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Algérie: les Insoumis sont les héritiers de la contre-culture des années 60

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Les héritiers d’une révolte figée en dogmes ne voient en l’Occident que corruption et décadence. Et en arrivent à défendre des régimes indéfendables


La question est posée : les Insoumis servent-ils aujourd’hui de courroie de transmission du pouvoir algérien ? L’extrème gauche française serait-elle en service commandé par le président Tebboune pour attaquer, comme le font récemment Marine Tondelier (Les Verts) et Ersilia Soudais (LFI) en prenant le parti des influenceurs qui ont appelé à la haine contre la France, le gouvernement français et en particulier son ministre de l’Intérieur ?

Il n’est pas besoin d’imaginer chez les Insoumis une complicité ou une alliance effective avec le gouvernement algérien ou avec le Hamas. Les Insoumis sont en fait les héritiers de la contre-culture des années 60. Les années 1960 ont vu émerger une contre-culture qui se voulait révolutionnaire et profondément critique de l’ordre établi. Pourtant, les idées qui semblaient alors radicales se sont progressivement intégrées au tissu même de la société contemporaine, au point de devenir des dogmes dominants. Ce qui fut autrefois un cri de révolte est aujourd’hui une pensée conformiste, voire une orthodoxie idéologique, un mélange de marxisme et de christianisme revisité.

Les slogans de cette époque résonnent encore aujourd’hui : « Nous sommes une seule humanité », « Abattons les drapeaux, les impérialismes et les frontières », « La guerre est un mal absolu », « Le complexe militaro-industriel est la source de nos maux », « Il est impératif de lutter contre le racisme », « Les Blancs portent la responsabilité des massacres de l’histoire, de la destruction de la nature et de la vie sauvage ».

Ces proclamations, si elles conservaient une certaine spontanéité dans les années 60, se sont muées en dogmes rigides et omniprésents, façonnant les valeurs des générations suivantes, en particulier celles de la petite bourgeoisie intellectuelle dont les Insoumis sont les représentants politiques.

Une incapacité à tolérer la nuance…

Les idées révolutionnaires des années 60 ont échoué à se matérialiser en révolutions concrètes. Cette incapacité à produire un véritable renversement des structures de pouvoir a conduit à leur institutionnalisation. Ce qui n’a pu transformer la société par l’action s’est cristallisé sous forme de croyances absolues, imposées comme des vérités universelles et incontestables. Le combat contre le patriarcat et la société bourgeoise, par exemple, a perdu son caractère subversif pour devenir un credo dogmatique, parfois simpliste, incapable de tolérer la nuance ou la complexité.

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Les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité ont été adaptés, voire déformés, au contact des contraintes du réel. L’idéalisme romantique, en quête d’un monde libéré de ses entraves, s’est trouvé confronté à des paradoxes : une volonté de promouvoir l’émancipation individuelle tout en soutenant des systèmes oppressifs ou autoritaires dans certaines régions du monde.

Les députés LFI Louis Boyard et Mathilde Panot discutent avec le chanteur controversé Médine, Paris, 21 avril 2024. Image: réseaux sociaux.



Les héritiers de cette contre-culture ont cultivé une fascination pour l’« ennemi exotique » ou le « noble opprimé ». Dans cette perspective, le Viêt-cong pieds nus, le fedayin du FLN, ou encore les « damnés de la terre » décrits par Frantz Fanon incarnaient une pureté morale et une authenticité que l’Occident, perçu comme corrompu et décadent, semblait avoir perdu.

Cette admiration s’est accompagnée d’un mépris, voire d’une haine, envers l’Europe coloniale et l’Amérique impérialiste. Mais ces héritiers n’ont pas craint la contradiction : ils prônaient une liberté sans limites tout en soutenant des régimes autoritaires issus du tiers-monde, comme ceux de Hô Chi Minh, Mao Tsé-Toung ou Robert Mugabe. Loin d’être un problème, ces paradoxes semblaient être une partie intégrante de leur vision du monde, dans laquelle se mêlaient marxisme-léninisme, néo-christianisme et un goût pour l’orientalisme.

L’attachement à une mythologie révolutionnaire…

Parmi les héritiers de la contre-culture, nombreux furent ceux qui virent leurs illusions s’effondrer face à la dureté de la réalité. Certains ont sombré dans des ruptures tragiques, marquées par des parcours de désillusion.

La toxicomanie, omniprésente dans les milieux contestataires de l’époque, a emporté une part significative de cette génération, menant à des overdoses ou à une mort lente par des maladies comme le Sida. Le suicide fut pour d’autres une issue ultime face à l’impossible réconciliation entre leurs idéaux et le monde qui ne changeait pas.

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Cependant, d’autres héritiers de cette culture de rébellion ont assumé leurs contradictions en choisissant une tout autre voie. Ils sont devenus des adeptes de l’économie globalisée, embrassant un libéralisme économique décomplexé tout en conservant des positions libertaires sur les questions sociétales. Ce mélange de pragmatisme et de compromission reflète une certaine souplesse idéologique, voire une aptitude à exploiter le système qu’ils avaient initialement rejeté. D’autres en revanche et c’est le cas des Insoumis sont restés attachés à cette mythologie révolutionnaire.

La jeunesse des années 60, avide de changement, s’est dressée contre une société qu’elle percevait comme engoncée dans les préjugés patriarcaux et l’ordre moral bourgeois. Cette révolte a profondément marqué les mentalités contemporaines, au point de modeler les valeurs des générations qui ont suivi. Les élites actuelles, qu’elles soient politiques, culturelles ou académiques, ont été nourries au lait de cette contre-culture.

Les grands principes en sont devenus des leitmotivs presque religieux :
• L’humanité est une et indivisible. La solidarité universelle prime sur les particularismes ;
• Les riches et les puissants sont les oppresseurs. L’inégalité économique est considérée comme la source principale des injustices ;
• L’étranger est notre frère, surtout s’il est pauvre. Le migrant, le réfugié ou le marginal est vu comme une figure rédemptrice ;
• Les Blancs portent une culpabilité historique. De la colonisation à l’esclavage, en passant par la destruction de la nature, la civilisation occidentale est perçue comme la « lie de la terre ».

On en vient à quasiment soutenir les influenceurs algériens…

Ce corpus idéologique a façonné un imaginaire collectif où la quête de justice sociale et écologique coexiste avec des contradictions non résolues. Par exemple, la glorification des cultures non occidentales s’accompagne souvent d’une vision simpliste et romantique de celles-ci, ignorant leurs propres dynamiques complexes. De même, l’obsession de la liberté individuelle et de l’émancipation peut se heurter à une intolérance grandissante envers les opinions dissidentes. Les idéaux d’unité et d’égalité, bien qu’aspirationnels, peuvent aussi se heurter à une réalité qui valorise la diversité culturelle et les spécificités identitaires.

L’universalisme hérité de cette contre-culture risque parfois d’éclipser la reconnaissance des différences. Enfin, cette pensée dominante tend à écraser le débat, en transformant les nuances en affrontements moraux. Ce qui était une critique vivante et féconde de l’ordre établi est devenu, pour certains, une nouvelle forme d’autoritarisme culturel et intellectuel. Antisionisme rabique, haine de la France et de son gouvernement qualifié « d’extrême-droite » sont devenus pour une partie de la jeunesse, mobilisée par Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis, les éléments principaux d’une cause qui les conduit à devenir les idiots utiles de régimes et d’idéologies totalitaires.  

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We have a deal !

Le Premier ministre qatari a annoncé hier la libération de 33 premiers otages israéliens du Hamas lors de la première phase de la trêve à Gaza, prévue pour débuter dimanche. L’effet Trump semble avoir été déterminant. Si les Gazaouis font bruyamment la fête, à Tel-Aviv il est plus difficile de se réjouir


Donald Trump a annoncé, enfin, un cessez-le-feu à Gaza. « We have a deal ». Ces quatre mots inaugurent peut-être une nouvelle ère, mais on est loin de la paix pour l’instant. Avant d’évoquer la grande politique et la grande Histoire, pensons aux familles d’otages qui ne savent pas si elles verront revenir un vivant ou un mort, et aux Palestiniens qui pleurent leurs morts.

Comptabilité macabre

Cet accord s’apparente à une potion amère. On rachète des innocents pris lors d’une razzia en libérant les instigateurs de potentielles futures razzias. Sinwar, l’inventeur du 7-Octobre, avait été libéré dans des conditions comparables dans le cadre de l’affaire de l’échange du soldat Gilad Shalit. Israël paie au prix fort la vie de ses citoyens, et le devoir sacré de donner une sépulture aux morts : 30 prisonniers palestiniens contre 1 otage vivant, 15 contre un corps.

Retenir dans des sous-sols des enfants, des vieillards ou un bébé de quelques mois, ce n’est pas la guerre, ce n’est pas la Résistance, c’est la barbarie. Le Hamas a aussi retenu les civils palestiniens en otage, pendant que ses combattants se cachaient dans les tunnels. Quelle armée protège ses militaires et laisse les civils seuls face aux bombes ? N’oublions pas à qui nous avons affaire.

Est-ce la fin du cauchemar pour les deux peuples ?

Comme je le disais : nous sommes loin de la paix. L’accord de trêve ne prévoit rien sur qui va gouverner Gaza, ni sur le désarmement du Hamas, lequel pourrait se reconstituer avec tous ces prisonniers libérés.

Cependant, il y a deux raisons d’être optimiste (ce sont les mêmes qui ont permis l’accord). C’est une double victoire de la force.

  • La première raison, c’est Trump. L’administration Biden s’est félicitée pour la négociation, mais cet accord était en réalité sur la table depuis mai. C’est donc bien Trump qui, avant même d’être au pouvoir, a fait plier Netanyahou et le Hamas. Lorsqu’il menace de plonger le Hamas en enfer s’il ne libère pas les otages, on a des raisons de le croire. Sa présence dans cet accord signifie également qu’Israël disposera probablement du feu vert américain pour répliquer en cas de violation de l’accord ou de remilitarisation du Hamas.
  • La deuxième raison, c’est le changement radical du rapport de forces. L’élimination des chefs du Hamas, la raclée infligée au Hezbollah, la destruction de la défense antiaérienne iranienne et des capacités militaires de la Syrie post-Assad ont profondément changé la donne. L’« axe de la Résistance » n’a pas bonne mine. Elle est dans les choux. Certes, cela s’est fait au prix d’immenses et terribles souffrances, mais tout comme il avait fallu bombarder Dresde ou Mossoul, il fallait détruire le Hamas. Militairement, c’est en bonne voie. Politiquement, même le Fatah accuse désormais le Hamas d’avoir sacrifié les intérêts palestiniens à l’Iran. Beaucoup de Gazaouis savent qu’ils ont payé le 7-Octobre dans leur chair.

Les faux-semblants d’ici

Quant à ceux qui, ici, continuent à faire les yeux doux au mouvement terroriste et pensent que Trump est le diable incarné, ils seront balayés par l’Histoire. Hier, la dernière idée lumineuse du député LFI Thomas Portes en est un exemple affligeant: interdire la venue en France de basketteurs israéliens… Minable à pleurer.

«Surprise ! Ton grand-père est sur la liste des collabos»: le fiasco des archives néerlandaises

Ces jours-ci, les Hollandais découvrent que la « transparence » n’a pas toujours du bon.


Aux Pays-Bas, l’exercice de transparence sur la collaboration avec les nazis pendant l’occupation allemande (1940-1945) vire au fiasco. L’écrivaine et journaliste juive Natascha van Weezel a ainsi découvert avec stupeur le nom de son grand-père sur la mal-nommée « liste des collabos », accessible depuis le 2 janvier à toute personne désireuse de la consulter1. Cette liste contient les noms de quelque 425 000 personnes, toutes décédées, selon les assurances du gouvernement de La Haye.

Une liste autrefois uniquement accessible aux chercheurs

Ces noms figurent dans les Archives Centrales des Juridictions Spéciales (CABR), récemment rendues partiellement publiques. Dans ces archives, créées après la Seconde Guerre mondiale pour juger ceux et celles soupçonnés d’avoir collaboré avec l’occupant, figurent des listes de volontaires dans la Wehrmacht ou les SS, des membres du parti national-socialiste NSB, des dénonciateurs de Juifs ainsi que des artistes et des intellectuels.

Le grand-père juif de Mme van Weezel ne fait pourtant pas partie de ces collaborateurs ! Dans une chronique publiée dans le journal Het Parool2, elle raconte au contraire que son aïeul avait fui l’Allemagne nazie pour s’installer aux Pays-Bas. Après l’invasion allemande de la Hollande, en mai 1940, il parvient à gagner la Suisse. À son retour, en 1945, il apprend que ses parents et d’autres membres de sa famille, également réfugiés aux Pays-Bas, ont péri dans des camps de concentration. Bien que son grand-père, décédé en 1995, ne soit pas un résistant, il n’est donc pas non plus un collaborateur. Cependant, des cas de Juifs néerlandais ayant trahi d’autres personnes pour le compte des nazis existent…

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Natascha van Weezel découvre l’existence d’un dossier à son nom après quelques clics dans le moteur de recherche des Archives Centrales. Les informations nécessaires pour lancer une recherche sont simples : nom, prénoms, date et lieu de naissance. Ces données, auparavant accessibles uniquement aux chercheurs autorisés, sont désormais consultables par tous. Dans ce moteur de recherche, la journaliste est tombée sur le nom de son grand-père, accompagné d’un numéro de dossier et de la mention sommaire suivante : « interrogé après la guerre par la ‘politieke recherche’ », c’est-à-dire la branche de la police chargée de poursuivre les délinquants politiques. Angoissée mais déterminée, Mme van Weezel voudrait consulter ce dossier complet en ligne chez elle, depuis Amsterdam. Toutefois, les projets initiaux du gouvernement, qui prévoyaient un accès numérique, ont été bloqués en décembre 2024 par un véto du Conseil pour la Sauvegarde de la Vie Privée… Toute personne souhaitant consulter ces dossiers en intégralité doit donc se rendre physiquement aux Archives à La Haye, après avoir pris un rendez-vous en ligne. La consultation se fait alors sur place, sans possibilité de photographier les documents. Aucune preuve de lien de parenté ou justification historique ou journalistique n’est d’ailleurs requise pour y accéder.

Des semaines d’angoisse

Autant dire que l’attente risque d’être longue. Natascha van Weezel espère pouvoir examiner ce dossier, sans doute éprouvant, au plus tôt au mois de mars. Elle n’est pas la seule concernée : des dizaines de Néerlandais, y compris des députés, vivent la même expérience désagréable. Après quelques clics dans la base de données, ils découvrent les noms de leurs proches associés à cette liste controversée. Beaucoup jurent, preuves à l’appui, que leurs proches ne sont pas des collaborateurs.

La direction des Archives insiste sur le fait que la simple existence d’un dossier ne prouve en rien la culpabilité de la personne concernée. Pourtant, l’adage « il n’y a pas de fumée sans feu » reste tenace dans l’opinion publique. Aux yeux de nombreux Néerlandais, cette liste de 425 000 noms – réduite à environ 405 000 après des protestations – reste en effet celle des « collabos ». Les nuances juridiques entre des termes comme « prévenu », « soupçonné », « suspect », « accusé », « condamné » ou encore « entendu comme témoin » échappent le plus souvent au grand public.

Jusqu’aux années 1970, beaucoup de Néerlandais pensaient que la collaboration se limitait à une poignée de personnes autour d’Anton Mussert, chef du NSB et équivalent néerlandais du Maréchal Pétain. La réalité est évidemment bien différente. Et si accuser de nos jours quelqu’un des méfaits de sa famille est cruel et absurde, le stigmate reste durable. En témoigne les remous en 1989 à la rédaction du journal de Natascha van Weezel, Het Parool, fondé par des résistants à l’occupant allemand, après la nomination d’un directeur, fils d’un membre subalterne du NSB. ‘Notre journal dirigé par un fils de collabo, quelle honte!’, pouvait-on entendre alors..


  1. oorlogvoorderechter.nl ↩︎
  2. https://www.parool.nl/columns-opinie/ik-werd-steeds-razender-hoezo-was-mijn-opa-die-voor-de-nazi-s-moest-vluchten-en-meerdere-malen-aan-de-dood-was-ontsnapt-een-foute-nederlander~be00617c/ ↩︎

Pas de « safe space » pour les blasphémateurs

Au Royaume-Uni, après les larmes et fadaises de circonstance, des intellectuels ont vite accusé Charlie Hebdo d’avoir créé « un environnement toxique pour les musulmans », des médias ont censuré les caricatures et des étudiants ont proclamé : « Je ne suis pas Charlie. » En menant cette croisade morale contre l’islamophobie, l’intelligentsia a justifié le terrorisme.


Il y a dix ans, j’ai subi deux chocs consécutifs. Le premier fut le massacre des satiristes. Il semblait inconcevable que l’on puisse infliger une mort sanglante à des caricaturistes pour avoir commis le « péché » de lèse-Mahomet. La barbarie du viie siècle projetait son ombre sur l’Europe du xxie siècle. Au moment où j’ai appris la nouvelle, à Londres, je me suis rendu dans le premier café et j’ai sorti mon ordinateur portable. C’est une « attaque contre nous tous », ai-je écrit. Cette islamo-boucherie menace de « nous ramener à une époque d’avant les Lumières ». Les mots semblaient futiles ce jour-là, face à l’horreur, mais il fallait des mots.

Puis est venu le deuxième choc : la trahison des intellectuels. Les corps des victimes étaient à peine froids que les élites libérales ont cherché à justifier le crime. Dans le monde anglo-américain, le cri s’est levé : « Certes, c’est déplorable, mais Charlie n’aurait pas dû ridiculiser les musulmans ».

Bien sûr, il y a eu des expressions de sympathie performatives. Des platitudes ont été débitées, des couronnes de fleurs déposées. Le slogan « Je suis Charlie » a été répété du bout des lèvres. Mais l’intelligentsia n’a pas hésité longtemps avant de révéler son vrai avis : Charlie était trop souvent « tombé dans la caricature raciste » en créant « un environnement toxique pour les musulmans ». C’est ce qu’a écrit un journaliste du Guardian une semaine après la tuerie. Un bureau où deux assassins tirent à répétition sur des hommes et des femmes : ça, c’est un « environnement toxique ».

Le troc de la contre-culture par la cancel culture

La solidarité avec Charlie Hebdo a été superficielle et éphémère. Comme l’a écrit le chroniqueur Rod Liddle, « tout le monde dit qu’il est Charlie », mais « en Grande-Bretagne, presque personne ne l’est ». Et de rappeler que notre nation avait adopté une loi contre « l’utilisation de mots menaçants, abusifs ou insultants pour provoquer l’alarme et la détresse ». Il n’a pas fallu longtemps pour que cette répugnance pour les discours « offensants » l’emporte sur les gesticulations en faveur de Charlie.

Les militants étudiants, qui ont troqué la contre-culture contre la cancel culture, ont été les premiers à dire ouvertement : « Je ne suis pas Charlie» Le syndicat des étudiants de Bristol a déclaré que Charlie ne devait pas être vendu sur le campus parce que cela violerait « notre politique d’espace sécurisé » (« safe space »). Autrement dit, des étudiants privilégiés se sentaient blessés par un magazine dont les auteurs venaient d’être abattus. Pas d’« espace sûr » pour les blasphémateurs. À Manchester, le syndicat a interdit à l’Association pour la liberté d’expression et la laïcité d’afficher la une de Charlie. On les a sermonnés sur la nécessité de créer un « environnement inclusif » – mais qui n’inclut ni la satire ni la solidarité avec les victimes des fanatiques. Dans ce double langage, inclusion veut dire exclusion : l’exclusion de toute pensée, croyance ou blague qui puisse meurtrir l’estime de soi de ceux qui sont socialisés dans le culte de la fragilité.

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La plupart des médias britanniques ont refusé de montrer les couvertures de Charlie, de peur qu’un musulman se sente blessé. Le rédacteur en chef du quotidien centriste The Independent a déclaré que « son instinct » lui disait de publier les caricatures, mais que c’était « trop risqué ». La BBC s’est conformée à sa directive selon laquelle « le prophète Mohammed ne doit pas être représenté sous quelque forme que ce soit ».

Les élites médiatiques ont ainsi fait preuve d’une lâcheté ignoble face à la menace islamiste. Après le bain de sang à Paris, leur réflexe a été de sauver leur peau plutôt que de soutenir leurs collègues d’outre-Manche. Elles se sont montrées solidaires avec les assassins plutôt qu’avec les assassinés. En refusant la diffusion des images de Charlie, elles se sont rendues complices des frères Kouachi, parce qu’elles pensaient comme eux, que Charlie faisait du tort aux musulmans. Les frères ont puni Charlie par la violence, les médias par la censure.

Les élites ont bafoué la mémoire des morts

Trois mois après le massacre, une foule d’écrivains célèbres a protesté contre la décision de PEN America de décerner à Charlie un prix pour la liberté d’expression, en proclamant qu’il ne fallait pas récompenser un magazine qui provoque « humiliation et souffrance » chez les musulmans. C’était kafkaïen : des écrivains qui venaient d’endurer les pires souffrances imaginables étaient accusés de faire souffrir autrui.

Le comble a été atteint quand l’ONG londonienne Islamic Human Rights Commission a décerné à Charlie son prix d’« islamophobe de l’année ». C’était danser sur les tombes des morts. Cette farce répugnante a provoqué une réaction chez certains journalistes britanniques, mais les mêmes, en poussant les hauts cris à propos de « caricatures racistes », avaient ouvert la voie à cette diffamation posthume des suppliciés. On ne peut pas qualifier Charlie d’« islamophobe » et ensuite se déclarer consterné quand il remporte un prix pour « islamophobie ».

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De tout cela émerge une vérité terrifiante : nos élites ont plus en commun avec les assassins de Charlie qu’avec Charlie lui-même. Leur croisade morale contre l’« islamophobie » n’est que le reflet déformé de la violente croisade des frères Kouachi contre le blasphème. Ce qui unit les bouchers et les intellectuels, c’est la croyance pusillanime que tout commentaire sur l’islam doit être strictement surveillé afin que les musulmans puissent vivre leur vie sans jamais se sentir offensés. C’est ainsi que j’ai compris que les tueurs ne nous étaient pas aussi étrangers qu’on le croyait. Non, ils représentaient la branche armée du politiquement correct. Ils disaient avec des kalachnikovs la même chose que l’intelligentsia avec des mots : tu ne blasphémeras pas contre l’islam.

Dix ans plus tard, les frères ont gagné. Ils sont morts, mais leur idéologie implacable est vivante. Elle n’est pas imposée par la violence, mais par les lâches diktats de nos élites qui ont sacrifié la libre parole à la sensibilité islamique. C’est intolérable. La liberté d’expression est la plus grande liberté. C’est elle qui rend la démocratie possible et la vie digne d’être vécue. Le droit de se moquer de tous les dieux, prophètes, idéologies et modes est essentiel à une société libre. Et ni les fascistes de l’islam radical, ni les âmes sensibles de nos élites n’ont le droit de nous en priver.

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Projet de Valls pour Mayotte: « une pompe aspirante à immigration »

Un mois après le cyclone Chido, Mayotte s’enfonce dans la crise. Face aux Comoriens, Mansour Kamardine (LR) estime que la France doit être beaucoup plus inflexible.


Mansour Kamardine
(ancien député, vice-président des LR, président du comité des outre-mer)
© Mansour KAMARDINE – Officiel, X

Gil Mihaely. Avant de parler de la suite et des leçons à tirer, quelle est la situation actuelle sur le terrain ?

Mansour Kamardine. Plus d’un mois après le passage du cyclone Chido, la situation reste extrêmement difficile. L’accès à l’eau est erratique, la sécurité se dégrade fortement, l’économie est à terre, l’électricité n’est que partiellement rétablie, l’éducation est suspendue et les services de santé fonctionnent en mode fortement diminué. À cela s’ajoute l’isolement des villages reculés et un accès à la nourriture difficile pour une grande partie de la population démunie.

Comment évaluez-vous la gestion de la crise par l’État et les autorités locales, depuis l’alerte jusqu’à aujourd’hui ?

Le manque de planification stratégique, souligné par la commission d’enquête parlementaire sur les risques naturels outre-mer que je présidais en 2023 et 2024, conduit l’État à improviser avec des moyens notoirement insuffisants. On peut comprendre une réponse imparfaite dans les jours qui ont suivi Chido. Cependant, cinq semaines après la catastrophe, le niveau d’intervention de l’État n’est pas à la hauteur d’un pays qui a bâti sa puissance sur les capacités mobilisatrices de son administration centrale. En revanche, la réaction des autorités préfectorales et des acteurs locaux est remarquable. Ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens limités que Paris leur donne.

Peut-on distinguer les dégâts subis par les citoyens français de ceux affectant les résidents sans statut légal ?

On peut surtout distinguer les conséquences politiques tirées par le pouvoir exécutif ! Il semble qu’en métropole, certains aient saisi cette catastrophe comme une occasion de tordre le bras des Mahorais et d’imposer ce que nous ne voulons pas : la « comorisation » de Mayotte à travers l’installation durable des étrangers arrivés clandestinement, via l’école et le logement, ce qui constitue le cœur même du projet de loi d’urgence porté par Manuel Valls.
Avec une population composée d’un tiers de Français, un tiers de Comoriens en situation régulière et un tiers de Comoriens en situation irrégulière, il est ni plus ni moins proposé aux Français de Mayotte de devenir une minorité légale chez eux. Cela ne se passera pas bien !

Comment envisagez-vous la reconstruction ? L’exemple de Notre-Dame de Paris vous semble-t-il pertinent en termes de mobilisation et de rapidité d’action ?

Depuis des années, nous demandons la mise en place d’outils similaires à ceux de Notre-Dame pour permettre une mise à niveau rapide des infrastructures de base et des équipements, favorisant un développement durable du département. On nous le refuse constamment. Maintenant, on nous propose de suivre l’exemple de Notre-Dame, mais pour reconstruire à moitié. C’est inacceptable ! Mayotte est à construire, non à reconstruire, sauf à considérer que la pauvreté, l’inégalité sociale et la submersion migratoire sont les valeurs de la République appliquées à Mayotte.
Le projet de loi d’urgence porté par le ministre des Outre-mer est donc non seulement insuffisant, mais inacceptable. Sans dispositions efficaces permettant de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, les pillages et la destruction des bidonvilles, et sans mesures sur le pouvoir d’achat pour répondre aux besoins des plus démunis après la destruction des cultures vivrières, j’aurais voté contre ce projet. Manuel Valls parle beaucoup, surtout de ce qu’il ne fait pas.

Comment aborder efficacement la question de l’immigration non contrôlée ? Quels moyens envisager pour stopper le flux migratoire ?

C’est avant tout une question de volonté politique, qui doit se traduire par une fermeté diplomatique envers les Comores, le déploiement de moyens humains et matériels adaptés, et une adaptation des lois à la situation de Mayotte, comme le permet explicitement l’article 73 de la Constitution. Affirmer que la France ne peut maîtriser ses frontières à Mayotte, alors que 70 km nous séparent des Comores et 400 km des côtes africaines, revient à reconnaître l’incapacité de l’Europe à contrôler les migrations à Gibraltar, distante de seulement 14 km de l’Afrique. Basique !

Comment gérer les personnes déjà présentes sur le territoire, notamment celles touchées par la tempête, ainsi que leurs familles ?

Il convient de leur apporter une aide humanitaire : distribution d’eau, de nourriture, hébergement temporaire et soins. Ensuite, il faut raccompagner aimablement mais fermement ceux arrivés clandestinement dans leur pays d’origine. Simple !

Quelle politique la France devrait-elle adopter vis-à-vis des Comores pour apaiser les tensions et coopérer sur des questions essentielles comme la migration et le développement ?

Par pusillanimité, le Quai d’Orsay maintient de facto des tensions avec les Comores par une ligne molle permettant aux autorités comoriennes de jouer sur tous les tableaux. Une position claire, ferme et invariante est essentielle pour contraindre les Comores à prendre au sérieux la situation.

Existe-t-il un problème au regard du droit international dans la gestion de la crise ou dans les relations entre la France et les Comores ?

Absolument pas. L’archipel des Comores est composé de quatre îles et quatre peuples, mais trois ont choisi de constituer un État indépendant lors de la décolonisation. Les Mahorais, eux, ont choisi en 1841 de rejoindre la France et de maintenir leur appartenance à notre nation. L’ONU consacre dans sa charte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les revendications comoriennes sur Mayotte relèvent davantage d’un colonialisme historique grand-comorien et d’une diversion face à l’échec de leur indépendance.

L’usage de la force est-il envisageable ou souhaitable dans ce contexte ?

La défense de nos frontières fait partie des missions des armées. Toutefois, de nombreux moyens diplomatiques et économiques peuvent être mobilisés pour nous faire entendre. Il n’est pas nécessaire d’imaginer des scénarios extrêmes qui servent probablement des intérêts étrangers lorgnant sur les richesses du canal du Mozambique.

Qu’attendez-vous concrètement de l’État et du législateur dans les semaines et les mois à venir ?

J’attends que le projet de loi d’urgence pour Mayotte soit réorienté vers la reconstruction et la mise à niveau des équipements de base, et non vers l’installation durable des clandestins. Le texte actuel est une pompe aspirante à l’immigration clandestine. Il maintient le sous-développement de Mayotte et aggrave la situation des Mahorais. Manuel Valls qui à travers son action sous la présidence de François Hollande porte une responsabilité importance pour la situation actuelle, va pouvoir mesurer dans ses nouvelles fonctions et dans les semaines qui viennent l’attachement des Mahorais à la France. Les « y a qu’à faut qu’on » mais plus tard, c’est terminé !

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« Alors Olivier, il est comment ton Bayrou? »

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise.


« Alors Olivier, il est comment ton Bayrou ? » Dès que le nom du maire de Pau a été sérieusement évoqué pour Matignon, puis quand le Béarnais est devenu le quatrième Premier ministre de l’année, mon téléphone n’a cessé de sonner pour solliciter ma connaissance de « Lou François », comme il nous arrive de l’appeler à Pau. Engagé dans la vie politique depuis près de quarante ans, trois fois candidat à l’élection présidentielle, il est la figure centrale d’un centre qui aujourd’hui cherche des cercles pour gouverner un pays qui n’est peut-être plus gouvernable. Mais de quoi le président du Modem est-il le nom ?

Localement, j’ai eu des accrochages politiques particulièrement rugueux avec lui. Il arrive qu’une estime réciproque puisse naître d’une disputatio partagée au fil des ans lors des séances d’un conseil municipal où se rejoue la même partition. François Bayrou, allié d’Emmanuel Macron depuis février 2017, est d’abord tout ce que n’est pas le macronisme. Il est, comme moi, un provincial qui aime Paris sans jamais oublier les Pyrénées bleues, l’odeur de la terre, la fraîcheur du Gave en été. Il préférera toujours la compagnie des livres à celle des communicants. Quand, après son sacre à Chartres, en 1594, Henri IV fait son entrée à Paris – après le siège de 1590 qui a laissé quelques vilains souvenirs –, il montre un sens aigu de la communication. Ce qui n’a pas vraiment été le cas du nouveau Premier ministre.

« Cabourut » (« têtu, tête dure »), il a souvent préféré dire « non » quand l’essentiel était en jeu, comme cela fut le cas lors de la création de l’UMP en 2002. « J’entends dire qu’on pense tous la même chose, si on pense tous la même chose, c’est qu’on ne pense plus rien. » Puis, lors de ce meeting à Toulouse devant 8 000 chiraquiens : « Quand je serai président… » La salle surchauffée le conspue. C’est fini. Bayrou reprend la direction de Pau. Comment a-t-il vécu sa traversée du désert ? Un jour, devant moi, il a illustré cette expérience par une formule originale : « Oui, des années difficiles, car j’avais le chameau sur le dos, mais très instructives. »

Peut-il tenir ? La pythie mélenchoniste, qui avait annoncé très précisément la date de la censure du gouvernent Barnier, vient de cocher le 16 janvier, deux jours après la déclaration de politique générale de Bayrou, pour renvoyer politiquement le Béarnais du côté de la rue de la Ferronnerie. Le nouveau Premier ministre partage avec le leader insoumis – que j’ai aussi bien connu – une certaine délectation quand vient le temps des grands orages. Ils partagent une même conception de la manière d’agir : un chef, une stratégie et une équipe très resserrée pour aller au combat. Ils sont alors « habités » par l’idée d’une destinée. Ils aiment en faire le récit. Certains peuvent s’en moquer. Pas moi. Le crépuscule macroniste a débuté dès l’entame du second quinquennat. Je parie sur l’effondrement du bloc central. Qui emportera inévitablement François Bayrou ?

Je vous quitte. Trop occupé à vous écrire, je viens de louper l’arrêt à la gare de Pau. Prochaine station : Lourdes.

Le centrisme est un immobilisme!

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Bayrou, c’est l’art d’enrober l’indécision dans des discours sympathiques pendant que la France patine. Lors de son discours de politique générale hier, le Premier ministre a confirmé l’impuissance du centrisme, selon notre chroniqueur.


Le centrisme est un immobilisme. Il est ce que la France n’attend plus. Or l’indécision s’accroche au pouvoir finissant : sa crainte de brusquer les opinions précipitera sa chute. L’incapacité de François Bayrou à s’engager clairement sur les sujets régaliens (insécurité, immigration, islam politique) relève autant de la lâcheté que de la prudence. Dans les deux cas, la France est assurée de faire du sur place, voire de régresser encore davantage. La prestation pateline du Premier ministre, mardi lors de sa déclaration de politique générale, a pu paraître sympathique au regard des hystéries entretenues par l’extrême gauche. Cependant, la posture arrondie n’a été choisie que pour sauver dans l’urgence le destin du gouvernement, certainement pas celui de la nation. La retraite est, au-delà du dossier technique que Bayrou s’est employé à complexifier pour s’attirer les bonnes grâces d’un PS achetable, le mot plus général qui définit le mieux un pouvoir qui ne cesse de reculer, de battre en retraite. La stratégie du ventre mou définit plus que jamais cet équilibrisme qui n’a jamais rien eu de révolutionnaire. Alors que les citoyens réclament de la radicalité dans les positions des hommes politiques, c’est-à-dire littéralement l’approfondissement des racines (radix) d’où sont partis tous les désastres, le choix de l’apaisement des songe-creux replonge la France dans son impuissance suicidaire. 

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Bayrou incarne ce monde finissant à force d’avoir la vue brouillée, les idées floues, la main tremblante. Même son combat contre l’endettement public et la bureaucratisation n’a su déboucher, hier, sur la moindre annonce d’économie ou de réforme. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur vif-argent, a dû se contenter de l’entendre dire, abordant l’immigration, qu’elle est « une question de proportion » : une banalité pour ceux qui, depuis des décennies, alertent sur l’effet du nombre dans les déséquilibres culturels et civilisationnels qui fragilisent la nation. En réalité, Bayrou persiste à ne pas vouloir admettre l’échec des sociétés ouvertes au multiculturalisme, en feignant de croire au dynamisme de l’intégration. De ce point de vue, les Frères musulmans peuvent être rassurés : ce n’est pas l’angélique Premier ministre qui viendra leur chercher noise dans leur subversion de la République. Il n’appuiera pas son plus percutant ministre de l’Intérieur. Ce dernier est condamné à jouer cavalier seul. Alors que l’islam conquérant, fort de ses relais dans le pays (dont la grande mosquée de Paris, acquise aux intérêts algériens) mène une offensive séparatiste qui pourrait déboucher sur une guerre civile, cette perspective a été évacuée par le chef du gouvernement au profit de fumeuses mises en place de commissions, comités interministériels, conclaves, « missions flash » et séances de relecture des cahiers de doléances des gilets jaunes.

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Cette politique de l’autruche n’est certes pas nouvelle. Elle est même la norme depuis plus de trente ans. Cependant, Bayrou a un mérite : il résume en sa personne, plutôt aimable au demeurant, ce que la France va devoir éviter si elle veut renaître. Le centrisme est un tombeau.

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Discours de politique générale: non, Bayrou n’a pas brassé du vent

Alors qu’on n’attendait pas grand chose de sa première grande allocution en tant que Premier ministre, l’élu béarnais a dit hier à l’Assemblée nationale certaines vérités inattendues et fait quelques propositions de bon sens.


Le discours de politique générale de François Bayrou ne restera probablement pas dans les annales de l’éloquence républicaine. Il faut dire que le maire de Pau, qui appartient au dernier carré des hommes politiques sachant écrire, n’a jamais tellement brillé à l’oral. Même parmi ses plus chauds partisans, rares sont ceux qui auront pris du plaisir à l’écouter…

D’un ton trop monocorde – centriste diront certains -, se perdant même à un moment dans ses feuilles au point de se retrouver muet pendant de longues secondes, le président du Modem a déclamé son texte, certes bien troussé, sans convaincre. Mais le manque de talent oratoire n’explique pas tout. Bayrou est un Premier ministre par défaut. Il n’a pas été le premier choix du chef de l’État, une majorité des députés lui sont hostiles et sa position d’ancien haut commissaire au Plan (2020-2024) lui confère un statut d’ex-animateur de comité Théodule, au surplus comptable des erreurs d’Emmanuel Macron, qui n’arrange rien à l’affaire.

Et pourtant, le briscard gascon doit être salué. Car il y avait, dans les mots qu’il a prononcés hier, des accents de vérité comme on n’en entend que trop rarement au parlement. Sur l’Éducation nationale par exemple : « Les enseignants de notre université dépeignent des étudiants de première année qui ne parviennent pas à écrire un texte simple, compréhensible avec une orthographe acceptable, s’est-il notamment alarmé. Ceci, c’est pour moi le plus grand de nos échecs. » Difficile de lui donner tort.

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Même courage de dire les choses quand il en vient à parler de l’immigration, qui est selon lui « d’abord une question de proportion (…) L’installation d’une famille étrangère dans un village, c’est un mouvement de générosité qui se déploie, mais quand trente familles s’installent, le village se sent menacé et des vagues de rejets se déploient. » Ou bien quand il s’exprime sur la dette publique : « Tous les partis d’opposition demandant sans cesse des dépenses supplémentaires ont aussi dansé le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice. Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. »

Mais c’est surtout sur le dossier des retraites que le maire de Pau a fait preuve d’une étonnante sincérité. En reconnaissant d’abord – et c’est une première au sein de la macronie – que « sur les plus de 1000 milliards de dette supplémentaire accumulée par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50% de ce total. » En admettant aussi que les « collectivités publiques, au premier chef de celui de l’État, à hauteur de quelque 40 ou 45 milliards » renflouent chaque année le système, censé pourtant être financé par les seules cotisations sociales.

Dans ces conditions, Bayrou est dans son rôle quand il indique vouloir confier à la Cour des comptes une « mission flash », qui permettra d’avoir des chiffres plus clairs que ceux d’un Conseil d’orientation des retraites ayant plutôt maquillé jusqu’ici les fameux 40 à 45 milliards. Même si, bien sûr, les plus pessimistes verront d’abord dans cette commande d’un nouveau rapport une vulgaire manœuvre de temporisation.

De même, quand Bayrou annonce la tenue d’un « conclave », où les syndicats et le patronat auront pour tâche de négocier une nouvelle réforme des retraites, avec pour seule contrainte qu’elle soit aussi vertueuse en terme d’équilibre budgétaire que la réforme Borne, la tentation est grande de penser que, là encore, Bayrou joue la montre, essaye d’amadouer les socialistes, bref qu’il emploie un grossier stratagème pour conserver quelques mois de plus un poste dont il a rêvé toute sa vie.

Qu’il soit permis ici toutefois d’envisager que le président du Modem tente en réalité de bonne foi de trouver une voie intelligente pour dépêtrer la France d’un problème qui pourrit le débat public depuis trop longtemps. Qu’il soit aussi permis de lui rendre grâce de proposer la reprise de la fusion de l’audiovisuel public, manière d’aboutir à une BBC à la française forcément moins coûteuse pour le contribuable – et peut-être plus pluraliste, puisque France Télévisions l’est davantage que Radio France. Ou de trouver non moins bienvenue son idée de créer une « banque de la démocratie » qui permettra aux partis de ne plus dépendre du bon vouloir des établissements privés. Évidemment, ces annonces ne vont pas assez loin. Le verre reste vide aux trois quarts. Mais hier après-midi, Bayrou l’a rempli de quelques agréables centilitres dont il serait malhonnête de nier l’existence.

Tout Dylan en un clip!

François Gorin s’est inspiré de la vidéo du concert des 30 ans de carrière de Bob, notamment de la chanson « My back pages » qu’il interprète avec des amis, chanteurs-musiciens, connus. Un essai-récit terriblement intelligent et édifiant.


Un tour de force ; voici ce que réalise l’écrivain et critique de rock François Gorin (Rock & Folk, Le Matin de Paris, Télérama). À partir de l’enregistrement de la chanson éponyme « My back pages » – créée en juin 1964 par le maître, jouée sur scène le 16 octobre 1992 au Madison Square Garden à New York pour fêter ses 30 ans de carrière en compagnie de ses amis Neil Young, Tom Petty, Éric Clapton, George Harrison et Roger McGuinn -, il retrace et analyse la carrière de Bob Dylan. Un tour de force, oui car, d’une part, on croyait que tout avait dit et écrit sur Robert Zimmerman ; d’autre part, la manière d’essai-récit de François Gorin jamais ne lasse mais toujours surprend et informe.

Critique rock de haute volée

La construction du livre est habile. La citation et le commentaire à propos de ladite chanson revient comme un leitmotiv, comme un refrain. Non sans malice et gourmandise, François Gorin nous confie tout le plaisir qu’il a à regarder sans cesse ce moment d’exception, ce moment de pure magie folk-rock’n’rollienne. On est en droit de ne pas lui donner tort. De la magie pure, oui ; pourtant, comme il le concède non sans panache et franchise, il ne s’agit nullement de la meilleure chanson du Bob, même si la mélodie accrocheuse et l’allant séduisent.

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Oui, il se passe quelque chose entre ces six monstres qui, tour à tour, chantent un couplet. Dans l’ordre : McGuinn, Petty, Young, Clapton, Dylan et Harrison en veste violette et chemise à col rayé (mais où avait-il déniché ça ?). Et ces deux solos époustouflants de feeling : celui d’Eric Clapon, calme, solaire, sur sa Stratocaster, puis celui, fougueux, quasi punk, de Neil Young sur sa Gibson Les Paul noire. Et puis, les chœurs ! Ah ! les chœurs. Ces harmonies simples et limpides comme des larmes de joie. On en redemande.

Le bouquin de François Gorin est fascinant et beau car, jamais, il ne se la raconte. L’auteur raconte, justement, raconte ce qu’il ressent à propos d’un Dylan si complexe, multifacettes, et, lâchons le mot, carrément génial. Il a l’honnêteté de ne pas l’épargner par moments ; Gorin égratigne quand il le faut ; il brocarde. Mine de rien, il réalise ce qu’on pensait impossible : la réconciliation entre les univers hippie et punk, et ceux folk et rock. Il nous donne ici à lire de la critique rock de haute volée. Qu’il en soit remercié.

My back pages, Dylan & eux de François Gorin ; éd. le boulon ; 174 p.

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Quand des ONG et des activistes sabotent l’industrie française…

Régulièrement, l’industrie française fait face à une guerre de l’information qui menace notre souveraineté économique. Des campagnes d’influence, orchestrées par certaines ONG et activistes, fragilisent des secteurs stratégiques pour la France. Il est urgent de réagir. Analyse.


L’industrie française, pilier de notre souveraineté économique et technologique, fait face à une menace insidieuse : une guerre de l’information orchestrée par certaines ONG et activistes sur les réseaux sociaux et dans les médias mainstream. Sous couvert de défendre des causes en apparence nobles, ces organisations participent, consciemment ou inconsciemment, à l’affaiblissement de secteurs économiques pourtant stratégiques pour notre pays.

Une stratégie d’influence bien rodée

Le modus operandi de ces groupes est désormais bien établi. Il s’agit d’abord de cibler des industries sensibles, comme la défense ou l’énergie, qui ne bénéficient pas d’un soutien populaire. Souvent parce qu’on ignore tout simplement leur existence, leur rôle, et… leur nom ! Des proies faciles…

Ensuite, on mobilise l’opinion publique en jouant sur les émotions : images chocs, slogans percutants, et récits manichéens opposant citoyens vertueux et multinationales prédatrices. Le tout diffusé sur tous les réseaux sociaux disponibles, de manière industrielle. 

Cette approche émotionnelle s’accompagne d’un travail de sape plus discret mais tout aussi efficace. Des ONG financées par des fondations étrangères produisent des enquêtes ciblant spécifiquement l’industrie de défense française. Ces investigations, reprises par les médias grand public, fragilisent la position de nos entreprises sur les marchés internationaux.

L’efficacité de ces campagnes repose sur un vaste réseau d’influence. À Bruxelles, pas moins de 3500 ONG gravitent autour des institutions européennes, pesant sur les décisions politiques et réglementaires. Certaines, comme le WWF ou Transparency International, jouissent d’une crédibilité qui leur permet d’influer directement sur la législation européenne.

Plus inquiétant encore, on constate des liens étroits entre ces organisations et des intérêts étrangers. La fondation Gates, l’Open Society de George Soros, ou encore Global Citizen entretiennent des relations privilégiées avec les plus hauts responsables européens ! Ces connexions soulèvent des questions légitimes sur le pouvoir réel de ces acteurs.

C’est une guerre…

Les exemples ne manquent pas pour illustrer les effets de ces actions sur nos fleurons industriels. Naval Group a ainsi vu sa réputation entachée par une campagne de dénigrement orchestrée en amont de la perte du “contrat du siècle” australien. Dans le secteur énergétique, EDF a été victime d’un lobbying acharné visant à affaiblir la filière nucléaire française au profit du modèle allemand des énergies renouvelables.

Or, la vraie force de frappe de ces ONG repose en grande partie sur leur capacité à mobiliser les médias. Des collectifs de journalistes d’investigation, souvent financés par les mêmes fondations étrangères, en apparence au-dessus de tout soupçon. produisent des enquêtes ciblant systématiquement l’industrie de défense européenne. Ces productions sont ensuite relayées par des dizaines de grands médias, y compris publics, qui ne « payent pas le prix » de l’enquête sous couvert de la mutualisation des moyens, sans savoir donc forcéement précisément comment l’enquête a été menée, sans non plus bien sûr que la question de leur instrumentalisation ne soit jamais posée… On vous oppose l’argument de la déontologie et la caution d’avocats, sans jamais se demander qui a initié quoi, qui a fourni quelles enveloppes Kraft, clefs USB et autres « drive », et dans quel but. En réalité, le but est parfaitement connu, lisible, mais il ne semble choquer personne…

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Face à ces menaces, il est urgent que le gouvernement français, et plus précisément ce que l’on appelle communément les « services » prennent conscience des enjeux de cette guerre cognitive, autrement appelée guerre de l’information.

Un des exemples les plus caractéristiques des soupçons que l’on peut porter sur certaines ONG se trouve dans l’actualité avec la question des substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS (appelés aussi polluants éternels). Si le sujet n’est pas de débattre des PFAS, il est toutefois troublant de voir qu’en creusant un peu, nous pouvons voir que les principaux pourfendeurs des PFAS (comprenant dans le récit déployé une confusion entre différents composés chimiques pour tout ranger sous le terme de « polluant éternel ») sont la Suède, la Norvège, l’Allemagne et le Danemark. Alors que la Suède essuie un échec dans sa stratégie de développement « vert » initiée il y a plus de 20 ans en étant qualifiée par François Gemenne de « cancre de l’Europe en matière de lutte contre le changement climatique » et que l’Allemagne est énergiquement en retard sur la France, ayant raté le virage du nucléaire, on constate une fronde de ces pays contre les avantages compétitifs industriels de leurs « alliés », au premier rang desquels, la France. Ainsi, des ONG comme ChemSec, née en Suède et qui mène des campagnes comme « Mouvement PFAS » sont financées non seulement par des États, mais également par des consortiums d’entreprises industrielles. La Suède finance cette « ONG » à hauteur de 800 000 euros par an, auxquels on ajoute 300 000 euros de l’Allemagne et de l’Europe, ainsi que les contributions d’entreprises… Avec ces moyens, les arguments peuvent être repris par nos influenceurs, Camille Etienne en tête… Qui est perdant ? L’industrie et la compétitivité françaises… Quand ça ressemble à de la guerre économique, c’est que c’est peut-être de la guerre économique…

L’enjeu de la souveraineté

Il ne s’agit pas de remettre en cause le rôle légitime de la société civile, ni des associations qui défendent des causes justes, mais de développer un regard critique sur les motivations réelles de certains acteurs dont on sait qu’ils sont suspects. La France doit se doter d’outils pour protéger ses intérêts vitaux, tout en préservant les valeurs démocratiques qui font sa force et oser les utiliser. Les ONG qui outrepassent leurs prérogatives ou sont manipulées bon gré mal gré doivent être signalées sur le mode du name and shame. Exactement comme les entreprises qu’elles tentent de déstabiliser, le plus souvent sur ordre ! 

L’enjeu est de taille : c’est notre souveraineté économique et notre capacité à peser sur la scène internationale qui sont en jeu. Il est temps d’ouvrir les yeux sur cette nouvelle forme de guerre économique, où l’émotion devient une arme redoutable (une photo et quelques mots bien choisis peuvent faire d’énormes dégâts, je le sais puisque je l’enseigne moi-même en media training à des étudiants en journalisme, ou à HEC) entre les mains d’activistes dont les intentions sont, sans l’ombre d’un doute, troubles, voire parfaitement malhonnêtes…..

Sinon, la suite de l’histoire est connue : nos dernières industries disparaîtront ou seront rachetées par des concurrents étrangers, et la France se transformera pour de bon en parc d’attractions géant. Voulons-nous que le tourisme pèse demain 20% ou plus encore de notre PIB, comme c’est le cas de la Croatie ou de la Grèce en Europe, ou plus éloignés de nous, de la Thaïlande ou… des Maldives ? Avec tout ce que cela implique en termes de nuisances et de dépendance économique ? C’est la voie choisie par Anne Hidalgo à Paris, avec l’impact que l’on connaît sur l’activité économique intra-muros, ainsi que sur les Parisiens et les banlieusards. Il est encore temps d’éviter que ce scénario catastrophe se déploie partout en France…

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Algérie: les Insoumis sont les héritiers de la contre-culture des années 60

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Manifestation de soutien à la Palestine sur le Vieux-Port de Marseille, en présence du député des Bouches-du-Rhône Sébastien Delogu le 18 août 2024 © Frederic Munsch/SIPA/2408182118

Les héritiers d’une révolte figée en dogmes ne voient en l’Occident que corruption et décadence. Et en arrivent à défendre des régimes indéfendables


La question est posée : les Insoumis servent-ils aujourd’hui de courroie de transmission du pouvoir algérien ? L’extrème gauche française serait-elle en service commandé par le président Tebboune pour attaquer, comme le font récemment Marine Tondelier (Les Verts) et Ersilia Soudais (LFI) en prenant le parti des influenceurs qui ont appelé à la haine contre la France, le gouvernement français et en particulier son ministre de l’Intérieur ?

Il n’est pas besoin d’imaginer chez les Insoumis une complicité ou une alliance effective avec le gouvernement algérien ou avec le Hamas. Les Insoumis sont en fait les héritiers de la contre-culture des années 60. Les années 1960 ont vu émerger une contre-culture qui se voulait révolutionnaire et profondément critique de l’ordre établi. Pourtant, les idées qui semblaient alors radicales se sont progressivement intégrées au tissu même de la société contemporaine, au point de devenir des dogmes dominants. Ce qui fut autrefois un cri de révolte est aujourd’hui une pensée conformiste, voire une orthodoxie idéologique, un mélange de marxisme et de christianisme revisité.

Les slogans de cette époque résonnent encore aujourd’hui : « Nous sommes une seule humanité », « Abattons les drapeaux, les impérialismes et les frontières », « La guerre est un mal absolu », « Le complexe militaro-industriel est la source de nos maux », « Il est impératif de lutter contre le racisme », « Les Blancs portent la responsabilité des massacres de l’histoire, de la destruction de la nature et de la vie sauvage ».

Ces proclamations, si elles conservaient une certaine spontanéité dans les années 60, se sont muées en dogmes rigides et omniprésents, façonnant les valeurs des générations suivantes, en particulier celles de la petite bourgeoisie intellectuelle dont les Insoumis sont les représentants politiques.

Une incapacité à tolérer la nuance…

Les idées révolutionnaires des années 60 ont échoué à se matérialiser en révolutions concrètes. Cette incapacité à produire un véritable renversement des structures de pouvoir a conduit à leur institutionnalisation. Ce qui n’a pu transformer la société par l’action s’est cristallisé sous forme de croyances absolues, imposées comme des vérités universelles et incontestables. Le combat contre le patriarcat et la société bourgeoise, par exemple, a perdu son caractère subversif pour devenir un credo dogmatique, parfois simpliste, incapable de tolérer la nuance ou la complexité.

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Les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité ont été adaptés, voire déformés, au contact des contraintes du réel. L’idéalisme romantique, en quête d’un monde libéré de ses entraves, s’est trouvé confronté à des paradoxes : une volonté de promouvoir l’émancipation individuelle tout en soutenant des systèmes oppressifs ou autoritaires dans certaines régions du monde.

Les députés LFI Louis Boyard et Mathilde Panot discutent avec le chanteur controversé Médine, Paris, 21 avril 2024. Image: réseaux sociaux.



Les héritiers de cette contre-culture ont cultivé une fascination pour l’« ennemi exotique » ou le « noble opprimé ». Dans cette perspective, le Viêt-cong pieds nus, le fedayin du FLN, ou encore les « damnés de la terre » décrits par Frantz Fanon incarnaient une pureté morale et une authenticité que l’Occident, perçu comme corrompu et décadent, semblait avoir perdu.

Cette admiration s’est accompagnée d’un mépris, voire d’une haine, envers l’Europe coloniale et l’Amérique impérialiste. Mais ces héritiers n’ont pas craint la contradiction : ils prônaient une liberté sans limites tout en soutenant des régimes autoritaires issus du tiers-monde, comme ceux de Hô Chi Minh, Mao Tsé-Toung ou Robert Mugabe. Loin d’être un problème, ces paradoxes semblaient être une partie intégrante de leur vision du monde, dans laquelle se mêlaient marxisme-léninisme, néo-christianisme et un goût pour l’orientalisme.

L’attachement à une mythologie révolutionnaire…

Parmi les héritiers de la contre-culture, nombreux furent ceux qui virent leurs illusions s’effondrer face à la dureté de la réalité. Certains ont sombré dans des ruptures tragiques, marquées par des parcours de désillusion.

La toxicomanie, omniprésente dans les milieux contestataires de l’époque, a emporté une part significative de cette génération, menant à des overdoses ou à une mort lente par des maladies comme le Sida. Le suicide fut pour d’autres une issue ultime face à l’impossible réconciliation entre leurs idéaux et le monde qui ne changeait pas.

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Cependant, d’autres héritiers de cette culture de rébellion ont assumé leurs contradictions en choisissant une tout autre voie. Ils sont devenus des adeptes de l’économie globalisée, embrassant un libéralisme économique décomplexé tout en conservant des positions libertaires sur les questions sociétales. Ce mélange de pragmatisme et de compromission reflète une certaine souplesse idéologique, voire une aptitude à exploiter le système qu’ils avaient initialement rejeté. D’autres en revanche et c’est le cas des Insoumis sont restés attachés à cette mythologie révolutionnaire.

La jeunesse des années 60, avide de changement, s’est dressée contre une société qu’elle percevait comme engoncée dans les préjugés patriarcaux et l’ordre moral bourgeois. Cette révolte a profondément marqué les mentalités contemporaines, au point de modeler les valeurs des générations qui ont suivi. Les élites actuelles, qu’elles soient politiques, culturelles ou académiques, ont été nourries au lait de cette contre-culture.

Les grands principes en sont devenus des leitmotivs presque religieux :
• L’humanité est une et indivisible. La solidarité universelle prime sur les particularismes ;
• Les riches et les puissants sont les oppresseurs. L’inégalité économique est considérée comme la source principale des injustices ;
• L’étranger est notre frère, surtout s’il est pauvre. Le migrant, le réfugié ou le marginal est vu comme une figure rédemptrice ;
• Les Blancs portent une culpabilité historique. De la colonisation à l’esclavage, en passant par la destruction de la nature, la civilisation occidentale est perçue comme la « lie de la terre ».

On en vient à quasiment soutenir les influenceurs algériens…

Ce corpus idéologique a façonné un imaginaire collectif où la quête de justice sociale et écologique coexiste avec des contradictions non résolues. Par exemple, la glorification des cultures non occidentales s’accompagne souvent d’une vision simpliste et romantique de celles-ci, ignorant leurs propres dynamiques complexes. De même, l’obsession de la liberté individuelle et de l’émancipation peut se heurter à une intolérance grandissante envers les opinions dissidentes. Les idéaux d’unité et d’égalité, bien qu’aspirationnels, peuvent aussi se heurter à une réalité qui valorise la diversité culturelle et les spécificités identitaires.

L’universalisme hérité de cette contre-culture risque parfois d’éclipser la reconnaissance des différences. Enfin, cette pensée dominante tend à écraser le débat, en transformant les nuances en affrontements moraux. Ce qui était une critique vivante et féconde de l’ordre établi est devenu, pour certains, une nouvelle forme d’autoritarisme culturel et intellectuel. Antisionisme rabique, haine de la France et de son gouvernement qualifié « d’extrême-droite » sont devenus pour une partie de la jeunesse, mobilisée par Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis, les éléments principaux d’une cause qui les conduit à devenir les idiots utiles de régimes et d’idéologies totalitaires.  

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Tel Aviv, hier soir © Oded Balilty/AP/SIPA

Le Premier ministre qatari a annoncé hier la libération de 33 premiers otages israéliens du Hamas lors de la première phase de la trêve à Gaza, prévue pour débuter dimanche. L’effet Trump semble avoir été déterminant. Si les Gazaouis font bruyamment la fête, à Tel-Aviv il est plus difficile de se réjouir


Donald Trump a annoncé, enfin, un cessez-le-feu à Gaza. « We have a deal ». Ces quatre mots inaugurent peut-être une nouvelle ère, mais on est loin de la paix pour l’instant. Avant d’évoquer la grande politique et la grande Histoire, pensons aux familles d’otages qui ne savent pas si elles verront revenir un vivant ou un mort, et aux Palestiniens qui pleurent leurs morts.

Comptabilité macabre

Cet accord s’apparente à une potion amère. On rachète des innocents pris lors d’une razzia en libérant les instigateurs de potentielles futures razzias. Sinwar, l’inventeur du 7-Octobre, avait été libéré dans des conditions comparables dans le cadre de l’affaire de l’échange du soldat Gilad Shalit. Israël paie au prix fort la vie de ses citoyens, et le devoir sacré de donner une sépulture aux morts : 30 prisonniers palestiniens contre 1 otage vivant, 15 contre un corps.

Retenir dans des sous-sols des enfants, des vieillards ou un bébé de quelques mois, ce n’est pas la guerre, ce n’est pas la Résistance, c’est la barbarie. Le Hamas a aussi retenu les civils palestiniens en otage, pendant que ses combattants se cachaient dans les tunnels. Quelle armée protège ses militaires et laisse les civils seuls face aux bombes ? N’oublions pas à qui nous avons affaire.

Est-ce la fin du cauchemar pour les deux peuples ?

Comme je le disais : nous sommes loin de la paix. L’accord de trêve ne prévoit rien sur qui va gouverner Gaza, ni sur le désarmement du Hamas, lequel pourrait se reconstituer avec tous ces prisonniers libérés.

Cependant, il y a deux raisons d’être optimiste (ce sont les mêmes qui ont permis l’accord). C’est une double victoire de la force.

  • La première raison, c’est Trump. L’administration Biden s’est félicitée pour la négociation, mais cet accord était en réalité sur la table depuis mai. C’est donc bien Trump qui, avant même d’être au pouvoir, a fait plier Netanyahou et le Hamas. Lorsqu’il menace de plonger le Hamas en enfer s’il ne libère pas les otages, on a des raisons de le croire. Sa présence dans cet accord signifie également qu’Israël disposera probablement du feu vert américain pour répliquer en cas de violation de l’accord ou de remilitarisation du Hamas.
  • La deuxième raison, c’est le changement radical du rapport de forces. L’élimination des chefs du Hamas, la raclée infligée au Hezbollah, la destruction de la défense antiaérienne iranienne et des capacités militaires de la Syrie post-Assad ont profondément changé la donne. L’« axe de la Résistance » n’a pas bonne mine. Elle est dans les choux. Certes, cela s’est fait au prix d’immenses et terribles souffrances, mais tout comme il avait fallu bombarder Dresde ou Mossoul, il fallait détruire le Hamas. Militairement, c’est en bonne voie. Politiquement, même le Fatah accuse désormais le Hamas d’avoir sacrifié les intérêts palestiniens à l’Iran. Beaucoup de Gazaouis savent qu’ils ont payé le 7-Octobre dans leur chair.

Les faux-semblants d’ici

Quant à ceux qui, ici, continuent à faire les yeux doux au mouvement terroriste et pensent que Trump est le diable incarné, ils seront balayés par l’Histoire. Hier, la dernière idée lumineuse du député LFI Thomas Portes en est un exemple affligeant: interdire la venue en France de basketteurs israéliens… Minable à pleurer.

«Surprise ! Ton grand-père est sur la liste des collabos»: le fiasco des archives néerlandaises

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Image d'illustration. DR.

Ces jours-ci, les Hollandais découvrent que la « transparence » n’a pas toujours du bon.


Aux Pays-Bas, l’exercice de transparence sur la collaboration avec les nazis pendant l’occupation allemande (1940-1945) vire au fiasco. L’écrivaine et journaliste juive Natascha van Weezel a ainsi découvert avec stupeur le nom de son grand-père sur la mal-nommée « liste des collabos », accessible depuis le 2 janvier à toute personne désireuse de la consulter1. Cette liste contient les noms de quelque 425 000 personnes, toutes décédées, selon les assurances du gouvernement de La Haye.

Une liste autrefois uniquement accessible aux chercheurs

Ces noms figurent dans les Archives Centrales des Juridictions Spéciales (CABR), récemment rendues partiellement publiques. Dans ces archives, créées après la Seconde Guerre mondiale pour juger ceux et celles soupçonnés d’avoir collaboré avec l’occupant, figurent des listes de volontaires dans la Wehrmacht ou les SS, des membres du parti national-socialiste NSB, des dénonciateurs de Juifs ainsi que des artistes et des intellectuels.

Le grand-père juif de Mme van Weezel ne fait pourtant pas partie de ces collaborateurs ! Dans une chronique publiée dans le journal Het Parool2, elle raconte au contraire que son aïeul avait fui l’Allemagne nazie pour s’installer aux Pays-Bas. Après l’invasion allemande de la Hollande, en mai 1940, il parvient à gagner la Suisse. À son retour, en 1945, il apprend que ses parents et d’autres membres de sa famille, également réfugiés aux Pays-Bas, ont péri dans des camps de concentration. Bien que son grand-père, décédé en 1995, ne soit pas un résistant, il n’est donc pas non plus un collaborateur. Cependant, des cas de Juifs néerlandais ayant trahi d’autres personnes pour le compte des nazis existent…

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Natascha van Weezel découvre l’existence d’un dossier à son nom après quelques clics dans le moteur de recherche des Archives Centrales. Les informations nécessaires pour lancer une recherche sont simples : nom, prénoms, date et lieu de naissance. Ces données, auparavant accessibles uniquement aux chercheurs autorisés, sont désormais consultables par tous. Dans ce moteur de recherche, la journaliste est tombée sur le nom de son grand-père, accompagné d’un numéro de dossier et de la mention sommaire suivante : « interrogé après la guerre par la ‘politieke recherche’ », c’est-à-dire la branche de la police chargée de poursuivre les délinquants politiques. Angoissée mais déterminée, Mme van Weezel voudrait consulter ce dossier complet en ligne chez elle, depuis Amsterdam. Toutefois, les projets initiaux du gouvernement, qui prévoyaient un accès numérique, ont été bloqués en décembre 2024 par un véto du Conseil pour la Sauvegarde de la Vie Privée… Toute personne souhaitant consulter ces dossiers en intégralité doit donc se rendre physiquement aux Archives à La Haye, après avoir pris un rendez-vous en ligne. La consultation se fait alors sur place, sans possibilité de photographier les documents. Aucune preuve de lien de parenté ou justification historique ou journalistique n’est d’ailleurs requise pour y accéder.

Des semaines d’angoisse

Autant dire que l’attente risque d’être longue. Natascha van Weezel espère pouvoir examiner ce dossier, sans doute éprouvant, au plus tôt au mois de mars. Elle n’est pas la seule concernée : des dizaines de Néerlandais, y compris des députés, vivent la même expérience désagréable. Après quelques clics dans la base de données, ils découvrent les noms de leurs proches associés à cette liste controversée. Beaucoup jurent, preuves à l’appui, que leurs proches ne sont pas des collaborateurs.

La direction des Archives insiste sur le fait que la simple existence d’un dossier ne prouve en rien la culpabilité de la personne concernée. Pourtant, l’adage « il n’y a pas de fumée sans feu » reste tenace dans l’opinion publique. Aux yeux de nombreux Néerlandais, cette liste de 425 000 noms – réduite à environ 405 000 après des protestations – reste en effet celle des « collabos ». Les nuances juridiques entre des termes comme « prévenu », « soupçonné », « suspect », « accusé », « condamné » ou encore « entendu comme témoin » échappent le plus souvent au grand public.

Jusqu’aux années 1970, beaucoup de Néerlandais pensaient que la collaboration se limitait à une poignée de personnes autour d’Anton Mussert, chef du NSB et équivalent néerlandais du Maréchal Pétain. La réalité est évidemment bien différente. Et si accuser de nos jours quelqu’un des méfaits de sa famille est cruel et absurde, le stigmate reste durable. En témoigne les remous en 1989 à la rédaction du journal de Natascha van Weezel, Het Parool, fondé par des résistants à l’occupant allemand, après la nomination d’un directeur, fils d’un membre subalterne du NSB. ‘Notre journal dirigé par un fils de collabo, quelle honte!’, pouvait-on entendre alors..


  1. oorlogvoorderechter.nl ↩︎
  2. https://www.parool.nl/columns-opinie/ik-werd-steeds-razender-hoezo-was-mijn-opa-die-voor-de-nazi-s-moest-vluchten-en-meerdere-malen-aan-de-dood-was-ontsnapt-een-foute-nederlander~be00617c/ ↩︎

Pas de « safe space » pour les blasphémateurs

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Des membres du Parlement britannique manifestent leur solidarité avec les victimes du massacre de Charlie Hebdo, Westminster Hall, Londres, 8 janvier 2015. Un soutien superficiel et de courte durée, vite éclipsé par la censure et la crainte de choquer © AP Photo/PA,Tim Sculthorpe/Sipa

Au Royaume-Uni, après les larmes et fadaises de circonstance, des intellectuels ont vite accusé Charlie Hebdo d’avoir créé « un environnement toxique pour les musulmans », des médias ont censuré les caricatures et des étudiants ont proclamé : « Je ne suis pas Charlie. » En menant cette croisade morale contre l’islamophobie, l’intelligentsia a justifié le terrorisme.


Il y a dix ans, j’ai subi deux chocs consécutifs. Le premier fut le massacre des satiristes. Il semblait inconcevable que l’on puisse infliger une mort sanglante à des caricaturistes pour avoir commis le « péché » de lèse-Mahomet. La barbarie du viie siècle projetait son ombre sur l’Europe du xxie siècle. Au moment où j’ai appris la nouvelle, à Londres, je me suis rendu dans le premier café et j’ai sorti mon ordinateur portable. C’est une « attaque contre nous tous », ai-je écrit. Cette islamo-boucherie menace de « nous ramener à une époque d’avant les Lumières ». Les mots semblaient futiles ce jour-là, face à l’horreur, mais il fallait des mots.

Puis est venu le deuxième choc : la trahison des intellectuels. Les corps des victimes étaient à peine froids que les élites libérales ont cherché à justifier le crime. Dans le monde anglo-américain, le cri s’est levé : « Certes, c’est déplorable, mais Charlie n’aurait pas dû ridiculiser les musulmans ».

Bien sûr, il y a eu des expressions de sympathie performatives. Des platitudes ont été débitées, des couronnes de fleurs déposées. Le slogan « Je suis Charlie » a été répété du bout des lèvres. Mais l’intelligentsia n’a pas hésité longtemps avant de révéler son vrai avis : Charlie était trop souvent « tombé dans la caricature raciste » en créant « un environnement toxique pour les musulmans ». C’est ce qu’a écrit un journaliste du Guardian une semaine après la tuerie. Un bureau où deux assassins tirent à répétition sur des hommes et des femmes : ça, c’est un « environnement toxique ».

Le troc de la contre-culture par la cancel culture

La solidarité avec Charlie Hebdo a été superficielle et éphémère. Comme l’a écrit le chroniqueur Rod Liddle, « tout le monde dit qu’il est Charlie », mais « en Grande-Bretagne, presque personne ne l’est ». Et de rappeler que notre nation avait adopté une loi contre « l’utilisation de mots menaçants, abusifs ou insultants pour provoquer l’alarme et la détresse ». Il n’a pas fallu longtemps pour que cette répugnance pour les discours « offensants » l’emporte sur les gesticulations en faveur de Charlie.

Les militants étudiants, qui ont troqué la contre-culture contre la cancel culture, ont été les premiers à dire ouvertement : « Je ne suis pas Charlie» Le syndicat des étudiants de Bristol a déclaré que Charlie ne devait pas être vendu sur le campus parce que cela violerait « notre politique d’espace sécurisé » (« safe space »). Autrement dit, des étudiants privilégiés se sentaient blessés par un magazine dont les auteurs venaient d’être abattus. Pas d’« espace sûr » pour les blasphémateurs. À Manchester, le syndicat a interdit à l’Association pour la liberté d’expression et la laïcité d’afficher la une de Charlie. On les a sermonnés sur la nécessité de créer un « environnement inclusif » – mais qui n’inclut ni la satire ni la solidarité avec les victimes des fanatiques. Dans ce double langage, inclusion veut dire exclusion : l’exclusion de toute pensée, croyance ou blague qui puisse meurtrir l’estime de soi de ceux qui sont socialisés dans le culte de la fragilité.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Charlie et la chocotterie

La plupart des médias britanniques ont refusé de montrer les couvertures de Charlie, de peur qu’un musulman se sente blessé. Le rédacteur en chef du quotidien centriste The Independent a déclaré que « son instinct » lui disait de publier les caricatures, mais que c’était « trop risqué ». La BBC s’est conformée à sa directive selon laquelle « le prophète Mohammed ne doit pas être représenté sous quelque forme que ce soit ».

Les élites médiatiques ont ainsi fait preuve d’une lâcheté ignoble face à la menace islamiste. Après le bain de sang à Paris, leur réflexe a été de sauver leur peau plutôt que de soutenir leurs collègues d’outre-Manche. Elles se sont montrées solidaires avec les assassins plutôt qu’avec les assassinés. En refusant la diffusion des images de Charlie, elles se sont rendues complices des frères Kouachi, parce qu’elles pensaient comme eux, que Charlie faisait du tort aux musulmans. Les frères ont puni Charlie par la violence, les médias par la censure.

Les élites ont bafoué la mémoire des morts

Trois mois après le massacre, une foule d’écrivains célèbres a protesté contre la décision de PEN America de décerner à Charlie un prix pour la liberté d’expression, en proclamant qu’il ne fallait pas récompenser un magazine qui provoque « humiliation et souffrance » chez les musulmans. C’était kafkaïen : des écrivains qui venaient d’endurer les pires souffrances imaginables étaient accusés de faire souffrir autrui.

Le comble a été atteint quand l’ONG londonienne Islamic Human Rights Commission a décerné à Charlie son prix d’« islamophobe de l’année ». C’était danser sur les tombes des morts. Cette farce répugnante a provoqué une réaction chez certains journalistes britanniques, mais les mêmes, en poussant les hauts cris à propos de « caricatures racistes », avaient ouvert la voie à cette diffamation posthume des suppliciés. On ne peut pas qualifier Charlie d’« islamophobe » et ensuite se déclarer consterné quand il remporte un prix pour « islamophobie ».

A lire aussi, Philippe Val: « Avec l’islam politique, la peur est partout »

De tout cela émerge une vérité terrifiante : nos élites ont plus en commun avec les assassins de Charlie qu’avec Charlie lui-même. Leur croisade morale contre l’« islamophobie » n’est que le reflet déformé de la violente croisade des frères Kouachi contre le blasphème. Ce qui unit les bouchers et les intellectuels, c’est la croyance pusillanime que tout commentaire sur l’islam doit être strictement surveillé afin que les musulmans puissent vivre leur vie sans jamais se sentir offensés. C’est ainsi que j’ai compris que les tueurs ne nous étaient pas aussi étrangers qu’on le croyait. Non, ils représentaient la branche armée du politiquement correct. Ils disaient avec des kalachnikovs la même chose que l’intelligentsia avec des mots : tu ne blasphémeras pas contre l’islam.

Dix ans plus tard, les frères ont gagné. Ils sont morts, mais leur idéologie implacable est vivante. Elle n’est pas imposée par la violence, mais par les lâches diktats de nos élites qui ont sacrifié la libre parole à la sensibilité islamique. C’est intolérable. La liberté d’expression est la plus grande liberté. C’est elle qui rend la démocratie possible et la vie digne d’être vécue. Le droit de se moquer de tous les dieux, prophètes, idéologies et modes est essentiel à une société libre. Et ni les fascistes de l’islam radical, ni les âmes sensibles de nos élites n’ont le droit de nous en priver.

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Projet de Valls pour Mayotte: « une pompe aspirante à immigration »

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Distribution d'eau à la population après le cyclone Chido. À Pamandzi, Mayotte le 19 décembre 2024 © MINISTERE DE L'INTERIEUR/SIPA/2412191243

Un mois après le cyclone Chido, Mayotte s’enfonce dans la crise. Face aux Comoriens, Mansour Kamardine (LR) estime que la France doit être beaucoup plus inflexible.


Mansour Kamardine
(ancien député, vice-président des LR, président du comité des outre-mer)
© Mansour KAMARDINE – Officiel, X

Gil Mihaely. Avant de parler de la suite et des leçons à tirer, quelle est la situation actuelle sur le terrain ?

Mansour Kamardine. Plus d’un mois après le passage du cyclone Chido, la situation reste extrêmement difficile. L’accès à l’eau est erratique, la sécurité se dégrade fortement, l’économie est à terre, l’électricité n’est que partiellement rétablie, l’éducation est suspendue et les services de santé fonctionnent en mode fortement diminué. À cela s’ajoute l’isolement des villages reculés et un accès à la nourriture difficile pour une grande partie de la population démunie.

Comment évaluez-vous la gestion de la crise par l’État et les autorités locales, depuis l’alerte jusqu’à aujourd’hui ?

Le manque de planification stratégique, souligné par la commission d’enquête parlementaire sur les risques naturels outre-mer que je présidais en 2023 et 2024, conduit l’État à improviser avec des moyens notoirement insuffisants. On peut comprendre une réponse imparfaite dans les jours qui ont suivi Chido. Cependant, cinq semaines après la catastrophe, le niveau d’intervention de l’État n’est pas à la hauteur d’un pays qui a bâti sa puissance sur les capacités mobilisatrices de son administration centrale. En revanche, la réaction des autorités préfectorales et des acteurs locaux est remarquable. Ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens limités que Paris leur donne.

Peut-on distinguer les dégâts subis par les citoyens français de ceux affectant les résidents sans statut légal ?

On peut surtout distinguer les conséquences politiques tirées par le pouvoir exécutif ! Il semble qu’en métropole, certains aient saisi cette catastrophe comme une occasion de tordre le bras des Mahorais et d’imposer ce que nous ne voulons pas : la « comorisation » de Mayotte à travers l’installation durable des étrangers arrivés clandestinement, via l’école et le logement, ce qui constitue le cœur même du projet de loi d’urgence porté par Manuel Valls.
Avec une population composée d’un tiers de Français, un tiers de Comoriens en situation régulière et un tiers de Comoriens en situation irrégulière, il est ni plus ni moins proposé aux Français de Mayotte de devenir une minorité légale chez eux. Cela ne se passera pas bien !

Comment envisagez-vous la reconstruction ? L’exemple de Notre-Dame de Paris vous semble-t-il pertinent en termes de mobilisation et de rapidité d’action ?

Depuis des années, nous demandons la mise en place d’outils similaires à ceux de Notre-Dame pour permettre une mise à niveau rapide des infrastructures de base et des équipements, favorisant un développement durable du département. On nous le refuse constamment. Maintenant, on nous propose de suivre l’exemple de Notre-Dame, mais pour reconstruire à moitié. C’est inacceptable ! Mayotte est à construire, non à reconstruire, sauf à considérer que la pauvreté, l’inégalité sociale et la submersion migratoire sont les valeurs de la République appliquées à Mayotte.
Le projet de loi d’urgence porté par le ministre des Outre-mer est donc non seulement insuffisant, mais inacceptable. Sans dispositions efficaces permettant de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, les pillages et la destruction des bidonvilles, et sans mesures sur le pouvoir d’achat pour répondre aux besoins des plus démunis après la destruction des cultures vivrières, j’aurais voté contre ce projet. Manuel Valls parle beaucoup, surtout de ce qu’il ne fait pas.

Comment aborder efficacement la question de l’immigration non contrôlée ? Quels moyens envisager pour stopper le flux migratoire ?

C’est avant tout une question de volonté politique, qui doit se traduire par une fermeté diplomatique envers les Comores, le déploiement de moyens humains et matériels adaptés, et une adaptation des lois à la situation de Mayotte, comme le permet explicitement l’article 73 de la Constitution. Affirmer que la France ne peut maîtriser ses frontières à Mayotte, alors que 70 km nous séparent des Comores et 400 km des côtes africaines, revient à reconnaître l’incapacité de l’Europe à contrôler les migrations à Gibraltar, distante de seulement 14 km de l’Afrique. Basique !

Comment gérer les personnes déjà présentes sur le territoire, notamment celles touchées par la tempête, ainsi que leurs familles ?

Il convient de leur apporter une aide humanitaire : distribution d’eau, de nourriture, hébergement temporaire et soins. Ensuite, il faut raccompagner aimablement mais fermement ceux arrivés clandestinement dans leur pays d’origine. Simple !

Quelle politique la France devrait-elle adopter vis-à-vis des Comores pour apaiser les tensions et coopérer sur des questions essentielles comme la migration et le développement ?

Par pusillanimité, le Quai d’Orsay maintient de facto des tensions avec les Comores par une ligne molle permettant aux autorités comoriennes de jouer sur tous les tableaux. Une position claire, ferme et invariante est essentielle pour contraindre les Comores à prendre au sérieux la situation.

Existe-t-il un problème au regard du droit international dans la gestion de la crise ou dans les relations entre la France et les Comores ?

Absolument pas. L’archipel des Comores est composé de quatre îles et quatre peuples, mais trois ont choisi de constituer un État indépendant lors de la décolonisation. Les Mahorais, eux, ont choisi en 1841 de rejoindre la France et de maintenir leur appartenance à notre nation. L’ONU consacre dans sa charte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les revendications comoriennes sur Mayotte relèvent davantage d’un colonialisme historique grand-comorien et d’une diversion face à l’échec de leur indépendance.

L’usage de la force est-il envisageable ou souhaitable dans ce contexte ?

La défense de nos frontières fait partie des missions des armées. Toutefois, de nombreux moyens diplomatiques et économiques peuvent être mobilisés pour nous faire entendre. Il n’est pas nécessaire d’imaginer des scénarios extrêmes qui servent probablement des intérêts étrangers lorgnant sur les richesses du canal du Mozambique.

Qu’attendez-vous concrètement de l’État et du législateur dans les semaines et les mois à venir ?

J’attends que le projet de loi d’urgence pour Mayotte soit réorienté vers la reconstruction et la mise à niveau des équipements de base, et non vers l’installation durable des clandestins. Le texte actuel est une pompe aspirante à l’immigration clandestine. Il maintient le sous-développement de Mayotte et aggrave la situation des Mahorais. Manuel Valls qui à travers son action sous la présidence de François Hollande porte une responsabilité importance pour la situation actuelle, va pouvoir mesurer dans ses nouvelles fonctions et dans les semaines qui viennent l’attachement des Mahorais à la France. Les « y a qu’à faut qu’on » mais plus tard, c’est terminé !

Mansour Kamardine: Une vie au service de Mayotte

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« Alors Olivier, il est comment ton Bayrou? »

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Emmanuel Macron inaugure le nouveau centre culturel du Foirail, à Pau le 30 septembre 2022, en compagnie de Francois Bayrou et de Rima Abdul Malak, ex-ministre de la culture (2022-2024) © Quentin TOP/SIPA

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise.


« Alors Olivier, il est comment ton Bayrou ? » Dès que le nom du maire de Pau a été sérieusement évoqué pour Matignon, puis quand le Béarnais est devenu le quatrième Premier ministre de l’année, mon téléphone n’a cessé de sonner pour solliciter ma connaissance de « Lou François », comme il nous arrive de l’appeler à Pau. Engagé dans la vie politique depuis près de quarante ans, trois fois candidat à l’élection présidentielle, il est la figure centrale d’un centre qui aujourd’hui cherche des cercles pour gouverner un pays qui n’est peut-être plus gouvernable. Mais de quoi le président du Modem est-il le nom ?

Localement, j’ai eu des accrochages politiques particulièrement rugueux avec lui. Il arrive qu’une estime réciproque puisse naître d’une disputatio partagée au fil des ans lors des séances d’un conseil municipal où se rejoue la même partition. François Bayrou, allié d’Emmanuel Macron depuis février 2017, est d’abord tout ce que n’est pas le macronisme. Il est, comme moi, un provincial qui aime Paris sans jamais oublier les Pyrénées bleues, l’odeur de la terre, la fraîcheur du Gave en été. Il préférera toujours la compagnie des livres à celle des communicants. Quand, après son sacre à Chartres, en 1594, Henri IV fait son entrée à Paris – après le siège de 1590 qui a laissé quelques vilains souvenirs –, il montre un sens aigu de la communication. Ce qui n’a pas vraiment été le cas du nouveau Premier ministre.

« Cabourut » (« têtu, tête dure »), il a souvent préféré dire « non » quand l’essentiel était en jeu, comme cela fut le cas lors de la création de l’UMP en 2002. « J’entends dire qu’on pense tous la même chose, si on pense tous la même chose, c’est qu’on ne pense plus rien. » Puis, lors de ce meeting à Toulouse devant 8 000 chiraquiens : « Quand je serai président… » La salle surchauffée le conspue. C’est fini. Bayrou reprend la direction de Pau. Comment a-t-il vécu sa traversée du désert ? Un jour, devant moi, il a illustré cette expérience par une formule originale : « Oui, des années difficiles, car j’avais le chameau sur le dos, mais très instructives. »

Peut-il tenir ? La pythie mélenchoniste, qui avait annoncé très précisément la date de la censure du gouvernent Barnier, vient de cocher le 16 janvier, deux jours après la déclaration de politique générale de Bayrou, pour renvoyer politiquement le Béarnais du côté de la rue de la Ferronnerie. Le nouveau Premier ministre partage avec le leader insoumis – que j’ai aussi bien connu – une certaine délectation quand vient le temps des grands orages. Ils partagent une même conception de la manière d’agir : un chef, une stratégie et une équipe très resserrée pour aller au combat. Ils sont alors « habités » par l’idée d’une destinée. Ils aiment en faire le récit. Certains peuvent s’en moquer. Pas moi. Le crépuscule macroniste a débuté dès l’entame du second quinquennat. Je parie sur l’effondrement du bloc central. Qui emportera inévitablement François Bayrou ?

Je vous quitte. Trop occupé à vous écrire, je viens de louper l’arrêt à la gare de Pau. Prochaine station : Lourdes.

Le centrisme est un immobilisme!

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Marine Le Pen écoute le discours de politique générale du Premier ministre François Bayrou à l'Assemblée nationale, 14 janvier 2025 © ISA HARSIN/SIPA

Bayrou, c’est l’art d’enrober l’indécision dans des discours sympathiques pendant que la France patine. Lors de son discours de politique générale hier, le Premier ministre a confirmé l’impuissance du centrisme, selon notre chroniqueur.


Le centrisme est un immobilisme. Il est ce que la France n’attend plus. Or l’indécision s’accroche au pouvoir finissant : sa crainte de brusquer les opinions précipitera sa chute. L’incapacité de François Bayrou à s’engager clairement sur les sujets régaliens (insécurité, immigration, islam politique) relève autant de la lâcheté que de la prudence. Dans les deux cas, la France est assurée de faire du sur place, voire de régresser encore davantage. La prestation pateline du Premier ministre, mardi lors de sa déclaration de politique générale, a pu paraître sympathique au regard des hystéries entretenues par l’extrême gauche. Cependant, la posture arrondie n’a été choisie que pour sauver dans l’urgence le destin du gouvernement, certainement pas celui de la nation. La retraite est, au-delà du dossier technique que Bayrou s’est employé à complexifier pour s’attirer les bonnes grâces d’un PS achetable, le mot plus général qui définit le mieux un pouvoir qui ne cesse de reculer, de battre en retraite. La stratégie du ventre mou définit plus que jamais cet équilibrisme qui n’a jamais rien eu de révolutionnaire. Alors que les citoyens réclament de la radicalité dans les positions des hommes politiques, c’est-à-dire littéralement l’approfondissement des racines (radix) d’où sont partis tous les désastres, le choix de l’apaisement des songe-creux replonge la France dans son impuissance suicidaire. 

A lire aussi, Jean-Baptiste Roques: Discours de politique générale: non, Bayrou n’a pas brassé du vent

Bayrou incarne ce monde finissant à force d’avoir la vue brouillée, les idées floues, la main tremblante. Même son combat contre l’endettement public et la bureaucratisation n’a su déboucher, hier, sur la moindre annonce d’économie ou de réforme. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur vif-argent, a dû se contenter de l’entendre dire, abordant l’immigration, qu’elle est « une question de proportion » : une banalité pour ceux qui, depuis des décennies, alertent sur l’effet du nombre dans les déséquilibres culturels et civilisationnels qui fragilisent la nation. En réalité, Bayrou persiste à ne pas vouloir admettre l’échec des sociétés ouvertes au multiculturalisme, en feignant de croire au dynamisme de l’intégration. De ce point de vue, les Frères musulmans peuvent être rassurés : ce n’est pas l’angélique Premier ministre qui viendra leur chercher noise dans leur subversion de la République. Il n’appuiera pas son plus percutant ministre de l’Intérieur. Ce dernier est condamné à jouer cavalier seul. Alors que l’islam conquérant, fort de ses relais dans le pays (dont la grande mosquée de Paris, acquise aux intérêts algériens) mène une offensive séparatiste qui pourrait déboucher sur une guerre civile, cette perspective a été évacuée par le chef du gouvernement au profit de fumeuses mises en place de commissions, comités interministériels, conclaves, « missions flash » et séances de relecture des cahiers de doléances des gilets jaunes.

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Cette politique de l’autruche n’est certes pas nouvelle. Elle est même la norme depuis plus de trente ans. Cependant, Bayrou a un mérite : il résume en sa personne, plutôt aimable au demeurant, ce que la France va devoir éviter si elle veut renaître. Le centrisme est un tombeau.

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Discours de politique générale: non, Bayrou n’a pas brassé du vent

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Le Premier ministre Francois Bayrou a prononcé son discours de politique générale devant les députés à l'Assemblee Nationale à Paris, le 14 janvier 2025 © ISA HARSIN/SIPA

Alors qu’on n’attendait pas grand chose de sa première grande allocution en tant que Premier ministre, l’élu béarnais a dit hier à l’Assemblée nationale certaines vérités inattendues et fait quelques propositions de bon sens.


Le discours de politique générale de François Bayrou ne restera probablement pas dans les annales de l’éloquence républicaine. Il faut dire que le maire de Pau, qui appartient au dernier carré des hommes politiques sachant écrire, n’a jamais tellement brillé à l’oral. Même parmi ses plus chauds partisans, rares sont ceux qui auront pris du plaisir à l’écouter…

D’un ton trop monocorde – centriste diront certains -, se perdant même à un moment dans ses feuilles au point de se retrouver muet pendant de longues secondes, le président du Modem a déclamé son texte, certes bien troussé, sans convaincre. Mais le manque de talent oratoire n’explique pas tout. Bayrou est un Premier ministre par défaut. Il n’a pas été le premier choix du chef de l’État, une majorité des députés lui sont hostiles et sa position d’ancien haut commissaire au Plan (2020-2024) lui confère un statut d’ex-animateur de comité Théodule, au surplus comptable des erreurs d’Emmanuel Macron, qui n’arrange rien à l’affaire.

Et pourtant, le briscard gascon doit être salué. Car il y avait, dans les mots qu’il a prononcés hier, des accents de vérité comme on n’en entend que trop rarement au parlement. Sur l’Éducation nationale par exemple : « Les enseignants de notre université dépeignent des étudiants de première année qui ne parviennent pas à écrire un texte simple, compréhensible avec une orthographe acceptable, s’est-il notamment alarmé. Ceci, c’est pour moi le plus grand de nos échecs. » Difficile de lui donner tort.

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Même courage de dire les choses quand il en vient à parler de l’immigration, qui est selon lui « d’abord une question de proportion (…) L’installation d’une famille étrangère dans un village, c’est un mouvement de générosité qui se déploie, mais quand trente familles s’installent, le village se sent menacé et des vagues de rejets se déploient. » Ou bien quand il s’exprime sur la dette publique : « Tous les partis d’opposition demandant sans cesse des dépenses supplémentaires ont aussi dansé le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice. Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. »

Mais c’est surtout sur le dossier des retraites que le maire de Pau a fait preuve d’une étonnante sincérité. En reconnaissant d’abord – et c’est une première au sein de la macronie – que « sur les plus de 1000 milliards de dette supplémentaire accumulée par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50% de ce total. » En admettant aussi que les « collectivités publiques, au premier chef de celui de l’État, à hauteur de quelque 40 ou 45 milliards » renflouent chaque année le système, censé pourtant être financé par les seules cotisations sociales.

Dans ces conditions, Bayrou est dans son rôle quand il indique vouloir confier à la Cour des comptes une « mission flash », qui permettra d’avoir des chiffres plus clairs que ceux d’un Conseil d’orientation des retraites ayant plutôt maquillé jusqu’ici les fameux 40 à 45 milliards. Même si, bien sûr, les plus pessimistes verront d’abord dans cette commande d’un nouveau rapport une vulgaire manœuvre de temporisation.

De même, quand Bayrou annonce la tenue d’un « conclave », où les syndicats et le patronat auront pour tâche de négocier une nouvelle réforme des retraites, avec pour seule contrainte qu’elle soit aussi vertueuse en terme d’équilibre budgétaire que la réforme Borne, la tentation est grande de penser que, là encore, Bayrou joue la montre, essaye d’amadouer les socialistes, bref qu’il emploie un grossier stratagème pour conserver quelques mois de plus un poste dont il a rêvé toute sa vie.

Qu’il soit permis ici toutefois d’envisager que le président du Modem tente en réalité de bonne foi de trouver une voie intelligente pour dépêtrer la France d’un problème qui pourrit le débat public depuis trop longtemps. Qu’il soit aussi permis de lui rendre grâce de proposer la reprise de la fusion de l’audiovisuel public, manière d’aboutir à une BBC à la française forcément moins coûteuse pour le contribuable – et peut-être plus pluraliste, puisque France Télévisions l’est davantage que Radio France. Ou de trouver non moins bienvenue son idée de créer une « banque de la démocratie » qui permettra aux partis de ne plus dépendre du bon vouloir des établissements privés. Évidemment, ces annonces ne vont pas assez loin. Le verre reste vide aux trois quarts. Mais hier après-midi, Bayrou l’a rempli de quelques agréables centilitres dont il serait malhonnête de nier l’existence.

Tout Dylan en un clip!

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Le journaliste François Gorin © R-Dumas

François Gorin s’est inspiré de la vidéo du concert des 30 ans de carrière de Bob, notamment de la chanson « My back pages » qu’il interprète avec des amis, chanteurs-musiciens, connus. Un essai-récit terriblement intelligent et édifiant.


Un tour de force ; voici ce que réalise l’écrivain et critique de rock François Gorin (Rock & Folk, Le Matin de Paris, Télérama). À partir de l’enregistrement de la chanson éponyme « My back pages » – créée en juin 1964 par le maître, jouée sur scène le 16 octobre 1992 au Madison Square Garden à New York pour fêter ses 30 ans de carrière en compagnie de ses amis Neil Young, Tom Petty, Éric Clapton, George Harrison et Roger McGuinn -, il retrace et analyse la carrière de Bob Dylan. Un tour de force, oui car, d’une part, on croyait que tout avait dit et écrit sur Robert Zimmerman ; d’autre part, la manière d’essai-récit de François Gorin jamais ne lasse mais toujours surprend et informe.

Critique rock de haute volée

La construction du livre est habile. La citation et le commentaire à propos de ladite chanson revient comme un leitmotiv, comme un refrain. Non sans malice et gourmandise, François Gorin nous confie tout le plaisir qu’il a à regarder sans cesse ce moment d’exception, ce moment de pure magie folk-rock’n’rollienne. On est en droit de ne pas lui donner tort. De la magie pure, oui ; pourtant, comme il le concède non sans panache et franchise, il ne s’agit nullement de la meilleure chanson du Bob, même si la mélodie accrocheuse et l’allant séduisent.

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Oui, il se passe quelque chose entre ces six monstres qui, tour à tour, chantent un couplet. Dans l’ordre : McGuinn, Petty, Young, Clapton, Dylan et Harrison en veste violette et chemise à col rayé (mais où avait-il déniché ça ?). Et ces deux solos époustouflants de feeling : celui d’Eric Clapon, calme, solaire, sur sa Stratocaster, puis celui, fougueux, quasi punk, de Neil Young sur sa Gibson Les Paul noire. Et puis, les chœurs ! Ah ! les chœurs. Ces harmonies simples et limpides comme des larmes de joie. On en redemande.

Le bouquin de François Gorin est fascinant et beau car, jamais, il ne se la raconte. L’auteur raconte, justement, raconte ce qu’il ressent à propos d’un Dylan si complexe, multifacettes, et, lâchons le mot, carrément génial. Il a l’honnêteté de ne pas l’épargner par moments ; Gorin égratigne quand il le faut ; il brocarde. Mine de rien, il réalise ce qu’on pensait impossible : la réconciliation entre les univers hippie et punk, et ceux folk et rock. Il nous donne ici à lire de la critique rock de haute volée. Qu’il en soit remercié.

My back pages, Dylan & eux de François Gorin ; éd. le boulon ; 174 p.

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Quand des ONG et des activistes sabotent l’industrie française…

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Parlement européen de Strasbourg © Jean-Francois Badias/AP/SIPA

Régulièrement, l’industrie française fait face à une guerre de l’information qui menace notre souveraineté économique. Des campagnes d’influence, orchestrées par certaines ONG et activistes, fragilisent des secteurs stratégiques pour la France. Il est urgent de réagir. Analyse.


L’industrie française, pilier de notre souveraineté économique et technologique, fait face à une menace insidieuse : une guerre de l’information orchestrée par certaines ONG et activistes sur les réseaux sociaux et dans les médias mainstream. Sous couvert de défendre des causes en apparence nobles, ces organisations participent, consciemment ou inconsciemment, à l’affaiblissement de secteurs économiques pourtant stratégiques pour notre pays.

Une stratégie d’influence bien rodée

Le modus operandi de ces groupes est désormais bien établi. Il s’agit d’abord de cibler des industries sensibles, comme la défense ou l’énergie, qui ne bénéficient pas d’un soutien populaire. Souvent parce qu’on ignore tout simplement leur existence, leur rôle, et… leur nom ! Des proies faciles…

Ensuite, on mobilise l’opinion publique en jouant sur les émotions : images chocs, slogans percutants, et récits manichéens opposant citoyens vertueux et multinationales prédatrices. Le tout diffusé sur tous les réseaux sociaux disponibles, de manière industrielle. 

Cette approche émotionnelle s’accompagne d’un travail de sape plus discret mais tout aussi efficace. Des ONG financées par des fondations étrangères produisent des enquêtes ciblant spécifiquement l’industrie de défense française. Ces investigations, reprises par les médias grand public, fragilisent la position de nos entreprises sur les marchés internationaux.

L’efficacité de ces campagnes repose sur un vaste réseau d’influence. À Bruxelles, pas moins de 3500 ONG gravitent autour des institutions européennes, pesant sur les décisions politiques et réglementaires. Certaines, comme le WWF ou Transparency International, jouissent d’une crédibilité qui leur permet d’influer directement sur la législation européenne.

Plus inquiétant encore, on constate des liens étroits entre ces organisations et des intérêts étrangers. La fondation Gates, l’Open Society de George Soros, ou encore Global Citizen entretiennent des relations privilégiées avec les plus hauts responsables européens ! Ces connexions soulèvent des questions légitimes sur le pouvoir réel de ces acteurs.

C’est une guerre…

Les exemples ne manquent pas pour illustrer les effets de ces actions sur nos fleurons industriels. Naval Group a ainsi vu sa réputation entachée par une campagne de dénigrement orchestrée en amont de la perte du “contrat du siècle” australien. Dans le secteur énergétique, EDF a été victime d’un lobbying acharné visant à affaiblir la filière nucléaire française au profit du modèle allemand des énergies renouvelables.

Or, la vraie force de frappe de ces ONG repose en grande partie sur leur capacité à mobiliser les médias. Des collectifs de journalistes d’investigation, souvent financés par les mêmes fondations étrangères, en apparence au-dessus de tout soupçon. produisent des enquêtes ciblant systématiquement l’industrie de défense européenne. Ces productions sont ensuite relayées par des dizaines de grands médias, y compris publics, qui ne « payent pas le prix » de l’enquête sous couvert de la mutualisation des moyens, sans savoir donc forcéement précisément comment l’enquête a été menée, sans non plus bien sûr que la question de leur instrumentalisation ne soit jamais posée… On vous oppose l’argument de la déontologie et la caution d’avocats, sans jamais se demander qui a initié quoi, qui a fourni quelles enveloppes Kraft, clefs USB et autres « drive », et dans quel but. En réalité, le but est parfaitement connu, lisible, mais il ne semble choquer personne…

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Face à ces menaces, il est urgent que le gouvernement français, et plus précisément ce que l’on appelle communément les « services » prennent conscience des enjeux de cette guerre cognitive, autrement appelée guerre de l’information.

Un des exemples les plus caractéristiques des soupçons que l’on peut porter sur certaines ONG se trouve dans l’actualité avec la question des substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS (appelés aussi polluants éternels). Si le sujet n’est pas de débattre des PFAS, il est toutefois troublant de voir qu’en creusant un peu, nous pouvons voir que les principaux pourfendeurs des PFAS (comprenant dans le récit déployé une confusion entre différents composés chimiques pour tout ranger sous le terme de « polluant éternel ») sont la Suède, la Norvège, l’Allemagne et le Danemark. Alors que la Suède essuie un échec dans sa stratégie de développement « vert » initiée il y a plus de 20 ans en étant qualifiée par François Gemenne de « cancre de l’Europe en matière de lutte contre le changement climatique » et que l’Allemagne est énergiquement en retard sur la France, ayant raté le virage du nucléaire, on constate une fronde de ces pays contre les avantages compétitifs industriels de leurs « alliés », au premier rang desquels, la France. Ainsi, des ONG comme ChemSec, née en Suède et qui mène des campagnes comme « Mouvement PFAS » sont financées non seulement par des États, mais également par des consortiums d’entreprises industrielles. La Suède finance cette « ONG » à hauteur de 800 000 euros par an, auxquels on ajoute 300 000 euros de l’Allemagne et de l’Europe, ainsi que les contributions d’entreprises… Avec ces moyens, les arguments peuvent être repris par nos influenceurs, Camille Etienne en tête… Qui est perdant ? L’industrie et la compétitivité françaises… Quand ça ressemble à de la guerre économique, c’est que c’est peut-être de la guerre économique…

L’enjeu de la souveraineté

Il ne s’agit pas de remettre en cause le rôle légitime de la société civile, ni des associations qui défendent des causes justes, mais de développer un regard critique sur les motivations réelles de certains acteurs dont on sait qu’ils sont suspects. La France doit se doter d’outils pour protéger ses intérêts vitaux, tout en préservant les valeurs démocratiques qui font sa force et oser les utiliser. Les ONG qui outrepassent leurs prérogatives ou sont manipulées bon gré mal gré doivent être signalées sur le mode du name and shame. Exactement comme les entreprises qu’elles tentent de déstabiliser, le plus souvent sur ordre ! 

L’enjeu est de taille : c’est notre souveraineté économique et notre capacité à peser sur la scène internationale qui sont en jeu. Il est temps d’ouvrir les yeux sur cette nouvelle forme de guerre économique, où l’émotion devient une arme redoutable (une photo et quelques mots bien choisis peuvent faire d’énormes dégâts, je le sais puisque je l’enseigne moi-même en media training à des étudiants en journalisme, ou à HEC) entre les mains d’activistes dont les intentions sont, sans l’ombre d’un doute, troubles, voire parfaitement malhonnêtes…..

Sinon, la suite de l’histoire est connue : nos dernières industries disparaîtront ou seront rachetées par des concurrents étrangers, et la France se transformera pour de bon en parc d’attractions géant. Voulons-nous que le tourisme pèse demain 20% ou plus encore de notre PIB, comme c’est le cas de la Croatie ou de la Grèce en Europe, ou plus éloignés de nous, de la Thaïlande ou… des Maldives ? Avec tout ce que cela implique en termes de nuisances et de dépendance économique ? C’est la voie choisie par Anne Hidalgo à Paris, avec l’impact que l’on connaît sur l’activité économique intra-muros, ainsi que sur les Parisiens et les banlieusards. Il est encore temps d’éviter que ce scénario catastrophe se déploie partout en France…

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