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Comment une poignée d’idéologues a fait main basse sur la cérémonie des JO

Les Jeux Olympiques ont de tout temps été l’endroit idéal pour promouvoir des idéologies politiques, rappelle notre chroniqueur, qui lui non plus n’a pas aimé la cérémonie d’ouverture préparée par l’équipe infernale Jolly / Boucheron / Slimani / Bürki. De l’autre côté de l’échiquier politico-médiatique, sans surprise, Edwy Plenel salue un super spectacle célébrant « la France de l’émancipation ».


La France d’Emmanuel Macron n’est pas la mienne. Je ne l’ai pas non plus reconnue dans la cérémonie des JO, emplie de stéréotypes sexués et de flatteries à l’air du temps. J’ai vu, dans la mise en scène de Thomas Jolly, une opération politique pour valoriser la nouvelle France diversitaire promue par le chef de l’Etat. 80% des investissements publics ont d’ailleurs bénéficié à la Seine-Saint-Denis, selon Amélie Oudéa-Castera intérrogée sur Europe 1, lundi. Alors que l’article 50-02 de la charte olympique du CIO stipule : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique », le pouvoir, désavoué depuis par les urnes, a choisi de passer outre cette interdiction en imposant d’autorité sa vision contestée d’une société post-nationale et post-française.

L’historien Patrick Boucheron, un des organisateurs de l’évènement, n’a rien caché de ses desseins consistant à « affirmer crânement, énergiquement que c’est comme ça qu’on va vivre ensemble (…) On a restauré, pour nous, intimement, une fierté pour ce pays. Pas pour son identité, mais pour son projet politique (…) ». De ce point de vue, un parallèle peut être fait entre Leni Riefenstahl, qui filma pour Hitler les JO de Berlin de 1936, et Jolly et ses amis qui ont scénarisé pour Macron les JO 2024. Dans les deux cas, on retrouve une même propagande au service de l’Homme nouveau (aryen ou métissé), une même obsession de la race, un même mépris du catholicisme, un même enthousiasme obligatoire. Ceux qui ont eu l’audace d’avouer n’avoir pas apprécié les génuflexions wokistes face aux minorités sexuelles ou raciales ont été traités d’ « extrême droite ». Ainsi font les nouveaux fascistes grimés en antifascistes.

La nouvelle France de Macron, multiculturelle, n’est pas non plus celle de nombreux compatriotes indigènes. Certes, un sondage a montré que 85% des téléspectateurs avaient estimé la cérémonie réussie. Je ne mésestime pas la technique subversive des déconstructeurs : leur savoir-faire peut amener à ce genre de plébiscite mou. « Quand on sait comment arnaquer les esprits, il n’est pas difficile de devenir le maître du monde », écrit le philosophe Bertrand Vergely1, qui ajoute : « Quand on sait comment rétablir la vérité et l’honnêteté, on devient un libérateur ». Je remarque d’ailleurs que le spectacle a également emballé Edwy Plenel qui a tweeté : « Superbe cérémonie qui a sublimé la France de l’émancipation, celle de l’égalité des droits sans distinction d’origine, de condition, d’apparence, de sexe, de genre. La France née en 1789. « Ah ! Ça ira, Ah ! Ça ira… » (…) ». Or Je doute que Plenel, symbole de l’islamo-gauchiste et du déracinement, se reconnaisse lui-même dans cette autre France méprisée, enracinée et périphérique, qui n’a jamais d’autre droit que celui de se taire. Je défends cette France au nom de l’injustice qui lui est faite.

Les organisateurs n’ont cessé de dire qu’ils voulaient faire un « anti-Puy-du Fou » en tournant le dos à la classe moyenne des oubliés, coupables de mal voter. Mais de quel droit une poignée de militants sans légitimité ont-ils détourné la vocation olympique de la cérémonie des Jeux, imitant en cela ce que furent les JO de Berlin de 36 ?

Le CIO a présenté ses excuses. Les squatteurs propagandistes plastronnent.


  1. Main basse sur la pensée, Salvator ↩︎

Sahara occidental: le soutien au plan marocain marque une réorientation stratégique française bienvenue

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En cet été 2024, en plein Jeux olympiques, assiste-t-on à la fin du « en même temps » présidentiel ? On peut le penser, et l’espérer, sur le plan intérieur au vu de l’impasse politique dans laquelle la dissolution voulue par Emmanuel Macron a conduit le pays. Ce retour à un peu de modestie et de lucidité trouvera-t-il son pendant en politique étrangère ? Ce serait également souhaitable compte tenu du nombre de dossiers diplomatiques (de l’OTAN à la Russie, en passant par la Chine, l’Afrique, le Liban, l’Algérie, etc.) sur lesquels la « pensée complexe » présidentielle s’est également égarée.

Le 30 juillet, Emmanuel Macron a reconnu le plan d’autonomie marocain comme « la seule base pour une solution politique juste et durable » pour le Sahara occidental, ainsi que la souveraineté du Maroc sur ce territoire. C’est un pas dans la bonne direction, un choix diplomatique conséquent. Cette décision marque une étape importante vers la réconciliation avec le royaume chérifien, en répondant aux principes fondamentaux d’une politique étrangère digne de ce nom : intérêts, vision et durée. Si elle irrite l’Algérie, qui a rappelé son ambassadeur, elle témoigne d’une réorientation stratégique française nécessaire à la lumière des évolutions régionales et internationales.

Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron avait fait ce qu’on peut appeler un « pari algérien », cherchant à réconcilier les deux pays et semblant penser qu’une telle démarche pourrait solder le passé douloureux et ouvrir un nouveau chapitre dans les relations franco-algériennes. Pour ce faire, il a multiplié les gestes de bonne volonté, en particulier sur le plan mémoriel. Il a poussé la repentance très loin, jusqu’à humilier son propre pays, notre pays. Alger n’a répondu à ces initiatives que par des critiques acerbes, des provocations, des exigences sans cesse renouvelées. Cet entêtement a conduit à un raidissement inédit des relations avec le Maroc, délaissé au profit de chimères avec l’Algérie. Ce pari infructueux semble désormais abandonné, Emmanuel Macron semblant juger plus fructueux le renforcement des liens avec Rabat.

Les présidents Macron et Tebboune au G7, Borgo Egnazia, Italie, 14 juin 2024 © Christopher Furlong/AP/SIPA

Reconnaître le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental n’est pas seulement répondre à une revendication diplomatique ancienne. C’est un moyen habile de reconnaître publiquement le statut de puissance régionale acquis par le pays. En effet, le Maroc est le seul pays stable du Maghreb et des rives de l’immense région sahélo-saharienne. Cette stabilité politique et économique, acquise au fil des vingt-cinq dernières années, lui permet de jouer un rôle crucial dans une zone constamment traversée par des tensions politiques et sécuritaires. Tel n’est pas le cas de ses voisins puisque la Tunisie semble s’enfoncer dans une sorte de lente glaciation autoritaire, tandis que l’Algérie reste figée dans un immobilisme anachronique (s’apprêtant à réélire Abdelmajid Tebboune lors d’élections présidentielles sans surprise qui auront lieu le 9 septembre prochain).

Enfin, ce rapprochement avec le Maroc s’inscrit dans un contexte géopolitique global instable et dangereux. La résurgence des conflits entre États, les ambitions territoriales explicites et le retour de la guerre sur plusieurs fronts exigent que la France, et globalement les Occidentaux, révisent et consolident leur système d’alliances. La Russie, active en Ukraine, bien implantée en Méditerranée orientale et désormais clairement hostile à Israël (elle vient tout de même de qualifier « d’assassinat politique tout à fait inacceptable » la mort d’Ismaïl Haniyeh, chef politique du mouvement terroriste Hamas, à Téhéran !), constitue une menace directe pour la stabilité régionale. En parallèle, l’Algérie, par ses liens étroits avec Moscou et ses achats d’armements russes, renforce cette dynamique préoccupante. En effet, le contexte géopolitique global doit nous conduire à « voir ce que nous voyons » : les théâtres d’opérations de la contestation planétaire contre l’Occident ne sont pas isolés les uns des autres mais tous interconnectés. 

Dès lors, le rapprochement avec Rabat et le soutien français au plan marocain pour le Sahara occidental, après ceux de l’Espagne et de l’Allemagne ces deux dernières années, deviennent non seulement stratégiques mais impératifs. Il appartient maintenant aux deux nations de consolider cette alliance et de lui donner portée, pérennité et force.

Attaques contre Jerry Seinfeld: «Ne dites surtout pas qu’on n’est pas drôle!»

Ce n’était pourtant pas la première fois que le comédien à succès américain, Jerry Seinfeld, faisait part de son dégoût pour le politiquement correct et la culture woke. En 2015 déjà, l’humoriste avait décidé de ne plus se rendre sur les campus américains, car les étudiants y étaient devenus trop facilement offensés par ses blagues. Ses derniers propos, tenus dans un podcast du journal The New Yorker1, et son soutien au peuple juif après le 7 octobre, lui valent de nombreuses nouvelles inimitiés.


Décidément, quand il s’agit d’humour, on ne plaisante pas. C’est du moins l’impression que dégage l’étrange affaire suivant les déclarations de l’humoriste américain Jerry Seinfeld, le 28 avril dernier. 

Invité de l’émission The New Yorker Radio Hour, il dressa un sombre portrait des nouvelles séries comiques télévisées, estimant que « l’extrême gauche et ces conneries politiquement correctes », ainsi que « la crainte constante d’offenser quelqu’un » (traductions de l’auteur) menacent l’existence même de l’humour à la télévision. Évoquant les multiples comités et groupes de pression examinant et réécrivant les scénarios avant qu’ils ne soient approuvés, il insinua que les grandes productions hollywoodiennes finiront par condamner le genre comique aux oubliettes, tant les risques de complication sont élevés. 

À moins que l’on se fût cantonné dans son salon ces quinze dernières années sans lire un seul journal, ces propos n’expriment rien de nouveau et ne devraient plus choquer personne. Et bien que venant d’un humoriste avec une connaissance intime du show-business, cette opinion ne diffère pas, au fond, de la philosophie de comptoir.

Et pourtant, quel scandale a-t-elle causé. Réactions enflammées de célébrités bien-pensantes, déferlements sur les réseaux sociaux, articles, podcasts et reportages : du jour au lendemain, Seinfeld est devenu la nouvelle cible – puisqu’il en faut au moins une par mois, on dirait – d’une campagne de « cancel culture ». Mais comment l’expliquer, considérant la banalité relative de ce qu’il avait dit ?

C’est parce que, pour les garants du discours acceptable, ces mots anodins se transforment en menace lorsque proférés par une figure aussi influente que Jerry Seinfeld. Pour rappel, il est l’un des comiques les plus appréciés du monde anglo-saxon, tant grâce à sa série éponyme des années 1990 qu’à ses spectacles de stand-up qui, encore aujourd’hui, remplissent les plus grandes salles. 


La gauche adore scander que « tout est politique ». L’humour, en l’occurrence, a cette capacité unique de combiner la légèreté, le rire et l’insolence avec la dérision, l’ironie et le ridicule. Ainsi, les spectacles de stand-up, les séries et films comiques, allant jusqu’aux blagues qu’on se lance au quotidien, sont autant de champs de bataille où des idéologies, derrière les sourires, visent à s’abattre les unes les autres en quête du grand trophée, c’est-à-dire du rire le plus éclatant. 

D’où la panique du soi-disant camp du Bien, apprenant qu’une légende de l’humour ait démasqué la tentative, et l’échec, de l’extrême gauche d’imposer ses dogmes à la culture populaire. Seinfeld aurait pu tout aussi bien dire : « Ces gens sont si dépourvus de légèreté qu’ils donnent à Hollywood, la religion du divertissement, l’envie d’enterrer le genre tout court ! » 

Et pourtant, avec ces crises de rage, la gauche, sans le vouloir, a réalisé son plus grand exploit comique. Car quoi de plus marrant que de voir quelqu’un se fâcher pour le simple fait d’être traité de pas drôle ?


  1.  Jerry Seinfeld a estimé que le politiquement correct était en train de détruire l’humour. “This is the result of the extreme left and PC crap, and people worrying so much about offending other people. When you write a script and it goes into four or five different hands, committees, groups — ‘Here’s our thought about this joke’ — well, that’s the end of your comedy.”
    ↩︎

Que sait Patrick Boucheron de nos peurs?

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Interrogé par le journal Le Monde, Patrick Boucheron (historien co-auteur de la cérémonie d’ouverture des JO avec le chorégraphe woke Thomas Jolly) assume les messages politiques inclusifs de son spectacle, et estime que seule la fachosphère ne l’a pas aimé.


On en a assez de ces gens qui parlent à notre place. L’historien Patrick Boucheron, inspirateur principal de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le 26 juillet, a affirmé qu’il avait voulu en faire « un manifeste contre la peur ». D’abord je ne vois pas en quoi ce qui nous a été montré, admiré par beaucoup, décrié par d’autres, correspondait à cette étrange intention. On a plutôt relevé les justifications, protestations, explications, atténuations ou excuses qui se sont multipliées, une fois l’ouverture proclamée. Surtout – et ceci dépasse très largement le point de vue lié aux JO – l’attitude et les propos de M. Boucheron me paraissent relever de ce savoir empli de condescendance, cultivé par des historiens ou des intellectuels s’autoqualifiant de progressistes, à l’égard d’une multitude ne connaissant que les instincts primaires, les angoisses élémentaires ou la peur selon sa terminologie. On pourrait rétorquer d’emblée que c’est bien là une considération de privilégié qui a tout loisir pour s’abandonner à la noblesse de la pensée quand le bas peuple, lui, se traîne dans la médiocrité. Mais, plus profondément, qui pourrait dénier que cette peur est non seulement compréhensible mais légitime ? Si on met entre parenthèses l’intermède qui se veut magique des JO, où donc pourrait résider, sur le plan national et international, une espérance suffisamment forte pour nous faire entrevoir le meilleur, une réalité assez positive pour ne pas nous faire craindre le futur, une confiance tellement assurée à nos gouvernants, à notre classe politique, aux responsables de nos démocraties qu’elle puisse nous débarrasser du moindre doute sur la conduite du monde, une naïveté tellement béate sur l’état de notre société qu’elle nous rendrait aveugle à ceux qui n’ont pour ambition que de la détruire, de la subvertir ?
Cette peur, dont Patrick Boucheron a prétendu nous guérir avec son surprenant remède, est au contraire la preuve de notre lucidité et de notre humanité. Si nous n’avions pas peur, nous ne saurions pas nous battre pour une France paisible.

Sahara occidental: “Emmanuel Macron s’est émancipé du chantage algérien”

Le président algérien Tebboune rechigne à venir en France et a déjà reporté plusieurs fois sa visite. Et voilà que dans le dossier du Sahara occidental, qui empoisonne les rapports entre le Maroc et l’Algérie depuis des décennies, Paris joue Rabat contre Alger! La lettre adressée par le président Macron au roi du Maroc, assurant que le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental constitue “la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée” constitue un camouflet pour les Algériens, lesquels soutiennent les indépendantistes de Front Polisario…


Xavier Driencourt est diplomate et haut-fonctionnaire. Fait rare, il a été ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, durant la présence d’Abdelaziz Bouteflika en tant que président. 

Alors qu’Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara dans un inattendu revirement, cet expert nous livre ses impressions sur le contexte géopolitique qui a présidé à ce changement. 

M. Driencourt a publié L’énigme algérienne (L’observatoire, 2022) et Evian face à l’étranger (Editions du CNRS, 2023).

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Causeur. Comment avez-vous reçu le revirement d’Emmanuel Macron sur le dossier du Sahara et du Maroc ? Est-ce inattendu ?

Xavier Driencourt. Oui et non. Par certains aspects, ce changement de cap était prévisible. Il y a eu plusieurs signaux faibles qui pouvaient mettre la puce à l’oreille. Ainsi, quand Stéphane Séjourné a été désigné ministre des Affaires étrangères, il s’est immédiatement rendu au Maroc où il a tenu un discours assez inédit. Alors que le plan d’autonomie présenté en 2007 a longtemps été jugé « possible » et non comme la seule solution pour le règlement du problème, Monsieur Séjourné a déclaré à Rabat en février dernier qu’il savait que la problématique du Sahara dit occidental avait un caractère « existentiel » pour le royaume. C’était un grand pas en avant.

D’autres indices se sont alors fait jour. L’agence française du développement a notamment invité les entreprises françaises à investir dans la région du Sahara, leur indiquant que l’environnement économique y était sain. Une nouveauté, dans un contexte diplomatique qui a longtemps été difficile sous la présidence d’Emmanuel Macron. Pendant plusieurs années, les relations ont été gelées sinon polaires entre nos deux pays. Nul doute que la lettre envoyée par Emmanuel Macron à sa majesté Mohammed VI va considérablement changer la donne. On avait pu voir d’ailleurs les premiers résultats du réchauffement avec les visites de Bruno Le Maire, Franck Riester ou bien sûr Gérald Darmanin dans le cadre de l’arrestation d’un caïd marseillais qui se cachait au Maroc. Demain, les relations s’approfondiront encore.

A lire aussi, Gabriel Robin: Maroc: le quart de siècle de Mohammed VI

La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara est la phase ultime de la réconciliation. Nous rejoignons l’Espagne et les États-Unis, mais je pense que la position de la France est plus déterminante que celle de Madrid, sans manquer de respect à nos voisins d’outre-Pyrénées. Par son passé et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France a un rôle très particulier à jouer dans cette région du monde. Pendant sept ans, Emmanuel Macron a subi le chantage algérien, il s’en est désormais pleinement émancipé.

Comment l’expliquez-vous ?

Le président a vu l’impasse dans laquelle l’inflexibilité algérienne le conduisait en Afrique. Il a pris un tournant qui entrainera sûrement une reconnaissance plus large de la souveraineté marocaine au Sahara. De nombreux pays européens et africains suivront l’exemple français en se disant que si nous l’avons fait, ils devraient peut-être s’y mettre. C’est ce que craignait Alger, désormais isolé. La mauvaise humeur du régime durera sûrement un moment. Le « rappel » de l’ambassadeur en est un signe. Alger avait fait la même chose avec l’Espagne, avant de renvoyer en catimini son ambassadeur. Fait amusant, l’ambassadeur d’Algérie en Espagne était celui qui a aujourd’hui été rappelé de Paris vers Alger aujourd’hui. Il est traité d’incapable dans de nombreux médias algériens…

A lire aussi, Jean Sévillia: «Depuis 40 ans, la France se couche devant le pouvoir algérien»

Ne faut-il pas s’inquiéter de cette crise ouverte entre Paris et Alger ?

Je pense qu’il fallait en passer par là avec Alger qui attend une relation unilatérale et exclusive à son unique bénéfice. Le rapport de force était une nécessité. Les réactions politiques en France témoignent d’ailleurs d’un soulagement. Du PS au RN, à l’exception de l’extrême-gauche, les réactions sont unanimes. Il fallait crever l’abcès.
On l’oublie mais Abdelmadjid Tebboune est actuellement en campagne pour sa réélection. Il désignera à n’en point douter la France et le Maroc à la vindicte populaire comme dérivatifs des errements intérieurs du régime.
La France doit quant à elle avancer avec le royaume chérifien et cultiver une relation qui sera profitable aux deux parties.

Béziers, la féria et les furieux

L’affiche de la féria de Béziers 2024 a créé la polémique avec un dessin signé Jean Moulin. Le héros de la Résistance était un aficionado ! Cela a fait hurler les anticorrida…


Béziers ne manque décidément jamais de créer la polémique. C’est au tour de l’affiche de la féria 2024, durant laquelle se dérouleront notamment quatre grandes corridas de taureaux, de faire scandale. Pourquoi ? Regardez-là de plus près ! (voir notre reprodution ci-dessous) Elle est signée… Jean Moulin ! Pas un obscur Jean Moulin, non. C’est bien Moulin le résistant. Natif de Béziers ! Lors de la présentation de cette affiche le 7 mai, Robert Ménard s’en explique : « Jean Moulin a adoré et dessiné la tauromachie. Ce dessin est un bel exemple de la façon dont il a salué cet art décrié par certains et défendu ici. » C’en est trop pour les anticorridas. Moulin à la rescousse de cette barbarie, et puis quoi encore ? Levée de boucliers.

Le dessin de Jean Moulin finalement retiré / Jean Moulin / Ville de Béziers

« C’est quand même tordre la réalité d’une manière scandaleuse. Personne ne peut dire ce que Jean Moulin pensait de la corrida », déclare à Midi libre le conseiller municipal à la Mairie de Béziers, Thierry Antoine. Le Colbac (Comité de liaison biterrois pour l’abolition de la corrida) dénonce lui une « récupération honteuse », « un mensonge et une manipulation de l’opinion ». La Ville de Béziers possède 500 dessins de Jean Moulin, dont treize illustrent le monde taurin. Sur deux d’entre eux, homme et bête sont représentés. Romanin (pseudonyme avec lequel il signait ses dessins) esquisse la charge du taureau qu’il semble bien connaître. Deux autres mettent en majesté le torero, seul. Les matadors en piste, tels que les dessine Moulin, sont pleins de grâce, d’une beauté hiératique. Le peintre et aficionado Lilian Euzéby s’enthousiasme : « Moulin croque les physionomies et les attitudes des toreros avec un sourire fraternel. On pense immanquablement à Goya et à la figure grimaçante d’une humanité qui lui était si chère. Un détail attire mon attention. C’est le visage de ce jeune torero qui semble interroger le ciel. Son corps est esquissé par une figure qui paraît ailée avec ses deux bras tendus vers le haut (ange ou banderillero). » Certes, comme le rappellent les anticorridas, aucun écrit de Moulin, aucune déclaration ne relate une possible afición à la tauromachie de sa part. Mais quel farouche opposant à la corrida dessinerait ainsi les matadors ? Peu de place au doute. Ces dessins au crayon rappellent aussi ceux de Montherlant, aficionado comme Goya. Ce que je retiens, moi, de tout cela, c’est que Jean Moulin, héros français, incarnation du courage – mental et physique – ayant affronté et résisté à la peur et à la douleur, fut spectateur des corridas. Et plus encore, qu’il en fut un observateur à l’œil aiguisé, capable d’esquisser les poses de danseurs ou de triomphateurs de ces héros des arènes. La corrida, « c’est la fête du courage, c’est la fête des gens de cœur », chante Escamillo dans le Carmen de Bizet. Notre héros national, nous le savons désormais, a participé à cette fête. Moulin n’était pas un barbare, il fut victime de la barbarie. De celle de Klaus Barbie. Les anticorridas ont eu raison de cette affiche puisque la Ville de Béziers, fatiguée des attaques sans fin, a décidé le 24 juin de la retirer. Qu’importe, Moulin aficionado, nous le savons désormais !

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Des chiffres et des lettres: dernières consonnes et voyelles avant la fin

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Depuis 2022, l’émission n’était plus diffusée que le samedi et le dimanche. À la rentrée, le jeu ne sera plus à l’antenne de France 3.


Consonne… Voyelle… Consonne. Pendant cinquante-deux ans, la même ritournelle, dans tous les enchaînements possibles, aura été scandée par les milliers de candidats ayant participé au plus ancien des jeux encore à l’antenne. Alors que Des chiffres et des lettres s’apprête à tirer sa révérence1, une page de notre rapport énamouré et contrarié aux calculs et au vocabulaire se tourne. Pour la doyenne des émissions, le compte n’était plus vraiment bon : de 7 millions de téléspectateurs il y a trente-cinq ans, elle ne parvenait plus à en attirer que le dixième. Et puis, la mode n’est plus aux mots de neuf lettres.

Prenant la suite de l’émission Le mot le plus long, dont le principe résidait dans son intitulé, Des chiffres et des Lettres, qui y adjoignit le calcul mental, a accompagné les après-midi de nombreux Français, à peine concurrencé, sur la durée, par le Tour de France au mois de juillet. « Un jeu de vieux », entend-on déjà persifler ses habituels contempteurs. Le jeu d’une génération au moins, celle de nos (arrière-)grands-parents, déjà moins celle de nos parents, celle des boomers qui prirent le contre-pied de l’époque en choisissant de construire des mots plutôt que de succomber à la mode de la déconstruction.

Et nous, encore enfants au tournant des années 90, avons souvent entendu, au détour d’une visite familiale, nos aïeux déjà blanchis sous le harnais, tenter de former un mot ou s’exclamer, après un calcul aussi bref qu’efficace : « Le compte est bon! ». À l’époque, nous usions nos pantalons d’uniforme sur les bancs de l’école et les seuls jeux auxquels nous nous adonnions, en dehors des sports de ballon et des billes – de corde à sauter pour les filles : c’était avant les pratiques non genrées – consistaient à retrouver, le plus rapidement possible, des mots dans le dictionnaire ou le résultat d’une addition. Tous les matins, notre professeur récitait une dictée et nous tentions de reproduire le texte sans commettre de fautes. Nous avions un cahier dans lequel nous nous exercions aux tables de multiplication.

A lire aussi: Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews» 

À l’heure où les smartphones ont envahi les salles de classe, avec leur lot d’applications sociales, mais aussi d’outils permettant de calculer sans devoir effectuer d’exercice mental, et à l’époque où nous n’avons plus à nous soucier de la correction orthographique – presque un fascisme -, il n’est pas étonnant que Des Chiffres et des Lettres rejoigne la liste d’émissions culturelles passées à la trappe : Les jeux de 20 heures (avec aux manettes Jean-Pierre Descombes, qui vient de vous quitter, et Maître Capello) ou L’académie des 9. Il reste, nous dira-t-on, Slam, présenté pour quelque temps encore par le sémillant Cyril Féraud, l’excellent Questions pour un champion, ode à la culture générale, ou Tout le monde a son mot à dire.

Nous ne pourrions évoquer l’émission sans mentionner l’esprit fécond de son créateur Armand Jammot, également inventeur de La bourse aux idées et des Dossiers de l’écran, ses brillants animateurs, Patrice Laffont et le toujours jeune Laurent Romejko, ses arbitres Arielle Boulin-Prat et Bertrand Renard, sacrifiés il y a deux ans déjà sur l’autel de la modernité, et ses nombreux clubs disséminés partout en France où se réunissent des amoureux de la gymnastique intellectuelle.

Le groupe-Bolloré aurait montré un intérêt à la reprise du programme, mais la famille de son créateur a balayé l’idée d’un revers de la main : «Jamais mon père, qui était un grand républicain, un démocrate, un humaniste, n’aurait travaillé avec M. Bolloré. Quand il rencontrait des téléspectateurs d’origine immigrée qui lui disaient ‘j’ai appris le français avec vous’, il était content. Or, je partage ses convictions profondes », s’est permis de déclarer Florence Jammot dans Le Monde2.

Le culte des chiffres et des lettres, qui mourait à petits feux, s’éteint un peu plus avec la disparition de sa grand-messe. Comment s’en étonner alors que le désormais ex-ministre des Finances semble incapable de présenter un budget calculé à l’équilibre – le même nous ayant gratifié d’un roman au style bancal -, tandis que les tests internationaux montrent un manque de maîtrise des mathématiques et alors que l’orthographe est perçue comme un nouveau fascisme ? Et voilà que soudain nous envahit ce sentiment résumé en un dernier mot de neuf lettres : nostalgie. 

  1. https://www.latribune.fr/technos-medias/c-est-une-decision-difficile-mais-nous-avons-decide-d-arreter-des-chiffres-et-des-lettres-stephane-sitbon-gomez-france-televisions-996923.html ↩︎
  2. https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/07/04/jamais-mon-pere-n-aurait-travaille-avec-m-bollore-les-detenteurs-des-droits-du-jeu-televise-des-chiffres-et-des-lettres-ne-veulent-pas-de-c8_6246928_3234.html ↩︎

Shannen Doherty réapparaît dans un roman français

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Dans un roman qui ne ménage pas la pudibonderie de ses lecteurs, Hélène Maurice revient sur le parcours extravagant de Shannen Doherty, actrice de Beverly Hills 90210 décédée le 13 juillet qui n’est jamais parvenue à se déparer de son image de peste à Hollywood.


La couverture bariolée est couverte de bobines de cinéma, de pop-corn, de masques de Janus… Avec L.A. Artificial (Les presses littéraires), son premier roman, Hélène Maurice nous replonge dans la Californie du début des années 90. Le corps de Kurt Cobain n’a pas encore été retrouvé mort, au bout de son troisième jour de décomposition. Roberto Baggio n’a pas encore envoyé son tir-au-but mémorable, dans les nuages du Rose Bowl de Pasadena. L’héroïne n’a pas encore flingué toute la génération grunge. Pour l’instant, les GI’s mènent leur opération de gendarmerie internationale contre Saddam Hussein. Et toutes les chaines diffusent en boucle les images de la guerre dans le sable. Toutes, sauf la Fox, qui programme à heure de grande écoute un soap, Beverly Hills 90210 (rebaptisé Holmby Hills, dans le roman). L’équivalent, si l’on était méchant, de nos sitcoms de la même époque. 

Ça tombe bien, l’Amérique ne demande pas mieux que se vider le crâne. Des personnages un peu niais vivent des amourettes d’adolescents. Les acteurs sont des gosses de riche, ou carrément la fille du producteur (« une véritable petite pute », dont « le succès auprès de la gent masculine étonnait d’autant plus son père qu’il la trouvait laide et refaite »), Sharon O’Brien est une petite nénette échappée du Maryland. Brunette au léger strabisme, elle crève l’écran et vampirise la série, au point de vite pouvoir se permettre toutes les extravagances en coulisse. Jusqu’à coucher avec l’acteur qui joue son frère jumeau dans la série, contre toutes les promesses faites à la production au début du tournage !

« Qu’est-ce qu’on en à foutre de ce soap ? »

« Qu’est-ce qu’on en à foutre de ce soap ? », se demande Jay Martel, journaliste chez Rolling Stone, qui va bientôt se voir imposer à la une de son magazine, référence de la culture rock, la bobine des trois principaux acteurs de la série, a priori fort éloignée de l’underground musical. On pourrait bien se poser la même question.

A lire aussi: Délicieuse Adrienne Pauly

Dans son roman, Hélène Maurice nous fait voyager dans les quartiers de Los Angeles, que l’on connait mieux, grâce à la magie du cinéma, que ceux de Grenoble ou Châteauroux. Elle parvient à nous faire passer de la vacuité du monde des petits acteurs californiens au bouillonnement grunge de la même époque. C’est que l’ambiance cocaïnée de la jet-set ne suffit pas à Sharon O’Brien, il lui faut aussi des rockers sales aux bras mutilés par les piqûres. Le roman est par ailleurs émaillé de références musicales de l’époque: de Here comes Your Man à Novocaine for the Soul en passant par Killing in the Name, on se plait à se perdre dans le juke-box mental de l’auteur. 

Dans les romans de Bukowski, les types s’enfilent des bières ou s’adonnent à « la meilleure baise de l’histoire ». Il ne faut pas être bégueule non plus quand on ouvre L.A. Artificial : scènes de baise sous défonce (ou l’inverse), éjaculations buccales, introduction d’ecstasy dans le vagin en plein cunnilingus… Il y en a pour tous les goûts. 

Mais c’est aussi un intéressant flashback qui nous ramène à une époque où l’industrie du divertissement n’était pas encore tout acquise au progressisme, une époque où les séries télévisées étaient d’abord destinées à un public WASP conservateur, et où des scénaristes démocrates tentaient timidement d’imposer quelques thèmes osés comme le SIDA. Épisode après épisode, les réalisateurs de Holmby Hills avancent ainsi dans leur scénario en ayant la sensation un peu prétentieuse de bousculer la société. Plus tard, Sharon O’Brien s’affichera, elle, aux côtés du Parti républicain, moins par soudaine adhésion politique que par goût du contrepied… et pour ramasser un gros chèque. Encore une manière de s’attirer l’hostilité de ses pairs, habitude qu’elle élève au rang d’art. Toute ressemblance…

Jeunes harpies, désinvolture et gode ceinture

Le roman, cru, direct et efficace, a été publié le 9 juillet. Il a pris une autre dimension puisqu’on apprenait quelques jours plus tard le décès de Shannen Doherty à 53 ans; elle a totalement inspiré le personnage principal. On s’attache à ses coups de sang, à sa manie d’arriver une heure en retard chaque jour sur les tournages. Quand le producteur convoque trois ou quatre acteurs pour leurs écarts de conduite, l’un est pris « d’une diarrhée aussi fulgurante que phénoménale ». Shannen-Sharon, elle, lui fait parvenir le courrier suivant : « Je ne suis pas une fille que l’on convoque. Avec tout mon respect, je vous embrasse patron ! Sharon ». Des ligues de jeunes harpies, grosses dondons d’abord fans de la série mais qui veulent absolument en voir exclue Sharon, s’amusent ensuite à lui pourrir la vie, à cause de l’énorme écart entre le personnage et l’existence dissolue de l’actrice. Il faut dire qu’à une remise de prix des Golden Globes, alors que ses collègues acteurs disent tout leur amour du taï-chi ou de leurs animaux, Sharon, sans pression, lâche : « Qu’est-ce que j’aime bien faire ? Eh bien… sortir avec des garçons ! Voilà ce que j’aime vraiment ! ». De quoi rendre encore plus hystériques de colère les groupies du show. 

En quelque sorte, Sharon / Shannen Doherty avait préparé le terrain aux starlettes Disney des années 2000, brandies comme des références du puritanisme à leur début dans les sitcoms sucrées de Disney Channel avant d’apparaitre bien plus délurées sur scène quelques années plus tard, à la manière d’une Miley Cyrus, qui peut désormais chanter avec un gode géant autour de la ceinture ou les doigts dans les parties génitales.

L.A. Artificial

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Julie Gayet aurait apprécié qu’on la prépare à… la ménopause!

Confrontée à la négligence d’un État et d’une société ne sachant ou ne voulant pas alerter les femmes modernes sur les particularités physiologiques qui les distinguent des hommes depuis la nuit des temps, Mme Gayet a décidé de briser le tabou de la ménopause. L’actrice, qui a épousé l’ancien président socialiste François Hollande en 2022, s’est confiée à l’ancienne animatrice télé Maïtena Biraben, laquelle a décidé dernièrement de s’engager contre l’invisibilisation des femmes de plus de 45 ans.


Il y a plus d’un demi-siècle, Vialatte soupçonnait que la femme remonte à la plus haute Antiquité. Plus tard, les recherches anthropologiques du professeur Jean-René Ksaafer confirmèrent cette intuition. Toutefois, des chercheurs bavarois ont récemment émis l’hypothèse que la femme pourrait remonter au néolithique, voire au paléolithique. Quoi qu’il en soit, il est établi que la femme se distingue de l’homme par de nombreux aspects. Ses spécificités physiques, anatomiques et physiologiques sont aujourd’hui amplement décrites dans les manuels de médecine et dans certains guides modernes destinés aussi bien aux femmes qu’à l’homme soucieux de mieux connaître sa future compagne et d’éviter les maladresses inhérentes à une méconnaissance du sujet convoité. On trouve dans ces ouvrages spécialisés des informations primordiales sur les passages les plus délicats dans la vie des femmes, la ménopause par exemple. Ces informations se transmettaient, il n’y a pas si longtemps encore, de mère à fille, de grand-mère à petite-fille, entre sœurs, entre cousines ou entre amies. C’est ainsi que les femmes de mon enfance, en plus d’une simple observation, étaient averties de ces moments obligés dans l’existence d’une femme. Elles n’en demandaient pas plus. Elles n’attendaient l’avis d’aucun expert, l’aide d’aucune « cellule psychologique ». Nombre d’entre elles, qui n’avaient fréquenté que l’école de la vie, auraient ri de bon cœur en entendant nos Diafoirus contemporains disserter sur ces sujets que les femmes vivent intimement depuis leur apparition sur Terre. Ce qui ne date pas d’hier (voir ci-dessus). Mais les temps changent. Les femmes aussi. Des sujets de préoccupation extraordinairement modernes, situés très au-dessus des trop simples contingences d’une vie ordinaire, accaparent le temps et l’esprit de la femme moderne. Surtout si elle est de gauche. L’avenir radieux de l’humanité en dépend, prétend-elle. Elle en oublie l’essentiel. Nous verrons d’ailleurs que l’homme moderne n’échappe pas à cette loi.

Feuille de route

Julie Gayet est une femme on ne peut plus moderne. Actrice, productrice, réalisatrice, de gauche, elle n’a jamais ménagé ses efforts pour conquérir le public et François Hollande. À l’âge de 52 ans, Mme Gayet a découvert les symptômes de la ménopause et est tombée des nues – elle n’avait visiblement jamais entendu parler des conséquences de ce phénomène naturel et biologique touchant les femmes depuis au moins la plus haute Antiquité. Elle espérait des conseils spécialisés. Un guide pratique. Une feuille de route. Elle témoigne, effondrée, lors d’un entretien donné à la journaliste Maïtena Biraben : « On ne m’a pas préparée à ça, ce qui est assez fou d’ailleurs. » Puis interroge : « Mais pourquoi on ne nous prépare pas, pourquoi on n’en parle pas ? » Question légitime qui montre l’indifférence de la société moderne face à cette épreuve qui est en même temps un tabou, disent les féministes. Mme Gayet a donc constaté, sans l’aide de quiconque, sans aucun soutien psychologique, sans avoir été « préparée » à cela, que la ménopause s’accompagnait de bouffées de chaleur, de la disparition des menstruations et d’une prise de poids. Le désarroi de l’actrice est profond. Les mots lui manquant pour le décrire précisément, elle avoue simplement, de la façon la plus moderne qui soit : « Je prends cher avec la ménopause. » Confrontée à la négligence d’un État et d’une société ne sachant ou ne voulant pas alerter les femmes modernes sur ces particularités physiologiques qui les distinguent des hommes depuis la nuit des temps, Mme Gayet a décidé de briser le tabou de la ménopause. Notons que le nombre de tabous qu’il est impératif de briser ne cesse d’augmenter. On en découvre un nouveau chaque semaine. À ce propos, espérons que le mari de Mme Gayet saura profiter de son nouveau mandat de député pour fracasser celui de l’adénome de la prostate et porter à la connaissance du public l’angoisse de l’homme moderne découvrant ses symptômes avilissants !

Pourquoi ?

Car l’homme moderne, tout occupé qu’il est à accomplir une carrière professionnelle enrichissante, à tenter de se développer personnellement grâce à des manuels ad hoc et à ne rater aucun épisode de la dernière série à la mode sur Netflix, a eu tendance ces derniers temps à s’oublier, lui aussi. La vie moderne l’a éloigné de lui-même. Bref, il s’est perdu de vue. Aussi, quelle n’est pas sa surprise lorsque, arrivé à un âge avancé, il s’aperçoit qu’il ne parvient plus à obtenir que des mictions incomplètes, qu’il souille régulièrement son pantalon et qu’il se lève trois à quatre fois la nuit pour finir par échouer lamentablement à vider sa vessie malgré de longues minutes passées à tenter de ne pas uriner à côté de la cuvette. Sombre destin de l’homme moderne qui se demande alors : « Pourquoi on ne nous en parle pas ? » Plus grande encore est sa surprise lorsque, après avoir péniblement décrit, toute honte bue, ses troubles urinaires à son médecin, il entend ce dernier lui intimer l’ordre de se mettre à quatre pattes sur la table d’examen afin de pratiquer ce que le corps médical appelle un toucher rectal. « Pourquoi on ne nous prépare pas à ça ? », s’interroge-t-il alors, en même temps qu’il tente de se convaincre que le geste invasif de son praticien est bien une investigation médicale, humiliante mais nécessaire, et non un acte de pur sadisme, voire pire. Le soir, après s’être servi un cordial bien mérité, cet homme meurtri s’épanche auprès de Françoise, sa compagne : « J’ai pris cher », lui dit-il en relatant l’outrage proctologique auquel personne ne  l’avait préparé. C’est en vain qu’il quête un regard compassionnel, une main tendue, une parole de soutien – Françoise ne l’a écouté que d’une oreille distraite. Son esprit était ailleurs. Elle a appris des choses surprenantes ce matin, en lisant les confidences de Julie Gayet dans Madame Figaro1. Des choses qui la concernent au premier chef. Des choses extraordinaires, stupéfiantes, inédites. Sur les femmes, sur son corps, sur la ménopause. Soudain, elle se remémore une citation de l’anthropologue Margaret Mead lue dans quelque magazine de vulgarisation scientifique : « Il n’y a rien de plus puissant au monde que l’énergie d’une femme ménopausée. » La voilà rassurée. Après lui avoir souri comme on sourit à un enfant malade, elle prend enfin la main de son compagnon. Elle tient maintenant à consoler cet homme que rien ne pourra rasséréner. En effet, aucun anthropologue n’a encore osé affirmer qu’il n’y a rien de plus puissant au monde que l’énergie d’un homme atteint de troubles prostatiques. 

  1. https://madame.lefigaro.fr/bien-etre/on-ne-m-a-pas-preparee-a-ca-julie-gayet-evoque-sa-vie-ralentie-depuis-la-menopause-20240721 ↩︎

Israël/Liban: qui sont ces enfants massacrés à Majdal Shams?

Douze enfants et adolescents de la minorité druze ont été tués sur le terrain de football dans le village de Majdal Shams, le 27 juillet, après une frappe de roquette du Hezbollah. Les autorités israéliennes soupèsent les conséquences d’une riposte à cette attaque meurtrière. Le conflit pourrait changer d’échelle.


12 enfants et adolescents tués pendant qu’ils jouaient au football, des dizaines de blessés. La roquette qui a explosé à Majdal Shams, dans le Golan, a représenté la plus sanglante attaque commise par le Hezbollah depuis que le 8 octobre 2023 (oui, dès le lendemain du 7 octobre…) il a commencé à tirer des missiles sur Israël. 

Riposte puissante promise par Tsahal

La population israélienne a manifesté émotion et solidarité. L’Agence juive et le Keren Hayesod ont couvert leur siège à Jérusalem du drapeau druse et libéré des fonds d’urgence à la population traumatisée de la petite ville. Le Premier ministre, revenu d’urgence des États-Unis, a réuni son cabinet de sécurité, les appels à la riposte se font entendre de tous côtés, et en particulier chez les druses eux-mêmes. L’attaque la nuit suivante d’installations du Hezbollah au Liban ne sera certainement pas la seule et les autorités militaires ont confirmé que la réaction d’Israël serait « puissante », suivant les mots du chef d’état-major.

Beaucoup de confusion a suivi ce tragique événement. Qui sont les habitants de ce village? Quelle est leur relation à Israël? Est-on sûr qu’il s’agisse d’un missile du Hezbollah? Pourquoi le Dôme de fer ne l’a-t-il pas intercepté? Peut-on tenir l’État libanais comme responsable?  Quelles sont les réactions internationales? 
Essayons de préciser les choses.

Majdal Shams (la « citadelle du soleil »), située au pied du Hermon, à 1200 mètres d’altitude, est la plus importante agglomération (11000 habitants) parmi les quatre localités druses qui se trouvent sur le plateau du Golan, ce territoire conquis sur la Syrie au cours de la guerre des Six Jours, après qu’une offensive syrienne eut été lancée contre les forces israéliennes. Pour les gens de ma génération qui s’étaient rendus au Kibboutz de Ein Gev, sur la côte orientale du lac de Tibériade, en contre-bas du plateau et soumis à d’incessants bombardements syriens, la seule idée de rendre cette zone aux Syriens parait une aberration. C’est pourtant ce que réclament les chancelleries, le Quai d’Orsay en tête, quand elles parlent du « Golan illégalement occupé ». L’annexion de ce territoire à Israël en décembre 1981 avait été effectivement condamnée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité de l’ONU qui avait souligné « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre », belle occasion de se donner bonne conscience en opposition avec toute l’histoire de l’humanité. Il la réitère chaque année, mais en mars 2019, les États-Unis de Donald Trump ont reconnu la souveraineté d’Israël sur le Golan. L’idée d’un retour au paradis syrien est devenue pour les druses (qui forment la moitié des 50 000 habitants du Golan) une alternative bien moins réjouissante depuis la guerre civile dans ce pays… Leur position vis-à-vis d’Israël s’est donc progressivement bonifiée. Le célèbre film israélien, la Fiancée syrienne, tourné à Majdal Shams au début des années 2000, montrait un village pro-syrien. Cela ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Si aucun habitant n’avait au cours de ces années saisi l’opportunité de citoyenneté israélienne qui leur avait été proposée lors de l’annexion du plateau, ils sont aujourd’hui 20% à l’avoir fait, surtout des jeunes, dont certains ont fait leur service militaire dans l’armée israélienne. Ils se rapprochent ainsi des druses de Galilée qui, faut-il le rappeler, sont fiers de leur citoyenneté israélienne et ont payé un lourd tribut à la guerre de Gaza. La majeure partie de la population de Majdal Shams garde encore le statut de « résident » et bénéficie de toute façon de tous les droits sociaux israéliens. On peut comprendre qu’elle soit hostile au ministre Bezalel Smotrich, en raison de ses positions « judéo-centrées » pour ne pas dire plus, et sa présence aux funérailles a été huée. Les habitants du village réclament à Israël la même réaction qu’il aurait eue si le missile avait tué des victimes juives. Ils veulent des actes et non des mots. 

Les dirigeants druses du Liban, qui sont tributaires du Hezbollah, s’élèvent, quant à eux, contre une « instrumentalisation » de la tragédie de Majdal Shams par Israël et taisent les responsabilités dans le drame.

Un missile de confection iranienne

Le tir a été effectué par une roquette Falaq 1, de fabrication iranienne Aucune autre milice que le Hezbollah ne se sert de cet engin et encore moins, évidemment, l’armée israélienne. La portée de ce missile non guidé (c’est la définition d’une roquette) ne dépasse pas les 10 km mais sa charge explosive (50 kg) est importante. 

La responsabilité de l’attaque ne fait strictement aucun doute, mais peu de chancelleries ont nommément incriminé le Hezbollah. Les États-Unis et l’Allemagne sont des exceptions, la France une fois de plus n’en est pas, et on ne parle pas des Nations Unies, ni du commissaire Borrell de l’Union européenne. Il est de bon ton de réclamer une « enquête indépendante », ce qui  laisse persister une incertitude ; celle-ci génère un soupçon à l’égard d’Israël, suivant une technique visant à mettre en doute les évidences, grand classique de la propagande anti-israélienne. 

Qui nous prouve au fond que ce n’est pas Israël qui a envoyé cet engin pour enflammer les druses contre leurs frères arabes ? On connait la musique: qui nous prouve que ce ne sont pas les Israéliens qui ont commis les soi-disant massacres du 7 octobre? Et d’ailleurs, qui nous prouve que ce ne sont pas les sionistes qui se sont alliés aux nazis pour effectuer la Shoah (qui par ailleurs n’existe pas, elle non plus….) de façon à pouvoir impunément voler leurs terres aux Palestiniens, ce qui est plus ou moins la thèse de Mahmoud Abbas? Faurisson, Soral, Dieudonné et d’autres, comme les complotistes du Covid, nous ont montré jusqu’où pouvait aller le désir de se croire plus malin que les autres, en général aux dépens des Juifs. En laissant le doute planer, parce qu’ils ne veulent pas, pour des raisons troubles dont ils sont coutumiers, accuser le Hezbollah de front, des diplomates entrent dans une spirale négationniste.

Un doute plus crédible est celui qui porte sur le Dôme de fer. Comment se fait-il que ce système si efficace, dont des batteries sont déployées dans le Golan, n’ait pas détecté l’engin ? Et l’insinuation qui suit: serait-ce que l’on protège moins les Druses que les Juifs ? Les spécialistes expliquent que le Dôme de fer n’a globalement qu’une efficacité de 90% – mais pas de 100% – et que les échecs sont plus grands quand l’engin vole à basse altitude, dans une région vallonneuse et boisée, surtout lorsqu’il se passe moins de 10 secondes entre son point d’envoi (le village de Sheba, au Liban) et son point de chute à Majdal Shams.

Si la responsabilité du Hezbollah dans le tir est certaine, la volonté de tuer des enfants druses ne l’est pas. On a du mal à y trouver une logique mais ce n’est ni de logique, ni de précision que s’encombrent les tireurs du Hezbollah: là-bas, en face d’eux, il n’y a que des ennemis et il est hors de question de reconnaitre une erreur de tir. C’est une question d’image: jamais le Hezbollah n’a admis avoir tué des civils.

Quant au Liban, dont il était de bon ton pendant longtemps de louer le système multiconfessionnel, il ne mérite plus le nom d’État depuis des années. Le docteur Macron n’a pas pu guérir le cancer Hezbollah après les explosions de 2020 dans le port de Beyrouth. Évoquer la responsabilité pourtant évidente de cette organisation dans ces explosions peut coûter la vie aux téméraires. Aucune force interne ne semble de taille à s’opposer à la puissance du Hezbollah, c’est-à-dire de l’Iran, sur le Liban. 

Cela confronte Israël à des choix dramatiques, alors que le nord de la Galilée est devenu inhabitable. Est-ce que ce massacre d’enfants sur le Golan sera la goutte de trop ? Quel aspect prendra la riposte israélienne, militaire et/ou cyber? En tout cas, les Israéliens ne peuvent que s’en remettre aux professionnels qui étudient la faisabilité de toutes les options et au Premier ministre à qui revient la décision. Mais les incantations en faveur de la paix des bonnes âmes de nos pays n’y feront rien: la paix n’est pas dans l’agenda du Hezbollah, elle n’est pas à l’agenda de son donneur d’ordre iranien. Quant au peuple libanais, il est impuissant à empêcher le Hezbollah de ronger ce qui reste de son pays. Israël est peut-être à la croisée des chemins.

Comment une poignée d’idéologues a fait main basse sur la cérémonie des JO

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La ministre des Sports et des Jeux olympiques Mme Oudéa Castera au "Club France" à Paris, après la cérémonie d'ouverture, 26 juillet 2024 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Les Jeux Olympiques ont de tout temps été l’endroit idéal pour promouvoir des idéologies politiques, rappelle notre chroniqueur, qui lui non plus n’a pas aimé la cérémonie d’ouverture préparée par l’équipe infernale Jolly / Boucheron / Slimani / Bürki. De l’autre côté de l’échiquier politico-médiatique, sans surprise, Edwy Plenel salue un super spectacle célébrant « la France de l’émancipation ».


La France d’Emmanuel Macron n’est pas la mienne. Je ne l’ai pas non plus reconnue dans la cérémonie des JO, emplie de stéréotypes sexués et de flatteries à l’air du temps. J’ai vu, dans la mise en scène de Thomas Jolly, une opération politique pour valoriser la nouvelle France diversitaire promue par le chef de l’Etat. 80% des investissements publics ont d’ailleurs bénéficié à la Seine-Saint-Denis, selon Amélie Oudéa-Castera intérrogée sur Europe 1, lundi. Alors que l’article 50-02 de la charte olympique du CIO stipule : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique », le pouvoir, désavoué depuis par les urnes, a choisi de passer outre cette interdiction en imposant d’autorité sa vision contestée d’une société post-nationale et post-française.

L’historien Patrick Boucheron, un des organisateurs de l’évènement, n’a rien caché de ses desseins consistant à « affirmer crânement, énergiquement que c’est comme ça qu’on va vivre ensemble (…) On a restauré, pour nous, intimement, une fierté pour ce pays. Pas pour son identité, mais pour son projet politique (…) ». De ce point de vue, un parallèle peut être fait entre Leni Riefenstahl, qui filma pour Hitler les JO de Berlin de 1936, et Jolly et ses amis qui ont scénarisé pour Macron les JO 2024. Dans les deux cas, on retrouve une même propagande au service de l’Homme nouveau (aryen ou métissé), une même obsession de la race, un même mépris du catholicisme, un même enthousiasme obligatoire. Ceux qui ont eu l’audace d’avouer n’avoir pas apprécié les génuflexions wokistes face aux minorités sexuelles ou raciales ont été traités d’ « extrême droite ». Ainsi font les nouveaux fascistes grimés en antifascistes.

La nouvelle France de Macron, multiculturelle, n’est pas non plus celle de nombreux compatriotes indigènes. Certes, un sondage a montré que 85% des téléspectateurs avaient estimé la cérémonie réussie. Je ne mésestime pas la technique subversive des déconstructeurs : leur savoir-faire peut amener à ce genre de plébiscite mou. « Quand on sait comment arnaquer les esprits, il n’est pas difficile de devenir le maître du monde », écrit le philosophe Bertrand Vergely1, qui ajoute : « Quand on sait comment rétablir la vérité et l’honnêteté, on devient un libérateur ». Je remarque d’ailleurs que le spectacle a également emballé Edwy Plenel qui a tweeté : « Superbe cérémonie qui a sublimé la France de l’émancipation, celle de l’égalité des droits sans distinction d’origine, de condition, d’apparence, de sexe, de genre. La France née en 1789. « Ah ! Ça ira, Ah ! Ça ira… » (…) ». Or Je doute que Plenel, symbole de l’islamo-gauchiste et du déracinement, se reconnaisse lui-même dans cette autre France méprisée, enracinée et périphérique, qui n’a jamais d’autre droit que celui de se taire. Je défends cette France au nom de l’injustice qui lui est faite.

Les organisateurs n’ont cessé de dire qu’ils voulaient faire un « anti-Puy-du Fou » en tournant le dos à la classe moyenne des oubliés, coupables de mal voter. Mais de quel droit une poignée de militants sans légitimité ont-ils détourné la vocation olympique de la cérémonie des Jeux, imitant en cela ce que furent les JO de Berlin de 36 ?

Le CIO a présenté ses excuses. Les squatteurs propagandistes plastronnent.


  1. Main basse sur la pensée, Salvator ↩︎

Sahara occidental: le soutien au plan marocain marque une réorientation stratégique française bienvenue

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Le président Macron et le roi du Maroc discutent à Rabat, après l'inauguration d'une ligne de train à grande vitesse, 15 novembre 2018 © Christophe Archambault/AP/SIPA

En cet été 2024, en plein Jeux olympiques, assiste-t-on à la fin du « en même temps » présidentiel ? On peut le penser, et l’espérer, sur le plan intérieur au vu de l’impasse politique dans laquelle la dissolution voulue par Emmanuel Macron a conduit le pays. Ce retour à un peu de modestie et de lucidité trouvera-t-il son pendant en politique étrangère ? Ce serait également souhaitable compte tenu du nombre de dossiers diplomatiques (de l’OTAN à la Russie, en passant par la Chine, l’Afrique, le Liban, l’Algérie, etc.) sur lesquels la « pensée complexe » présidentielle s’est également égarée.

Le 30 juillet, Emmanuel Macron a reconnu le plan d’autonomie marocain comme « la seule base pour une solution politique juste et durable » pour le Sahara occidental, ainsi que la souveraineté du Maroc sur ce territoire. C’est un pas dans la bonne direction, un choix diplomatique conséquent. Cette décision marque une étape importante vers la réconciliation avec le royaume chérifien, en répondant aux principes fondamentaux d’une politique étrangère digne de ce nom : intérêts, vision et durée. Si elle irrite l’Algérie, qui a rappelé son ambassadeur, elle témoigne d’une réorientation stratégique française nécessaire à la lumière des évolutions régionales et internationales.

Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron avait fait ce qu’on peut appeler un « pari algérien », cherchant à réconcilier les deux pays et semblant penser qu’une telle démarche pourrait solder le passé douloureux et ouvrir un nouveau chapitre dans les relations franco-algériennes. Pour ce faire, il a multiplié les gestes de bonne volonté, en particulier sur le plan mémoriel. Il a poussé la repentance très loin, jusqu’à humilier son propre pays, notre pays. Alger n’a répondu à ces initiatives que par des critiques acerbes, des provocations, des exigences sans cesse renouvelées. Cet entêtement a conduit à un raidissement inédit des relations avec le Maroc, délaissé au profit de chimères avec l’Algérie. Ce pari infructueux semble désormais abandonné, Emmanuel Macron semblant juger plus fructueux le renforcement des liens avec Rabat.

Les présidents Macron et Tebboune au G7, Borgo Egnazia, Italie, 14 juin 2024 © Christopher Furlong/AP/SIPA

Reconnaître le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental n’est pas seulement répondre à une revendication diplomatique ancienne. C’est un moyen habile de reconnaître publiquement le statut de puissance régionale acquis par le pays. En effet, le Maroc est le seul pays stable du Maghreb et des rives de l’immense région sahélo-saharienne. Cette stabilité politique et économique, acquise au fil des vingt-cinq dernières années, lui permet de jouer un rôle crucial dans une zone constamment traversée par des tensions politiques et sécuritaires. Tel n’est pas le cas de ses voisins puisque la Tunisie semble s’enfoncer dans une sorte de lente glaciation autoritaire, tandis que l’Algérie reste figée dans un immobilisme anachronique (s’apprêtant à réélire Abdelmajid Tebboune lors d’élections présidentielles sans surprise qui auront lieu le 9 septembre prochain).

Enfin, ce rapprochement avec le Maroc s’inscrit dans un contexte géopolitique global instable et dangereux. La résurgence des conflits entre États, les ambitions territoriales explicites et le retour de la guerre sur plusieurs fronts exigent que la France, et globalement les Occidentaux, révisent et consolident leur système d’alliances. La Russie, active en Ukraine, bien implantée en Méditerranée orientale et désormais clairement hostile à Israël (elle vient tout de même de qualifier « d’assassinat politique tout à fait inacceptable » la mort d’Ismaïl Haniyeh, chef politique du mouvement terroriste Hamas, à Téhéran !), constitue une menace directe pour la stabilité régionale. En parallèle, l’Algérie, par ses liens étroits avec Moscou et ses achats d’armements russes, renforce cette dynamique préoccupante. En effet, le contexte géopolitique global doit nous conduire à « voir ce que nous voyons » : les théâtres d’opérations de la contestation planétaire contre l’Occident ne sont pas isolés les uns des autres mais tous interconnectés. 

Dès lors, le rapprochement avec Rabat et le soutien français au plan marocain pour le Sahara occidental, après ceux de l’Espagne et de l’Allemagne ces deux dernières années, deviennent non seulement stratégiques mais impératifs. Il appartient maintenant aux deux nations de consolider cette alliance et de lui donner portée, pérennité et force.

Attaques contre Jerry Seinfeld: «Ne dites surtout pas qu’on n’est pas drôle!»

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Jerry Seinfeld photographié à l'US Open en 2022, New York © UPI/Newscom/SIPA

Ce n’était pourtant pas la première fois que le comédien à succès américain, Jerry Seinfeld, faisait part de son dégoût pour le politiquement correct et la culture woke. En 2015 déjà, l’humoriste avait décidé de ne plus se rendre sur les campus américains, car les étudiants y étaient devenus trop facilement offensés par ses blagues. Ses derniers propos, tenus dans un podcast du journal The New Yorker1, et son soutien au peuple juif après le 7 octobre, lui valent de nombreuses nouvelles inimitiés.


Décidément, quand il s’agit d’humour, on ne plaisante pas. C’est du moins l’impression que dégage l’étrange affaire suivant les déclarations de l’humoriste américain Jerry Seinfeld, le 28 avril dernier. 

Invité de l’émission The New Yorker Radio Hour, il dressa un sombre portrait des nouvelles séries comiques télévisées, estimant que « l’extrême gauche et ces conneries politiquement correctes », ainsi que « la crainte constante d’offenser quelqu’un » (traductions de l’auteur) menacent l’existence même de l’humour à la télévision. Évoquant les multiples comités et groupes de pression examinant et réécrivant les scénarios avant qu’ils ne soient approuvés, il insinua que les grandes productions hollywoodiennes finiront par condamner le genre comique aux oubliettes, tant les risques de complication sont élevés. 

À moins que l’on se fût cantonné dans son salon ces quinze dernières années sans lire un seul journal, ces propos n’expriment rien de nouveau et ne devraient plus choquer personne. Et bien que venant d’un humoriste avec une connaissance intime du show-business, cette opinion ne diffère pas, au fond, de la philosophie de comptoir.

Et pourtant, quel scandale a-t-elle causé. Réactions enflammées de célébrités bien-pensantes, déferlements sur les réseaux sociaux, articles, podcasts et reportages : du jour au lendemain, Seinfeld est devenu la nouvelle cible – puisqu’il en faut au moins une par mois, on dirait – d’une campagne de « cancel culture ». Mais comment l’expliquer, considérant la banalité relative de ce qu’il avait dit ?

C’est parce que, pour les garants du discours acceptable, ces mots anodins se transforment en menace lorsque proférés par une figure aussi influente que Jerry Seinfeld. Pour rappel, il est l’un des comiques les plus appréciés du monde anglo-saxon, tant grâce à sa série éponyme des années 1990 qu’à ses spectacles de stand-up qui, encore aujourd’hui, remplissent les plus grandes salles. 


La gauche adore scander que « tout est politique ». L’humour, en l’occurrence, a cette capacité unique de combiner la légèreté, le rire et l’insolence avec la dérision, l’ironie et le ridicule. Ainsi, les spectacles de stand-up, les séries et films comiques, allant jusqu’aux blagues qu’on se lance au quotidien, sont autant de champs de bataille où des idéologies, derrière les sourires, visent à s’abattre les unes les autres en quête du grand trophée, c’est-à-dire du rire le plus éclatant. 

D’où la panique du soi-disant camp du Bien, apprenant qu’une légende de l’humour ait démasqué la tentative, et l’échec, de l’extrême gauche d’imposer ses dogmes à la culture populaire. Seinfeld aurait pu tout aussi bien dire : « Ces gens sont si dépourvus de légèreté qu’ils donnent à Hollywood, la religion du divertissement, l’envie d’enterrer le genre tout court ! » 

Et pourtant, avec ces crises de rage, la gauche, sans le vouloir, a réalisé son plus grand exploit comique. Car quoi de plus marrant que de voir quelqu’un se fâcher pour le simple fait d’être traité de pas drôle ?


  1.  Jerry Seinfeld a estimé que le politiquement correct était en train de détruire l’humour. “This is the result of the extreme left and PC crap, and people worrying so much about offending other people. When you write a script and it goes into four or five different hands, committees, groups — ‘Here’s our thought about this joke’ — well, that’s the end of your comedy.”
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Que sait Patrick Boucheron de nos peurs?

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L'histoirien Patrick Boucheron

Interrogé par le journal Le Monde, Patrick Boucheron (historien co-auteur de la cérémonie d’ouverture des JO avec le chorégraphe woke Thomas Jolly) assume les messages politiques inclusifs de son spectacle, et estime que seule la fachosphère ne l’a pas aimé.


On en a assez de ces gens qui parlent à notre place. L’historien Patrick Boucheron, inspirateur principal de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le 26 juillet, a affirmé qu’il avait voulu en faire « un manifeste contre la peur ». D’abord je ne vois pas en quoi ce qui nous a été montré, admiré par beaucoup, décrié par d’autres, correspondait à cette étrange intention. On a plutôt relevé les justifications, protestations, explications, atténuations ou excuses qui se sont multipliées, une fois l’ouverture proclamée. Surtout – et ceci dépasse très largement le point de vue lié aux JO – l’attitude et les propos de M. Boucheron me paraissent relever de ce savoir empli de condescendance, cultivé par des historiens ou des intellectuels s’autoqualifiant de progressistes, à l’égard d’une multitude ne connaissant que les instincts primaires, les angoisses élémentaires ou la peur selon sa terminologie. On pourrait rétorquer d’emblée que c’est bien là une considération de privilégié qui a tout loisir pour s’abandonner à la noblesse de la pensée quand le bas peuple, lui, se traîne dans la médiocrité. Mais, plus profondément, qui pourrait dénier que cette peur est non seulement compréhensible mais légitime ? Si on met entre parenthèses l’intermède qui se veut magique des JO, où donc pourrait résider, sur le plan national et international, une espérance suffisamment forte pour nous faire entrevoir le meilleur, une réalité assez positive pour ne pas nous faire craindre le futur, une confiance tellement assurée à nos gouvernants, à notre classe politique, aux responsables de nos démocraties qu’elle puisse nous débarrasser du moindre doute sur la conduite du monde, une naïveté tellement béate sur l’état de notre société qu’elle nous rendrait aveugle à ceux qui n’ont pour ambition que de la détruire, de la subvertir ?
Cette peur, dont Patrick Boucheron a prétendu nous guérir avec son surprenant remède, est au contraire la preuve de notre lucidité et de notre humanité. Si nous n’avions pas peur, nous ne saurions pas nous battre pour une France paisible.

Sahara occidental: “Emmanuel Macron s’est émancipé du chantage algérien”

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Les présidents Macron et Tebboune au G7, Borgo Egnazia, Italie, 14 juin 2024 © Christopher Furlong/AP/SIPA

Le président algérien Tebboune rechigne à venir en France et a déjà reporté plusieurs fois sa visite. Et voilà que dans le dossier du Sahara occidental, qui empoisonne les rapports entre le Maroc et l’Algérie depuis des décennies, Paris joue Rabat contre Alger! La lettre adressée par le président Macron au roi du Maroc, assurant que le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental constitue “la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée” constitue un camouflet pour les Algériens, lesquels soutiennent les indépendantistes de Front Polisario…


Xavier Driencourt est diplomate et haut-fonctionnaire. Fait rare, il a été ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, durant la présence d’Abdelaziz Bouteflika en tant que président. 

Alors qu’Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara dans un inattendu revirement, cet expert nous livre ses impressions sur le contexte géopolitique qui a présidé à ce changement. 

M. Driencourt a publié L’énigme algérienne (L’observatoire, 2022) et Evian face à l’étranger (Editions du CNRS, 2023).

L'énigme algérienne: Chroniques d'une ambassade à Alger

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Causeur. Comment avez-vous reçu le revirement d’Emmanuel Macron sur le dossier du Sahara et du Maroc ? Est-ce inattendu ?

Xavier Driencourt. Oui et non. Par certains aspects, ce changement de cap était prévisible. Il y a eu plusieurs signaux faibles qui pouvaient mettre la puce à l’oreille. Ainsi, quand Stéphane Séjourné a été désigné ministre des Affaires étrangères, il s’est immédiatement rendu au Maroc où il a tenu un discours assez inédit. Alors que le plan d’autonomie présenté en 2007 a longtemps été jugé « possible » et non comme la seule solution pour le règlement du problème, Monsieur Séjourné a déclaré à Rabat en février dernier qu’il savait que la problématique du Sahara dit occidental avait un caractère « existentiel » pour le royaume. C’était un grand pas en avant.

D’autres indices se sont alors fait jour. L’agence française du développement a notamment invité les entreprises françaises à investir dans la région du Sahara, leur indiquant que l’environnement économique y était sain. Une nouveauté, dans un contexte diplomatique qui a longtemps été difficile sous la présidence d’Emmanuel Macron. Pendant plusieurs années, les relations ont été gelées sinon polaires entre nos deux pays. Nul doute que la lettre envoyée par Emmanuel Macron à sa majesté Mohammed VI va considérablement changer la donne. On avait pu voir d’ailleurs les premiers résultats du réchauffement avec les visites de Bruno Le Maire, Franck Riester ou bien sûr Gérald Darmanin dans le cadre de l’arrestation d’un caïd marseillais qui se cachait au Maroc. Demain, les relations s’approfondiront encore.

A lire aussi, Gabriel Robin: Maroc: le quart de siècle de Mohammed VI

La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara est la phase ultime de la réconciliation. Nous rejoignons l’Espagne et les États-Unis, mais je pense que la position de la France est plus déterminante que celle de Madrid, sans manquer de respect à nos voisins d’outre-Pyrénées. Par son passé et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France a un rôle très particulier à jouer dans cette région du monde. Pendant sept ans, Emmanuel Macron a subi le chantage algérien, il s’en est désormais pleinement émancipé.

Comment l’expliquez-vous ?

Le président a vu l’impasse dans laquelle l’inflexibilité algérienne le conduisait en Afrique. Il a pris un tournant qui entrainera sûrement une reconnaissance plus large de la souveraineté marocaine au Sahara. De nombreux pays européens et africains suivront l’exemple français en se disant que si nous l’avons fait, ils devraient peut-être s’y mettre. C’est ce que craignait Alger, désormais isolé. La mauvaise humeur du régime durera sûrement un moment. Le « rappel » de l’ambassadeur en est un signe. Alger avait fait la même chose avec l’Espagne, avant de renvoyer en catimini son ambassadeur. Fait amusant, l’ambassadeur d’Algérie en Espagne était celui qui a aujourd’hui été rappelé de Paris vers Alger aujourd’hui. Il est traité d’incapable dans de nombreux médias algériens…

A lire aussi, Jean Sévillia: «Depuis 40 ans, la France se couche devant le pouvoir algérien»

Ne faut-il pas s’inquiéter de cette crise ouverte entre Paris et Alger ?

Je pense qu’il fallait en passer par là avec Alger qui attend une relation unilatérale et exclusive à son unique bénéfice. Le rapport de force était une nécessité. Les réactions politiques en France témoignent d’ailleurs d’un soulagement. Du PS au RN, à l’exception de l’extrême-gauche, les réactions sont unanimes. Il fallait crever l’abcès.
On l’oublie mais Abdelmadjid Tebboune est actuellement en campagne pour sa réélection. Il désignera à n’en point douter la France et le Maroc à la vindicte populaire comme dérivatifs des errements intérieurs du régime.
La France doit quant à elle avancer avec le royaume chérifien et cultiver une relation qui sera profitable aux deux parties.

Béziers, la féria et les furieux

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DR.

L’affiche de la féria de Béziers 2024 a créé la polémique avec un dessin signé Jean Moulin. Le héros de la Résistance était un aficionado ! Cela a fait hurler les anticorrida…


Béziers ne manque décidément jamais de créer la polémique. C’est au tour de l’affiche de la féria 2024, durant laquelle se dérouleront notamment quatre grandes corridas de taureaux, de faire scandale. Pourquoi ? Regardez-là de plus près ! (voir notre reprodution ci-dessous) Elle est signée… Jean Moulin ! Pas un obscur Jean Moulin, non. C’est bien Moulin le résistant. Natif de Béziers ! Lors de la présentation de cette affiche le 7 mai, Robert Ménard s’en explique : « Jean Moulin a adoré et dessiné la tauromachie. Ce dessin est un bel exemple de la façon dont il a salué cet art décrié par certains et défendu ici. » C’en est trop pour les anticorridas. Moulin à la rescousse de cette barbarie, et puis quoi encore ? Levée de boucliers.

Le dessin de Jean Moulin finalement retiré / Jean Moulin / Ville de Béziers

« C’est quand même tordre la réalité d’une manière scandaleuse. Personne ne peut dire ce que Jean Moulin pensait de la corrida », déclare à Midi libre le conseiller municipal à la Mairie de Béziers, Thierry Antoine. Le Colbac (Comité de liaison biterrois pour l’abolition de la corrida) dénonce lui une « récupération honteuse », « un mensonge et une manipulation de l’opinion ». La Ville de Béziers possède 500 dessins de Jean Moulin, dont treize illustrent le monde taurin. Sur deux d’entre eux, homme et bête sont représentés. Romanin (pseudonyme avec lequel il signait ses dessins) esquisse la charge du taureau qu’il semble bien connaître. Deux autres mettent en majesté le torero, seul. Les matadors en piste, tels que les dessine Moulin, sont pleins de grâce, d’une beauté hiératique. Le peintre et aficionado Lilian Euzéby s’enthousiasme : « Moulin croque les physionomies et les attitudes des toreros avec un sourire fraternel. On pense immanquablement à Goya et à la figure grimaçante d’une humanité qui lui était si chère. Un détail attire mon attention. C’est le visage de ce jeune torero qui semble interroger le ciel. Son corps est esquissé par une figure qui paraît ailée avec ses deux bras tendus vers le haut (ange ou banderillero). » Certes, comme le rappellent les anticorridas, aucun écrit de Moulin, aucune déclaration ne relate une possible afición à la tauromachie de sa part. Mais quel farouche opposant à la corrida dessinerait ainsi les matadors ? Peu de place au doute. Ces dessins au crayon rappellent aussi ceux de Montherlant, aficionado comme Goya. Ce que je retiens, moi, de tout cela, c’est que Jean Moulin, héros français, incarnation du courage – mental et physique – ayant affronté et résisté à la peur et à la douleur, fut spectateur des corridas. Et plus encore, qu’il en fut un observateur à l’œil aiguisé, capable d’esquisser les poses de danseurs ou de triomphateurs de ces héros des arènes. La corrida, « c’est la fête du courage, c’est la fête des gens de cœur », chante Escamillo dans le Carmen de Bizet. Notre héros national, nous le savons désormais, a participé à cette fête. Moulin n’était pas un barbare, il fut victime de la barbarie. De celle de Klaus Barbie. Les anticorridas ont eu raison de cette affiche puisque la Ville de Béziers, fatiguée des attaques sans fin, a décidé le 24 juin de la retirer. Qu’importe, Moulin aficionado, nous le savons désormais !

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Des chiffres et des lettres: dernières consonnes et voyelles avant la fin

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Laurent Romejko sur le plateau télévisé des Chiffres et des Lettres en 1994. Le jeu est alors diffusé sur France 2 © ROUSSIER/SIPA

Depuis 2022, l’émission n’était plus diffusée que le samedi et le dimanche. À la rentrée, le jeu ne sera plus à l’antenne de France 3.


Consonne… Voyelle… Consonne. Pendant cinquante-deux ans, la même ritournelle, dans tous les enchaînements possibles, aura été scandée par les milliers de candidats ayant participé au plus ancien des jeux encore à l’antenne. Alors que Des chiffres et des lettres s’apprête à tirer sa révérence1, une page de notre rapport énamouré et contrarié aux calculs et au vocabulaire se tourne. Pour la doyenne des émissions, le compte n’était plus vraiment bon : de 7 millions de téléspectateurs il y a trente-cinq ans, elle ne parvenait plus à en attirer que le dixième. Et puis, la mode n’est plus aux mots de neuf lettres.

Prenant la suite de l’émission Le mot le plus long, dont le principe résidait dans son intitulé, Des chiffres et des Lettres, qui y adjoignit le calcul mental, a accompagné les après-midi de nombreux Français, à peine concurrencé, sur la durée, par le Tour de France au mois de juillet. « Un jeu de vieux », entend-on déjà persifler ses habituels contempteurs. Le jeu d’une génération au moins, celle de nos (arrière-)grands-parents, déjà moins celle de nos parents, celle des boomers qui prirent le contre-pied de l’époque en choisissant de construire des mots plutôt que de succomber à la mode de la déconstruction.

Et nous, encore enfants au tournant des années 90, avons souvent entendu, au détour d’une visite familiale, nos aïeux déjà blanchis sous le harnais, tenter de former un mot ou s’exclamer, après un calcul aussi bref qu’efficace : « Le compte est bon! ». À l’époque, nous usions nos pantalons d’uniforme sur les bancs de l’école et les seuls jeux auxquels nous nous adonnions, en dehors des sports de ballon et des billes – de corde à sauter pour les filles : c’était avant les pratiques non genrées – consistaient à retrouver, le plus rapidement possible, des mots dans le dictionnaire ou le résultat d’une addition. Tous les matins, notre professeur récitait une dictée et nous tentions de reproduire le texte sans commettre de fautes. Nous avions un cahier dans lequel nous nous exercions aux tables de multiplication.

A lire aussi: Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews» 

À l’heure où les smartphones ont envahi les salles de classe, avec leur lot d’applications sociales, mais aussi d’outils permettant de calculer sans devoir effectuer d’exercice mental, et à l’époque où nous n’avons plus à nous soucier de la correction orthographique – presque un fascisme -, il n’est pas étonnant que Des Chiffres et des Lettres rejoigne la liste d’émissions culturelles passées à la trappe : Les jeux de 20 heures (avec aux manettes Jean-Pierre Descombes, qui vient de vous quitter, et Maître Capello) ou L’académie des 9. Il reste, nous dira-t-on, Slam, présenté pour quelque temps encore par le sémillant Cyril Féraud, l’excellent Questions pour un champion, ode à la culture générale, ou Tout le monde a son mot à dire.

Nous ne pourrions évoquer l’émission sans mentionner l’esprit fécond de son créateur Armand Jammot, également inventeur de La bourse aux idées et des Dossiers de l’écran, ses brillants animateurs, Patrice Laffont et le toujours jeune Laurent Romejko, ses arbitres Arielle Boulin-Prat et Bertrand Renard, sacrifiés il y a deux ans déjà sur l’autel de la modernité, et ses nombreux clubs disséminés partout en France où se réunissent des amoureux de la gymnastique intellectuelle.

Le groupe-Bolloré aurait montré un intérêt à la reprise du programme, mais la famille de son créateur a balayé l’idée d’un revers de la main : «Jamais mon père, qui était un grand républicain, un démocrate, un humaniste, n’aurait travaillé avec M. Bolloré. Quand il rencontrait des téléspectateurs d’origine immigrée qui lui disaient ‘j’ai appris le français avec vous’, il était content. Or, je partage ses convictions profondes », s’est permis de déclarer Florence Jammot dans Le Monde2.

Le culte des chiffres et des lettres, qui mourait à petits feux, s’éteint un peu plus avec la disparition de sa grand-messe. Comment s’en étonner alors que le désormais ex-ministre des Finances semble incapable de présenter un budget calculé à l’équilibre – le même nous ayant gratifié d’un roman au style bancal -, tandis que les tests internationaux montrent un manque de maîtrise des mathématiques et alors que l’orthographe est perçue comme un nouveau fascisme ? Et voilà que soudain nous envahit ce sentiment résumé en un dernier mot de neuf lettres : nostalgie. 

  1. https://www.latribune.fr/technos-medias/c-est-une-decision-difficile-mais-nous-avons-decide-d-arreter-des-chiffres-et-des-lettres-stephane-sitbon-gomez-france-televisions-996923.html ↩︎
  2. https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/07/04/jamais-mon-pere-n-aurait-travaille-avec-m-bollore-les-detenteurs-des-droits-du-jeu-televise-des-chiffres-et-des-lettres-ne-veulent-pas-de-c8_6246928_3234.html ↩︎

Shannen Doherty réapparaît dans un roman français

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L-R: Jason Priestley, Tori Spelling, AAron Spelling et Shannen Doherty, Los Angeles, 18 mars 1992 © ELTERMAN/SIPA

Dans un roman qui ne ménage pas la pudibonderie de ses lecteurs, Hélène Maurice revient sur le parcours extravagant de Shannen Doherty, actrice de Beverly Hills 90210 décédée le 13 juillet qui n’est jamais parvenue à se déparer de son image de peste à Hollywood.


La couverture bariolée est couverte de bobines de cinéma, de pop-corn, de masques de Janus… Avec L.A. Artificial (Les presses littéraires), son premier roman, Hélène Maurice nous replonge dans la Californie du début des années 90. Le corps de Kurt Cobain n’a pas encore été retrouvé mort, au bout de son troisième jour de décomposition. Roberto Baggio n’a pas encore envoyé son tir-au-but mémorable, dans les nuages du Rose Bowl de Pasadena. L’héroïne n’a pas encore flingué toute la génération grunge. Pour l’instant, les GI’s mènent leur opération de gendarmerie internationale contre Saddam Hussein. Et toutes les chaines diffusent en boucle les images de la guerre dans le sable. Toutes, sauf la Fox, qui programme à heure de grande écoute un soap, Beverly Hills 90210 (rebaptisé Holmby Hills, dans le roman). L’équivalent, si l’on était méchant, de nos sitcoms de la même époque. 

Ça tombe bien, l’Amérique ne demande pas mieux que se vider le crâne. Des personnages un peu niais vivent des amourettes d’adolescents. Les acteurs sont des gosses de riche, ou carrément la fille du producteur (« une véritable petite pute », dont « le succès auprès de la gent masculine étonnait d’autant plus son père qu’il la trouvait laide et refaite »), Sharon O’Brien est une petite nénette échappée du Maryland. Brunette au léger strabisme, elle crève l’écran et vampirise la série, au point de vite pouvoir se permettre toutes les extravagances en coulisse. Jusqu’à coucher avec l’acteur qui joue son frère jumeau dans la série, contre toutes les promesses faites à la production au début du tournage !

« Qu’est-ce qu’on en à foutre de ce soap ? »

« Qu’est-ce qu’on en à foutre de ce soap ? », se demande Jay Martel, journaliste chez Rolling Stone, qui va bientôt se voir imposer à la une de son magazine, référence de la culture rock, la bobine des trois principaux acteurs de la série, a priori fort éloignée de l’underground musical. On pourrait bien se poser la même question.

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Dans son roman, Hélène Maurice nous fait voyager dans les quartiers de Los Angeles, que l’on connait mieux, grâce à la magie du cinéma, que ceux de Grenoble ou Châteauroux. Elle parvient à nous faire passer de la vacuité du monde des petits acteurs californiens au bouillonnement grunge de la même époque. C’est que l’ambiance cocaïnée de la jet-set ne suffit pas à Sharon O’Brien, il lui faut aussi des rockers sales aux bras mutilés par les piqûres. Le roman est par ailleurs émaillé de références musicales de l’époque: de Here comes Your Man à Novocaine for the Soul en passant par Killing in the Name, on se plait à se perdre dans le juke-box mental de l’auteur. 

Dans les romans de Bukowski, les types s’enfilent des bières ou s’adonnent à « la meilleure baise de l’histoire ». Il ne faut pas être bégueule non plus quand on ouvre L.A. Artificial : scènes de baise sous défonce (ou l’inverse), éjaculations buccales, introduction d’ecstasy dans le vagin en plein cunnilingus… Il y en a pour tous les goûts. 

Mais c’est aussi un intéressant flashback qui nous ramène à une époque où l’industrie du divertissement n’était pas encore tout acquise au progressisme, une époque où les séries télévisées étaient d’abord destinées à un public WASP conservateur, et où des scénaristes démocrates tentaient timidement d’imposer quelques thèmes osés comme le SIDA. Épisode après épisode, les réalisateurs de Holmby Hills avancent ainsi dans leur scénario en ayant la sensation un peu prétentieuse de bousculer la société. Plus tard, Sharon O’Brien s’affichera, elle, aux côtés du Parti républicain, moins par soudaine adhésion politique que par goût du contrepied… et pour ramasser un gros chèque. Encore une manière de s’attirer l’hostilité de ses pairs, habitude qu’elle élève au rang d’art. Toute ressemblance…

Jeunes harpies, désinvolture et gode ceinture

Le roman, cru, direct et efficace, a été publié le 9 juillet. Il a pris une autre dimension puisqu’on apprenait quelques jours plus tard le décès de Shannen Doherty à 53 ans; elle a totalement inspiré le personnage principal. On s’attache à ses coups de sang, à sa manie d’arriver une heure en retard chaque jour sur les tournages. Quand le producteur convoque trois ou quatre acteurs pour leurs écarts de conduite, l’un est pris « d’une diarrhée aussi fulgurante que phénoménale ». Shannen-Sharon, elle, lui fait parvenir le courrier suivant : « Je ne suis pas une fille que l’on convoque. Avec tout mon respect, je vous embrasse patron ! Sharon ». Des ligues de jeunes harpies, grosses dondons d’abord fans de la série mais qui veulent absolument en voir exclue Sharon, s’amusent ensuite à lui pourrir la vie, à cause de l’énorme écart entre le personnage et l’existence dissolue de l’actrice. Il faut dire qu’à une remise de prix des Golden Globes, alors que ses collègues acteurs disent tout leur amour du taï-chi ou de leurs animaux, Sharon, sans pression, lâche : « Qu’est-ce que j’aime bien faire ? Eh bien… sortir avec des garçons ! Voilà ce que j’aime vraiment ! ». De quoi rendre encore plus hystériques de colère les groupies du show. 

En quelque sorte, Sharon / Shannen Doherty avait préparé le terrain aux starlettes Disney des années 2000, brandies comme des références du puritanisme à leur début dans les sitcoms sucrées de Disney Channel avant d’apparaitre bien plus délurées sur scène quelques années plus tard, à la manière d’une Miley Cyrus, qui peut désormais chanter avec un gode géant autour de la ceinture ou les doigts dans les parties génitales.

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Julie Gayet aurait apprécié qu’on la prépare à… la ménopause!

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François Hollande et Julie Gayet à Angoulême, 25 août 2023 © Laurent VU/SIPA

Confrontée à la négligence d’un État et d’une société ne sachant ou ne voulant pas alerter les femmes modernes sur les particularités physiologiques qui les distinguent des hommes depuis la nuit des temps, Mme Gayet a décidé de briser le tabou de la ménopause. L’actrice, qui a épousé l’ancien président socialiste François Hollande en 2022, s’est confiée à l’ancienne animatrice télé Maïtena Biraben, laquelle a décidé dernièrement de s’engager contre l’invisibilisation des femmes de plus de 45 ans.


Il y a plus d’un demi-siècle, Vialatte soupçonnait que la femme remonte à la plus haute Antiquité. Plus tard, les recherches anthropologiques du professeur Jean-René Ksaafer confirmèrent cette intuition. Toutefois, des chercheurs bavarois ont récemment émis l’hypothèse que la femme pourrait remonter au néolithique, voire au paléolithique. Quoi qu’il en soit, il est établi que la femme se distingue de l’homme par de nombreux aspects. Ses spécificités physiques, anatomiques et physiologiques sont aujourd’hui amplement décrites dans les manuels de médecine et dans certains guides modernes destinés aussi bien aux femmes qu’à l’homme soucieux de mieux connaître sa future compagne et d’éviter les maladresses inhérentes à une méconnaissance du sujet convoité. On trouve dans ces ouvrages spécialisés des informations primordiales sur les passages les plus délicats dans la vie des femmes, la ménopause par exemple. Ces informations se transmettaient, il n’y a pas si longtemps encore, de mère à fille, de grand-mère à petite-fille, entre sœurs, entre cousines ou entre amies. C’est ainsi que les femmes de mon enfance, en plus d’une simple observation, étaient averties de ces moments obligés dans l’existence d’une femme. Elles n’en demandaient pas plus. Elles n’attendaient l’avis d’aucun expert, l’aide d’aucune « cellule psychologique ». Nombre d’entre elles, qui n’avaient fréquenté que l’école de la vie, auraient ri de bon cœur en entendant nos Diafoirus contemporains disserter sur ces sujets que les femmes vivent intimement depuis leur apparition sur Terre. Ce qui ne date pas d’hier (voir ci-dessus). Mais les temps changent. Les femmes aussi. Des sujets de préoccupation extraordinairement modernes, situés très au-dessus des trop simples contingences d’une vie ordinaire, accaparent le temps et l’esprit de la femme moderne. Surtout si elle est de gauche. L’avenir radieux de l’humanité en dépend, prétend-elle. Elle en oublie l’essentiel. Nous verrons d’ailleurs que l’homme moderne n’échappe pas à cette loi.

Feuille de route

Julie Gayet est une femme on ne peut plus moderne. Actrice, productrice, réalisatrice, de gauche, elle n’a jamais ménagé ses efforts pour conquérir le public et François Hollande. À l’âge de 52 ans, Mme Gayet a découvert les symptômes de la ménopause et est tombée des nues – elle n’avait visiblement jamais entendu parler des conséquences de ce phénomène naturel et biologique touchant les femmes depuis au moins la plus haute Antiquité. Elle espérait des conseils spécialisés. Un guide pratique. Une feuille de route. Elle témoigne, effondrée, lors d’un entretien donné à la journaliste Maïtena Biraben : « On ne m’a pas préparée à ça, ce qui est assez fou d’ailleurs. » Puis interroge : « Mais pourquoi on ne nous prépare pas, pourquoi on n’en parle pas ? » Question légitime qui montre l’indifférence de la société moderne face à cette épreuve qui est en même temps un tabou, disent les féministes. Mme Gayet a donc constaté, sans l’aide de quiconque, sans aucun soutien psychologique, sans avoir été « préparée » à cela, que la ménopause s’accompagnait de bouffées de chaleur, de la disparition des menstruations et d’une prise de poids. Le désarroi de l’actrice est profond. Les mots lui manquant pour le décrire précisément, elle avoue simplement, de la façon la plus moderne qui soit : « Je prends cher avec la ménopause. » Confrontée à la négligence d’un État et d’une société ne sachant ou ne voulant pas alerter les femmes modernes sur ces particularités physiologiques qui les distinguent des hommes depuis la nuit des temps, Mme Gayet a décidé de briser le tabou de la ménopause. Notons que le nombre de tabous qu’il est impératif de briser ne cesse d’augmenter. On en découvre un nouveau chaque semaine. À ce propos, espérons que le mari de Mme Gayet saura profiter de son nouveau mandat de député pour fracasser celui de l’adénome de la prostate et porter à la connaissance du public l’angoisse de l’homme moderne découvrant ses symptômes avilissants !

Pourquoi ?

Car l’homme moderne, tout occupé qu’il est à accomplir une carrière professionnelle enrichissante, à tenter de se développer personnellement grâce à des manuels ad hoc et à ne rater aucun épisode de la dernière série à la mode sur Netflix, a eu tendance ces derniers temps à s’oublier, lui aussi. La vie moderne l’a éloigné de lui-même. Bref, il s’est perdu de vue. Aussi, quelle n’est pas sa surprise lorsque, arrivé à un âge avancé, il s’aperçoit qu’il ne parvient plus à obtenir que des mictions incomplètes, qu’il souille régulièrement son pantalon et qu’il se lève trois à quatre fois la nuit pour finir par échouer lamentablement à vider sa vessie malgré de longues minutes passées à tenter de ne pas uriner à côté de la cuvette. Sombre destin de l’homme moderne qui se demande alors : « Pourquoi on ne nous en parle pas ? » Plus grande encore est sa surprise lorsque, après avoir péniblement décrit, toute honte bue, ses troubles urinaires à son médecin, il entend ce dernier lui intimer l’ordre de se mettre à quatre pattes sur la table d’examen afin de pratiquer ce que le corps médical appelle un toucher rectal. « Pourquoi on ne nous prépare pas à ça ? », s’interroge-t-il alors, en même temps qu’il tente de se convaincre que le geste invasif de son praticien est bien une investigation médicale, humiliante mais nécessaire, et non un acte de pur sadisme, voire pire. Le soir, après s’être servi un cordial bien mérité, cet homme meurtri s’épanche auprès de Françoise, sa compagne : « J’ai pris cher », lui dit-il en relatant l’outrage proctologique auquel personne ne  l’avait préparé. C’est en vain qu’il quête un regard compassionnel, une main tendue, une parole de soutien – Françoise ne l’a écouté que d’une oreille distraite. Son esprit était ailleurs. Elle a appris des choses surprenantes ce matin, en lisant les confidences de Julie Gayet dans Madame Figaro1. Des choses qui la concernent au premier chef. Des choses extraordinaires, stupéfiantes, inédites. Sur les femmes, sur son corps, sur la ménopause. Soudain, elle se remémore une citation de l’anthropologue Margaret Mead lue dans quelque magazine de vulgarisation scientifique : « Il n’y a rien de plus puissant au monde que l’énergie d’une femme ménopausée. » La voilà rassurée. Après lui avoir souri comme on sourit à un enfant malade, elle prend enfin la main de son compagnon. Elle tient maintenant à consoler cet homme que rien ne pourra rasséréner. En effet, aucun anthropologue n’a encore osé affirmer qu’il n’y a rien de plus puissant au monde que l’énergie d’un homme atteint de troubles prostatiques. 

  1. https://madame.lefigaro.fr/bien-etre/on-ne-m-a-pas-preparee-a-ca-julie-gayet-evoque-sa-vie-ralentie-depuis-la-menopause-20240721 ↩︎

Israël/Liban: qui sont ces enfants massacrés à Majdal Shams?

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Des jeunes hommes israéliens de la minorité druze assistent aux funérailles des enfants tués à Majdal Shams, 28 juillet 2024 © Matan Golan/Sipa USA/SIPA

Douze enfants et adolescents de la minorité druze ont été tués sur le terrain de football dans le village de Majdal Shams, le 27 juillet, après une frappe de roquette du Hezbollah. Les autorités israéliennes soupèsent les conséquences d’une riposte à cette attaque meurtrière. Le conflit pourrait changer d’échelle.


12 enfants et adolescents tués pendant qu’ils jouaient au football, des dizaines de blessés. La roquette qui a explosé à Majdal Shams, dans le Golan, a représenté la plus sanglante attaque commise par le Hezbollah depuis que le 8 octobre 2023 (oui, dès le lendemain du 7 octobre…) il a commencé à tirer des missiles sur Israël. 

Riposte puissante promise par Tsahal

La population israélienne a manifesté émotion et solidarité. L’Agence juive et le Keren Hayesod ont couvert leur siège à Jérusalem du drapeau druse et libéré des fonds d’urgence à la population traumatisée de la petite ville. Le Premier ministre, revenu d’urgence des États-Unis, a réuni son cabinet de sécurité, les appels à la riposte se font entendre de tous côtés, et en particulier chez les druses eux-mêmes. L’attaque la nuit suivante d’installations du Hezbollah au Liban ne sera certainement pas la seule et les autorités militaires ont confirmé que la réaction d’Israël serait « puissante », suivant les mots du chef d’état-major.

Beaucoup de confusion a suivi ce tragique événement. Qui sont les habitants de ce village? Quelle est leur relation à Israël? Est-on sûr qu’il s’agisse d’un missile du Hezbollah? Pourquoi le Dôme de fer ne l’a-t-il pas intercepté? Peut-on tenir l’État libanais comme responsable?  Quelles sont les réactions internationales? 
Essayons de préciser les choses.

Majdal Shams (la « citadelle du soleil »), située au pied du Hermon, à 1200 mètres d’altitude, est la plus importante agglomération (11000 habitants) parmi les quatre localités druses qui se trouvent sur le plateau du Golan, ce territoire conquis sur la Syrie au cours de la guerre des Six Jours, après qu’une offensive syrienne eut été lancée contre les forces israéliennes. Pour les gens de ma génération qui s’étaient rendus au Kibboutz de Ein Gev, sur la côte orientale du lac de Tibériade, en contre-bas du plateau et soumis à d’incessants bombardements syriens, la seule idée de rendre cette zone aux Syriens parait une aberration. C’est pourtant ce que réclament les chancelleries, le Quai d’Orsay en tête, quand elles parlent du « Golan illégalement occupé ». L’annexion de ce territoire à Israël en décembre 1981 avait été effectivement condamnée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité de l’ONU qui avait souligné « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre », belle occasion de se donner bonne conscience en opposition avec toute l’histoire de l’humanité. Il la réitère chaque année, mais en mars 2019, les États-Unis de Donald Trump ont reconnu la souveraineté d’Israël sur le Golan. L’idée d’un retour au paradis syrien est devenue pour les druses (qui forment la moitié des 50 000 habitants du Golan) une alternative bien moins réjouissante depuis la guerre civile dans ce pays… Leur position vis-à-vis d’Israël s’est donc progressivement bonifiée. Le célèbre film israélien, la Fiancée syrienne, tourné à Majdal Shams au début des années 2000, montrait un village pro-syrien. Cela ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Si aucun habitant n’avait au cours de ces années saisi l’opportunité de citoyenneté israélienne qui leur avait été proposée lors de l’annexion du plateau, ils sont aujourd’hui 20% à l’avoir fait, surtout des jeunes, dont certains ont fait leur service militaire dans l’armée israélienne. Ils se rapprochent ainsi des druses de Galilée qui, faut-il le rappeler, sont fiers de leur citoyenneté israélienne et ont payé un lourd tribut à la guerre de Gaza. La majeure partie de la population de Majdal Shams garde encore le statut de « résident » et bénéficie de toute façon de tous les droits sociaux israéliens. On peut comprendre qu’elle soit hostile au ministre Bezalel Smotrich, en raison de ses positions « judéo-centrées » pour ne pas dire plus, et sa présence aux funérailles a été huée. Les habitants du village réclament à Israël la même réaction qu’il aurait eue si le missile avait tué des victimes juives. Ils veulent des actes et non des mots. 

Les dirigeants druses du Liban, qui sont tributaires du Hezbollah, s’élèvent, quant à eux, contre une « instrumentalisation » de la tragédie de Majdal Shams par Israël et taisent les responsabilités dans le drame.

Un missile de confection iranienne

Le tir a été effectué par une roquette Falaq 1, de fabrication iranienne Aucune autre milice que le Hezbollah ne se sert de cet engin et encore moins, évidemment, l’armée israélienne. La portée de ce missile non guidé (c’est la définition d’une roquette) ne dépasse pas les 10 km mais sa charge explosive (50 kg) est importante. 

La responsabilité de l’attaque ne fait strictement aucun doute, mais peu de chancelleries ont nommément incriminé le Hezbollah. Les États-Unis et l’Allemagne sont des exceptions, la France une fois de plus n’en est pas, et on ne parle pas des Nations Unies, ni du commissaire Borrell de l’Union européenne. Il est de bon ton de réclamer une « enquête indépendante », ce qui  laisse persister une incertitude ; celle-ci génère un soupçon à l’égard d’Israël, suivant une technique visant à mettre en doute les évidences, grand classique de la propagande anti-israélienne. 

Qui nous prouve au fond que ce n’est pas Israël qui a envoyé cet engin pour enflammer les druses contre leurs frères arabes ? On connait la musique: qui nous prouve que ce ne sont pas les Israéliens qui ont commis les soi-disant massacres du 7 octobre? Et d’ailleurs, qui nous prouve que ce ne sont pas les sionistes qui se sont alliés aux nazis pour effectuer la Shoah (qui par ailleurs n’existe pas, elle non plus….) de façon à pouvoir impunément voler leurs terres aux Palestiniens, ce qui est plus ou moins la thèse de Mahmoud Abbas? Faurisson, Soral, Dieudonné et d’autres, comme les complotistes du Covid, nous ont montré jusqu’où pouvait aller le désir de se croire plus malin que les autres, en général aux dépens des Juifs. En laissant le doute planer, parce qu’ils ne veulent pas, pour des raisons troubles dont ils sont coutumiers, accuser le Hezbollah de front, des diplomates entrent dans une spirale négationniste.

Un doute plus crédible est celui qui porte sur le Dôme de fer. Comment se fait-il que ce système si efficace, dont des batteries sont déployées dans le Golan, n’ait pas détecté l’engin ? Et l’insinuation qui suit: serait-ce que l’on protège moins les Druses que les Juifs ? Les spécialistes expliquent que le Dôme de fer n’a globalement qu’une efficacité de 90% – mais pas de 100% – et que les échecs sont plus grands quand l’engin vole à basse altitude, dans une région vallonneuse et boisée, surtout lorsqu’il se passe moins de 10 secondes entre son point d’envoi (le village de Sheba, au Liban) et son point de chute à Majdal Shams.

Si la responsabilité du Hezbollah dans le tir est certaine, la volonté de tuer des enfants druses ne l’est pas. On a du mal à y trouver une logique mais ce n’est ni de logique, ni de précision que s’encombrent les tireurs du Hezbollah: là-bas, en face d’eux, il n’y a que des ennemis et il est hors de question de reconnaitre une erreur de tir. C’est une question d’image: jamais le Hezbollah n’a admis avoir tué des civils.

Quant au Liban, dont il était de bon ton pendant longtemps de louer le système multiconfessionnel, il ne mérite plus le nom d’État depuis des années. Le docteur Macron n’a pas pu guérir le cancer Hezbollah après les explosions de 2020 dans le port de Beyrouth. Évoquer la responsabilité pourtant évidente de cette organisation dans ces explosions peut coûter la vie aux téméraires. Aucune force interne ne semble de taille à s’opposer à la puissance du Hezbollah, c’est-à-dire de l’Iran, sur le Liban. 

Cela confronte Israël à des choix dramatiques, alors que le nord de la Galilée est devenu inhabitable. Est-ce que ce massacre d’enfants sur le Golan sera la goutte de trop ? Quel aspect prendra la riposte israélienne, militaire et/ou cyber? En tout cas, les Israéliens ne peuvent que s’en remettre aux professionnels qui étudient la faisabilité de toutes les options et au Premier ministre à qui revient la décision. Mais les incantations en faveur de la paix des bonnes âmes de nos pays n’y feront rien: la paix n’est pas dans l’agenda du Hezbollah, elle n’est pas à l’agenda de son donneur d’ordre iranien. Quant au peuple libanais, il est impuissant à empêcher le Hezbollah de ronger ce qui reste de son pays. Israël est peut-être à la croisée des chemins.