions médiatiques, dans chacun de ses propos, le signe d’une extrême modestie tenant à la fois à une simplicité naturelle et à une juste perception de l’effort collectif. Ces vertus d’Antoine Dupont, sans la moindre esbroufe ni la plus petite posture ostentatoire qui soit, justifient l’admiration et l’estime qu’il inspire à beaucoup, passionnés de rugby ou non.

Peu m’importe alors qu’à une ou deux reprises il ait exprimé discrètement une opinion politique. Il en avait le droit. J’aime passionnément la France qui a le visage, la tenue, le génie et l’humanité d’Antoine Dupont.


  1. https://www.lefigaro.fr/vox/alain-finkielkraut-dans-cette-ceremonie-le-genie-francais-brillait-par-son-absence-20240727 ↩︎

Poutine et Khamenei: y’en a être contents!

Ils avaient le discours. Maintenant, ils ont les images qui vont avec. Ils exultent. 


Tournée générale de vodka bien frappée chez le Tsar de (presque) toutes les Russies. Tournée de fatwas des jours de fête chez le Guide Suprême de la splendide République Islamique d’Iran. Il y a de quoi ! Leurs services de propagande et de désinformation n’auraient pas pu mieux faire. D’ailleurs, lorsque l’un et l’autre ont visionné les images, ils se sont mépris. Ils étaient tout au bord de combler d’honneurs et de décorations leurs officines pour un si excellent travail quand, au dernier moment, on leur a ouvert les yeux. Ce qu’ils avaient devant ces mêmes yeux n’était nullement un produit de fabrication locale mais une pépite d’importation concoctée à la source même et par les autorités compétentes, autorisées, officielles. Françaises, en l’occurrence, ces autorités. 

Il ne leur restait plus qu’à repérer les meilleurs passages, les sectionner et les lancer en l’état sur leurs réseaux d’endoctrinement. Le discours d’accompagnement, je le disais, est rôdé depuis longtemps. Parfaitement au point: « L’Occident miné par le cancer de la décadence se précipite tout droit dans les poubelles de l’histoire, entraîné là à grandes guides par des élites dégénérées. » 

Les images choisies par le tsar Poutine sont celles auxquelles on peut s’attendre: la farandole queer and co sur le ponton du défilé dit de mode, agrémentée du détournement obscène et fort appuyé du symbole religieux de la Cène – l’œuvre magistrale de Léonard de Vinci n’étant ici qu’une victime collatérale. J’entends d’ici le prêche de Poutine, relayé par ses gens à travers les steppes immenses de la Russie éternelle: « Voici les valeurs dont se repaît l’Occident, les aberrations mentales qu’il défend et qu’il entend nous imposer. Voici de quelle invasion leurs forces elles aussi au comble de l’avilissement nous menacent. Et voici donc Paris devenue, par la magie de cette messe noire d’un soir, la Mecque de la décadence, la Rome de la déconstruction avancée, l’Athènes de la déliquescence mentale. Que Dieu vienne en aide à la Sainte Russie et nous épargne un tel naufrage. » Bref, vous voyez le topo.

Même choix d’images et même vitupération du côté du Guide Suprême, l’Iranien. Sans référence à la Mecque, on s’en doute. Même choix, mais avec une variante assez éloquente: le passage où l’on voit, en découpe sur les murs de la Conciergerie, Marie-Antoinette décapitée, chantant dans un flux de sang du meilleur goût « Ça ira, Ça ira, les aristocrates à la lanterne ». Là encore, nous entendons d’ici la prédication du Guide Suprême : « Quelle leçon d’humanisme pourrions-nous donc attendre de ces gens-là, de ces chiens de chrétiens, nous qui nous nous sommes bien gardés de couper le cou à nos tyrans d’hier ! Le Shah a gardé sa tête sur ses épaules et la shahbanou la sienne (Charmante, sa tête, d’ailleurs) ! Et ces impies se font une gloire d’être allés aussi loin dans la fureur révolutionnaire ! Au moment où ils reçoivent la terre entière, ils se glorifient de ces horreurs. Les barbares, mes frères, ce sont eux. Les barbares ce sont ces mécréants honnis. Ils sont devenus fous, ils ont perdu le sens commun. À croire, les voyant encenser à ce point les chanteuses à barbe, les asexués, les désexués, les pansexués de toute espèce, qu’ils n’ont d’autre idéal pour leur jeunesse que de la voir s’engouffrer en masse dans ces travers. « Tu seras drag-queen mon fils ! », voilà sans doute désormais toute la noble ambition qu’ils ont pour leurs enfants. Réjouissons-nous. Le fruit était mûr, le voilà pourri. Un coup de vent, il tombe. Contentons-nous d’être ce coup de zéphyr. Comme ils disent chez eux : «  La messe est dite ». »

Les concepteurs et organisateurs de la cérémonie de référence souhaitaient tendre à l’universalité. Ils y ont réussi, on le constate. Applaudissons !

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Blasphème!

L’épiscopat français a dénoncé une “outrance”! Lors de la cérémonie d’ouverture des JO, la DJ obèse entourée de drag-queens, Leslie Barbara Butch, représentait-elle Jésus, avec son auréole dorée ? La polémique fait rage depuis ce weekend. Thomas Jolly, le metteur en scène, déclare maintenant que son inspiration ne venait pas de la Cène biblique… mais de Dionysos, dieu de la fête et du vin. Quoi qu’il en soit, les chrétiens ont tort de se montrer outrés devant cette fausse transgression woke. Et voici pourquoi.


Il est parfaitement normal de se moquer du christianisme. C’est même banal, pour ne pas dire cliché, ennuyeux, insignifiant. Tout comme il est désormais banal de ne se moquer que du christianisme, mais ça, en revanche, ce n’est pas normal.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, le monde entier a reconnu une parodie de la Cène de Léonard de Vinci. Et ceux qui nous disent depuis « mais non, ha, ha, c’était le Festin des Dieux de Jan van Bijlert, les gueux et les fachos n’ont rien compris » illustrent à merveille l’un des traits les moins sympathiques de l’esprit français, la suffisance ricanante des petits marquis poudrés tournant un brave valet en ridicule – référence pour référence, je rappelle à ces beaux esprits que dans la tradition du théâtre français, c’est le valet qui finit par gagner.

Polémique sur l’œuvre parodiée

D’ailleurs, même des acteurs de cette scène ont dit avoir joué la Cène, y compris l’actrice principale, et l’un des co-auteurs de la cérémonie au moins semble partager leur avis. Alors très franchement, si vous organisez un spectacle mondial et que personne ne comprend vos références, pas même vos collègues et vos acteurs, c’est que vous vous êtes planté. Ce qui n’est pas un crime, mais autant le reconnaître honnêtement. Le premier demi-habile venu peut taper « tableau évoquant une œuvre célèbre » sur Google pour s’inspirer du résultat, et lorsque tout le monde y reconnaîtra la référence initiale plutôt qu’une référence à une référence à la référence, s’exclamer « ho, ho, ils n’ont pas la ref’, c’est que ces patriotes en carton ignorent tout de la culture française qu’ils prétendent défendre, et toc, je suis vraiment le plus malin. »

Mais qu’importe, au fond. Le monde entier a pensé voir une parodie de la Cène, et a réagi à une parodie de la Cène. Ceux qui ont aimé comme ceux qui n’ont pas aimé, ceux qui en font l’éloge comme ceux qui condamnent. Même si ce n’était pas le but des organisateurs (et il est permis de rester sceptique), c’est donc une bonne occasion pour réfléchir à la question du blasphème.

Le droit de se moquer des religions, des dogmes, des tabous, en somme le droit au blasphème (on me permettra d’épargner au lecteur un long débat théologique sur ce qui est ou n’est pas précisément un blasphème), fait partie de ce dont la France peut être fière. Et qui, référence olympique et olympienne, nous vient de la Grèce Antique : le plus ancien texte connu de la littérature européenne, l’Iliade, se moque d’un dieu (Arès) et l’insulte (la fin du Chant V est un modèle du genre). Alors faire l’éloge du droit au blasphème lors d’une fresque sur la France, sa culture et son histoire, donner aux bigots du monde entier une petite leçon à la manière d’Homère, de François Villon, de Rabelais, des Mousquetaires provoquant Richelieu, de De Funès, d’Astérix, de Coluche et de Le Luron, c’est oui, un très grand oui, mille fois oui. Même si, et j’entends l’argument, il est permis de se dire que ce n’est pas le moment, et qu’inviter toute la planète chez nous à l’occasion des JO pour le plaisir de choquer l’écrasante majorité de nos invités n’est pas forcément faire honneur à notre culture.

Apologie du conformisme

Seulement, et dans tous les cas, ce n’est pas ce qui a été fait vendredi soir. Si telle était l’intention, parodier le christianisme avec des drag queens en apôtres et une femme obèse incarnant Jésus, et parodier seulement le christianisme, dans le Paris des bobos, des surmulots et des QR codes, ce n’est pas un éloge du blasphème mais une apologie du conformisme. Presque une figure imposée, sans originalité et surtout sans courage, servilement soumise aux orientations idéologiques du pouvoir en place. Et c’est encore plus convenu et insipide s’il s’agit d’une représentation post-moderne de l’Olympe : si Dionysos était bleu en référence à Shiva c’est bien vu, mais tout le reste fait pâle figure à côté de l’humour baroque d’Aristophane. Et si, comme l’affirme maintenant le metteur en scène, le but était « une cérémonie qui répare, qui réconcilie » (alors qu’il y a peu il déclarait que c’était un acte de « résistance » face au RN), force est de constater que c’est complètement raté : « réparer » la susceptibilité perpétuellement froissée des wokes n’est pas « réconcilier » les factions irréconciliables de la France, et encore moins du monde. Mais revenons au blasphème, source de la polémique si ce n’est de la scène/Cène/Seine.

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Faire l’éloge du blasphème, en France, en 2024, ce serait au minimum rendre hommage à Charlie Hebdo, à Samuel Paty et à Mila. Et si on veut de la créativité et de l’audace, casser les codes et réellement blasphémer, il faut faire comme Molière et tourner en dérision les idéologies en vogue au moment où on monte son spectacle. Un éloge du blasphème et de la liberté, aujourd’hui, c’est donc se moquer des migrants de François plutôt que du Christ de Léonard (ou de l’Apollon de Bijlert), c’est se moquer des Divines Valeurs de la Très Sainte République, des (néo)féministes, de l’éco-anxiété, de l’antiracisme, des lois mémorielles, de la soif de censure de Thierry Breton, des LGBTQI+, de la diversité et de l’inclusion. C’est OSS 117 et Gaspard Proust, c’est le livre de Dora Moutot et Marguerite Stern, c’est le collectif Némésis trollant les manifestations de gauche, et si on veut bien regarder ailleurs qu’en France, c’est Ricky Gervais et le film Lady Ballers (dont la bande-annonce à elle seule est une pépite). Ça, c’est transgressif.

Et ça peut être beau, la liberté et le blasphème, ça peut être élégant, ciselé, poétique. Ça peut être dans l’esprit des Jeux Olympiques, un élan vers l’excellence et la grandeur. Ici, François Sureau impérial rappelant que « il est des haines justes ». Ailleurs, les Iraniennes magnifiques, cheveux au vent, filles des héroïnes du Shahnameh défiant les hordes de Zahak. Ça peut être simple sans être vulgaire, comme quand des apostats de l’islam partagent de modestes photos de verres de vin et de plateaux de charcuterie, douceur de vivre et dignité des humbles.

Le triomphalisme de la gauche est ridicule : d’accord, vous vous êtes fait plaisir avec un grand spectacle à votre propre gloire financé par les impôts des petites gens. Vous avez exaspéré les réacs, et vous avez de quoi snober tous ces beaufs qui ne connaissaient même pas Bijlert, tu vois, ce célèèèèèbre artiste (dont vous-mêmes ignoriez l’existence), et ces ploucs qui croient encore qu’un plan cul à trois et un triangle amoureux ce n’est pas tout à fait la même chose. Bravo, félicitations, et repassez-vous la séquence « ah, ça ira, ça ira » quand vous ne comprendrez pas pourquoi le RN n’arrête pas de monter : le tiers-état contribuable vit souvent assez mal l’arrogance des privilégiés ultra-subventionnés, voyez-vous.

Mais certaines indignations de droite sont tout aussi ridicules : vous vous attendiez à quoi, franchement ? Critiquez, analysez, mais de grâce ne surjouez pas l’émotion. Et réjouissez-vous, le monde entier a vu qu’un artiste mélenchoniste et un historien déconstructeur disposant d’un budget colossal, malgré quelques moments vraiment réussis, n’arrivent pas à la cheville du Puy du Fou, de ses bénévoles et du roman national.

Et les réactions de l’Église sont un effarant coup contre son camp. Ne se moquer que du christianisme est facile, petit, mesquin, c’est entendu. On a néanmoins le droit, et heureusement, de se moquer du christianisme. Vous avez vu ou cru voir Jésus représenté par une DJ obèse, la belle affaire ! On nous explique maintenant qu’elle était censé incarner Apollon, comme s’il était moins grave de parodier un des dieux de Plutarque plutôt que le dieu de Torquemada. Mais est-ce vraiment l’essentiel ? Qu’il y ait eu un enfant au milieu des drag queens n’est-il pas une question un tantinet plus sérieuse ? L’Église passe son temps à encourager la dislocation de l’Europe dans le multiculturalisme : assumez maintenant, on reconnaît un arbre à ses fruits (Matthieu 7:15-20). N’oubliez pas qu’un peu partout la criminalisation du blasphème est avant tout une arme contre les chrétiens, et visant à faire taire ceux qui osent dénoncer ce au nom de quoi les chrétiens sont persécutés. Pensez à Asia Bibi, et évitez de hurler avec les foules haineuses qui voulaient la mettre à mort en la traitant de blasphématrice. Pensez à ceux qui, aujourd’hui, en France, apostasient l’islam pour se convertir au christianisme et subissent pressions, harcèlement, menaces, violences. Défendre leur liberté de proclamer leur foi alors que cela choque leur communauté d’origine, c’est aussi défendre la liberté de Thomas Jolly et Philippe Katerine de vous choquer avec leur mise en scène de Jésus/Apollon et Dionysos/Shiva.

Et c’est aussi, évidemment, défendre notre liberté de dire que nous n’avons pas aimé ce spectacle, et n’en déplaise à l’Arcom, que nous allons continuer à blasphémer contre la gauche, ses tabous et ses idoles.

Patrick Eudeline, le rock à l’âme

Eudeline est un perfectionniste : ses fans ont attendu près de vingt ans la sortie de son nouvel album. Comme avant est enfin dans les bacs ! Rencontre avec ce dandy inclassable, cet esthète d’un autre temps qui cultive comme personne la réac n’roll attitude.


C’est devant Le Motel (Paris 11e, passage Josset) que je retrouve, ou plutôt rencontre Patrick Eudeline. Un ami est déjà sur les lieux, armé de son appareil photo. Au loin, je les aperçois ensemble. M’approchant, je découvre la petite silhouette désarticulée qui se contorsionne face à l’objectif de Quentin. Accrochées sur ce squelette comme au bout d’une falaise fatiguée : de belles et longues mains expressionnistes.

Un pro !

Je les rejoins, me présente, salue Eudeline : ses cheveux longs et fins sont plaqués en arrière avec du gel, le visage marqué et griffé d’un doux sourire me renvoie à mille souvenirs de papier glacé. L’homme est charmant, immédiatement ; d’une courtoisie et d’une politesse qui détonnent avec l’image que l’on pourrait s’en faire, dans cette tenue toujours impeccable de dandy de cuir portant le foulard comme personne.

Quentin le photographie sous tous les angles, lui demande de bouger une main, de croiser ses jambes, de montrer ses bottes, d’enlever ses Ray-Ban Aviator malgré les réticences du modèle (« Pas trop longtemps non plus ! »). Chaque geste, chaque pose semble juste et personnel : nous avons affaire à un professionnel (« Il faut dire que ça commence à faire longtemps »).

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Nous entrons dans Le Motel, la séance photo se prolonge. « Baissez un peu votre menton plutôt, oui, oui, comme ça, voilà ! Très bien ! » Eudeline a l’air d’un docile enfant de 10 ans aux attitudes précieuses et étudiées. Un enfant de 10 ans qui aurait usé de substances à haute dose pendant quelques décennies. Son arrivée a instantanément changé quelque chose à l’atmosphère du bar ; les regards se tournent vers ce physique extraordinaire et bien connu. Je lui demande ce qu’il veut boire : « Un Coca-Cola ! » me répond-il.

Nous nous installons à une table ronde, face à face. L’entretien commence : « Patrick, ton album s’appelle Comme avant : alors, le rock n’roll, musique réactionnaire ? » La machine se met en marche, sans mal. Il est bavard, ses phrases sont agiles, la passion est là, les souvenirs se déploient, le dégoût du présent le stimule : « Il suffit de regarder la gueule des paquets de cigarettes de nos jours pour être réactionnaire. » Sa voix est faible, cassée. (« J’ai répété hier, il va falloir que je me repose. ») Il regarde dédaigneusement le Breizh Cola posé sur la table : « Je ne suis pas sûr que ça dynamise comme le vrai Coca, mais ce n’est pas grave, passons… » Il boit une gorgée et développe : « Être réactionnaire au temps de Georges Pompidou et l’être aujourd’hui n’a plus le même sens. Aujourd’hui, il y a des choses qui me hérissent politiquement, dans l’art et j’en passe, qui devraient hérisser toute personne normalement constituée. »

Quand je parle, il s’approche de mon visage comme pour attraper les mots qui sortent de ma bouche. Je le regarde, naviguant en moi-même : je pense à ses articles dans les Rock & Folk que je volais à mon frère à 14 ans, à Johnny Thunders, à cet ancien combattant de la guerre des vices qui est là devant moi, se livrant avec plaisir dans une conversation où il a l’extrême grâce d’être aussi attentif à mes propos que je le suis aux siens. Quentin tourne autour de nous comme un danseur qui valserait sans bruit en attrapant des images au vol.

De gauche à droite

Celui qui était le rock critic le plus célèbre de France (avec son ami Philippe Manœuvre) est aujourd’hui black-listé. Il écrit maintenant le plus souvent pour des journaux marqués à droite. « Causeur est le seul magazine que j’achète. C’est excellent, j’y apprends toujours des choses ! » Il continue : « De toute façon, si je voulais de nouveau travailler à Libération, comme je l’ai fait dans les années 1980, ce serait impossible, ils ne voudraient plus de moi : ma réputation, mon image grotesque de Zemmour du rock m’ont condamné à ne plus pouvoir travailler avec ces gens. Mais si je leur dis, citez-moi une seule phrase que j’ai écrite que vous trouvez intolérable, ils ne trouveront rien à dire ! Il n’y a évidemment rien de raciste, d’homophobe, ou de je ne sais quoi chez moi. » Il conclut, imparable : « Tout est mal interprété, mal compris. Les valeurs se sont inversées sans que beaucoup ne le remarquent : la tolérance, la liberté, la haine de la censure, toutes ces idées qui étaient traditionnellement de gauche sont passées à droite. »

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Nous en venons à ce pour quoi nous sommes face à face (du moins, je crois) : son album. Cela fait des années qu’il travaille dessus : peut-on le croire ? Oui, on peut. Doit-on le croire ? Non. Il n’est pas tout à fait certain qu’Eudeline ait travaillé sur ces dix titres depuis presque vingt ans (dix-huit années, pour être précis, nous séparent de son précédent album Mauvaise étoile). Peu importe. Il a tout fait lui-même, de la moindre grosse caisse jusqu’au mastering. (« Ça n’existe pas la création collective. ») Ce disque, à la fois infiniment touchant et superbement inactuel, est un vaisseau fantôme d’une singularité si forte qu’il désarme la moindre envie de reproche (on pourrait dire la même chose d’Eudeline lui-même).

Lorsque l’on tente de parler d’avenir, il est dubitatif : l’idée de futur lui est étrangère. Plus encore à propos du rock n’roll : « Il peut y avoir des personnalités et des artistes intéressants qui émergent mais culturellement, l’énergie n’est plus suffisante pour qu’un tel mouvement d’ampleur perdure : il vivote grâce au capitalisme qui a récupéré le rock, le punk, mais musicalement c’est un mort-vivant. »

Eudeline, lui, au travers d’une vie boiteuse et passionnée, reste une figure culte de cet ouragan qu’a été le rock n’roll. Le voir, le rencontrer, c’est ne pas oublier qu’un monde d’avant a existé ; c’est avoir devant les yeux une relique d’un temps perdu qui devrait faire honte, par sa liberté et sa verve, aux êtres nouveaux qui, si leur santé est fière, sont pour beaucoup séniles par leur crétinisme et leur conformisme. Alors, souhaitons à Eudeline de passer les tempêtes et de continuer comme avant.

À écouter

Patrick Eudeline, Comme avant, Deviation Records, 2024.

La décadence comme identité?

Sur les eaux de la Seine, sur six kilomètres, la France a étalé ses festivités dans une ambiance assez décadente, le premier jour des Jeux olympiques. C’est le constat accablé que fait Driss Ghali, après la cérémonie d’ouverture à Paris.


Il paraît que critiquer la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques fait de vous un facho. Eh bien, moi je dis qu’il vaut mieux se tenir debout que faire allégeance à la laideur et à la subversion ! Qu’il vaut mieux être fidèle à l’identité française que s’agenouiller devant des hommes en slip ou des femmes portant une barbe jaune. Autrement dit, que l’avis de l’opinion majoritaire à Paris intramuros doit nous importer peu. Et qu’avant-hier encore, il a été prouvé qu’il s’agit d’une boussole qui indique le sud.

Allégeance au lobby LGBT

Sur les eaux de la Seine, sur une longueur de six kilomètres, la France a étalé sa décadence. Une décadence devenue identité. Aujourd’hui et aux yeux des élites hexagonales qui ont tellement désiré ces Jeux et voulu cette cérémonie d’ouverture en plein air, aux yeux de ces élites donc, être français en 2024 revient à faire allégeance au lobby LGBT et à la promiscuité sexuelle. Être français à leurs yeux, c’est être un homme qui embrasse un autre homme, un homme qui participe d’un ménage à trois, un transformiste (moche en plus) qui singe le Christ et ses compagnons. Être français, selon les classes dirigeantes, c’est célébrer la décapitation de Marie-Antoinette et profaner son cadavre. 

Totale subversion de l’identité française. La France est une femme, pas un trans. La France est une femme délicate et sophistiquée, pas un Schtroumpf à poil. La France est une femme audacieuse qui aime et qui rend fou ; elle rend fou d’amour, pas de dégoût. Elle sent bon, elle est bien coiffée, elle peut être blanche ou noire, mais elle est belle et harmonieuse.  

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Parlons des noirs justement. Pensez-vous que nos amis du Sahel ont apprécié ce show LGBTQIA+ ? Vont-ils retrouver dans cet étalage de l’inconscient collectif de nos chefs une raison de nous aimer et de nous demander de rester à Bamako, Dakar et Niamey ? Vont-ils croire que notre armée, à l’image de la Garde républicaine réduite vendredi à une troupe dansante, est capable de les protéger contre Al-Qaïda ?

Parlons aussi des noirs qui vivent en France, des Arabes, des Tchétchènes et des Afghans, chéris par la gentille maire de Paris. Vont-ils s’assimiler à une culture où un homme embrasse un autre ? Bien sûr qu’il y a des homos venus d’Afrique et du monde arabe, bien entendu qu’ils méritent respect et dignité, mais ils n’ont jamais demandé à ce que la culture nationale se résume au « cul ». Personne ne veut s’assimiler à un carnaval, personne ne veut vivre dans une maison close. Les gens ont besoin de protection et ils croient la trouver dans les cultures où les valeurs cardinales sont la puissance et le travail. 

On se rapproche de ce qui enchante, pas de ce qui fait honte

Personne ne veut s’assimiler à la laideur. Les gens s’assimilent à ce qui les fascine. On se rapproche de ce qui enchante, pas de ce qui fait honte. Alors, il y a eu des moments de beauté dans cette cérémonie (le ballon dans le Trocadéro, le passage de Céline Dion) mais ils ont été placés sous le haut patronage de la décadence. On a d’abord exhibé le crâne de Marie-Antoinette avant d’entendre Céline Dion. C’est un peu comme si Daesh faisait chanter Oum Kaltoum après avoir brûlé vif un prisonnier chrétien !

Avant-hier sur les bords de la Seine a été criée la vérité de ce pays. Il va mal ! Il va très mal ! et sa crise est d’abord morale, esthétique et mentale ! On comprend pourquoi tout s’effondre – l’économie, la sécurité, la diplomatie, la politique – quand on comprend à quelle source d’eau trouble boivent nos élites !

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Enfin, et pour être tout à fait juste, il faudrait ajouter que les élites ne sont pas les seules coupables de cet empoisonnement collectif. Une partie du peuple leur emboîte le pas. En effet, une partie du peuple français est plus fidèle à la Révolution de 1789 qu’à la France elle-même. Sa patrie c’est Robespierre et seulement Robespierre.

La France est divisée en deux. D’un côté, le parti de la Révolution et de l’autre, le parti de la France. Et ce parti de la Révolution, composé des élites et d’une partie du peuple, a faim de destruction et de chamboulement. Il n’est pas rassasié du sang de Marie-Antoinette. Il veut la peau de la France. Et il fera tout pour l’annuler et l’effacer pour la remplacer par le « monde ». Et cela veut dire la promotion de la diversité poussée jusqu’au remplacement démographique, les emprunts à la culture américaine érigés en culture nationale, la délinquance étrangère instituée en circonstance incontournable de la vie en France. 

La France est malade de cette guerre civile qui n’en finit pas. Elle est malade de Paris. Elle est malade de son universalisme fondé sur le vide.  

Ce n’est pas la France que ma mère m’a fait aimer lorsqu’elle m’enseigna le Français comme on dévoile un secret merveilleux à un être cher. Ce n’est pas la France que Lyautey a incarnée si admirablement au Maroc. Ce n’est pas la France que Léopold Sédar Senghor a assimilé au plus profond de son être. Ce n’est pas la France que l’Emir Abdelkader a chérie après l’avoir longtemps et si héroïquement combattue. Et dire que le Paris de ces années-là était un « bordel » de classe mondiale. La différence avec aujourd’hui est peut-être qu’une fois la braguette remontée, les hommes se consacraient à leur mission véritable : assurer la grandeur de leur pays…

Louis XVIII et les femmes

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Episode 5 : La nièce…


Relire le premier épisode; le 2e épisode; le 3e épisode; le 4e épisode

Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. A Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…

Les femmes de Louis XVIII

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Longtemps souverain sans trône, le frère du roi martyr n’offrait pas dans son exil anglais, c’est le moins qu’on puisse dire, une physionomie majestueuse : goutteux au point de ne pouvoir s’asseoir à table et de ne se déplacer qu’en chaise, gras comme un dindon, c’est un homme sur le déclin que retrouve sa nièce Marie-Thérèse Charlotte de France, la seule rescapée du Temple après l’assassinat de ses royaux parents.

Elle ne l’a pas revu depuis 1791. Le futur Louis XVIII avait surveillé de près les grossesses de sa belle-sœur. La naissance, en 1778, de celle qu’on appelle aussitôt « Madame Royale » « n’ôte pas au comte de Provence son statut d’héritier du trône, mais la fécondité du couple royal vient sérieusement amenuiser ses espoirs de régner ». La Révolution bouleverse la vie de cette princesse « pleine de morgue », prise en otage dans la double propagande royaliste et révolutionnaire, bientôt incarcérée au Temple avec ses parents, son frère et sa tante, et devenue « citoyenne Capet » : son journal rendra compte des derniers instants de sa famille, de sa longue captivité, puis de la mort prématurée de son phtisique petit frère (le dauphin Louis XVII), en 1795. Louis XVIII va utiliser les malheurs de sa nièce pour légitimer la dynastie Bourbon : enjeu politique, la survivante libérée par la Convention entame une longue errance de Vienne à Varsovie en passant par Mittau, en Courlande, et jusqu’en Angleterre. Devenue un atout pour Louis XVIII, qui la marie avec le duc d’Angoulême (le fils de son frère et futur Charles X), l’orpheline du Temple, à nouveau exilée sous l’Empire, sera associée par son oncle « friand de mythologue et d’allégories compliquées »  à la tragédie d’Antigone : exit Napoléon, Louis XVIII fait de la duchesse d’Angoulême l’ « éternelle victime expiatoire de la Révolution (…), vestale veillant le feu de la monarchie ». Stérile, la presque reine se voit éclipsée par son mari, devenu dauphin de France en 1824 lorsque s’éteint l’oncle Louis et que Charles X accède au trône à son tour. Nouvel exil en 1830, définitif cette fois, ultime étape d’un long chemin de croix dont Chateaubriand se plaira à rappeler le pathétique.

Elle trépasse en 1851 : « dans la mort, la duchesse d’Angoulême et Madame Royale finissent par se rejoindre (…), ne formant plus qu’une seule somme de malheur ». Pareil à lui-même, Louis XVIII n’aura jamais cessé d’instrumentaliser le prestige conféré par les souffrances de sa famille.

Chasseur de magazines

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Notre chroniqueur ouvre ses boîtes à souvenirs durant tout l’été. Livre, film, pièce de théâtre, journaux, BD, disque, objet, il nous fait partager ses coups de cœur « dissidents ». Pour ce dimanche, il a choisi de nous parler de la presse magazine française. Il a beaucoup fouillé dans ses archives personnelles et déniché quelques pépites (interview, reportage, enquête, etc…) dans 20 ans, l’Echo des Savanes, Lui, Elle ou le mensuel A Suivre


Je suis tombé dans le papier, très tôt. J’en ai même fait mon métier. À vrai dire, j’aime autant la presse en kiosque que la « grande » littérature. La lecture des magazines dit de loisirs aura guidé toute ma jeunesse provinciale. Je suis venu aux Hussards, aux surréalistes et aux futuristes par l’entremise de revues récréatives. J’ai appris à écrire dans Bicross Magazine, Tennis de France et Moto Verte. On ne guérit jamais de cette enfance avec papier glacé, la tête penchée sur la presse spécialisée. 

La politique et la marche du monde ne m’intéressent que si elles sont maquettées entre l’essai d’une voiture de sport et une collection de maillots de bain. J’ai toujours préféré le superficiel à l’existentialisme des rédactions parisiennes. L’actualité est d’un ennui mortel. Par contre, se replonger dans les magazines datant des années 1970/1980 est aussi salutaire qu’épousseter les résidences secondaires au début du printemps. On s’aère l’esprit, on se libère, on apprend mille choses et on s’amuse franchement. 

A ne pas manquer, notre numéro de l’été: Causeur 125: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Dans des titres considérés comme ineptes par les gens sérieux, on est fasciné par leur richesse de contenu, la pertinence de leurs interviews et une fraîcheur qui semble avoir disparu de nos médias militarisés. Se divertir n’est pas un crime. Qui pourrait croire que dans 20 ans, entre un reportage sur l’orgasme masculin et une sélection de « pulls tout pulpeux », on tombe sur une interview folle de Véronique Sanson d’octobre 1972 ? La journaliste l’interroge sur les prénoms. La chanteuse répond : « Pour moi, les gens ressemblent à leurs prénoms. Il y a les Martine, par exemple, des garces. Elles se ressemblent toutes. Petites bourgeoises qui ne pensent qu’à se faire épouser et à avoir des gosses. Oh… et puis les Marie-Dominique, pleines de boutons, brunasses et toujours à faire des coups en-dessous. Dans les restaurants, j’imagine le prénom des gens, et leur vie. On se trompe rarement, c’est marrant… ». On aime Véronique pour cette dinguerie-là. Un an auparavant, toujours dans 20 ans (numéro d’août 1971), le regretté Wolinski mettait les points sur les « i » et faisait la leçon aux donneurs de morale qui l’accusaient de récupération politique car le dessinateur officiait en même temps au Journal du Dimanche et à Charlie Hebdo. Sa réponse était sans appel : « Si j’accepte de travailler dans un journal de grande diffusion, c’est d’abord parce que je veux gagner assez d’argent pour vivre correctement en élevant mes enfants, ensuite parce que les dessins qui paraissent dans certaines publications ultra-politisées et confidentielles ne s’adressent qu’à des gens déjà convertis. La « grande presse » touche la masse, et c’est au moins aussi intéressant qu’une prétendue élite intellectuelle de gauche qui se veut pure mais se trouve mal placée pour donner des leçons ». Voilà, c’est envoyé ! 

La presse magazine d’alors, contrairement à celle d’aujourd’hui, cherchait le contre-pied, et non l’asservissement aux mêmes idées. Dans Elle du 6 juillet 1981, Monica Vitti opérait un tournant stratégique dans sa carrière, à 44 ans, se détachant ainsi des rôles sensuels et dramatiques qui lui collaient à la peau. Elle revendiquait le nez rouge comme sa vocation avouant qu’elle avait eu « son premier succès involontaire » au théâtre, à l’adolescence : « Pour un rôle que je croyais profondément dramatique ; eh bien, toute la salle s’est écroulée de rire ! J’étais très vexée. Aujourd’hui, c’est ce que je veux, les rires du public ». On ne sacralisait pas tellement le cinéma comme le prouve l’entretien hilarant accordé à Martin Veyron en 1985 dans L’Echo des Savanes pour l’adaptation de sa BD L’Amour propre au cinéma. L’intervieweur s’étonne que Claude Zidi, le producteur, lui ait confié la réalisation alors qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un plateau. « Vous savez, la production payait directement les techniciens, les comédiens, il n’y avait aucun risque que je dépense les sous avec des filles ou au bistrot » rétorquait-il, aussi désabusé que Bernard Lermite, son double de papier. 

A lire aussi, du même auteur: Alors, on lit quoi cet été ?

Dans le mensuel A Suivre dédié à l’illustration en 1978, Hergé, le créateur de Tintin, évoquait ses goûts littéraires à François Rivière. Celui qui fut un grand lecteur de Balzac, Flaubert, Stendhal, Dostoïevski et Dickens avait évolué. En 1978, « il y a quelque chose de décisif, c’est la psychologie des profondeurs de Jung. Lui m’a orienté vers les philosophies qui ne sont pas seulement des idées et des mots, mais que je ressens dans tout mon être » disait-il. De toutes mes collections, j’ai un faible pour les Lui avec Sophie Favier nue en relief mais surtout pour les confidences de star. En 1986, Irène Blanc avait passé trois jours avec Chaban « pressenti » comme Premier ministre de la cohabitation qui donnait une définition (de normand) du gaullisme : « Le gaullisme n’envisage pas la vie sans liberté mais pas non plus la liberté sans justice sociale […] Si le tout-Etat est inacceptable et finalement meurtrier, le sans-Etat est destructeur ». Sardou, en janvier 1983, était plus direct sur son rôle d’homme public : « Je n’aime pas la foule, j’ai même horreur de la foule. Je suis à l’envers de ce que je fais. […] Dans ce métier, on est toujours en représentation, on fait gaffe à ne pas grossir, on fait gaffe à être aimable, on fait gaffe à tout. Et moi, il y a des moments où j’ai pas envie de faire gaffe ! ». Vive les vieux journaux !

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Viva Nakamura

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Le scientifique américain d'origine japonaise Shuji Nakamura, prix Nobel de physique, 2014, Santa Barbara © Jae C. Hong/AP/SIPA

Les LED constituent une véritable révolution technologique qui est trop peu commentée.


Opprobre jetée sur les mangeurs de viande, flygskam1, réduction de la vitesse sur autoroute2, encouragement à se nourrir d’insectes3, quasi-interdiction du pavillon avec jardin : la décroissance que nos dirigeants nous infligent au nom de l’écologie, d’autant plus violente qu’elle ne dit pas son nom et qu’elle a contourné tous les circuits décisionnels démocratiques4, est sans doute bien moins efficace que l’innovation technologique pour répondre aux défis environnementaux.

Ainsi, au pays de Descartes et de Pasteur, le nom de Nakamura devrait spontanément évoquer Shuji Nakamura, récipiendaire (conjointement avec deux autres chercheurs) du prix Nobel de physique 2014 pour l’invention de la LED bleue. Anecdotique ? Non, révolutionnaire ! En effet, auparavant les LED (Diodes Electro Luminescentes) se cantonnaient aux couleurs rouge, verte et jaune, et à des applications limitées : témoins de fonctionnement, écrans des radio-réveil ou de calculatrices notamment. Avec l’ajout de la couleur bleue, les LED peuvent désormais produire la lumière blanche utilisée pour éclairer (et également le lancement des disques Blu-Ray !), et vont connaître un développement spectaculaire qui se poursuit encore aujourd’hui. 

Ainsi la bonne vielle ampoule à incandescence de 100W est devenue une LED de 10W (voire 5W pour certains modèles) : une réduction de 90% à 95% de la consommation d’électricité !  La durée de vie a également spectaculairement augmenté (jusqu’à 50 000h, soit 45 ans à raison de 3h par jour). Les LED restituent une lumière de plus en plus qualitative (faible scintillement, rendu de couleurs élevé, choix de l’éclairage…)5, et ne contiennent que peu voire pas de métaux rares, le tout pour des prix en baisse constante. Bref les LED nous offrent un exemple de progrès technologique rapide et sans compromis (à l’image des semi-conducteurs dont elles se rapprochent par les procédés de production, l’intensité de l’effort de R&D et les cycles de progrès très rapides). 

A lire aussi: Déficits: ce qui attend à la rentrée un éventuel “gouvernement technique”

Au niveau macro, cette nouvelle technologie a des répercussions significatives sur le réseau électrique français : réduction de la consommation d’électricité estimée à 25 TWh/an6 (environ 5% de la consommation française) et baisse de 3 GW du pic d’appel de puissance électrique7 – l’équivalent de deux réacteurs nucléaires qui n’auront pas besoin d’être construits. Des effets d’autant plus intéressants pour l’environnement qu’ils ont lieu principalement la nuit, lorsque la production solaire est minimale (merci M. de La Palisse) : l’électricité économisée est statistiquement celle qui aurait été la plus carbonée (issue de centrales à gaz ou à charbon via des importations allemandes). 

Par ailleurs, dans les régions non connectées à des réseaux électriques (Asie et Afrique principalement), les LED permettent, grâce à leur ultra-faible consommation, de déployer massivement des solutions autonomes associant panneau solaire, batterie et LED, qui permettent d’immenses progrès sociaux (les enfants peuvent faire leurs devoirs ou lire le soir, les villages peuvent être éclairés…).

Les LED illustrent donc de façon exemplaire les trois axes du développement durable : l’environnement, le social et l’économie. 

Il est intéressant de noter que cette révolution technologique qui se passe sous nos yeux est très peu commentée – parce qu’elle se déroule loin des laboratoires européens ? Ou parce que, comme pour les crises, le propre des révolutions serait qu’elles sont largement incompréhensibles pour leurs contemporains ? Jean Fourastié remarquait déjà dans ses Trente Glorieuses que la croissance économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, sans doute un des changements les plus extraordinaires qu’ait connu l’humanité, était largement ignorée des historiens et économistes.

Alors que certains appellent à la grève de l’école et du savoir, que d’autres attendent le salut de l’empilement de réglementations soviétoïdo-bruxelloïdes (taxonomie, CSRD, MACF, RSE, DPE, ZFE, ZAN & Co.), saluons Nakamura et tous ceux qui ont choisi la voie du travail, de l’imagination et de la science pour faire émerger des réponses pertinentes aux défis du tournant énergétique.


  1. Honte de prendre l’avion, du suédois flyg pour avion et skam pour déshonneur. ↩︎
  2. Grâce aux gilets jaunes le sujet de la réduction de la vitesse sur autoroute à 110 km/h a été mis en veille, néanmoins cette limite s’applique déjà aux véhicules de la fonction publique (hors armée). ↩︎
  3. L’UE a déjà autorisé quatre insectes pour l’alimentation humaine. ↩︎
  4. Ainsi par exemple via la caricaturale parodie de démocratie qu’a été la Convention citoyenne pour le climat. ↩︎
  5. Attention cependant à bien choisir des LED respectant les normes européennes. ↩︎
  6. Bilan prévisionnel 2023 RTE, Annexes Consommation : réduction de la consommation de 10 TWh/an entre 2010 et 2020 (p26) puis de 15 TWh/an d’ici à 2035 (p27). ↩︎
  7. Bilan prévisionnel 2021 RTE, Annexes Techniques : l’appel de puissance de l’éclairage passerait de  plus de 5 GW en 2019 à 2 GW en 2030 (p112). ↩︎

Cérémonie d’ouverture à Paris: la grandeur malgré tout

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L'équipe artistique de la cérémonie d'ouverture des JO avec Tony Estanguet, 19 juillet 2024 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Depuis 48 heures, conservateurs et progressistes s’opposent sur une seule question: la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques était-elle réussie ? Et vous, chers lecteurs de Causeur, qu’en avez-vous vraiment pensé ?


Il a fallu attendre un siècle avant que les Jeux Olympiques d’été ne daignent revenir dans le pays qui les a vus naître dans leur version moderne. Une longue patience qui s’est trouvée récompensée après plusieurs tentatives infructueuses. Pierre de Coubertin peut désormais se réjouir, la plus grande compétition sportive mondiale est enfin de retour dans la plus belle ville du monde. La cérémonie d’ouverture pensée par Thomas Jolly était donc particulièrement attendue. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’aura pas laissé indifférent…

Just do it

« Merci à Thomas Jolly et son génie créatif pour cette cérémonie grandiose. Merci aux artistes pour ce moment unique et magique », a écrit Emmanuel Macron sur son compte X, remerciant également les « forces de l’ordre et de secours », « agents et bénévoles ». « On en reparlera dans 100 ans ! ON L’A FAIT ! », a-t-il poursuivi. « Un immense bravo à Thomas Jolly et à tous les artistes et techniciens pour leur savoir-faire et leur talent extraordinaires. […] Quelle fierté quand la France parle au monde », a dit Manuel Bompard (LFI). Une réaction contrastant avec celle de… Jean-Luc Mélenchon, lequel a dénoncé la parodie de la Cène qu’il a jugée offensante pour les chrétiens, de même que le passage où Marie-Antoinette apparaissait la tête coupée. Il aurait préféré Louis XVI à la place. Julien Aubert (ancien député Les Républicains) a dénoncé de son côté « un défilé olympique ayanakamuresque, wokiste, où le sport a été invisibilisé par des messages politiques et sociétaux qui n’y avaient pas sa place ». De la même manière que Julien Odoul (RN), choqué par la présence d’Aya Nakamura avec la Garde républicaine, ou encore Marion Maréchal (ex-Reconquête) qui a fustigé « les Marie-Antoinette décapitées, le trouple qui s’embrasse, des drag-queens, l’humiliation de la Garde républicaine obligée de danser sur du Aya Nakamura, la laideur générale des costumes et des chorégraphies ».

Ob-Seine, du gênant au géant

La presse internationale a oscillé entre enthousiasme et dégoût, et aussi en fonction de la couleur politique des titres des journaux. Le meilleur résumé de la cérémonie est peut-être celui du Corriere della Sera de Milan : « Plus Édith Piaf que Napoléon. Plus Vénus que Mars. Des chansons d’amour, des films qui finissent bien. Couleur dominante, le rose. La sororité s’ajoute à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. On ne voit pas la statue de Jeanne d’Arc, mais plutôt celle de Louise Michel, héroïne de la Commune, avec une Marianne noire chantant la Marseillaise […] Paris a présenté au monde une version adoucie, irénique et idéalisée de son histoire. Une performance d’art contemporain : tantôt on semblait être à la Biennale, tantôt lors d’une gay pride, tantôt encore à un défilé de mode. »

Un succès opérationnel : médaille d’or pour les forces de sécurité

Le premier succès de cette cérémonie d’ouverture est celui des forces de sécurité. Alors que de nombreux observateurs s’indignaient, jugeant irresponsable d’organiser un tel évènement en ville, a fortiori sur la Seine, à l’image d’Alain Bauer qui tout juste deux ans en arrière estimait la chose « impossible » et trop risquée, tout s’est parfaitement déroulé sans un seul incident à déplorer. Un exploit. Nos policiers, gendarmes, militaires, pompiers, bénévoles, organisateurs et travailleurs de l’ombre méritent une médaille du plus beau métal. Ils ont sauvé un pays et une ville attaqués de toutes parts par des forces malignes qui espéraient un fiasco.

D’ailleurs, la journée avait très mal commencé avec de multiples sabotages qui ont gravement entravé la circulation des trains à grande vitesse et décalé les voyages de 800 000 passagers de la SNCF. Pis encore, le climat s’en est mêlé. Toutatis a fait tomber le ciel sur la tête des Gaulois réfractaires pour « gâcher » la fête en mondovision. Las, si la pluie a sûrement eu une incidence sur le rythme de la cérémonie et gâté quelques tableaux, elle n’a au fond que peu perturbé le spectacle sur le plan technique.

La laideur et la grandeur peuvent-elles longtemps cohabiter ?

Que retenir donc de cette cérémonie ? Les Français font toujours ressortir le pire et le meilleur… et ils sont les meilleurs dans les deux exercices. Cette longue cérémonie aura donc offert deux visages bien distincts. Le premier prenait les traits de la grandeur classique, montrant au monde les trésors d’inventivité et de génie dont les Français peuvent, quand ils sont inspirés, se montrer capables. Innovante et ambitieuse, convoquant l’artisanat du luxe avec Notre Dame et LVMH ou les Gobelins avec les Minions, la cérémonie d’ouverture a voulu brasser de multiples influences servies par d’immenses vedettes françaises et internationales. Citons notamment Lady Gaga ou Gojira, groupe français de heavy métal particulièrement remarqué qui a offert un concert perché sur les fenêtres de la Conciergerie en forme d’hommage aux victimes du Bataclan.

La cérémonie d’ouverture s’est en réalité déclinée en trois parties. Une première correcte convoquant les clichés du Paris chic et kitsch, décrivant un pays flirtant avec le libertinage, où le french cancan et le glamour servent d’horizons aux grandes dames de ce monde. C’est un peu réducteur, mais ce Paris plaît à l’étranger. Du reste, ces jeux sont d’abord et avant tout parisiens. Malgré quelques défauts de rythme, l’ensemble n’était pas outrageant ni particulièrement innovant. Il s’est néanmoins conclu par une première petite polémique avec la mise en scène d’une Marie-Antoinette tenant dans ses mains sa tête décapitée et chantant « Ah, ça ira ! ».

Quoique bien réalisé, ce tableau a pu heurter certaines consciences. Plus « adolescente » que véritablement animée de l’intention de nuire, l’idée du gore était sûrement inadaptée à un spectacle grand public en mondovision. Surtout qu’elle ne fut pas compensée par une note déplorant ce qui fut un crime politique dont les motifs étaient misogynes et xénophobes, mais aussi basés sur des « mensonges », soit ces fausses informations et préjugés que dénoncent pourtant à cor et à cri les progressistes contemporains. La chose eut pu être parfaite avec un peu plus de discernement.

La deuxième partie bascula non pas dans le gore mais dans la laideur la plus grotesque par moments. Sorte de bacchanale dionysiaque à une époque qui aurait besoin d’ordre apollinien, ce segment a fait la part belle aux diversités dites « LGBT », offrant notamment plus d’une vingtaine de minutes de drag-queens, de femmes à barbe et de transformistes, lors d’un défilé assez malsain qui était non seulement trop long, mais aussi inutile et mal réalisé. Le tout donnait parfois des airs de fins de mariage, avec ses musiques discos passéistes et ses invités ivres d’eux-mêmes et de vin. Ce moment particulièrement pathétique aura servi aux ennemis de l’Occident les éléments de propagande qu’ils demandaient.

Des télévisions étrangères ont même dû couper ces passages. Ce nombrilisme hexagonal, ou plutôt parisianiste, est préjudiciable. La France n’est pas seule au monde. Cette prétendue « inclusivité » exclut en réalité bien des gens et bien des nations. Elle n’inclut que des minorités « visibles » complaisamment et caricaturalement mises en scène de manière monstrueuse au sens étymologique du terme. L’idée générale était de faire l’inverse d’une cérémonie nostalgique et passéiste. Soit, c’est louable. Mais l’excès inverse a souvent été atteint. À la ringardise des uns s’est opposé l’opiniâtreté « provoc » et passée de mode des autres, comme si les Jeux Olympiques étaient le champ d’expression d’une bataille idéologique… On me répondra Marivaux, tradition du Guignol ou Molière. Je rétorquerai que bien que j’apprécie les Contes de Canterbury de Pasolini et le Caligula de Tinto Brass, il ne me viendrait jamais à l’idée que ces films puissent être destinés à un public allant de 7 à 77 ans et convoquent l’intégralité des cultures de ce monde devant son écran. 

Un manque de discernement mais des coups d’éclat

Quel dommage ! Il était pourtant possible d’amener de la légèreté sans sombrer dans ce déballage de vulgarité provocatrice uniquement destiné à « choquer le bourgeois ». Un entresoi « wokiste » qui était exclusif d’une communauté arrogante et déconnectée. Le tout s’est conclu par un Philippe Katerine déguisé en Silène, moment lunaire mais amusant qui aurait pu être acceptable avec un peu de discernement et de goût. Mettre à l’honneur la mode et l’excès du cabaret n’était pas interdit, encore fallait-il le faire élégamment. Le dire semble pourtant un crime de lèse-olympisme. Est-il encore interdit de penser qu’une gay pride n’a pas sa place pour célébrer le sport ? Qu’il faut inviter aussi des enfants et des gens de peu ?

Heureusement, le troisième tiers aura montré une France assez sublime. Certes, cette cérémonie bling bling était parfois semblable à une succession de vignettes publicitaires piochant chez Jean-Paul Goude et Pierre et Gilles, omettant tout un pan de l’identité française, martiale et enracinée, mais elle avait aussi sa part de beauté qui a pu pousser au milieu de la boue mondialisée. L’idée de la déesse Sequana sur la Seine, du piano enflammé, les illuminations de la Tour Eiffel et bien sûr la Montgolfière resteront gravées longtemps dans les mémoires. Le grand final de Céline Dion était de même particulièrement émouvant et bien mis en scène. Par certains aspects, cette cérémonie surpassa toutes celles qui l’ont précédée : elle marquera son temps et a eu des moments de génie. Elle était vive, originale et orgiaque. Mais ses immenses qualités n’effaceront pas la gêne provoquée par ses défauts. Restent une belle organisation et des équipements fabuleux qui peuvent rendre très fiers les Français. Car, la beauté de la gloire historique de la France est visible partout dans des Jeux qui, en dehors de quelques épouvantables couacs, sont magnifiques, dévoilant un Paris sublimé porté par l’enthousiasme d’un peuple qui se réjouit enfin un peu après des mois de morosité.

Arles: gladiateurs, mémoire et festivités

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© Peplum

Arles à l’heure romaine…


Chaque mois d’août, l’espace d’une semaine (du 19 au 24 août pour l’édition 2024), les organisateurs de deux festivals arlésiens (« Arelate » et « Films Péplums ») conjuguent leurs passions et leurs talents, pour proposer au grand public une série d’animations, de reconstitutions, de rencontres et de projections dans des lieux exceptionnels de la commune afin de faire revivre le glorieux passé antique de cette grande cité touristique classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité, tout en programmant chaque soir un grand péplum sur écran (méga) géant (18 m x 10 m !) dans le magnifique Théâtre antique de l’ancienne Préfecture des Gaules. Suivez le guide.

Le Péplum à l’honneur

Ils fêteront cette année leur 37e et 18e édition. Commençons par le plus ancien. « Le Festival du Film Peplum, unique en France, est né en 1987, précise son actuel président Julien Gondat, par ailleurs docteur en Histoire antique, grâce aux efforts conjoints de l’office du tourisme arlésien, du comité des fêtes et de l’association des prémices du riz. L’objectif était de créer un festival de films axé sur le thème de l’Antiquité, puisant son inspiration dans l’histoire de la ville d’Arles, où le fabuleux héritage de Rome est encore si intensément présent. Une équipe de bénévoles s’est alors constituée pour créer l’association Péplum avec pour but d’organiser chaque année le festival au mois d’août. » Du 19 au 24 août, dans l’enceinte du Théâtre antique d’Arles (inauguré vers 12 av. J.-C. sous le règne de l’empereur Auguste), seront projetés de grands films qui ont marqué l’Histoire du péplum, précédés chaque fois à 18h30 d’un apéro-rencontre avec un spécialiste de la thématique vespérale (professeur d’université, archéologue, conservateur du patrimoine…) puis à 19h30 d’un ciné-club qui se veut décalé et disruptif, animé par un critique cinéma, un artiste ou un musicien.

A lire aussi : Pierre Michon, Arthur Rimbaud, l’été

Parmi les temps forts cette année : Gladiator, le film culte de Ridley Scott, lointaine relecture de La Chute de l’Empire romain (Anthony Mann, 1964) avec Russell Crowe et Joaquin Phoenix, lauréat de cinq Oscars en 2001, ce qui permit de rouvrir un fabuleux et inattendu troisième âge d’or du péplum, après les décennies 20 et 50… le tout dans l’attente fébrile du Gladiator 2, toujours réalisé par Scott, prévu pour le 13 novembre avec cette fois les aventures du petit Lucius devenu grand, incarné par l’acteur Paul Mescal (budget global de 250 millions de dollars) ;

Sera également projeté dans la case « Grand classique » le très sacré Golgotha de Julien Duvivier (1935), avec Jean Gabin en Ponce-Pilate et Robert Le Vigan en Jésus-Christ, premier film parlant de l’Histoire du septième art dans lequel on entend directement parler le Christ ! ;

A lire aussi: Voir et revoir Pagnol, Visconti, Truffaut

Pour le plus grand plaisir des petits et des grands, sera proposé Le Pharaon, le sauvage et la Princesse, magnifique film d’animation franco-belge réalisé en 2022 par Michel Ocelot ; Et comment ne pas évoquer Conan le Barbare (1982) dans la case « Hors-frontières » ? Le film-culte de John Milius (scénariste sulfureux de L’Inspecteur Harry et d’Apocalypse Now), l’un des pères fondateurs de l’heroic fantasy au cinéma et l’un des concepteurs de l’« action-man » autrichien « nouvelle génération » nommé « Schwarzy », digne descendant des Macistes et autres Hercules sur grand écran avec de surcroît un sous-texte politique et philosophique on ne peut plus savoureux (le film s’ouvre sur la fameuse citation nietzschéenne du Crépuscule des idoles « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » !).

© Peplum

Animations et reconstitutions historiques

L’originalité de ce Festival du Film Péplum est qu’il s’insère dans un autre événement arlésien très attendu, « Arelate, les Journées Romaines d’Arles », soit une semaine éclectique de découverte du monde romain à visée ludique et pédagogique via toute une série d’animations et de reconstitutions. Pour cette édition 2024, Arelate met à l’honneur la thématique du culte du corps dans l’Antiquité, dans une programmation déployée dans toute la ville, le musée départemental Arles antique et les monuments de la commune. Archéologues, historiens, « reconstituteurs », artistes et passionnés attendront ainsi le public pour lui livrer les clefs de cette époque romaine qui a façonné Arles pour des millénaires.

A lire aussi, du même auteur: “Longlegs”: préparez-vous au grand flip de l’été!

« Il y a 2000 ans, comme aujourd’hui, une partie importante des citoyens (hommes et femmes) portait une attention toute particulière à son apparence argumente Charles Kachelmann, président du Festival Arelate. Les réseaux sociaux n’existant pas à l’époque pour diffuser la meilleure image de soi, c’est en organisant des fêtes somptueuses (pour les plus riches) ou en se pavoisant dans des lieux publics (tels que les thermes ou le forum) que l’on pouvait ainsi s’exhiber à la vue de tous. Mais avant cela, il fallait user de tous les moyens pour sculpter et embellir sa silhouette. Nous aurons le plaisir de proposer plusieurs conférences sur ce thème ainsi que des ateliers créatifs pour les tout petits (à partir de quatre ans) ou encore une proposition de représentation de culte paléo-chrétien, sans oublier les animations au sein de l’espace Vita Romana ainsi que celles du camp de légionnaires (avec démonstrations de manœuvres militaires) et en amont le forum de la BD en lien avec l’Antiquité à Saint-Rémy-de-Provence les 11 et 12 août, au sein d’un ensemble architectural exceptionnel, la cité antique de Glanum. »

A lire aussi : Un petit Balzac, pour l’été, pourquoi pas?

Pour être complet, précisons également que dans la cour de l’Archevêché d’Arles, les badauds auront l’opportunité de découvrir la vie quotidienne des Romains au travers de stands et d’ateliers : coiffure à la romaine, création de couronnes végétales, tissage, mosaïque… Tout en pouvant se restaurer à la « Taberna Arletensis » avec des produits « romains » d’époque. Durant toute la semaine, la Direction du Patrimoine d’Arles s’investit pleinement en proposant de nombreuses activités (reconstitutions historiques, visites flash, spectacles) dans tous les monuments antiques inscrits sur la liste du Patrimoine mondial UNESCO. Une magnifique semaine en perspective ! Connaître et se réapproprier notre héritage gréco-gallo-romain permet plus que jamais de prendre un recul salvateur par rapport aux apories et errances de notre époque hélas défigurée par les excès et les outrances du wokisme débilisant sans-frontiériste…


Plus d’informations :

Festival du film Peplum | Projections en plein air à Arles du 19 au 24 août 2024

Arelate : Le festival (festival-arelate.com)

Antoine Dupont: le voilà, notre génie français…

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Jeux olympiques, Saint-Denis (93), 28 juillet 2024 © Laurent Vu/SIPA

Emmenés par leur capitaine, les Bleus ont remporté la première médaille d’or française aux Jeux de Paris, samedi. Ils ont battu les Fidji 28-7 au stade de France.


Loin de moi l’idée de vouloir revenir aux modalités de la cérémonie d’ouverture, à l’admiration de beaucoup, aux controverses qu’elle a suscitées et notamment à la critique puissante mais discutée d’Alain Finkielkraut dans Le Figaro reprochant l’absence totale du génie français dans cette fête du 25 juillet1. J’ai seulement envie d’opposer à cette France globale qui s’est offerte avec une vision parfois orientée, l’image éblouissante de la France singulière d’Antoine Dupont, ce génial joueur de rugby à 15 puis à 7, cette personnalité d’exception se révélant tant lors du jeu qu’en dehors. Il est aujourd’hui, probablement, le sportif préféré des Français et pour des raisons qui ne tiennent pas qu’à son aura professionnelle. Il est de bon ton de vanter l’esprit d’équipe. Le groupe magique qui a remporté la médaille d’or, après avoir vaincu les Fidjiens jamais battus lors des Jeux Olympiques précédents, en est une exemplaire incarnation. Mais ce n’est pas battre en brèche cette exigence du collectif que de saluer dans ce triomphe le rôle capital d’Antoine Dupont. L’entraîneur a eu la sagesse de le faire entrer seulement en seconde mi-temps (à chaque fois, dans les matchs précédents, ce pari s’était avéré gagnant), quand les adversaires émoussés n’avaient plus la force de résister à cette rapide et étincelante boule d’énergie et de talent. Antoine Dupont n’a pas manqué d’être immédiatement décisif, soutenant d’excellents partenaires stimulés par lui et lui-même soutenu par eux, dans une fusion fraternelle de tous les instants.

Auteur de deux essais en finale

Quelle plus belle illustration de cette symbiose que l’irrésistible chevauchée de 80 mètres d’Antoine Dupont avec le parfait dernier geste : une passe à son partenaire Aaron Grandidier marquant l’essai, Antoine Dupont par ailleurs auteur lui-même de deux essais dont le dernier de cette finale.

Cette alliance irréprochable entre le génie sportif d’Antoine Dupont avec ses qualités physiques hors du commun, et son esprit de solidarité, son altruisme – rien pour sa propre gloire ou pire, sa vanité, tout pour l’équipe – est sans doute le trait le plus remarquable de ce jeune homme. Il se met sur le terrain au service des autres en même temps qu’il se distingue par des actions d’éclat. Capitaine du XV de France, il n’enjoignait rien à ses coéquipiers mais leur montrait par son seul exemple la voie à suivre.

La France qu’on aime

Cette disposition ne serait que sportive si elle n’était pas, dans ses attitudes une fois le match gagné, à chacune de ses interventions médiatiques, dans chacun de ses propos, le signe d’une extrême modestie tenant à la fois à une simplicité naturelle et à une juste perception de l’effort collectif. Ces vertus d’Antoine Dupont, sans la moindre esbroufe ni la plus petite posture ostentatoire qui soit, justifient l’admiration et l’estime qu’il inspire à beaucoup, passionnés de rugby ou non.

Peu m’importe alors qu’à une ou deux reprises il ait exprimé discrètement une opinion politique. Il en avait le droit. J’aime passionnément la France qui a le visage, la tenue, le génie et l’humanité d’Antoine Dupont.


  1. https://www.lefigaro.fr/vox/alain-finkielkraut-dans-cette-ceremonie-le-genie-francais-brillait-par-son-absence-20240727 ↩︎

Poutine et Khamenei: y’en a être contents!

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DR.

Ils avaient le discours. Maintenant, ils ont les images qui vont avec. Ils exultent. 


Tournée générale de vodka bien frappée chez le Tsar de (presque) toutes les Russies. Tournée de fatwas des jours de fête chez le Guide Suprême de la splendide République Islamique d’Iran. Il y a de quoi ! Leurs services de propagande et de désinformation n’auraient pas pu mieux faire. D’ailleurs, lorsque l’un et l’autre ont visionné les images, ils se sont mépris. Ils étaient tout au bord de combler d’honneurs et de décorations leurs officines pour un si excellent travail quand, au dernier moment, on leur a ouvert les yeux. Ce qu’ils avaient devant ces mêmes yeux n’était nullement un produit de fabrication locale mais une pépite d’importation concoctée à la source même et par les autorités compétentes, autorisées, officielles. Françaises, en l’occurrence, ces autorités. 

Il ne leur restait plus qu’à repérer les meilleurs passages, les sectionner et les lancer en l’état sur leurs réseaux d’endoctrinement. Le discours d’accompagnement, je le disais, est rôdé depuis longtemps. Parfaitement au point: « L’Occident miné par le cancer de la décadence se précipite tout droit dans les poubelles de l’histoire, entraîné là à grandes guides par des élites dégénérées. » 

Les images choisies par le tsar Poutine sont celles auxquelles on peut s’attendre: la farandole queer and co sur le ponton du défilé dit de mode, agrémentée du détournement obscène et fort appuyé du symbole religieux de la Cène – l’œuvre magistrale de Léonard de Vinci n’étant ici qu’une victime collatérale. J’entends d’ici le prêche de Poutine, relayé par ses gens à travers les steppes immenses de la Russie éternelle: « Voici les valeurs dont se repaît l’Occident, les aberrations mentales qu’il défend et qu’il entend nous imposer. Voici de quelle invasion leurs forces elles aussi au comble de l’avilissement nous menacent. Et voici donc Paris devenue, par la magie de cette messe noire d’un soir, la Mecque de la décadence, la Rome de la déconstruction avancée, l’Athènes de la déliquescence mentale. Que Dieu vienne en aide à la Sainte Russie et nous épargne un tel naufrage. » Bref, vous voyez le topo.

Même choix d’images et même vitupération du côté du Guide Suprême, l’Iranien. Sans référence à la Mecque, on s’en doute. Même choix, mais avec une variante assez éloquente: le passage où l’on voit, en découpe sur les murs de la Conciergerie, Marie-Antoinette décapitée, chantant dans un flux de sang du meilleur goût « Ça ira, Ça ira, les aristocrates à la lanterne ». Là encore, nous entendons d’ici la prédication du Guide Suprême : « Quelle leçon d’humanisme pourrions-nous donc attendre de ces gens-là, de ces chiens de chrétiens, nous qui nous nous sommes bien gardés de couper le cou à nos tyrans d’hier ! Le Shah a gardé sa tête sur ses épaules et la shahbanou la sienne (Charmante, sa tête, d’ailleurs) ! Et ces impies se font une gloire d’être allés aussi loin dans la fureur révolutionnaire ! Au moment où ils reçoivent la terre entière, ils se glorifient de ces horreurs. Les barbares, mes frères, ce sont eux. Les barbares ce sont ces mécréants honnis. Ils sont devenus fous, ils ont perdu le sens commun. À croire, les voyant encenser à ce point les chanteuses à barbe, les asexués, les désexués, les pansexués de toute espèce, qu’ils n’ont d’autre idéal pour leur jeunesse que de la voir s’engouffrer en masse dans ces travers. « Tu seras drag-queen mon fils ! », voilà sans doute désormais toute la noble ambition qu’ils ont pour leurs enfants. Réjouissons-nous. Le fruit était mûr, le voilà pourri. Un coup de vent, il tombe. Contentons-nous d’être ce coup de zéphyr. Comme ils disent chez eux : «  La messe est dite ». »

Les concepteurs et organisateurs de la cérémonie de référence souhaitaient tendre à l’universalité. Ils y ont réussi, on le constate. Applaudissons !

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Blasphème!

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DR.

L’épiscopat français a dénoncé une “outrance”! Lors de la cérémonie d’ouverture des JO, la DJ obèse entourée de drag-queens, Leslie Barbara Butch, représentait-elle Jésus, avec son auréole dorée ? La polémique fait rage depuis ce weekend. Thomas Jolly, le metteur en scène, déclare maintenant que son inspiration ne venait pas de la Cène biblique… mais de Dionysos, dieu de la fête et du vin. Quoi qu’il en soit, les chrétiens ont tort de se montrer outrés devant cette fausse transgression woke. Et voici pourquoi.


Il est parfaitement normal de se moquer du christianisme. C’est même banal, pour ne pas dire cliché, ennuyeux, insignifiant. Tout comme il est désormais banal de ne se moquer que du christianisme, mais ça, en revanche, ce n’est pas normal.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, le monde entier a reconnu une parodie de la Cène de Léonard de Vinci. Et ceux qui nous disent depuis « mais non, ha, ha, c’était le Festin des Dieux de Jan van Bijlert, les gueux et les fachos n’ont rien compris » illustrent à merveille l’un des traits les moins sympathiques de l’esprit français, la suffisance ricanante des petits marquis poudrés tournant un brave valet en ridicule – référence pour référence, je rappelle à ces beaux esprits que dans la tradition du théâtre français, c’est le valet qui finit par gagner.

Polémique sur l’œuvre parodiée

D’ailleurs, même des acteurs de cette scène ont dit avoir joué la Cène, y compris l’actrice principale, et l’un des co-auteurs de la cérémonie au moins semble partager leur avis. Alors très franchement, si vous organisez un spectacle mondial et que personne ne comprend vos références, pas même vos collègues et vos acteurs, c’est que vous vous êtes planté. Ce qui n’est pas un crime, mais autant le reconnaître honnêtement. Le premier demi-habile venu peut taper « tableau évoquant une œuvre célèbre » sur Google pour s’inspirer du résultat, et lorsque tout le monde y reconnaîtra la référence initiale plutôt qu’une référence à une référence à la référence, s’exclamer « ho, ho, ils n’ont pas la ref’, c’est que ces patriotes en carton ignorent tout de la culture française qu’ils prétendent défendre, et toc, je suis vraiment le plus malin. »

Mais qu’importe, au fond. Le monde entier a pensé voir une parodie de la Cène, et a réagi à une parodie de la Cène. Ceux qui ont aimé comme ceux qui n’ont pas aimé, ceux qui en font l’éloge comme ceux qui condamnent. Même si ce n’était pas le but des organisateurs (et il est permis de rester sceptique), c’est donc une bonne occasion pour réfléchir à la question du blasphème.

Le droit de se moquer des religions, des dogmes, des tabous, en somme le droit au blasphème (on me permettra d’épargner au lecteur un long débat théologique sur ce qui est ou n’est pas précisément un blasphème), fait partie de ce dont la France peut être fière. Et qui, référence olympique et olympienne, nous vient de la Grèce Antique : le plus ancien texte connu de la littérature européenne, l’Iliade, se moque d’un dieu (Arès) et l’insulte (la fin du Chant V est un modèle du genre). Alors faire l’éloge du droit au blasphème lors d’une fresque sur la France, sa culture et son histoire, donner aux bigots du monde entier une petite leçon à la manière d’Homère, de François Villon, de Rabelais, des Mousquetaires provoquant Richelieu, de De Funès, d’Astérix, de Coluche et de Le Luron, c’est oui, un très grand oui, mille fois oui. Même si, et j’entends l’argument, il est permis de se dire que ce n’est pas le moment, et qu’inviter toute la planète chez nous à l’occasion des JO pour le plaisir de choquer l’écrasante majorité de nos invités n’est pas forcément faire honneur à notre culture.

Apologie du conformisme

Seulement, et dans tous les cas, ce n’est pas ce qui a été fait vendredi soir. Si telle était l’intention, parodier le christianisme avec des drag queens en apôtres et une femme obèse incarnant Jésus, et parodier seulement le christianisme, dans le Paris des bobos, des surmulots et des QR codes, ce n’est pas un éloge du blasphème mais une apologie du conformisme. Presque une figure imposée, sans originalité et surtout sans courage, servilement soumise aux orientations idéologiques du pouvoir en place. Et c’est encore plus convenu et insipide s’il s’agit d’une représentation post-moderne de l’Olympe : si Dionysos était bleu en référence à Shiva c’est bien vu, mais tout le reste fait pâle figure à côté de l’humour baroque d’Aristophane. Et si, comme l’affirme maintenant le metteur en scène, le but était « une cérémonie qui répare, qui réconcilie » (alors qu’il y a peu il déclarait que c’était un acte de « résistance » face au RN), force est de constater que c’est complètement raté : « réparer » la susceptibilité perpétuellement froissée des wokes n’est pas « réconcilier » les factions irréconciliables de la France, et encore moins du monde. Mais revenons au blasphème, source de la polémique si ce n’est de la scène/Cène/Seine.

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Faire l’éloge du blasphème, en France, en 2024, ce serait au minimum rendre hommage à Charlie Hebdo, à Samuel Paty et à Mila. Et si on veut de la créativité et de l’audace, casser les codes et réellement blasphémer, il faut faire comme Molière et tourner en dérision les idéologies en vogue au moment où on monte son spectacle. Un éloge du blasphème et de la liberté, aujourd’hui, c’est donc se moquer des migrants de François plutôt que du Christ de Léonard (ou de l’Apollon de Bijlert), c’est se moquer des Divines Valeurs de la Très Sainte République, des (néo)féministes, de l’éco-anxiété, de l’antiracisme, des lois mémorielles, de la soif de censure de Thierry Breton, des LGBTQI+, de la diversité et de l’inclusion. C’est OSS 117 et Gaspard Proust, c’est le livre de Dora Moutot et Marguerite Stern, c’est le collectif Némésis trollant les manifestations de gauche, et si on veut bien regarder ailleurs qu’en France, c’est Ricky Gervais et le film Lady Ballers (dont la bande-annonce à elle seule est une pépite). Ça, c’est transgressif.

Et ça peut être beau, la liberté et le blasphème, ça peut être élégant, ciselé, poétique. Ça peut être dans l’esprit des Jeux Olympiques, un élan vers l’excellence et la grandeur. Ici, François Sureau impérial rappelant que « il est des haines justes ». Ailleurs, les Iraniennes magnifiques, cheveux au vent, filles des héroïnes du Shahnameh défiant les hordes de Zahak. Ça peut être simple sans être vulgaire, comme quand des apostats de l’islam partagent de modestes photos de verres de vin et de plateaux de charcuterie, douceur de vivre et dignité des humbles.

Le triomphalisme de la gauche est ridicule : d’accord, vous vous êtes fait plaisir avec un grand spectacle à votre propre gloire financé par les impôts des petites gens. Vous avez exaspéré les réacs, et vous avez de quoi snober tous ces beaufs qui ne connaissaient même pas Bijlert, tu vois, ce célèèèèèbre artiste (dont vous-mêmes ignoriez l’existence), et ces ploucs qui croient encore qu’un plan cul à trois et un triangle amoureux ce n’est pas tout à fait la même chose. Bravo, félicitations, et repassez-vous la séquence « ah, ça ira, ça ira » quand vous ne comprendrez pas pourquoi le RN n’arrête pas de monter : le tiers-état contribuable vit souvent assez mal l’arrogance des privilégiés ultra-subventionnés, voyez-vous.

Mais certaines indignations de droite sont tout aussi ridicules : vous vous attendiez à quoi, franchement ? Critiquez, analysez, mais de grâce ne surjouez pas l’émotion. Et réjouissez-vous, le monde entier a vu qu’un artiste mélenchoniste et un historien déconstructeur disposant d’un budget colossal, malgré quelques moments vraiment réussis, n’arrivent pas à la cheville du Puy du Fou, de ses bénévoles et du roman national.

Et les réactions de l’Église sont un effarant coup contre son camp. Ne se moquer que du christianisme est facile, petit, mesquin, c’est entendu. On a néanmoins le droit, et heureusement, de se moquer du christianisme. Vous avez vu ou cru voir Jésus représenté par une DJ obèse, la belle affaire ! On nous explique maintenant qu’elle était censé incarner Apollon, comme s’il était moins grave de parodier un des dieux de Plutarque plutôt que le dieu de Torquemada. Mais est-ce vraiment l’essentiel ? Qu’il y ait eu un enfant au milieu des drag queens n’est-il pas une question un tantinet plus sérieuse ? L’Église passe son temps à encourager la dislocation de l’Europe dans le multiculturalisme : assumez maintenant, on reconnaît un arbre à ses fruits (Matthieu 7:15-20). N’oubliez pas qu’un peu partout la criminalisation du blasphème est avant tout une arme contre les chrétiens, et visant à faire taire ceux qui osent dénoncer ce au nom de quoi les chrétiens sont persécutés. Pensez à Asia Bibi, et évitez de hurler avec les foules haineuses qui voulaient la mettre à mort en la traitant de blasphématrice. Pensez à ceux qui, aujourd’hui, en France, apostasient l’islam pour se convertir au christianisme et subissent pressions, harcèlement, menaces, violences. Défendre leur liberté de proclamer leur foi alors que cela choque leur communauté d’origine, c’est aussi défendre la liberté de Thomas Jolly et Philippe Katerine de vous choquer avec leur mise en scène de Jésus/Apollon et Dionysos/Shiva.

Et c’est aussi, évidemment, défendre notre liberté de dire que nous n’avons pas aimé ce spectacle, et n’en déplaise à l’Arcom, que nous allons continuer à blasphémer contre la gauche, ses tabous et ses idoles.

Patrick Eudeline, le rock à l’âme

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Patrick Eudeline © Quentin Verwaerde

Eudeline est un perfectionniste : ses fans ont attendu près de vingt ans la sortie de son nouvel album. Comme avant est enfin dans les bacs ! Rencontre avec ce dandy inclassable, cet esthète d’un autre temps qui cultive comme personne la réac n’roll attitude.


C’est devant Le Motel (Paris 11e, passage Josset) que je retrouve, ou plutôt rencontre Patrick Eudeline. Un ami est déjà sur les lieux, armé de son appareil photo. Au loin, je les aperçois ensemble. M’approchant, je découvre la petite silhouette désarticulée qui se contorsionne face à l’objectif de Quentin. Accrochées sur ce squelette comme au bout d’une falaise fatiguée : de belles et longues mains expressionnistes.

Un pro !

Je les rejoins, me présente, salue Eudeline : ses cheveux longs et fins sont plaqués en arrière avec du gel, le visage marqué et griffé d’un doux sourire me renvoie à mille souvenirs de papier glacé. L’homme est charmant, immédiatement ; d’une courtoisie et d’une politesse qui détonnent avec l’image que l’on pourrait s’en faire, dans cette tenue toujours impeccable de dandy de cuir portant le foulard comme personne.

Quentin le photographie sous tous les angles, lui demande de bouger une main, de croiser ses jambes, de montrer ses bottes, d’enlever ses Ray-Ban Aviator malgré les réticences du modèle (« Pas trop longtemps non plus ! »). Chaque geste, chaque pose semble juste et personnel : nous avons affaire à un professionnel (« Il faut dire que ça commence à faire longtemps »).

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Nous entrons dans Le Motel, la séance photo se prolonge. « Baissez un peu votre menton plutôt, oui, oui, comme ça, voilà ! Très bien ! » Eudeline a l’air d’un docile enfant de 10 ans aux attitudes précieuses et étudiées. Un enfant de 10 ans qui aurait usé de substances à haute dose pendant quelques décennies. Son arrivée a instantanément changé quelque chose à l’atmosphère du bar ; les regards se tournent vers ce physique extraordinaire et bien connu. Je lui demande ce qu’il veut boire : « Un Coca-Cola ! » me répond-il.

Nous nous installons à une table ronde, face à face. L’entretien commence : « Patrick, ton album s’appelle Comme avant : alors, le rock n’roll, musique réactionnaire ? » La machine se met en marche, sans mal. Il est bavard, ses phrases sont agiles, la passion est là, les souvenirs se déploient, le dégoût du présent le stimule : « Il suffit de regarder la gueule des paquets de cigarettes de nos jours pour être réactionnaire. » Sa voix est faible, cassée. (« J’ai répété hier, il va falloir que je me repose. ») Il regarde dédaigneusement le Breizh Cola posé sur la table : « Je ne suis pas sûr que ça dynamise comme le vrai Coca, mais ce n’est pas grave, passons… » Il boit une gorgée et développe : « Être réactionnaire au temps de Georges Pompidou et l’être aujourd’hui n’a plus le même sens. Aujourd’hui, il y a des choses qui me hérissent politiquement, dans l’art et j’en passe, qui devraient hérisser toute personne normalement constituée. »

Quand je parle, il s’approche de mon visage comme pour attraper les mots qui sortent de ma bouche. Je le regarde, naviguant en moi-même : je pense à ses articles dans les Rock & Folk que je volais à mon frère à 14 ans, à Johnny Thunders, à cet ancien combattant de la guerre des vices qui est là devant moi, se livrant avec plaisir dans une conversation où il a l’extrême grâce d’être aussi attentif à mes propos que je le suis aux siens. Quentin tourne autour de nous comme un danseur qui valserait sans bruit en attrapant des images au vol.

De gauche à droite

Celui qui était le rock critic le plus célèbre de France (avec son ami Philippe Manœuvre) est aujourd’hui black-listé. Il écrit maintenant le plus souvent pour des journaux marqués à droite. « Causeur est le seul magazine que j’achète. C’est excellent, j’y apprends toujours des choses ! » Il continue : « De toute façon, si je voulais de nouveau travailler à Libération, comme je l’ai fait dans les années 1980, ce serait impossible, ils ne voudraient plus de moi : ma réputation, mon image grotesque de Zemmour du rock m’ont condamné à ne plus pouvoir travailler avec ces gens. Mais si je leur dis, citez-moi une seule phrase que j’ai écrite que vous trouvez intolérable, ils ne trouveront rien à dire ! Il n’y a évidemment rien de raciste, d’homophobe, ou de je ne sais quoi chez moi. » Il conclut, imparable : « Tout est mal interprété, mal compris. Les valeurs se sont inversées sans que beaucoup ne le remarquent : la tolérance, la liberté, la haine de la censure, toutes ces idées qui étaient traditionnellement de gauche sont passées à droite. »

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Nous en venons à ce pour quoi nous sommes face à face (du moins, je crois) : son album. Cela fait des années qu’il travaille dessus : peut-on le croire ? Oui, on peut. Doit-on le croire ? Non. Il n’est pas tout à fait certain qu’Eudeline ait travaillé sur ces dix titres depuis presque vingt ans (dix-huit années, pour être précis, nous séparent de son précédent album Mauvaise étoile). Peu importe. Il a tout fait lui-même, de la moindre grosse caisse jusqu’au mastering. (« Ça n’existe pas la création collective. ») Ce disque, à la fois infiniment touchant et superbement inactuel, est un vaisseau fantôme d’une singularité si forte qu’il désarme la moindre envie de reproche (on pourrait dire la même chose d’Eudeline lui-même).

Lorsque l’on tente de parler d’avenir, il est dubitatif : l’idée de futur lui est étrangère. Plus encore à propos du rock n’roll : « Il peut y avoir des personnalités et des artistes intéressants qui émergent mais culturellement, l’énergie n’est plus suffisante pour qu’un tel mouvement d’ampleur perdure : il vivote grâce au capitalisme qui a récupéré le rock, le punk, mais musicalement c’est un mort-vivant. »

Eudeline, lui, au travers d’une vie boiteuse et passionnée, reste une figure culte de cet ouragan qu’a été le rock n’roll. Le voir, le rencontrer, c’est ne pas oublier qu’un monde d’avant a existé ; c’est avoir devant les yeux une relique d’un temps perdu qui devrait faire honte, par sa liberté et sa verve, aux êtres nouveaux qui, si leur santé est fière, sont pour beaucoup séniles par leur crétinisme et leur conformisme. Alors, souhaitons à Eudeline de passer les tempêtes et de continuer comme avant.

À écouter

Patrick Eudeline, Comme avant, Deviation Records, 2024.

La décadence comme identité?

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Paris, Cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, 26 juillet 2024 © MAXIM THORE/BILDBYRÅN/Shuttersto/SIPA

Sur les eaux de la Seine, sur six kilomètres, la France a étalé ses festivités dans une ambiance assez décadente, le premier jour des Jeux olympiques. C’est le constat accablé que fait Driss Ghali, après la cérémonie d’ouverture à Paris.


Il paraît que critiquer la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques fait de vous un facho. Eh bien, moi je dis qu’il vaut mieux se tenir debout que faire allégeance à la laideur et à la subversion ! Qu’il vaut mieux être fidèle à l’identité française que s’agenouiller devant des hommes en slip ou des femmes portant une barbe jaune. Autrement dit, que l’avis de l’opinion majoritaire à Paris intramuros doit nous importer peu. Et qu’avant-hier encore, il a été prouvé qu’il s’agit d’une boussole qui indique le sud.

Allégeance au lobby LGBT

Sur les eaux de la Seine, sur une longueur de six kilomètres, la France a étalé sa décadence. Une décadence devenue identité. Aujourd’hui et aux yeux des élites hexagonales qui ont tellement désiré ces Jeux et voulu cette cérémonie d’ouverture en plein air, aux yeux de ces élites donc, être français en 2024 revient à faire allégeance au lobby LGBT et à la promiscuité sexuelle. Être français à leurs yeux, c’est être un homme qui embrasse un autre homme, un homme qui participe d’un ménage à trois, un transformiste (moche en plus) qui singe le Christ et ses compagnons. Être français, selon les classes dirigeantes, c’est célébrer la décapitation de Marie-Antoinette et profaner son cadavre. 

Totale subversion de l’identité française. La France est une femme, pas un trans. La France est une femme délicate et sophistiquée, pas un Schtroumpf à poil. La France est une femme audacieuse qui aime et qui rend fou ; elle rend fou d’amour, pas de dégoût. Elle sent bon, elle est bien coiffée, elle peut être blanche ou noire, mais elle est belle et harmonieuse.  

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Parlons des noirs justement. Pensez-vous que nos amis du Sahel ont apprécié ce show LGBTQIA+ ? Vont-ils retrouver dans cet étalage de l’inconscient collectif de nos chefs une raison de nous aimer et de nous demander de rester à Bamako, Dakar et Niamey ? Vont-ils croire que notre armée, à l’image de la Garde républicaine réduite vendredi à une troupe dansante, est capable de les protéger contre Al-Qaïda ?

Parlons aussi des noirs qui vivent en France, des Arabes, des Tchétchènes et des Afghans, chéris par la gentille maire de Paris. Vont-ils s’assimiler à une culture où un homme embrasse un autre ? Bien sûr qu’il y a des homos venus d’Afrique et du monde arabe, bien entendu qu’ils méritent respect et dignité, mais ils n’ont jamais demandé à ce que la culture nationale se résume au « cul ». Personne ne veut s’assimiler à un carnaval, personne ne veut vivre dans une maison close. Les gens ont besoin de protection et ils croient la trouver dans les cultures où les valeurs cardinales sont la puissance et le travail. 

On se rapproche de ce qui enchante, pas de ce qui fait honte

Personne ne veut s’assimiler à la laideur. Les gens s’assimilent à ce qui les fascine. On se rapproche de ce qui enchante, pas de ce qui fait honte. Alors, il y a eu des moments de beauté dans cette cérémonie (le ballon dans le Trocadéro, le passage de Céline Dion) mais ils ont été placés sous le haut patronage de la décadence. On a d’abord exhibé le crâne de Marie-Antoinette avant d’entendre Céline Dion. C’est un peu comme si Daesh faisait chanter Oum Kaltoum après avoir brûlé vif un prisonnier chrétien !

Avant-hier sur les bords de la Seine a été criée la vérité de ce pays. Il va mal ! Il va très mal ! et sa crise est d’abord morale, esthétique et mentale ! On comprend pourquoi tout s’effondre – l’économie, la sécurité, la diplomatie, la politique – quand on comprend à quelle source d’eau trouble boivent nos élites !

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Enfin, et pour être tout à fait juste, il faudrait ajouter que les élites ne sont pas les seules coupables de cet empoisonnement collectif. Une partie du peuple leur emboîte le pas. En effet, une partie du peuple français est plus fidèle à la Révolution de 1789 qu’à la France elle-même. Sa patrie c’est Robespierre et seulement Robespierre.

La France est divisée en deux. D’un côté, le parti de la Révolution et de l’autre, le parti de la France. Et ce parti de la Révolution, composé des élites et d’une partie du peuple, a faim de destruction et de chamboulement. Il n’est pas rassasié du sang de Marie-Antoinette. Il veut la peau de la France. Et il fera tout pour l’annuler et l’effacer pour la remplacer par le « monde ». Et cela veut dire la promotion de la diversité poussée jusqu’au remplacement démographique, les emprunts à la culture américaine érigés en culture nationale, la délinquance étrangère instituée en circonstance incontournable de la vie en France. 

La France est malade de cette guerre civile qui n’en finit pas. Elle est malade de Paris. Elle est malade de son universalisme fondé sur le vide.  

Ce n’est pas la France que ma mère m’a fait aimer lorsqu’elle m’enseigna le Français comme on dévoile un secret merveilleux à un être cher. Ce n’est pas la France que Lyautey a incarnée si admirablement au Maroc. Ce n’est pas la France que Léopold Sédar Senghor a assimilé au plus profond de son être. Ce n’est pas la France que l’Emir Abdelkader a chérie après l’avoir longtemps et si héroïquement combattue. Et dire que le Paris de ces années-là était un « bordel » de classe mondiale. La différence avec aujourd’hui est peut-être qu’une fois la braguette remontée, les hommes se consacraient à leur mission véritable : assurer la grandeur de leur pays…

Louis XVIII et les femmes

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Marie-Thérèse Charlotte de France © Wikipédia

Episode 5 : La nièce…


Relire le premier épisode; le 2e épisode; le 3e épisode; le 4e épisode

Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. A Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…

Les femmes de Louis XVIII

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Longtemps souverain sans trône, le frère du roi martyr n’offrait pas dans son exil anglais, c’est le moins qu’on puisse dire, une physionomie majestueuse : goutteux au point de ne pouvoir s’asseoir à table et de ne se déplacer qu’en chaise, gras comme un dindon, c’est un homme sur le déclin que retrouve sa nièce Marie-Thérèse Charlotte de France, la seule rescapée du Temple après l’assassinat de ses royaux parents.

Elle ne l’a pas revu depuis 1791. Le futur Louis XVIII avait surveillé de près les grossesses de sa belle-sœur. La naissance, en 1778, de celle qu’on appelle aussitôt « Madame Royale » « n’ôte pas au comte de Provence son statut d’héritier du trône, mais la fécondité du couple royal vient sérieusement amenuiser ses espoirs de régner ». La Révolution bouleverse la vie de cette princesse « pleine de morgue », prise en otage dans la double propagande royaliste et révolutionnaire, bientôt incarcérée au Temple avec ses parents, son frère et sa tante, et devenue « citoyenne Capet » : son journal rendra compte des derniers instants de sa famille, de sa longue captivité, puis de la mort prématurée de son phtisique petit frère (le dauphin Louis XVII), en 1795. Louis XVIII va utiliser les malheurs de sa nièce pour légitimer la dynastie Bourbon : enjeu politique, la survivante libérée par la Convention entame une longue errance de Vienne à Varsovie en passant par Mittau, en Courlande, et jusqu’en Angleterre. Devenue un atout pour Louis XVIII, qui la marie avec le duc d’Angoulême (le fils de son frère et futur Charles X), l’orpheline du Temple, à nouveau exilée sous l’Empire, sera associée par son oncle « friand de mythologue et d’allégories compliquées »  à la tragédie d’Antigone : exit Napoléon, Louis XVIII fait de la duchesse d’Angoulême l’ « éternelle victime expiatoire de la Révolution (…), vestale veillant le feu de la monarchie ». Stérile, la presque reine se voit éclipsée par son mari, devenu dauphin de France en 1824 lorsque s’éteint l’oncle Louis et que Charles X accède au trône à son tour. Nouvel exil en 1830, définitif cette fois, ultime étape d’un long chemin de croix dont Chateaubriand se plaira à rappeler le pathétique.

Elle trépasse en 1851 : « dans la mort, la duchesse d’Angoulême et Madame Royale finissent par se rejoindre (…), ne formant plus qu’une seule somme de malheur ». Pareil à lui-même, Louis XVIII n’aura jamais cessé d’instrumentaliser le prestige conféré par les souffrances de sa famille.

Chasseur de magazines

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Vieux numéros de "20 ans" et "Lui". DR.

Notre chroniqueur ouvre ses boîtes à souvenirs durant tout l’été. Livre, film, pièce de théâtre, journaux, BD, disque, objet, il nous fait partager ses coups de cœur « dissidents ». Pour ce dimanche, il a choisi de nous parler de la presse magazine française. Il a beaucoup fouillé dans ses archives personnelles et déniché quelques pépites (interview, reportage, enquête, etc…) dans 20 ans, l’Echo des Savanes, Lui, Elle ou le mensuel A Suivre


Je suis tombé dans le papier, très tôt. J’en ai même fait mon métier. À vrai dire, j’aime autant la presse en kiosque que la « grande » littérature. La lecture des magazines dit de loisirs aura guidé toute ma jeunesse provinciale. Je suis venu aux Hussards, aux surréalistes et aux futuristes par l’entremise de revues récréatives. J’ai appris à écrire dans Bicross Magazine, Tennis de France et Moto Verte. On ne guérit jamais de cette enfance avec papier glacé, la tête penchée sur la presse spécialisée. 

La politique et la marche du monde ne m’intéressent que si elles sont maquettées entre l’essai d’une voiture de sport et une collection de maillots de bain. J’ai toujours préféré le superficiel à l’existentialisme des rédactions parisiennes. L’actualité est d’un ennui mortel. Par contre, se replonger dans les magazines datant des années 1970/1980 est aussi salutaire qu’épousseter les résidences secondaires au début du printemps. On s’aère l’esprit, on se libère, on apprend mille choses et on s’amuse franchement. 

A ne pas manquer, notre numéro de l’été: Causeur 125: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Dans des titres considérés comme ineptes par les gens sérieux, on est fasciné par leur richesse de contenu, la pertinence de leurs interviews et une fraîcheur qui semble avoir disparu de nos médias militarisés. Se divertir n’est pas un crime. Qui pourrait croire que dans 20 ans, entre un reportage sur l’orgasme masculin et une sélection de « pulls tout pulpeux », on tombe sur une interview folle de Véronique Sanson d’octobre 1972 ? La journaliste l’interroge sur les prénoms. La chanteuse répond : « Pour moi, les gens ressemblent à leurs prénoms. Il y a les Martine, par exemple, des garces. Elles se ressemblent toutes. Petites bourgeoises qui ne pensent qu’à se faire épouser et à avoir des gosses. Oh… et puis les Marie-Dominique, pleines de boutons, brunasses et toujours à faire des coups en-dessous. Dans les restaurants, j’imagine le prénom des gens, et leur vie. On se trompe rarement, c’est marrant… ». On aime Véronique pour cette dinguerie-là. Un an auparavant, toujours dans 20 ans (numéro d’août 1971), le regretté Wolinski mettait les points sur les « i » et faisait la leçon aux donneurs de morale qui l’accusaient de récupération politique car le dessinateur officiait en même temps au Journal du Dimanche et à Charlie Hebdo. Sa réponse était sans appel : « Si j’accepte de travailler dans un journal de grande diffusion, c’est d’abord parce que je veux gagner assez d’argent pour vivre correctement en élevant mes enfants, ensuite parce que les dessins qui paraissent dans certaines publications ultra-politisées et confidentielles ne s’adressent qu’à des gens déjà convertis. La « grande presse » touche la masse, et c’est au moins aussi intéressant qu’une prétendue élite intellectuelle de gauche qui se veut pure mais se trouve mal placée pour donner des leçons ». Voilà, c’est envoyé ! 

La presse magazine d’alors, contrairement à celle d’aujourd’hui, cherchait le contre-pied, et non l’asservissement aux mêmes idées. Dans Elle du 6 juillet 1981, Monica Vitti opérait un tournant stratégique dans sa carrière, à 44 ans, se détachant ainsi des rôles sensuels et dramatiques qui lui collaient à la peau. Elle revendiquait le nez rouge comme sa vocation avouant qu’elle avait eu « son premier succès involontaire » au théâtre, à l’adolescence : « Pour un rôle que je croyais profondément dramatique ; eh bien, toute la salle s’est écroulée de rire ! J’étais très vexée. Aujourd’hui, c’est ce que je veux, les rires du public ». On ne sacralisait pas tellement le cinéma comme le prouve l’entretien hilarant accordé à Martin Veyron en 1985 dans L’Echo des Savanes pour l’adaptation de sa BD L’Amour propre au cinéma. L’intervieweur s’étonne que Claude Zidi, le producteur, lui ait confié la réalisation alors qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un plateau. « Vous savez, la production payait directement les techniciens, les comédiens, il n’y avait aucun risque que je dépense les sous avec des filles ou au bistrot » rétorquait-il, aussi désabusé que Bernard Lermite, son double de papier. 

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Dans le mensuel A Suivre dédié à l’illustration en 1978, Hergé, le créateur de Tintin, évoquait ses goûts littéraires à François Rivière. Celui qui fut un grand lecteur de Balzac, Flaubert, Stendhal, Dostoïevski et Dickens avait évolué. En 1978, « il y a quelque chose de décisif, c’est la psychologie des profondeurs de Jung. Lui m’a orienté vers les philosophies qui ne sont pas seulement des idées et des mots, mais que je ressens dans tout mon être » disait-il. De toutes mes collections, j’ai un faible pour les Lui avec Sophie Favier nue en relief mais surtout pour les confidences de star. En 1986, Irène Blanc avait passé trois jours avec Chaban « pressenti » comme Premier ministre de la cohabitation qui donnait une définition (de normand) du gaullisme : « Le gaullisme n’envisage pas la vie sans liberté mais pas non plus la liberté sans justice sociale […] Si le tout-Etat est inacceptable et finalement meurtrier, le sans-Etat est destructeur ». Sardou, en janvier 1983, était plus direct sur son rôle d’homme public : « Je n’aime pas la foule, j’ai même horreur de la foule. Je suis à l’envers de ce que je fais. […] Dans ce métier, on est toujours en représentation, on fait gaffe à ne pas grossir, on fait gaffe à être aimable, on fait gaffe à tout. Et moi, il y a des moments où j’ai pas envie de faire gaffe ! ». Vive les vieux journaux !

Monsieur Nostalgie

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