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Ras-le-bol de tapiner pour l’État !

Notre pays n’est pas un paradis néolibéral mais un enfer collectiviste. La classe politique ne comprend rien à l’économie et se repose sur un secteur privé exsangue pour entretenir un État qui ne regarde pas à la dépense. Entre déni du réel et aveuglement idéologique, nos gouvernants ne sont pas près d’inverser la tendance.


On en parle peu, mais l’économie française va mal et même très mal. Carnet de commandes en berne, manque de visibilité, instabilité gouvernementale, dette abyssale, tout concourt à tuer la confiance et à nous plonger dans la récession. Résultat, une stagnation voire une baisse du niveau de vie : aux États-Unis, il est, pour le même poste de travail, supérieur de 40 %.

Une classe politique déconnectée des réalités économiques

Face à ce désastre, patrons et entrepreneurs observent les errances d’une classe politique qui de toute évidence ne comprend rien à l’économie. La plupart n’ont jamais eu qu’à dépenser des budgets qui tombaient du ciel, ils n’ont jamais gagné d’argent. La panoplie d’impôts imaginés par l’extrême gauche en dit long sur ce monde qui évoque l’Ancien Régime. Bien au chaud à Paris, cette aristocratie dépense et répartit 60 % des richesses créées par le travail des combattants des tranchées. Autrement dit, le secteur privé doit cravacher pour fournir les recettes que dépenseront les donneurs de leçons de morale.

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Sur 100 euros facturés par une entreprise, l’État au sens large (incluant la Sécurité sociale) ponctionne 60 à 70 euros, entre charges sociales, TVA, taxes, IS. Et le salaire net de l’employé sera lui aussi taxé par la TVA et ses impôts (habitation, foncier, revenu). L’État a faim, très faim. En quarante ans, il est devenu un obèse tentaculaire en roue libre vers son probable AVC.

Au final, les patrons et leurs salariés sont les plus sociaux des acteurs économiques : combien de RSA, de lits d’hôpital, de feuilles de soins leurs entreprises payent-elles ?

En somme, ils sont des hauts fonctionnaires qui rapportent versus ceux qui dépensent.

Un État qui vampirise le secteur privé

Et pourtant, certains prétendent sans rire que la France est un paradis néolibéral. En réalité, elle s’apparente de plus en plus à un pays collectiviste qui sombre à petit feu en dévorant les restes de son secteur privé.

L’État est le proxénète des patrons. Nous tapinons pour payer ses folies. Les millions de salariés du privé sont obligés d’être hyperproductifs pour satisfaire l’appétit dément de l’ogre étatique, véritables « serfs » d’une oligarchie qui vit sur la bête – sureffectifs, budgets associatifs à la limite du clientélisme, médias étatiques subventionnés, agences publiques présentes à tous les étages du millefeuille territorial. Le nombre de burn-out n’explose pas pour rien.

En ce cas, dira-t-on, pourquoi les patrons ne descendent-ils pas dans l’arène politique ? C’est simple : ils n’ont pas le temps. Travailler cinquante à soixante heures par semaine leur permet à peine de payer leur mac.

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De surcroît, au lieu de dessiller les citoyens pour qu’enfin la restructuration en profondeur du pays soit engagée, les gouvernants se complaisent dans le déni, refusant avec constance toute évaluation des politiques menées. Le plus bel exemple de mensonge d’État par omission réside dans la présentation de la dette, toujours rapportée au PIB, comme si cette dette avait été contractée par les entreprises, alors qu’elle est constituée par le déficit de l’État (et de ses proxys). Ainsi, quand on affirme que la dette représente 5 % du PIB, toute personne vivant dans la vraie vie, qui sait ce qu’est un déficit, pense naturellement que les recettes de l’État sont inférieures de 5 % à ses dépenses. Si on compare le déficit public au budget et non pas au PIB, on découvre que, depuis des années, il oscille entre 20 et 25 %.

Un peu comme si un foyer dépensait 4 000 euros en gagnant 3 000 euros par mois

Une impasse économique inéluctable

Ainsi, en 2025, le budget prévisionnel[1]  annonce 545 milliards de recettes contre 686 milliards de dépenses, le différentiel étant de 141 milliards, soit 25 %. On comprend mieux l’explosion de la dette depuis quarante ans. Notre État est un vrai junky (140 milliards de doses sur une seule année). Les marchés financiers lui fournissent sa came tous les dix ou quinze jours.

Un particulier ou une entreprise qui gérerait aussi mal ses finances déposerait son bilan et serait interdit de gestion…

Comment expliquer par ailleurs que tant de gens éduqués, intelligents et parfaitement conscients de la catastrophe manquent à ce point de courage ? L’une des raisons est sans doute que les caractères trempés ne vont plus vers la politique. Elle attire plutôt les « offusqués » de profession, comme ces syndicalistes lycéens puis étudiants qui deviennent députés ou syndicalistes et font le commerce des promesses, additionnées d’une bonne soupe de moraline : l’enfer qu’ils ont créé est pavé de bonnes intentions – dites « humanistes » ou « progressistes ».

Qu’on ne compte pas sur l’université pour les déniaiser. Sandrine Rousseau a été enseignante-chercheuse en économie et vice-présidente de l’université de Lille, c’est dire. Les théories absurdes enseignées aux étudiants qui deviennent professeurs, deviennent ensuite la pensée dominante qui valide les théories, qui brodent autour d’une certitude de fer : « le privé c’est mal, le public c’est bien ». « La dépense publique crée du bonheur », dit Mélenchon.

L’idéologie continuera à gouverner tandis que les entrepreneurs continueront à se colleter à la réalité. Dans le vrai monde, celui des entreprises, on ne peut pas se payer de mots. On doit chercher ce qui marche. Exemple, on sait que le CESE (Conseil économique, social et environnemental) ne sert à rien, sinon à récompenser quelques amis, et coûte 50 millions par an. Un patron – ou un véritable homme d’État – fermerait ce machin en trois à six mois. Et il existe des centaines de structures, comités, agences tout aussi inutiles.

Pour retrouver le moral, les patrons et les salariés du privé ont besoin de savoir que le courage est de retour au sommet de l’État. Ils ne vont pas continuer à trimer pour que leur travail soit ruiné par le sabotage public. Certains partiront, la plupart resteront mais baisseront les bras, et géreront la décroissance tant souhaitée par certains pour tenir quelques années avant de voir les entreprises, puis l’économie et les services publics s’écrouler sous le regard ahuri de l’ogre et des donneurs de leçons. Le FMI débarquera, et nous serons tous pauvres et égaux.

*Je ne signe pas de mon nom car la démocratie est attaquée depuis des années par l’hégémonie de l’extrême gauche dans la justice, une partie des médias, beaucoup de facultés et dans bien des corps d’État : je serais rapidement désigné comme cible et socialement exécuté. Nous vivons un peu comme dans l’Europe de l’Est racontée par Kundera.

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[1] Source : www.budget.gouv.fr/budget-etat.

Candide au théâtre : des raisons d’être… optimiste

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Candide ou l’Optimisme, de Voltaire au Théâtre de Poche-Montparnasse, un spectacle d’une heure quarante tourbillonnant.


Il y a une raison toute simple et – apparemment – paradoxale qui fait que nombreux sont ceux qui renoncent à aller au théâtre : la pléthore des propositions – et l’embarras du choix subséquent (nous parlons de Paris – mais non seulement). D’où que l’on se permette d’intervenir, parfois, pour signaler un spectacle, une mise en scène, qui valent le déplacement. Le dépaysement. Le voyage.

Prenez Candide ou l’Optimisme, de Voltaire, mis en scène et adapté par Didier Long au Théâtre de Poche, en ce moment. Fidèle à sa tradition – puisqu’elle l’est devenue – le Théâtre des Tesson fait revivre des écrivains, hommes et femmes (Montaigne et Rabelais, Yourcenar et Sagan, Anouilh et Dumas, etc.) – et des textes. Il les donne à entendre, et à vivre. C’est une « alternative » joyeuse à une autre activité très joyeuse : la lecture. La position est la même – nous sommes assis. Mais l’effet est différent – comme la fin : nous avons bien remarqué qu’il y a peu d’applaudissements lorsqu’on quitte sa table de travail après avoir lu et écrit pendant six heures.

À lire aussi : « – Oublions tout… – Oublions tout … » : sublime Werther au Théâtre des Champs-Élysées

Nous n’avions pas lu Candide depuis bien longtemps. Nous sommes donc allé voir le Candide de Didier Long – pour en ranimer le souvenir, entendre ce que le texte était devenu. Et c’est un ravissement. Nous avions oublié comme Candide est drôle, impertinent, substantiel, iconoclaste. Ah ! cette démonstration-raisonnement imparable de Pangloss : « Toute chose a sa raison d’être qui est nécessairement la meilleure qui soit. Remarquez bien que les nez ont été fait d’une forme à porter des lunettes : aussi avons-nous des lunettes. »

Les rires fusaient, d’ailleurs, pendant la représentation qu’honorent l’énergie et l’allant de chacun de trois comédiens – Charles Templon, Sylvain Katan, Cassandre Vittu de Kerraoul (qui incarnent Candide, Pangloss et Cunégonde – mais qui savent apparaître grimés ou déguisés pour les autres silhouettes du conte philosophique).

Une heure quarante trépidante, virevoltante, qui donne (certes) envie de cultiver son jardin – sans renoncer nécessairement, pardon Voltaire, aux curiosités philosophiques, voire métaphysiques. Ni au théâtre, donc. Et c’est ainsi que Voltaire est grand.


Candide ou l’Optimisme, de Voltaire. Mise en scène et adaptation de Didier Long. Avec Charles Templon, Sylvain Katan, Cassandre Vittu de Kerraoul. Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris VI. Du mardi au samedi à 21H, dimanche 17H.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Patrick Besson: «Quel est le con… qui a écrit ce livre?»

En publiant deux livres presque simultanément, Patrick Besson fait coup double. Quel est le con… est un recueil de certaines de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille un thriller complètement barré, inspiré par la tragédie classique. À l’occasion de ces publications, il s’est prêté à un petit jeu des questions / réponses.


Patrick Besson nous donne à lire deux opus en à peine deux mois. Et c’est du bon, de l’excellent ! Quel est le con…, le premier livre (publié chez le très rock et audacieux éditeur Erick Bonnier) est un recueil de certaines de ses chroniques du Point. Le second, Presque tout Corneille, est un court thriller bien allumé, à la fois cruel et drolatique, inspiré par la tragédie classique, ici incarnée par le créateur du Cid. On rigole ; on s’indigne. On se régale. Nous l’avons rencontré. Interview coup de poing dans la gueule aux idées reçues et toutes faites.


Causeur. Les chroniques de Quel est le con… sont-elles inédites ou ont-elles déjà été publiées ? Si c’est le cas, dans quels journaux ou revues ?

Patrick Besson. Toutes ont été publiées dans Le Point.

Et pourquoi cet excellent titre ?

Quel est le con… qui a écrit ce livre ?

Que veux-tu montrer ou dénoncer ou affirmer avec ce recueil ?

Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations…

« Brasillach dans la poche » s’attaque à l’intolérance rance qui pollue l’époque. Peux-tu revenir là-dessus ?

Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau sont encore en librairie : pourquoi pas Brasillach ?

A lire aussi: Patrick Besson : pas de quartier !

« Faim de carrière » évoque l’inénarrable Jack Lang. Que penses-tu du personnage ?

Il me fait rire, c’est déjà pas mal.

Page 136, tu rappelles qu’au XVIIe siècle, tous les écrivains français portaient une épée. Tu pourrais en porter une, si tu rejoignais l’Académie française ? Ça ne te tenterait pas ?

J’attends ma centième année pour te répondre.

Tu publies ton recueil chez Erick Bonnier, dans une collection sacrément rock’n’roll. Comment vous êtes-vous rencontrés ? T’a-t-il sollicité ? Ou est-ce toi qui as fait la démarche ? Et parles-nous de tes goûts en matière de rock ?

C’est Marc Dolisi qui me l’a présenté ; c’est le fils d’Henry Bonnier que j’aimais bien quand j’ai signé chez Albin Michel. Mes goûts en rock ? John Lennon, c’est tout.

 « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? »

Passons à Presque tout Corneille. Rarement polar n’aura été aussi original tant dans la forme que dans le fond. Pourquoi un tel livre ?

Il n’y a aucune raison logique.

As-tu lu tout Corneille pour écrire ce roman ? L’apprécies-tu ?

Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière (Le Misanthrope, Les femmes savantes, etc.).

Pourquoi l’avoir situé en Corse ? As-tu visité l’île de Beauté ?

J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme, à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour.

La vengeance est presqu’un personnage de ton livre ; pourquoi (en dehors de Corneille, bien sûr) ? Serais-tu rancunier ?

Je pardonne mais je n’oublie pas.

Ne crains-tu pas d’effrayer les rédacteurs en chef et/ou directeurs de publication qui t’emploient ?

Ils sont encore plus durs que moi.

Pourquoi nous présenter un enseignant de langue bulgare. Aimes-tu ou non la Bulgarie ? Ne crains-tu pas de te faire piquer par un parapluie ?

Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ?

Tu as choisi de mettre dans la bouche de ton inspecteur une cigarette électronique. Pourquoi ? Les vapoteurs te gonfleraient-ils ?

J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains.

Prépares-tu un nouveau livre ? Roman ? Chroniques ? Nouvelles ? Essai ? Pour quand ?

Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le dictionnaire amoureux du communisme.


Patrick Besson ; Quel est le con… ; éd. Erick Bonnier ; coll. Encre Rock ; 152 p.
Patrick Besson ; Presque tout Corneille ; Stock ; 111 p.

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« Mickey 17 » de Bong Joon Ho: un chef d’œuvre

Bong Joon Ho revient avec Mickey 17, une fable de science-fiction où Robert Pattinson affronte ses propres clones sous l’emprise d’un leader populiste glaçant incarné par Mark Ruffalo. Une œuvre sombre et politique, dans la lignée du cinéma visionnaire du réalisateur de Parasite.


Bien sûr, vous vous rappelez Parasite (2019). Mais vous souvenez-vous de cet objet déjà post-apocalyptique qu’était Snowpiercer (2013) ? Bong Joon Ho a déjà flirté avec la science-fiction — et comme chacun sait, c’est un genre qui sert essentiellement à parler du présent.
Parasite a triomphé à Cannes et aux Oscars parce qu’il évoquait les relations sociales de la Corée natale du réalisateur, et, au-delà, les relations monstrueuses entre classes sociales. Mickey 17, premier film à capitaux américains de Bong, évoque prioritairement ces démagogues monstrueux que l’Amérique engendre et exporte.

C’est encore le site Polygon qui en parle le mieux : « Mickey 17 [is] perhaps Bong’s most thinly veiled political analogy yet. The movie’s villain, the opportunistic leader Kenneth Marshall (Mark Ruffalo), is a distinctly Trump-like figure whose dangerous associations with religious zealotry and white nationalism are mere avenues to earn political credibility among his base. » Ruffalo (acteur prodigieux déjà fort apprécié dans Blackwater) est un composite de Trump, dont il a la mèche, additionné d’Elon Musk, Zuckerberg, Jeff Bezos et autres illuminés du post-humanisme. Un cauchemar fait homme, sans cesse suivi par un réalisateur qui filme ses moindres faits et gestes, et accablé d’une épouse (Toni Collette, magistralement inhumaine) qui lui souffle à l’oreille les bonnes décisions à prendre.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli : Black dog, de Guan Hu : demain, les chiens ?

Le héros est interprété par Robert Pattinson. Si en 2012 Bel-Ami m’avait moyennement convaincu — le rôle-titre était la seule faiblesse dans le casting magnifique de cette reconstitution au plus près du roman —, il m’avait impressionné dans The Lighthouse (2019), splendeur baroque en noir et blanc où il donnait la réplique à Willem Dafoe, qui lui n’a plus rien à prouver. Il est ici impeccable — d’autant qu’il se donne la réplique à lui-même, puisque cette histoire d’« expendables », clones de soi-même régénéré après chaque mort du sujet, avec une mémoire soigneusement conservée, se double d’un récit de « multiples », puisqu’on a produit une nouvelle version alors que la précédente (la 17 — 16 sont déjà morts, et salement) était encore en vie, sur une planète franchement hostile où le politicien mégalomane envisage de faire repartir l’humanité de zéro.

Le film lorgne vers ses grands prédécesseurs. Il a la force d’Alien 1 & 2, des éléments sont empruntés à Blade Runner, la vilaine (mais sympathique) bestiole qui vit sur la planète glacée arrive tout droit de…

Lire la fin de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli

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« –  Oublions tout… –  Oublions tout … » : sublime Werther au Théâtre des Champs-Élysées

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Notre Benjamin Bernheim national surplombe un casting vocal de haute volée dans l’opéra de Massenet, actuellement à l’affiche à Paris.


Tout le monde n’est pas obligé d’aimer Massenet. À un éminent critique musical de ma connaissance, votre serviteur annonce sa soif d’assister à la première de Werther, au Théâtre des Champs-Elysées (c’était samedi dernier).  Lui : « Werther ? Ça alors !  Quelle purge ! ».

Chef-d’œuvre idéalement français 

Moi j’en étais resté à la énième reprise de cet opéra, adaptation, comme l’on sait, des Souffrances du jeune Werther, l’illustre roman de Goethe, sur un livret d’Edouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann – la quintessence de la musique lyrique « fin de siècle ». C’était à l’Opéra-Bastille, en janvier 2016. Certes, la mise en scène laborieusement littérale de Benoît Jacquot, ci-devant cinéaste qui, de toujours, affiche une prédilection marquée pour les transpositions littéraires à l’écran (cf.  son film Adolphe, en 2002, tiré du chef d’œuvre de Benjamin Constant), n’est pas assurée de figurer dans les annales du génie scénographique. Mais, Plasson au pupitre, Piotr Beczala prenant alors la suite de Jonas Kaufmann, dans le rôle-titre en 2010, et Elina Garanca celle de Sophie Koch pour camper Charlotte, –  le spectacle tenait la route, comme on dit. Au quatrième acte, quand le couple, au seuil de la mort, se répond dans un extatique et définitif « Oublions tout … », la sublime mélodie arracherait des sanglots à une statue de pierre.   

A lire aussi: Dernières leçons de maintien en date de tous ces cultureux qui me fatiguent…

Encore faut-il consentir à voir en Massenet davantage que ce pour quoi il fut, en son temps, (dé)considéré par certains, comme compositeur officiel du lyrique à la française tel que l’affectionnait le public bourgeois : d’un raffinement suave, un peu décadent, mâtiné d’exotisme, qui lui assure de triompher – Le roi de Lahore (1877), Hérodiade (1881), Manon (1884), Le Cid (1885), Esclarmonde (1889)… Werther (1892), œuvre de maturité – Jules a passé la cinquantaine –  est quasi contemporain de Pelléas et Mélisande. Que Massenet ne soit pas Debussy en termes de nouveauté stylistique, c’est entendu. Reste que, dans le genre, Werther est musicalement insurpassable.

Photo: Vincent Pontet

Ce « drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux » revient pourtant de loin. Massenet y songeait dès l’aube des années 1880, et plus encore après avoir entendu Parsifal à Bayreuth, en 1886. Mais Carvalho, le puissant directeur de l’Opéra-Comique, n’aime pas le livret. Là-dessus, en mai 1887, l’Opéra-Comique disparaît dans un incendie. Résultat, c’est à Vienne, au théâtre impérial, que Werther sera créé, en 1892, soit plus de cinq ans après la mise au net de la partition. Ironie de l’histoire, la critique d’alors étrille un supposé « wagnérisme ». L’unicité du tissu sonore, avec ces motifs récurrents qui construisent des morceaux mélodiques d’une suprême transparence, où s’intriquent voix et orchestre avec une finesse, une élégance qui rapproche son écriture de la musique de chambre, voilà ce qui fait de Werther un chef d’œuvre, –  un chef d’œuvre idéalement français ! En 2025, c’est précisément cette onctuosité, cette « fadeur » tellement datée, dont on raffole, n’en déplaise à certains.

Créée l’an passé à la Scala de Milan, la présente production qu’accueille le TCE pour quelques représentations choisit, sous les auspices du metteur en scène Christof Loy, de transposer l’action à l’époque contemporaine, quelque part entre les années 50 et 60, dans un éclairage assez froid et presque constant, sur un décor rigide qui – mur tendu d’un papier peint à rayures – évoque le salon d’une maison bourgeoise dont la double porte centrale, coulissante, ouvre, en arrière-plan, sur une salle à manger donnant elle-même sur un jardin, au fond, planté d’un arbre dont les ramures marqueront, au fil du spectacle, le passage des saisons.

Romantisme exacerbé

Au pupitre, le très jeune chef franco-bolivien Marc Leroy Calatayud, qui dirige pour la première fois, de main de maître, le fameux orchestre Les Siècles, dont le jeu sur instruments d’époque est la marque de fabrique, les voix d’enfants (qui chantent ici Noël, comme l’on sait, au dénouement tragique de l’opéra) provenant de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Legato impeccable, belle amplitude lyrique, sans proscrire pour autant ces ralentendi si conformes au romantisme exacerbé des deux derniers actes, en particulier.

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Surplombe de très haut, dans un casting vocal de haute volée, notre Benjamin Bernheim national –  son inévitable costume bleu roi à gilet jaune prendra, au dernière acte, la couleur noire anticipant sa propre mort –  à l’articulation, au phrasé superlativement nuancés, plus remarquable encore dans le pianissimo que dans l’émission puissante qu’exigent les éclats torturants du transi suicidaire. Les déplorations de Charlotte s’interdisant l’aveu de sa passion par fidélité à sa promesse d’épouser le pitoyable Albert pétri de jalousie (excelle, dans ce rôle, le baryton Jean-Sébastien Bou) qu’elle n’aime pas, puis son exaltation amoureuse, à la toute fin, sont incarnées par la mezzo-soprano Marina Viotti avec l’intensité, la fulgurance qu’on lui connaît, tandis que la soprano franco-américaine Sandra Hamaoui campe Sophie, en âpre rivale de Charlotte plutôt qu’en demoiselle à la pureté intacte. Prenant ses aises avec les indications du livret, la mise en scène imposera sa présence muette dans le dernier tableau, ainsi que celle d’Albert relisant comme un forcené les lettres maudites, et allant même jusqu’à assister, silencieux, à l’agonie des amants enlacés… Parti pris discutable en effet, qui vaut à Christof Loy quelques huées au tomber de rideau, vite couvertes par l’ovation générale faite aux chanteurs.  

On s’apprête à retrouver Christof Loy dans quelques semaines à peine, à l’Opéra-Bastille cette fois, à la régie du célèbre triptyque puccinien qui raccorde, conçus comme un tout par le compositeur lui-même en 1918, Gianni Schicchi , Il Tabarro et Suor Angelica. Une nouvelle production, en lien avec le Festival de Salzbourg.


Werther. Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux, de Jules Massenet. Avec Benjamin Bernheim, Marina Viotti… Mise en scène : Christof Loy. Direction : Marc Leroy-Calatayud. Orchestre Les Siècles.

Durée : 2h10.

Théâtre des Champs-Elysées, les 28, 31 mars, 3 et 6 avril à 19h30

Glaçante Dominique Reymond

Dominique Reymond est saisissante dans le rôle d’une meurtrière incapable d’expliquer son crime. « L’Amante anglaise », de Marguerite Duras, au théâtre de l’Odéon.


Une mise en scène d’une rigueur toute janséniste ; une direction d’acteurs aussi fouillée qu’elle est épurée ; des interprètes remarquables s’interdisant tout effet convenu, pour toucher à la perfection… User après cela de superlatifs pour louer cette production de L’Amante anglaise de Marguerite Duras apparaîtrait parfaitement déplacé. Et pourtant ! Cette réalisation d’Emilie Charriot servie par des acteurs comme Nicolas Bouchaud, l’Interrogateur, Laurent Poitrenaux, le mari, Dominique Reymond, la meurtrière, justifierait bien des exclamations, sinon des dithyrambes. 

« Je l’ai sorti de son cercueil »

On sait que pour écrire L’Amante anglaise, Duras s’était inspirée d’un sombre drame survenu dans l’immédiat après-guerre,  rue de la Paix, à Savigny-sur-Orge, en Ile-de-France. Une femme, Amélie Rabilloud, dont le seul nom révèle tout un monde, avait subitement  assassiné son époux, un ancien adjudant, après des années de vie étriquée et de violences, l’avait dépecé et, nuit après nuit, s’était débarrassée des tronçons du cadavre en les lançant notamment du haut d’un viaduc voisin sur des trains de marchandises qui circulaient en contrebas. Ce qui permit au cadavre de se voir éparpillé avec beaucoup de fantaisie aux quatre coins de la France.

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Dans la pièce de Duras, c’est sa cousine germaine, grosse fille bonne vivante qui assumait les fonctions ménagères de la demeure du couple, que Claire Lannes, la meurtrière, a tuée et découpée en morceaux, alors que son mari, Pierre Lannes, ne soupçonnera rien de ce crime avant que la police ne vienne arrêter son épouse.

« Mais pourquoi tue-t-elle sa cousine, sourde et muette, dans votre histoire ? », demandera-t-on à Marguerite Duras lors d’un entretien publié en décembre 1968.

« Parce que je voulais savoir qui était le mari et avoir son témoignage sur sa femme. Je l’ai sorti de son cercueil pour qu’il soit entendu de tous, une fois dans sa vie. Il était aussi sourd et muet que la victime : c’est la petite bourgeoisie française, morte vive dès qu’elle est en âge de « penser », tuée par l’héritage ancestral du formalisme ».

Un meurtre inexplicable

La pièce se réduit à deux interrogatoires successifs. Celui du mari tout d’abord qui tente d’expliquer la psychologie de sa femme, le désastre de sa vie conjugale dont il ne mesure pas la portée, et son propre aveuglement.  Celui de la coupable ensuite,  mené lui aussi par l’Interrogateur qui n’est jamais que le double de l’écrivaine. Duras avait parfois rempli cette même tâche d’enquêteur lorsqu’elle rendait compte pour des journaux de crimes particulièrement horribles…  avant de se couvrir de ridicule et d’indignité au moment de l’Affaire Gregory en désignant comme coupable la mère de l’enfant noyé.      

Cherchant à comprendre ce qui a pu conduire au meurtre  inexplicable de la malheureuse cousine, quand celle qui a tué ne parvient pas elle-même à se l’expliquer, Duras tente de cerner la psyché de cette dernière en lui prêtant des propos d’une intensité inouïe comme d’une parfaite banalité, en s’abîmant dans des questions qui souvent demeurent sans réponses convaincantes. Et dévoile avec une accablante véracité le cheminement mental de gens terriblement ordinaires.

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Dans le rôle de l’Interrogateur, Nicolas Bouchaud est sur scène du début à la fin de la pièce, alors que Laurent Poitrenaux et Dominique Reymond, questionnées tour à tour durant une heure chacun ne se la partagent donc que la moitié du temps.

Mais c’est lui peut-être qui endosse le rôle le moins difficile, car, aussi inquisiteur qu’il soit, il demeure toujours dans une certaine neutralité prudente, assumée sans ciller de bout en bout.

Dans le rôle du mari, Laurent Poitrenaux est étonnant d’authenticité. Il n’est pas un seul instant un acteur jouant un personnage tant il est juste dans le registre de  médiocrité très ordinaire d’un Pierre Lannes.

Sidérante, presqu’effrayante

Ce ne sera pas faire injure à deux excellents interprètes que de voir en Dominique Reymond la figure la plus exceptionnelle de cette distribution. Succédant dans ce rôle de Claire Lannes à Madeleine Renaud et à Suzanne Flon, la comédienne n’apparaît pas comme habitant son personnage. Elle est plutôt envahie, phagocytée par lui. Elle s’efface si absolument derrière la figure de cette meurtrière sans doute à demi-folle qu’elle en devient sidérante, presqu’effrayante. Avec une aisance qui déconcerte et un vraisemblable plaisir à exister enfin, mais aussi une forme d’habileté dans l’esquive, Claire Lannes répond sans état d’âme apparent aux questions qu’on lui pose. Elle offre même une candeur, une simplicité dans le crime qui vous plongent dans la plus grande perplexité. Ses regards fuyants, ses sourires malicieux sont de ceux qu’on peut surprendre chez les imbéciles, mais qui font qu’on doute brusquement de leur imbécillité. Elle dont le mari dévoile qu’elle n’a jamais ouvert un livre, elle qui écrit « la mante en glaise » pour évoquer la menthe anglaise s’épanouissant dans ce jardin qui est son seul refuge, a cependant de surprenantes lueurs d’intelligence et de lucidité.  Est-ce le fait que Dominique Reymond, parallèlement à sa vie d’actrice, s’adonne avec un art pénétrant et d’un trait plein de caractère à la peinture de portraits ?  La mobilité maîtrisée de son visage, la justesse de ses expressions les plus torves, ou tout au contraire un masque subitement figé, traduisent un travail d’observation époustouflant.  Au fur et à mesure, on se persuade que Claire Lannes est assurément folle, mais de cette folie impalpable, insoupçonnable, qui peut néanmoins conduire à des actes insensés. On comprend aussi qu’elle a un jour si brutalement souffert que son âme de primaire s’est subitement desséchée et qu’elle est également une victime.  Tout cela, Dominique Reymond ne fait que le suggérer par petites touches  éloquentes, venimeuses ou glaçantes, qui sont du très grand art. Elle est simplement prodigieuse.


L’Amante anglaise, de Marguerite Duras. Jusqu’au 13 avril 2025.

Théâtre de l’Odéon, Ateliers Berthier ; 01 44 85 40 40

Instruire et éduquer pour désendoctriner

Interviewé par Elisabeth Lévy dans le dernier numéro de Causeur1, Michaël Prazan, spécialiste des mouvements radicaux, note avec pertinence que l’islamisme progresse partout où l’éducation régresse. L’idée a séduit apparemment notre chroniqueur, à qui rien de ce qu’est l’École n’est étranger.


Dans un livre très récent, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, Michaël Prazan analyse la sidérante perversion qui a permis l’infiltration des partis de gauche et des bastions de la République par les Frères musulmans et leurs séides. Il a par ailleurs raconté cela fort bien dans une interview-fleuve éclairante.

La crise de l’instruction rend service au radicalisme musulman

Le pédagogisme, cet enseignement de l’ignorance, a dégagé des temps de cerveau pour le fanatisme. Partout où l’on n’instruit plus, les croyances les plus absurdes prennent le relais du savoir. C’est ainsi que pour 25 % des élèves, la Terre est plate et que les femmes ne toucheront pas plus d’un tiers de l’héritage paternel — et à condition qu’elles obéissent à leurs maris et se voilent afin d’exciter la juste concupiscence des hommes…

Que des enseignants, qui pour leur majorité votent à gauche, voire à l’extrême-gauche, consentent à mettre la pédale douce sur les savoirs les mieux constitués en consacrant beaucoup de temps à demander leur avis à des enfants ou des adolescents dont les convictions se sont formées dans le cercle familial, la « communauté » et les ghettos où ils habitent est une faute, et peut-être un crime. Une faute contre l’esprit — et en l’espèce, un crime contre la nation. Que des inspecteurs sanctifient cette pédagogie de la misère, qui témoigne d’une misère de la pédagogie, est une déviation majeure que seule une rapide radiation des cadres peut enrayer. Au bourrage de crâne des écoles coraniques doit répondre une instruction basée sur la science et la culture.

La culture ne peut pas être woke

Quelle culture ? se demanderont les imbéciles. Rappelons à ces gens « de gauche » ce que disait Marx : tant que le prolétariat n’a pas pris le pouvoir, il n’y a pas d’autre culture que la culture bourgeoise.

À lire aussi : Michaël Prazan: « les Frères musulmans ont une vision paranoïaque et complotiste du monde »

Bourgeoise, et blanche — je n’y suis pour rien, c’est la couleur de peau dominante du monde occidental. Et « dégenrée », pour parler la langue des minorités les plus revendicatrices, qui crient fort pour ne pas s’entendre, ne pas penser. La culture n’a pas de sexe, contrairement à ce qu’affirment ceux (et non pas « celles et ceux », complaisance stupide aux modes régressives) qui répètent sans la comprendre la formule célèbre de Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient » : le mélange de considérations sociologiques et physiologiques est d’une inconséquence absurde. On ne lutte pas contre l’invisibilisation des femmes — qui est un fait, parce que les rapports entre les sexes sont depuis l’origine des rapports de guerre, et que les féministes en ce moment mènent l’assaut — en proclamant la dictature du « e féminisant ». Ni en corrigeant « Droits de l’homme » (du latin homo, l’être humain sans distinction de sexe) en « droits humains » — sans parler de l’aberration « droits de la femme et de la citoyenne » qui mena Olympe de Gouges sur l’échafaud.

La culture est faite de références littéraires, artistiques, langagières. C’est en dominant le vocabulaire des pouvoirs en place que l’on se fraie un chemin pour remplacer avec de vrais talents les élites auto-proclamées qui se perpétuent au gré d’un système scolaire à leur solde.

Lire, écrire, compter

Ce que les enseignants « de gauche » ne comprennent pas, c’est qu’en obéissant aux diktats de Philippe Meirieu et de ses épigones, ils font objectivement le lit du non-renouvellement des élites. Peut-être parce qu’ils croient ainsi protéger leur progéniture — qui ne sera jamais reconnue comme méritoire, sinon pour des emplois subalternes où, comme leurs parents, elle servira les intérêts de ceux qui les auront mis en place. À chaque enseignant « de gauche », demandez systématiquement où ont été inscrits leurs enfants. Et où vont majoritairement leurs élèves.

Les enfants des croyants incultes, eux, vont à l’école du fanatisme.

Ne pas en conclure que les chefs des Frères musulmans, eux, appartiennent à cette sous-catégorie dont l’inculture est le gardien de leur foi. Ce sont des gens très intelligents, parfaitement informés, qui ont fort bien assimilé les codes de notre société, et portent le fer là où les incertitudes idéologiques, voire la trahison des « élites », leur permet de le faire.

À lire aussi : Quand l’imposture « antiraciste » attise la haine de la France

Lorsque des élus de la République — Elisabeth Borne en tête — se prononcent pour la non-interdiction des tenues islamistes dans le sport, ils participent à cet assaut insidieux (mais de plus en plus visibles) contre les institutions les plus fragilisées de la République. L’École a été depuis longtemps analysée par les Fréristes comme le maillon le plus faible du système républicain — alors qu’à l’origine, elle en était le fer de lance. Que des soi-disant « pédagogues » se soient prêtés à l’introduction dans la Cité du cheval de Troie islamiste en dit long sur leurs repères, leurs convictions profondes et leur complicité de fait. Qu’ils votent LFI ou plus généralement à gauche prouve assez que nous vivons dans un monde orwellien, où « gauche » signifie désormais « extrême-droite », tout comme l’antisionisme est le faux museau de l’antisémitisme le plus décomplexé.

Seule l’instruction obligatoire, selon les principes de la IIIe République, mettant l’accent sur le lire / écrire / compter, sur l’Histoire réelle et non fantasmée, sur des sciences dures et non mahométanes, peut contrarier la mainmise du fanatisme sur notre École — et, à terme, sur la République tout entière.


Michaël Prazan, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, L’Observatoire, 2025, 200 p.

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  1. https://www.causeur.fr/michael-prazan-la-verite-sur-le-hamas-et-ses-idiots-utiles-305721 ↩︎

Chahinez Daoud brûlée vive: le procès de son bourreau

En  2021, Chahinez Daoud, 31 ans, est brûlée vive par son mari, Mounir B., après des années de violences conjugales. Malgré ses plaintes et les condamnations antérieures de son agresseur, la police et la justice n’ont pas empêché ce drame, révélant des défaillances institutionnelles majeures. Mais le procès de Mounir B. interroge aussi l’influence de certaines mentalités culturelles favorisant la possession et le contrôle des femmes, un sujet sensible et toujours éludé par crainte d’accusations de racisme.


Le 4 mai 2021, Chahinez Daoud, jeune femme de 31 ans, mère de trois enfants, meurt brûlée vive sur le trottoir d’une rue de Mérignac (Gironde), assassinée de sang froid par son mari, Mounir B. Celui-ci lui a préalablement tiré une balle dans chaque cuisse.

En fait, ce paroxysme dans l’horreur n’est que l’aboutissement d’un long martyre au quotidien.

Chahinez est originaire de Ain Tala, en Algérie, cité proche d’Alger. À dix-sept ans elle est mariée une première fois. Deux enfants naîtront de cette union. Elle a vingt ans lorsque le divorce est prononcé. Elle est alors employée dans une crèche municipale. En 2015, elle rencontre Mounir B, maçon de son état. Originaire du même endroit, il vit en France depuis 1999. Ils se marient en Algérie quelques mois plus tard, puis viennent s’installer en France, à Mérignac où Chahinez donne le jour à son troisième enfant, un garçon.

C’est alors que commence pour elle le long cauchemar d’un quotidien invivable. Son mariage est une prison. Son mari exerce sur elle un contrôle permanent, l’assignant à résidence en dehors de quelques brèves prestations à la cantine de l’école ou dans les services hospitaliers. Elle gagne alors un maigre argent dont, d’ailleurs, elle ne voit pas la couleur, Mounir s’appropriant ses gains, ainsi que le montant des prestations sociales. Toutefois, un jour, se lâchant, elle s’offre un jean slim. Fureur de Mounir qui l’accuse de « s’habiller comme une pute » et tente de l’étrangler. Elle en sort le larynx écrasé à 75%. Le mari prend – pour ce qui pourrait sembler être tout de même une tentative de meurtre – dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis. Derrière les barreaux, il continue de harceler la malheureuse, au téléphone, d’exercer sur elle un contrôle permanent. Néanmoins, et malgré ces faits, il bénéficie d’une remise en liberté anticipée,   assortie toutefois de la fameuse et si souvent illusoire obligation de soins et d’une interdiction d’entrer en contact avec sa femme, interdiction que, bien entendu, il ne respectera pas.

Le cauchemar reprend donc de plus belle. Séquestration dans une camionnette, tentative de strangulation avec un foulard. Chahinez porte de nouveau plainte. Cruel manque de chance, le policier qui la reçoit a été lui-même condamné pour violences conjugales. On ne peut donc en attendre un zèle particulièrement exemplaire pour traiter ce genre de méfaits. Et bien sûr, le harcèlement continue. Entre autres violences, Mounir aurait menacé la mère de son fils de la « renvoyer au bled dans un cercueil ».

D’après les parents de la jeune femme, la citation à comparaître pour la procédure de divorce qu’il reçoit aurait précipité le passage à l’acte. On connaît la suite, le drame, dans toute son horreur. Chahinez qui meurt brûlée vive sur un trottoir…

Et, depuis ce lundi, voici venu le temps du procès du bourreau. Procès derrière lequel s’en profile un autre dont on peut se demander dans quelle mesure il n’a pas pour utilité, dans une certaine mesure, de faire diversion. Le procès de l’État avec en accusée vedette la police.

Il est indéniable que des manquements, un défaut de réactivité, une absence réelle de prise en considération des alertes répétées sont à porter au passif des structures juridico-policières qui ont eu à connaître du calvaire vécu par la victime. D’ailleurs, devant l’horreur du drame, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a demandé à ce que des réformes sérieuses, importantes, soient mises en place. Donc, redisons-le, la responsabilité des administrations compétentes n’est pas douteuse.

Cela admis, il restera à se poser la question de savoir si, face à la monstruosité de tout « féminicide », certaines approches culturelles de la femme et de son statut ne favorisent pas plus que d’autres le syndrome de son appropriation par le conjoint, le compagnon, cette perversion mentale qu’on retrouve dans la très grande majorité de ces crimes odieux. Dans son esprit, dans sa mentalité, ce n’est pas une femme que Mounir exécute, envoie au bûcher, c’est sa femme, son bien, sa propriété.

Les experts psychiatres diagnostiquent chez lui « une paranoïa centrée sur ses compagnes ». Dès lors, même questionnement : y a-t-il certaines approches culturelles, certains usages et mœurs qui, plus que d’autres, pourraient favoriser l’émergence d’une telle paranoïa ? L’enfermement du corps de la femme dans une prison de voile afin de la soustraire au regard de l’homme, ce mâle supposé être perpétuellement en rut et prêt à bondir sur toute personne du sexe qui lui laisserait voir cinq centimètres carrés de ce corps, ne recèlerait-il pas en germe ce travers paranoïaque débusqué par les experts ?

Peut-être le procès du bourreau pourrait-il, sans faire en aucune manière l’impasse sur les responsabilités d’État, permettre une réflexion sur ces questions ? Si possible, sans qu’on se mette à hurler au racisme à peine aura-t-on esquissé le sujet…

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On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou!

Intégrera-t-on dans la loi française l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme ?


On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou. En tout cas, pas forcément. Flotte dans l’air1 parlementaire l’idée que pour combattre l’antisémitisme, il conviendrait de l’assimiler à l’antisionisme et qu’une loi devrait être votée qui ne distinguerait plus les deux mais les envelopperait dans la même transgression pénale. Il me semble que ce serait une grave erreur.

Bas les masques !

Parce que pour certains, l’antisionisme est le masque d’un antisémitisme qui se sert de ce prétexte politique pour s’exprimer, il faudrait constituer cette perversion comme une généralité et interdire le débat, les critiques sur la politique israélienne et Benjamin Netanyahou ? Au sujet duquel, d’ailleurs, je n’ai jamais entendu dire de bien.

Tout au plus qu’il n’avait pas un autre choix depuis la barbarie du 7 octobre 2023, ce qui peut évidemment être discuté ; au moins dans la durée de la défense considérée comme légitime contre le Hamas, à Gaza. Ces derniers jours il passe « en force contre l’appareil d’État et dans la bande de Gaza » analyse Le Monde.

J’ai conscience de définir l’antisionisme sur un mode commun, banal – le plus courant – en considérant qu’il s’agit de la contestation de la politique israélienne et de celle de ses dirigeants alors qu’au sens propre le sionisme défend le droit à l’existence de l’Etat d’Israël quand l’antisionisme le lui dénie.

En demeurant dans l’acception ordinaire, cette aggravation pénale réduirait un espace de liberté d’autant plus à sauvegarder qu’il se rapporte à un problème géopolitique infiniment sensible. Et même quasiment ingérable, malgré l’accord majoritaire sur une solution à deux États.

La question géopolitique la plus sensible ?

Il serait désastreux, selon une démarche malheureusement usuelle, de ne pas trouver contre le poison de l’antisémitisme d’autre riposte que d’interdire une opinion, contestable ou non, en tout cas admissible, sur les faiblesses d’Israël, seule démocratie dans cette région du monde.

D’une certaine manière, il convient à la fois de banaliser ce pays et de protéger partout les juifs contre les agressions verbales et physiques qui se multiplient à leur encontre, sans la moindre honte – comme à Orléans récemment.

Parce qu’on ne parvient pas, malgré les efforts menés, à réduire les actes antisémites, on s’imagine pouvoir aboutir à un résultat plus satisfaisant en alourdissant l’antisémitisme d’une charge sans commune mesure avec lui.

D’autant plus que, contrairement à ce qu’on prétend, il est facile, dès lors que l’on est honnête, de distinguer le bon grain d’une critique politique de l’ivraie de l’antisémitisme. Il suffit de se référer à des éléments extrinsèques qui seront de nature, sans la moindre équivoque, à révéler l’état d’esprit de celui qui s’exprime sur ce sujet.

Quand on affirme que l’antisémitisme est « résiduel » en France comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, on a le droit de questionner la pureté de ses diatribes politiques sur Israël, accordées de surcroît avec les ambiguïtés sur la définition du Hamas le 7 octobre 2023.

D’autres en revanche ne laissent pas le moindre doute sur la pureté de leurs intentions quand ils émettent des réserves sur Benjamin Netanyahou et sur la stratégie d’Israël. Il serait dramatique, pour la liberté d’expression et l’utilité des débats géopolitiques, d’être inspiré par la fausse bonne conscience de stigmatiser tout de ce qui peut concerner les Juifs, Israël, le Hamas, Gaza et autres sujets dangereux. On ne vaincra jamais les effets délétères de la liberté en réduisant encore davantage la part de celle-ci. Pour ne rien concéder à l’antisémitisme, ignominie morale, il faut sauver le droit à l’antisionisme, contradiction politique.


  1. « Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme, c’est à la République de protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme. » Tribune collective publiée dans Le Monde le 21 mars 2025 NDLR ↩︎

La vindicte des tricoteuses 2.0 au cœur du procès Depardieu

Le célèbre acteur Gérard Depardieu est jugé depuis hier à Paris pour des agressions sexuelles présumées commises sur deux femmes en 2021. Lors de l’audience, son avocat, Jérémie Assous, a plaidé la nullité de la procédure, soulignant que l’enquête avait été menée exclusivement à charge. L’acteur doit s’exprimer aujourd’hui. « Amélie et Sarah, on vous croit ! » Devant le Palais de Justice et dans les médias, les militantes MeToo, nombreuses et déterminées, dénoncent le caractère systémique des violences sexuelles dans le cinéma français. Pourtant, observe Elisabeth Lévy, ces mêmes militantes semblent bien moins promptes à commenter l’affaire tragique du « féminicide » de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari.


J’ai assisté hier au procès de Gérard Depardieu pour agression sexuelle. Je me demande pourquoi. L’acteur n’a jamais été condamné par la justice, mais puisque des dizaines de femmes déclarent dans la presse qu’il est violeur-prédateur, il est déjà condamné à la mort sociale par les médias et les associations. MeToo ne renverse pas la charge de la preuve: avec MeToo, il n’y a plus besoin de preuve. La souffrance des plaignantes suffit. Dire que certaines pourraient mentir ou affabuler, c’est déjà défendre les agresseurs et violeurs.

Un Palais de Justice très couru

Gérard Depardieu est soupçonné d’agressions ou d’atteintes sexuelles supposément commises pendant le tournage des Volets Verts en 2021.

Au Palais de Justice de Paris, c’était l’ambiance des grands jours. Une ambiance assez médiévale, avec des hordes de gens sur le parvis qui attendaient le passage du proscrit… Il y avait plus de monde que pour le procès de Charlie Hebdo.

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Dans la salle, deux camps se regardent en chiens de faïence. Côté partie civile, on trouve la confrérie des victimes avec le gotha du journalisme MeToo, et notamment Marine Turchi de Mediapart en majesté, citée plusieurs fois par la défense de Depardieu comme le vrai conseil des plaignantes. Anouk Grimbert a été expulsée pour ses réactions intempestives. Il y avait aussi Charlotte Arnoux, qui a porté plainte pour viol (mais, il n’y a pas encore de renvoi). De l’autre côté, les acteurs Vincent Perez et Karine Silla sont venus soutenir la star. Et évidemment Fanny Ardant, impériale, qui a confirmé qu’elle témoignera à la barre ce mardi. Gérard Depardieu semble en forme. Amaigri (il a perdu 26 kg selon son avocat), le visage reposé, il n’a pas fait de pitrerie. Mais, il refuse de se battre la coulpe et de demander pardon. Le comédien profère vraisemblablement des grossièretés à jets continus, mais il nie toute agression.  

Il est plaisant de voir enfin un prévenu qui se défend

Le tribunal en décidera, certes. En attendant, qu’un prévenu se défende, c’est nouveau. Jusque-là, dans les affaires MeToo, nous avions toujours observé des hommes qui s’excusaient d’exister et, même s’ils assuraient n’avoir ni violé ni agressé ni contraint personne, ils se comportaient en coupables. Les plaignantes étaient sanctifiées, nul n’osait les contredire et encore moins les critiquer.

Dans ce procès, l’avocat Jérémie Assous a vraisemblablement une autre stratégie. Imposant son tempo, il a plaidé deux heures à l’appui d’une demande préalable de nullité de la procédure, à la fureur des parties civiles Amélie K. et Sarah (un curieux anonymat). Le président a laissé faire, sans doute parce qu’il a de bons arguments. En l’écoutant, on se dit que l’enquête, dirigée par le Parquet sans juge d’instruction, a été menée exclusivement à charge. D’après Me Assous, Gérard Depardieu aurait été placé en garde à vue sur la simple base d’une accusation. Il demande aussi qu’une vingtaine de participants au tournage du film qui n’ont pas encore été entendus soient auditionnés. Cela semble légitime. Le procès se poursuit aujourd’hui, et Gérard Depardieu va enfin prendre la parole. Mais, en attendant, il faut bien dire que les militantes qui font le pied de grue devant les salles d’audience pour huer Depardieu, Polanski ou Nicolas Bedos font froid dans le dos. Elles m’évoquent les tricoteuses qui allaient aux exécutions pendant la Révolution… Excitées par une célébrité à terre, elles sont pourtant beaucoup moins actives pour défendre la mémoire de Chahinez brûlée vive par le mari qu’elle avait quitté.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

Ras-le-bol de tapiner pour l’État !

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Assurance maladie, CAF, Urssaf… Autant de symboles des charges écrasantes qui pèsent sur les entrepreneurs pour alimenter un État insatiable © Michel Gile/SIPA

Notre pays n’est pas un paradis néolibéral mais un enfer collectiviste. La classe politique ne comprend rien à l’économie et se repose sur un secteur privé exsangue pour entretenir un État qui ne regarde pas à la dépense. Entre déni du réel et aveuglement idéologique, nos gouvernants ne sont pas près d’inverser la tendance.


On en parle peu, mais l’économie française va mal et même très mal. Carnet de commandes en berne, manque de visibilité, instabilité gouvernementale, dette abyssale, tout concourt à tuer la confiance et à nous plonger dans la récession. Résultat, une stagnation voire une baisse du niveau de vie : aux États-Unis, il est, pour le même poste de travail, supérieur de 40 %.

Une classe politique déconnectée des réalités économiques

Face à ce désastre, patrons et entrepreneurs observent les errances d’une classe politique qui de toute évidence ne comprend rien à l’économie. La plupart n’ont jamais eu qu’à dépenser des budgets qui tombaient du ciel, ils n’ont jamais gagné d’argent. La panoplie d’impôts imaginés par l’extrême gauche en dit long sur ce monde qui évoque l’Ancien Régime. Bien au chaud à Paris, cette aristocratie dépense et répartit 60 % des richesses créées par le travail des combattants des tranchées. Autrement dit, le secteur privé doit cravacher pour fournir les recettes que dépenseront les donneurs de leçons de morale.

À lire aussi, Elisabeth Lévy & Jean-Baptiste Roques : Merci patrons !

Sur 100 euros facturés par une entreprise, l’État au sens large (incluant la Sécurité sociale) ponctionne 60 à 70 euros, entre charges sociales, TVA, taxes, IS. Et le salaire net de l’employé sera lui aussi taxé par la TVA et ses impôts (habitation, foncier, revenu). L’État a faim, très faim. En quarante ans, il est devenu un obèse tentaculaire en roue libre vers son probable AVC.

Au final, les patrons et leurs salariés sont les plus sociaux des acteurs économiques : combien de RSA, de lits d’hôpital, de feuilles de soins leurs entreprises payent-elles ?

En somme, ils sont des hauts fonctionnaires qui rapportent versus ceux qui dépensent.

Un État qui vampirise le secteur privé

Et pourtant, certains prétendent sans rire que la France est un paradis néolibéral. En réalité, elle s’apparente de plus en plus à un pays collectiviste qui sombre à petit feu en dévorant les restes de son secteur privé.

L’État est le proxénète des patrons. Nous tapinons pour payer ses folies. Les millions de salariés du privé sont obligés d’être hyperproductifs pour satisfaire l’appétit dément de l’ogre étatique, véritables « serfs » d’une oligarchie qui vit sur la bête – sureffectifs, budgets associatifs à la limite du clientélisme, médias étatiques subventionnés, agences publiques présentes à tous les étages du millefeuille territorial. Le nombre de burn-out n’explose pas pour rien.

En ce cas, dira-t-on, pourquoi les patrons ne descendent-ils pas dans l’arène politique ? C’est simple : ils n’ont pas le temps. Travailler cinquante à soixante heures par semaine leur permet à peine de payer leur mac.

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De surcroît, au lieu de dessiller les citoyens pour qu’enfin la restructuration en profondeur du pays soit engagée, les gouvernants se complaisent dans le déni, refusant avec constance toute évaluation des politiques menées. Le plus bel exemple de mensonge d’État par omission réside dans la présentation de la dette, toujours rapportée au PIB, comme si cette dette avait été contractée par les entreprises, alors qu’elle est constituée par le déficit de l’État (et de ses proxys). Ainsi, quand on affirme que la dette représente 5 % du PIB, toute personne vivant dans la vraie vie, qui sait ce qu’est un déficit, pense naturellement que les recettes de l’État sont inférieures de 5 % à ses dépenses. Si on compare le déficit public au budget et non pas au PIB, on découvre que, depuis des années, il oscille entre 20 et 25 %.

Un peu comme si un foyer dépensait 4 000 euros en gagnant 3 000 euros par mois

Une impasse économique inéluctable

Ainsi, en 2025, le budget prévisionnel[1]  annonce 545 milliards de recettes contre 686 milliards de dépenses, le différentiel étant de 141 milliards, soit 25 %. On comprend mieux l’explosion de la dette depuis quarante ans. Notre État est un vrai junky (140 milliards de doses sur une seule année). Les marchés financiers lui fournissent sa came tous les dix ou quinze jours.

Un particulier ou une entreprise qui gérerait aussi mal ses finances déposerait son bilan et serait interdit de gestion…

Comment expliquer par ailleurs que tant de gens éduqués, intelligents et parfaitement conscients de la catastrophe manquent à ce point de courage ? L’une des raisons est sans doute que les caractères trempés ne vont plus vers la politique. Elle attire plutôt les « offusqués » de profession, comme ces syndicalistes lycéens puis étudiants qui deviennent députés ou syndicalistes et font le commerce des promesses, additionnées d’une bonne soupe de moraline : l’enfer qu’ils ont créé est pavé de bonnes intentions – dites « humanistes » ou « progressistes ».

Qu’on ne compte pas sur l’université pour les déniaiser. Sandrine Rousseau a été enseignante-chercheuse en économie et vice-présidente de l’université de Lille, c’est dire. Les théories absurdes enseignées aux étudiants qui deviennent professeurs, deviennent ensuite la pensée dominante qui valide les théories, qui brodent autour d’une certitude de fer : « le privé c’est mal, le public c’est bien ». « La dépense publique crée du bonheur », dit Mélenchon.

L’idéologie continuera à gouverner tandis que les entrepreneurs continueront à se colleter à la réalité. Dans le vrai monde, celui des entreprises, on ne peut pas se payer de mots. On doit chercher ce qui marche. Exemple, on sait que le CESE (Conseil économique, social et environnemental) ne sert à rien, sinon à récompenser quelques amis, et coûte 50 millions par an. Un patron – ou un véritable homme d’État – fermerait ce machin en trois à six mois. Et il existe des centaines de structures, comités, agences tout aussi inutiles.

Pour retrouver le moral, les patrons et les salariés du privé ont besoin de savoir que le courage est de retour au sommet de l’État. Ils ne vont pas continuer à trimer pour que leur travail soit ruiné par le sabotage public. Certains partiront, la plupart resteront mais baisseront les bras, et géreront la décroissance tant souhaitée par certains pour tenir quelques années avant de voir les entreprises, puis l’économie et les services publics s’écrouler sous le regard ahuri de l’ogre et des donneurs de leçons. Le FMI débarquera, et nous serons tous pauvres et égaux.

*Je ne signe pas de mon nom car la démocratie est attaquée depuis des années par l’hégémonie de l’extrême gauche dans la justice, une partie des médias, beaucoup de facultés et dans bien des corps d’État : je serais rapidement désigné comme cible et socialement exécuté. Nous vivons un peu comme dans l’Europe de l’Est racontée par Kundera.

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[1] Source : www.budget.gouv.fr/budget-etat.

Candide au théâtre : des raisons d’être… optimiste

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© Pascal Gely

Candide ou l’Optimisme, de Voltaire au Théâtre de Poche-Montparnasse, un spectacle d’une heure quarante tourbillonnant.


Il y a une raison toute simple et – apparemment – paradoxale qui fait que nombreux sont ceux qui renoncent à aller au théâtre : la pléthore des propositions – et l’embarras du choix subséquent (nous parlons de Paris – mais non seulement). D’où que l’on se permette d’intervenir, parfois, pour signaler un spectacle, une mise en scène, qui valent le déplacement. Le dépaysement. Le voyage.

Prenez Candide ou l’Optimisme, de Voltaire, mis en scène et adapté par Didier Long au Théâtre de Poche, en ce moment. Fidèle à sa tradition – puisqu’elle l’est devenue – le Théâtre des Tesson fait revivre des écrivains, hommes et femmes (Montaigne et Rabelais, Yourcenar et Sagan, Anouilh et Dumas, etc.) – et des textes. Il les donne à entendre, et à vivre. C’est une « alternative » joyeuse à une autre activité très joyeuse : la lecture. La position est la même – nous sommes assis. Mais l’effet est différent – comme la fin : nous avons bien remarqué qu’il y a peu d’applaudissements lorsqu’on quitte sa table de travail après avoir lu et écrit pendant six heures.

À lire aussi : « – Oublions tout… – Oublions tout … » : sublime Werther au Théâtre des Champs-Élysées

Nous n’avions pas lu Candide depuis bien longtemps. Nous sommes donc allé voir le Candide de Didier Long – pour en ranimer le souvenir, entendre ce que le texte était devenu. Et c’est un ravissement. Nous avions oublié comme Candide est drôle, impertinent, substantiel, iconoclaste. Ah ! cette démonstration-raisonnement imparable de Pangloss : « Toute chose a sa raison d’être qui est nécessairement la meilleure qui soit. Remarquez bien que les nez ont été fait d’une forme à porter des lunettes : aussi avons-nous des lunettes. »

Les rires fusaient, d’ailleurs, pendant la représentation qu’honorent l’énergie et l’allant de chacun de trois comédiens – Charles Templon, Sylvain Katan, Cassandre Vittu de Kerraoul (qui incarnent Candide, Pangloss et Cunégonde – mais qui savent apparaître grimés ou déguisés pour les autres silhouettes du conte philosophique).

Une heure quarante trépidante, virevoltante, qui donne (certes) envie de cultiver son jardin – sans renoncer nécessairement, pardon Voltaire, aux curiosités philosophiques, voire métaphysiques. Ni au théâtre, donc. Et c’est ainsi que Voltaire est grand.


Candide ou l’Optimisme, de Voltaire. Mise en scène et adaptation de Didier Long. Avec Charles Templon, Sylvain Katan, Cassandre Vittu de Kerraoul. Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris VI. Du mardi au samedi à 21H, dimanche 17H.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Patrick Besson: «Quel est le con… qui a écrit ce livre?»

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Patrick Besson, écrivain et journaliste français. pour l'émission "Semaine Critique" sur France 2, Paris, le 8 avril 2011 © BALTEL/SIPA

En publiant deux livres presque simultanément, Patrick Besson fait coup double. Quel est le con… est un recueil de certaines de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille un thriller complètement barré, inspiré par la tragédie classique. À l’occasion de ces publications, il s’est prêté à un petit jeu des questions / réponses.


Patrick Besson nous donne à lire deux opus en à peine deux mois. Et c’est du bon, de l’excellent ! Quel est le con…, le premier livre (publié chez le très rock et audacieux éditeur Erick Bonnier) est un recueil de certaines de ses chroniques du Point. Le second, Presque tout Corneille, est un court thriller bien allumé, à la fois cruel et drolatique, inspiré par la tragédie classique, ici incarnée par le créateur du Cid. On rigole ; on s’indigne. On se régale. Nous l’avons rencontré. Interview coup de poing dans la gueule aux idées reçues et toutes faites.


Causeur. Les chroniques de Quel est le con… sont-elles inédites ou ont-elles déjà été publiées ? Si c’est le cas, dans quels journaux ou revues ?

Patrick Besson. Toutes ont été publiées dans Le Point.

Et pourquoi cet excellent titre ?

Quel est le con… qui a écrit ce livre ?

Que veux-tu montrer ou dénoncer ou affirmer avec ce recueil ?

Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations…

« Brasillach dans la poche » s’attaque à l’intolérance rance qui pollue l’époque. Peux-tu revenir là-dessus ?

Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau sont encore en librairie : pourquoi pas Brasillach ?

A lire aussi: Patrick Besson : pas de quartier !

« Faim de carrière » évoque l’inénarrable Jack Lang. Que penses-tu du personnage ?

Il me fait rire, c’est déjà pas mal.

Page 136, tu rappelles qu’au XVIIe siècle, tous les écrivains français portaient une épée. Tu pourrais en porter une, si tu rejoignais l’Académie française ? Ça ne te tenterait pas ?

J’attends ma centième année pour te répondre.

Tu publies ton recueil chez Erick Bonnier, dans une collection sacrément rock’n’roll. Comment vous êtes-vous rencontrés ? T’a-t-il sollicité ? Ou est-ce toi qui as fait la démarche ? Et parles-nous de tes goûts en matière de rock ?

C’est Marc Dolisi qui me l’a présenté ; c’est le fils d’Henry Bonnier que j’aimais bien quand j’ai signé chez Albin Michel. Mes goûts en rock ? John Lennon, c’est tout.

 « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? »

Passons à Presque tout Corneille. Rarement polar n’aura été aussi original tant dans la forme que dans le fond. Pourquoi un tel livre ?

Il n’y a aucune raison logique.

As-tu lu tout Corneille pour écrire ce roman ? L’apprécies-tu ?

Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière (Le Misanthrope, Les femmes savantes, etc.).

Pourquoi l’avoir situé en Corse ? As-tu visité l’île de Beauté ?

J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme, à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour.

La vengeance est presqu’un personnage de ton livre ; pourquoi (en dehors de Corneille, bien sûr) ? Serais-tu rancunier ?

Je pardonne mais je n’oublie pas.

Ne crains-tu pas d’effrayer les rédacteurs en chef et/ou directeurs de publication qui t’emploient ?

Ils sont encore plus durs que moi.

Pourquoi nous présenter un enseignant de langue bulgare. Aimes-tu ou non la Bulgarie ? Ne crains-tu pas de te faire piquer par un parapluie ?

Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ?

Tu as choisi de mettre dans la bouche de ton inspecteur une cigarette électronique. Pourquoi ? Les vapoteurs te gonfleraient-ils ?

J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains.

Prépares-tu un nouveau livre ? Roman ? Chroniques ? Nouvelles ? Essai ? Pour quand ?

Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le dictionnaire amoureux du communisme.


Patrick Besson ; Quel est le con… ; éd. Erick Bonnier ; coll. Encre Rock ; 152 p.
Patrick Besson ; Presque tout Corneille ; Stock ; 111 p.

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« Mickey 17 » de Bong Joon Ho: un chef d’œuvre

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Robert Pattinson dans Mickey 17 © Warner Bros

Bong Joon Ho revient avec Mickey 17, une fable de science-fiction où Robert Pattinson affronte ses propres clones sous l’emprise d’un leader populiste glaçant incarné par Mark Ruffalo. Une œuvre sombre et politique, dans la lignée du cinéma visionnaire du réalisateur de Parasite.


Bien sûr, vous vous rappelez Parasite (2019). Mais vous souvenez-vous de cet objet déjà post-apocalyptique qu’était Snowpiercer (2013) ? Bong Joon Ho a déjà flirté avec la science-fiction — et comme chacun sait, c’est un genre qui sert essentiellement à parler du présent.
Parasite a triomphé à Cannes et aux Oscars parce qu’il évoquait les relations sociales de la Corée natale du réalisateur, et, au-delà, les relations monstrueuses entre classes sociales. Mickey 17, premier film à capitaux américains de Bong, évoque prioritairement ces démagogues monstrueux que l’Amérique engendre et exporte.

C’est encore le site Polygon qui en parle le mieux : « Mickey 17 [is] perhaps Bong’s most thinly veiled political analogy yet. The movie’s villain, the opportunistic leader Kenneth Marshall (Mark Ruffalo), is a distinctly Trump-like figure whose dangerous associations with religious zealotry and white nationalism are mere avenues to earn political credibility among his base. » Ruffalo (acteur prodigieux déjà fort apprécié dans Blackwater) est un composite de Trump, dont il a la mèche, additionné d’Elon Musk, Zuckerberg, Jeff Bezos et autres illuminés du post-humanisme. Un cauchemar fait homme, sans cesse suivi par un réalisateur qui filme ses moindres faits et gestes, et accablé d’une épouse (Toni Collette, magistralement inhumaine) qui lui souffle à l’oreille les bonnes décisions à prendre.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli : Black dog, de Guan Hu : demain, les chiens ?

Le héros est interprété par Robert Pattinson. Si en 2012 Bel-Ami m’avait moyennement convaincu — le rôle-titre était la seule faiblesse dans le casting magnifique de cette reconstitution au plus près du roman —, il m’avait impressionné dans The Lighthouse (2019), splendeur baroque en noir et blanc où il donnait la réplique à Willem Dafoe, qui lui n’a plus rien à prouver. Il est ici impeccable — d’autant qu’il se donne la réplique à lui-même, puisque cette histoire d’« expendables », clones de soi-même régénéré après chaque mort du sujet, avec une mémoire soigneusement conservée, se double d’un récit de « multiples », puisqu’on a produit une nouvelle version alors que la précédente (la 17 — 16 sont déjà morts, et salement) était encore en vie, sur une planète franchement hostile où le politicien mégalomane envisage de faire repartir l’humanité de zéro.

Le film lorgne vers ses grands prédécesseurs. Il a la force d’Alien 1 & 2, des éléments sont empruntés à Blade Runner, la vilaine (mais sympathique) bestiole qui vit sur la planète glacée arrive tout droit de…

Lire la fin de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli

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« –  Oublions tout… –  Oublions tout … » : sublime Werther au Théâtre des Champs-Élysées

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© Vincent Pontet

Notre Benjamin Bernheim national surplombe un casting vocal de haute volée dans l’opéra de Massenet, actuellement à l’affiche à Paris.


Tout le monde n’est pas obligé d’aimer Massenet. À un éminent critique musical de ma connaissance, votre serviteur annonce sa soif d’assister à la première de Werther, au Théâtre des Champs-Elysées (c’était samedi dernier).  Lui : « Werther ? Ça alors !  Quelle purge ! ».

Chef-d’œuvre idéalement français 

Moi j’en étais resté à la énième reprise de cet opéra, adaptation, comme l’on sait, des Souffrances du jeune Werther, l’illustre roman de Goethe, sur un livret d’Edouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann – la quintessence de la musique lyrique « fin de siècle ». C’était à l’Opéra-Bastille, en janvier 2016. Certes, la mise en scène laborieusement littérale de Benoît Jacquot, ci-devant cinéaste qui, de toujours, affiche une prédilection marquée pour les transpositions littéraires à l’écran (cf.  son film Adolphe, en 2002, tiré du chef d’œuvre de Benjamin Constant), n’est pas assurée de figurer dans les annales du génie scénographique. Mais, Plasson au pupitre, Piotr Beczala prenant alors la suite de Jonas Kaufmann, dans le rôle-titre en 2010, et Elina Garanca celle de Sophie Koch pour camper Charlotte, –  le spectacle tenait la route, comme on dit. Au quatrième acte, quand le couple, au seuil de la mort, se répond dans un extatique et définitif « Oublions tout … », la sublime mélodie arracherait des sanglots à une statue de pierre.   

A lire aussi: Dernières leçons de maintien en date de tous ces cultureux qui me fatiguent…

Encore faut-il consentir à voir en Massenet davantage que ce pour quoi il fut, en son temps, (dé)considéré par certains, comme compositeur officiel du lyrique à la française tel que l’affectionnait le public bourgeois : d’un raffinement suave, un peu décadent, mâtiné d’exotisme, qui lui assure de triompher – Le roi de Lahore (1877), Hérodiade (1881), Manon (1884), Le Cid (1885), Esclarmonde (1889)… Werther (1892), œuvre de maturité – Jules a passé la cinquantaine –  est quasi contemporain de Pelléas et Mélisande. Que Massenet ne soit pas Debussy en termes de nouveauté stylistique, c’est entendu. Reste que, dans le genre, Werther est musicalement insurpassable.

Photo: Vincent Pontet

Ce « drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux » revient pourtant de loin. Massenet y songeait dès l’aube des années 1880, et plus encore après avoir entendu Parsifal à Bayreuth, en 1886. Mais Carvalho, le puissant directeur de l’Opéra-Comique, n’aime pas le livret. Là-dessus, en mai 1887, l’Opéra-Comique disparaît dans un incendie. Résultat, c’est à Vienne, au théâtre impérial, que Werther sera créé, en 1892, soit plus de cinq ans après la mise au net de la partition. Ironie de l’histoire, la critique d’alors étrille un supposé « wagnérisme ». L’unicité du tissu sonore, avec ces motifs récurrents qui construisent des morceaux mélodiques d’une suprême transparence, où s’intriquent voix et orchestre avec une finesse, une élégance qui rapproche son écriture de la musique de chambre, voilà ce qui fait de Werther un chef d’œuvre, –  un chef d’œuvre idéalement français ! En 2025, c’est précisément cette onctuosité, cette « fadeur » tellement datée, dont on raffole, n’en déplaise à certains.

Créée l’an passé à la Scala de Milan, la présente production qu’accueille le TCE pour quelques représentations choisit, sous les auspices du metteur en scène Christof Loy, de transposer l’action à l’époque contemporaine, quelque part entre les années 50 et 60, dans un éclairage assez froid et presque constant, sur un décor rigide qui – mur tendu d’un papier peint à rayures – évoque le salon d’une maison bourgeoise dont la double porte centrale, coulissante, ouvre, en arrière-plan, sur une salle à manger donnant elle-même sur un jardin, au fond, planté d’un arbre dont les ramures marqueront, au fil du spectacle, le passage des saisons.

Romantisme exacerbé

Au pupitre, le très jeune chef franco-bolivien Marc Leroy Calatayud, qui dirige pour la première fois, de main de maître, le fameux orchestre Les Siècles, dont le jeu sur instruments d’époque est la marque de fabrique, les voix d’enfants (qui chantent ici Noël, comme l’on sait, au dénouement tragique de l’opéra) provenant de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Legato impeccable, belle amplitude lyrique, sans proscrire pour autant ces ralentendi si conformes au romantisme exacerbé des deux derniers actes, en particulier.

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Surplombe de très haut, dans un casting vocal de haute volée, notre Benjamin Bernheim national –  son inévitable costume bleu roi à gilet jaune prendra, au dernière acte, la couleur noire anticipant sa propre mort –  à l’articulation, au phrasé superlativement nuancés, plus remarquable encore dans le pianissimo que dans l’émission puissante qu’exigent les éclats torturants du transi suicidaire. Les déplorations de Charlotte s’interdisant l’aveu de sa passion par fidélité à sa promesse d’épouser le pitoyable Albert pétri de jalousie (excelle, dans ce rôle, le baryton Jean-Sébastien Bou) qu’elle n’aime pas, puis son exaltation amoureuse, à la toute fin, sont incarnées par la mezzo-soprano Marina Viotti avec l’intensité, la fulgurance qu’on lui connaît, tandis que la soprano franco-américaine Sandra Hamaoui campe Sophie, en âpre rivale de Charlotte plutôt qu’en demoiselle à la pureté intacte. Prenant ses aises avec les indications du livret, la mise en scène imposera sa présence muette dans le dernier tableau, ainsi que celle d’Albert relisant comme un forcené les lettres maudites, et allant même jusqu’à assister, silencieux, à l’agonie des amants enlacés… Parti pris discutable en effet, qui vaut à Christof Loy quelques huées au tomber de rideau, vite couvertes par l’ovation générale faite aux chanteurs.  

On s’apprête à retrouver Christof Loy dans quelques semaines à peine, à l’Opéra-Bastille cette fois, à la régie du célèbre triptyque puccinien qui raccorde, conçus comme un tout par le compositeur lui-même en 1918, Gianni Schicchi , Il Tabarro et Suor Angelica. Une nouvelle production, en lien avec le Festival de Salzbourg.


Werther. Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux, de Jules Massenet. Avec Benjamin Bernheim, Marina Viotti… Mise en scène : Christof Loy. Direction : Marc Leroy-Calatayud. Orchestre Les Siècles.

Durée : 2h10.

Théâtre des Champs-Elysées, les 28, 31 mars, 3 et 6 avril à 19h30

Glaçante Dominique Reymond

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Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond et Nicolas Bouchaud, "L'Amante anglaise" © Patrick Fouque

Dominique Reymond est saisissante dans le rôle d’une meurtrière incapable d’expliquer son crime. « L’Amante anglaise », de Marguerite Duras, au théâtre de l’Odéon.


Une mise en scène d’une rigueur toute janséniste ; une direction d’acteurs aussi fouillée qu’elle est épurée ; des interprètes remarquables s’interdisant tout effet convenu, pour toucher à la perfection… User après cela de superlatifs pour louer cette production de L’Amante anglaise de Marguerite Duras apparaîtrait parfaitement déplacé. Et pourtant ! Cette réalisation d’Emilie Charriot servie par des acteurs comme Nicolas Bouchaud, l’Interrogateur, Laurent Poitrenaux, le mari, Dominique Reymond, la meurtrière, justifierait bien des exclamations, sinon des dithyrambes. 

« Je l’ai sorti de son cercueil »

On sait que pour écrire L’Amante anglaise, Duras s’était inspirée d’un sombre drame survenu dans l’immédiat après-guerre,  rue de la Paix, à Savigny-sur-Orge, en Ile-de-France. Une femme, Amélie Rabilloud, dont le seul nom révèle tout un monde, avait subitement  assassiné son époux, un ancien adjudant, après des années de vie étriquée et de violences, l’avait dépecé et, nuit après nuit, s’était débarrassée des tronçons du cadavre en les lançant notamment du haut d’un viaduc voisin sur des trains de marchandises qui circulaient en contrebas. Ce qui permit au cadavre de se voir éparpillé avec beaucoup de fantaisie aux quatre coins de la France.

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Dans la pièce de Duras, c’est sa cousine germaine, grosse fille bonne vivante qui assumait les fonctions ménagères de la demeure du couple, que Claire Lannes, la meurtrière, a tuée et découpée en morceaux, alors que son mari, Pierre Lannes, ne soupçonnera rien de ce crime avant que la police ne vienne arrêter son épouse.

« Mais pourquoi tue-t-elle sa cousine, sourde et muette, dans votre histoire ? », demandera-t-on à Marguerite Duras lors d’un entretien publié en décembre 1968.

« Parce que je voulais savoir qui était le mari et avoir son témoignage sur sa femme. Je l’ai sorti de son cercueil pour qu’il soit entendu de tous, une fois dans sa vie. Il était aussi sourd et muet que la victime : c’est la petite bourgeoisie française, morte vive dès qu’elle est en âge de « penser », tuée par l’héritage ancestral du formalisme ».

Un meurtre inexplicable

La pièce se réduit à deux interrogatoires successifs. Celui du mari tout d’abord qui tente d’expliquer la psychologie de sa femme, le désastre de sa vie conjugale dont il ne mesure pas la portée, et son propre aveuglement.  Celui de la coupable ensuite,  mené lui aussi par l’Interrogateur qui n’est jamais que le double de l’écrivaine. Duras avait parfois rempli cette même tâche d’enquêteur lorsqu’elle rendait compte pour des journaux de crimes particulièrement horribles…  avant de se couvrir de ridicule et d’indignité au moment de l’Affaire Gregory en désignant comme coupable la mère de l’enfant noyé.      

Cherchant à comprendre ce qui a pu conduire au meurtre  inexplicable de la malheureuse cousine, quand celle qui a tué ne parvient pas elle-même à se l’expliquer, Duras tente de cerner la psyché de cette dernière en lui prêtant des propos d’une intensité inouïe comme d’une parfaite banalité, en s’abîmant dans des questions qui souvent demeurent sans réponses convaincantes. Et dévoile avec une accablante véracité le cheminement mental de gens terriblement ordinaires.

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Dans le rôle de l’Interrogateur, Nicolas Bouchaud est sur scène du début à la fin de la pièce, alors que Laurent Poitrenaux et Dominique Reymond, questionnées tour à tour durant une heure chacun ne se la partagent donc que la moitié du temps.

Mais c’est lui peut-être qui endosse le rôle le moins difficile, car, aussi inquisiteur qu’il soit, il demeure toujours dans une certaine neutralité prudente, assumée sans ciller de bout en bout.

Dans le rôle du mari, Laurent Poitrenaux est étonnant d’authenticité. Il n’est pas un seul instant un acteur jouant un personnage tant il est juste dans le registre de  médiocrité très ordinaire d’un Pierre Lannes.

Sidérante, presqu’effrayante

Ce ne sera pas faire injure à deux excellents interprètes que de voir en Dominique Reymond la figure la plus exceptionnelle de cette distribution. Succédant dans ce rôle de Claire Lannes à Madeleine Renaud et à Suzanne Flon, la comédienne n’apparaît pas comme habitant son personnage. Elle est plutôt envahie, phagocytée par lui. Elle s’efface si absolument derrière la figure de cette meurtrière sans doute à demi-folle qu’elle en devient sidérante, presqu’effrayante. Avec une aisance qui déconcerte et un vraisemblable plaisir à exister enfin, mais aussi une forme d’habileté dans l’esquive, Claire Lannes répond sans état d’âme apparent aux questions qu’on lui pose. Elle offre même une candeur, une simplicité dans le crime qui vous plongent dans la plus grande perplexité. Ses regards fuyants, ses sourires malicieux sont de ceux qu’on peut surprendre chez les imbéciles, mais qui font qu’on doute brusquement de leur imbécillité. Elle dont le mari dévoile qu’elle n’a jamais ouvert un livre, elle qui écrit « la mante en glaise » pour évoquer la menthe anglaise s’épanouissant dans ce jardin qui est son seul refuge, a cependant de surprenantes lueurs d’intelligence et de lucidité.  Est-ce le fait que Dominique Reymond, parallèlement à sa vie d’actrice, s’adonne avec un art pénétrant et d’un trait plein de caractère à la peinture de portraits ?  La mobilité maîtrisée de son visage, la justesse de ses expressions les plus torves, ou tout au contraire un masque subitement figé, traduisent un travail d’observation époustouflant.  Au fur et à mesure, on se persuade que Claire Lannes est assurément folle, mais de cette folie impalpable, insoupçonnable, qui peut néanmoins conduire à des actes insensés. On comprend aussi qu’elle a un jour si brutalement souffert que son âme de primaire s’est subitement desséchée et qu’elle est également une victime.  Tout cela, Dominique Reymond ne fait que le suggérer par petites touches  éloquentes, venimeuses ou glaçantes, qui sont du très grand art. Elle est simplement prodigieuse.


L’Amante anglaise, de Marguerite Duras. Jusqu’au 13 avril 2025.

Théâtre de l’Odéon, Ateliers Berthier ; 01 44 85 40 40

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Instruire et éduquer pour désendoctriner

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Michaël Prazan © Hannah Assouline

Interviewé par Elisabeth Lévy dans le dernier numéro de Causeur1, Michaël Prazan, spécialiste des mouvements radicaux, note avec pertinence que l’islamisme progresse partout où l’éducation régresse. L’idée a séduit apparemment notre chroniqueur, à qui rien de ce qu’est l’École n’est étranger.


Dans un livre très récent, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, Michaël Prazan analyse la sidérante perversion qui a permis l’infiltration des partis de gauche et des bastions de la République par les Frères musulmans et leurs séides. Il a par ailleurs raconté cela fort bien dans une interview-fleuve éclairante.

La crise de l’instruction rend service au radicalisme musulman

Le pédagogisme, cet enseignement de l’ignorance, a dégagé des temps de cerveau pour le fanatisme. Partout où l’on n’instruit plus, les croyances les plus absurdes prennent le relais du savoir. C’est ainsi que pour 25 % des élèves, la Terre est plate et que les femmes ne toucheront pas plus d’un tiers de l’héritage paternel — et à condition qu’elles obéissent à leurs maris et se voilent afin d’exciter la juste concupiscence des hommes…

Que des enseignants, qui pour leur majorité votent à gauche, voire à l’extrême-gauche, consentent à mettre la pédale douce sur les savoirs les mieux constitués en consacrant beaucoup de temps à demander leur avis à des enfants ou des adolescents dont les convictions se sont formées dans le cercle familial, la « communauté » et les ghettos où ils habitent est une faute, et peut-être un crime. Une faute contre l’esprit — et en l’espèce, un crime contre la nation. Que des inspecteurs sanctifient cette pédagogie de la misère, qui témoigne d’une misère de la pédagogie, est une déviation majeure que seule une rapide radiation des cadres peut enrayer. Au bourrage de crâne des écoles coraniques doit répondre une instruction basée sur la science et la culture.

La culture ne peut pas être woke

Quelle culture ? se demanderont les imbéciles. Rappelons à ces gens « de gauche » ce que disait Marx : tant que le prolétariat n’a pas pris le pouvoir, il n’y a pas d’autre culture que la culture bourgeoise.

À lire aussi : Michaël Prazan: « les Frères musulmans ont une vision paranoïaque et complotiste du monde »

Bourgeoise, et blanche — je n’y suis pour rien, c’est la couleur de peau dominante du monde occidental. Et « dégenrée », pour parler la langue des minorités les plus revendicatrices, qui crient fort pour ne pas s’entendre, ne pas penser. La culture n’a pas de sexe, contrairement à ce qu’affirment ceux (et non pas « celles et ceux », complaisance stupide aux modes régressives) qui répètent sans la comprendre la formule célèbre de Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient » : le mélange de considérations sociologiques et physiologiques est d’une inconséquence absurde. On ne lutte pas contre l’invisibilisation des femmes — qui est un fait, parce que les rapports entre les sexes sont depuis l’origine des rapports de guerre, et que les féministes en ce moment mènent l’assaut — en proclamant la dictature du « e féminisant ». Ni en corrigeant « Droits de l’homme » (du latin homo, l’être humain sans distinction de sexe) en « droits humains » — sans parler de l’aberration « droits de la femme et de la citoyenne » qui mena Olympe de Gouges sur l’échafaud.

La culture est faite de références littéraires, artistiques, langagières. C’est en dominant le vocabulaire des pouvoirs en place que l’on se fraie un chemin pour remplacer avec de vrais talents les élites auto-proclamées qui se perpétuent au gré d’un système scolaire à leur solde.

Lire, écrire, compter

Ce que les enseignants « de gauche » ne comprennent pas, c’est qu’en obéissant aux diktats de Philippe Meirieu et de ses épigones, ils font objectivement le lit du non-renouvellement des élites. Peut-être parce qu’ils croient ainsi protéger leur progéniture — qui ne sera jamais reconnue comme méritoire, sinon pour des emplois subalternes où, comme leurs parents, elle servira les intérêts de ceux qui les auront mis en place. À chaque enseignant « de gauche », demandez systématiquement où ont été inscrits leurs enfants. Et où vont majoritairement leurs élèves.

Les enfants des croyants incultes, eux, vont à l’école du fanatisme.

Ne pas en conclure que les chefs des Frères musulmans, eux, appartiennent à cette sous-catégorie dont l’inculture est le gardien de leur foi. Ce sont des gens très intelligents, parfaitement informés, qui ont fort bien assimilé les codes de notre société, et portent le fer là où les incertitudes idéologiques, voire la trahison des « élites », leur permet de le faire.

À lire aussi : Quand l’imposture « antiraciste » attise la haine de la France

Lorsque des élus de la République — Elisabeth Borne en tête — se prononcent pour la non-interdiction des tenues islamistes dans le sport, ils participent à cet assaut insidieux (mais de plus en plus visibles) contre les institutions les plus fragilisées de la République. L’École a été depuis longtemps analysée par les Fréristes comme le maillon le plus faible du système républicain — alors qu’à l’origine, elle en était le fer de lance. Que des soi-disant « pédagogues » se soient prêtés à l’introduction dans la Cité du cheval de Troie islamiste en dit long sur leurs repères, leurs convictions profondes et leur complicité de fait. Qu’ils votent LFI ou plus généralement à gauche prouve assez que nous vivons dans un monde orwellien, où « gauche » signifie désormais « extrême-droite », tout comme l’antisionisme est le faux museau de l’antisémitisme le plus décomplexé.

Seule l’instruction obligatoire, selon les principes de la IIIe République, mettant l’accent sur le lire / écrire / compter, sur l’Histoire réelle et non fantasmée, sur des sciences dures et non mahométanes, peut contrarier la mainmise du fanatisme sur notre École — et, à terme, sur la République tout entière.


Michaël Prazan, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, L’Observatoire, 2025, 200 p.

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  1. https://www.causeur.fr/michael-prazan-la-verite-sur-le-hamas-et-ses-idiots-utiles-305721 ↩︎

Chahinez Daoud brûlée vive: le procès de son bourreau

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Kamel et Djohar Daoud, les parents de la victime Chahinez, dans la salle d'audience avec la présidente de la Fédération nationale des victimes de féminicides, Sylvaine Grevin, lors du premier jour du procès de Mounir B., accusé du meurtre de son ex-épouse. Au tribunal judiciaire de Bordeaux, le 24 mars 2025 © UGO AMEZ/SIPA

En  2021, Chahinez Daoud, 31 ans, est brûlée vive par son mari, Mounir B., après des années de violences conjugales. Malgré ses plaintes et les condamnations antérieures de son agresseur, la police et la justice n’ont pas empêché ce drame, révélant des défaillances institutionnelles majeures. Mais le procès de Mounir B. interroge aussi l’influence de certaines mentalités culturelles favorisant la possession et le contrôle des femmes, un sujet sensible et toujours éludé par crainte d’accusations de racisme.


Le 4 mai 2021, Chahinez Daoud, jeune femme de 31 ans, mère de trois enfants, meurt brûlée vive sur le trottoir d’une rue de Mérignac (Gironde), assassinée de sang froid par son mari, Mounir B. Celui-ci lui a préalablement tiré une balle dans chaque cuisse.

En fait, ce paroxysme dans l’horreur n’est que l’aboutissement d’un long martyre au quotidien.

Chahinez est originaire de Ain Tala, en Algérie, cité proche d’Alger. À dix-sept ans elle est mariée une première fois. Deux enfants naîtront de cette union. Elle a vingt ans lorsque le divorce est prononcé. Elle est alors employée dans une crèche municipale. En 2015, elle rencontre Mounir B, maçon de son état. Originaire du même endroit, il vit en France depuis 1999. Ils se marient en Algérie quelques mois plus tard, puis viennent s’installer en France, à Mérignac où Chahinez donne le jour à son troisième enfant, un garçon.

C’est alors que commence pour elle le long cauchemar d’un quotidien invivable. Son mariage est une prison. Son mari exerce sur elle un contrôle permanent, l’assignant à résidence en dehors de quelques brèves prestations à la cantine de l’école ou dans les services hospitaliers. Elle gagne alors un maigre argent dont, d’ailleurs, elle ne voit pas la couleur, Mounir s’appropriant ses gains, ainsi que le montant des prestations sociales. Toutefois, un jour, se lâchant, elle s’offre un jean slim. Fureur de Mounir qui l’accuse de « s’habiller comme une pute » et tente de l’étrangler. Elle en sort le larynx écrasé à 75%. Le mari prend – pour ce qui pourrait sembler être tout de même une tentative de meurtre – dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis. Derrière les barreaux, il continue de harceler la malheureuse, au téléphone, d’exercer sur elle un contrôle permanent. Néanmoins, et malgré ces faits, il bénéficie d’une remise en liberté anticipée,   assortie toutefois de la fameuse et si souvent illusoire obligation de soins et d’une interdiction d’entrer en contact avec sa femme, interdiction que, bien entendu, il ne respectera pas.

Le cauchemar reprend donc de plus belle. Séquestration dans une camionnette, tentative de strangulation avec un foulard. Chahinez porte de nouveau plainte. Cruel manque de chance, le policier qui la reçoit a été lui-même condamné pour violences conjugales. On ne peut donc en attendre un zèle particulièrement exemplaire pour traiter ce genre de méfaits. Et bien sûr, le harcèlement continue. Entre autres violences, Mounir aurait menacé la mère de son fils de la « renvoyer au bled dans un cercueil ».

D’après les parents de la jeune femme, la citation à comparaître pour la procédure de divorce qu’il reçoit aurait précipité le passage à l’acte. On connaît la suite, le drame, dans toute son horreur. Chahinez qui meurt brûlée vive sur un trottoir…

Et, depuis ce lundi, voici venu le temps du procès du bourreau. Procès derrière lequel s’en profile un autre dont on peut se demander dans quelle mesure il n’a pas pour utilité, dans une certaine mesure, de faire diversion. Le procès de l’État avec en accusée vedette la police.

Il est indéniable que des manquements, un défaut de réactivité, une absence réelle de prise en considération des alertes répétées sont à porter au passif des structures juridico-policières qui ont eu à connaître du calvaire vécu par la victime. D’ailleurs, devant l’horreur du drame, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a demandé à ce que des réformes sérieuses, importantes, soient mises en place. Donc, redisons-le, la responsabilité des administrations compétentes n’est pas douteuse.

Cela admis, il restera à se poser la question de savoir si, face à la monstruosité de tout « féminicide », certaines approches culturelles de la femme et de son statut ne favorisent pas plus que d’autres le syndrome de son appropriation par le conjoint, le compagnon, cette perversion mentale qu’on retrouve dans la très grande majorité de ces crimes odieux. Dans son esprit, dans sa mentalité, ce n’est pas une femme que Mounir exécute, envoie au bûcher, c’est sa femme, son bien, sa propriété.

Les experts psychiatres diagnostiquent chez lui « une paranoïa centrée sur ses compagnes ». Dès lors, même questionnement : y a-t-il certaines approches culturelles, certains usages et mœurs qui, plus que d’autres, pourraient favoriser l’émergence d’une telle paranoïa ? L’enfermement du corps de la femme dans une prison de voile afin de la soustraire au regard de l’homme, ce mâle supposé être perpétuellement en rut et prêt à bondir sur toute personne du sexe qui lui laisserait voir cinq centimètres carrés de ce corps, ne recèlerait-il pas en germe ce travers paranoïaque débusqué par les experts ?

Peut-être le procès du bourreau pourrait-il, sans faire en aucune manière l’impasse sur les responsabilités d’État, permettre une réflexion sur ces questions ? Si possible, sans qu’on se mette à hurler au racisme à peine aura-t-on esquissé le sujet…

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On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou!

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Des manifestants protestent contre le limogeage du chef du Shin Bet, Ronen Bar, et la tentative de destitution de la procureure générale, Gali Baharav Miara, par Benjamin Netanyahu. Jérusalem, Israël, 23 mars 2025 © Nir Alon/ZUMA/SIPA

Intégrera-t-on dans la loi française l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme ?


On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou. En tout cas, pas forcément. Flotte dans l’air1 parlementaire l’idée que pour combattre l’antisémitisme, il conviendrait de l’assimiler à l’antisionisme et qu’une loi devrait être votée qui ne distinguerait plus les deux mais les envelopperait dans la même transgression pénale. Il me semble que ce serait une grave erreur.

Bas les masques !

Parce que pour certains, l’antisionisme est le masque d’un antisémitisme qui se sert de ce prétexte politique pour s’exprimer, il faudrait constituer cette perversion comme une généralité et interdire le débat, les critiques sur la politique israélienne et Benjamin Netanyahou ? Au sujet duquel, d’ailleurs, je n’ai jamais entendu dire de bien.

Tout au plus qu’il n’avait pas un autre choix depuis la barbarie du 7 octobre 2023, ce qui peut évidemment être discuté ; au moins dans la durée de la défense considérée comme légitime contre le Hamas, à Gaza. Ces derniers jours il passe « en force contre l’appareil d’État et dans la bande de Gaza » analyse Le Monde.

J’ai conscience de définir l’antisionisme sur un mode commun, banal – le plus courant – en considérant qu’il s’agit de la contestation de la politique israélienne et de celle de ses dirigeants alors qu’au sens propre le sionisme défend le droit à l’existence de l’Etat d’Israël quand l’antisionisme le lui dénie.

En demeurant dans l’acception ordinaire, cette aggravation pénale réduirait un espace de liberté d’autant plus à sauvegarder qu’il se rapporte à un problème géopolitique infiniment sensible. Et même quasiment ingérable, malgré l’accord majoritaire sur une solution à deux États.

La question géopolitique la plus sensible ?

Il serait désastreux, selon une démarche malheureusement usuelle, de ne pas trouver contre le poison de l’antisémitisme d’autre riposte que d’interdire une opinion, contestable ou non, en tout cas admissible, sur les faiblesses d’Israël, seule démocratie dans cette région du monde.

D’une certaine manière, il convient à la fois de banaliser ce pays et de protéger partout les juifs contre les agressions verbales et physiques qui se multiplient à leur encontre, sans la moindre honte – comme à Orléans récemment.

Parce qu’on ne parvient pas, malgré les efforts menés, à réduire les actes antisémites, on s’imagine pouvoir aboutir à un résultat plus satisfaisant en alourdissant l’antisémitisme d’une charge sans commune mesure avec lui.

D’autant plus que, contrairement à ce qu’on prétend, il est facile, dès lors que l’on est honnête, de distinguer le bon grain d’une critique politique de l’ivraie de l’antisémitisme. Il suffit de se référer à des éléments extrinsèques qui seront de nature, sans la moindre équivoque, à révéler l’état d’esprit de celui qui s’exprime sur ce sujet.

Quand on affirme que l’antisémitisme est « résiduel » en France comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, on a le droit de questionner la pureté de ses diatribes politiques sur Israël, accordées de surcroît avec les ambiguïtés sur la définition du Hamas le 7 octobre 2023.

D’autres en revanche ne laissent pas le moindre doute sur la pureté de leurs intentions quand ils émettent des réserves sur Benjamin Netanyahou et sur la stratégie d’Israël. Il serait dramatique, pour la liberté d’expression et l’utilité des débats géopolitiques, d’être inspiré par la fausse bonne conscience de stigmatiser tout de ce qui peut concerner les Juifs, Israël, le Hamas, Gaza et autres sujets dangereux. On ne vaincra jamais les effets délétères de la liberté en réduisant encore davantage la part de celle-ci. Pour ne rien concéder à l’antisémitisme, ignominie morale, il faut sauver le droit à l’antisionisme, contradiction politique.


  1. « Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme, c’est à la République de protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme. » Tribune collective publiée dans Le Monde le 21 mars 2025 NDLR ↩︎

La vindicte des tricoteuses 2.0 au cœur du procès Depardieu

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Gerard Depardieu et son avocat Jérémie Assous arrivent au tribunal à Paris, 24 mars 2025 © CYRIL PECQUENARD/SIPA

Le célèbre acteur Gérard Depardieu est jugé depuis hier à Paris pour des agressions sexuelles présumées commises sur deux femmes en 2021. Lors de l’audience, son avocat, Jérémie Assous, a plaidé la nullité de la procédure, soulignant que l’enquête avait été menée exclusivement à charge. L’acteur doit s’exprimer aujourd’hui. « Amélie et Sarah, on vous croit ! » Devant le Palais de Justice et dans les médias, les militantes MeToo, nombreuses et déterminées, dénoncent le caractère systémique des violences sexuelles dans le cinéma français. Pourtant, observe Elisabeth Lévy, ces mêmes militantes semblent bien moins promptes à commenter l’affaire tragique du « féminicide » de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari.


J’ai assisté hier au procès de Gérard Depardieu pour agression sexuelle. Je me demande pourquoi. L’acteur n’a jamais été condamné par la justice, mais puisque des dizaines de femmes déclarent dans la presse qu’il est violeur-prédateur, il est déjà condamné à la mort sociale par les médias et les associations. MeToo ne renverse pas la charge de la preuve: avec MeToo, il n’y a plus besoin de preuve. La souffrance des plaignantes suffit. Dire que certaines pourraient mentir ou affabuler, c’est déjà défendre les agresseurs et violeurs.

Un Palais de Justice très couru

Gérard Depardieu est soupçonné d’agressions ou d’atteintes sexuelles supposément commises pendant le tournage des Volets Verts en 2021.

Au Palais de Justice de Paris, c’était l’ambiance des grands jours. Une ambiance assez médiévale, avec des hordes de gens sur le parvis qui attendaient le passage du proscrit… Il y avait plus de monde que pour le procès de Charlie Hebdo.

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Dans la salle, deux camps se regardent en chiens de faïence. Côté partie civile, on trouve la confrérie des victimes avec le gotha du journalisme MeToo, et notamment Marine Turchi de Mediapart en majesté, citée plusieurs fois par la défense de Depardieu comme le vrai conseil des plaignantes. Anouk Grimbert a été expulsée pour ses réactions intempestives. Il y avait aussi Charlotte Arnoux, qui a porté plainte pour viol (mais, il n’y a pas encore de renvoi). De l’autre côté, les acteurs Vincent Perez et Karine Silla sont venus soutenir la star. Et évidemment Fanny Ardant, impériale, qui a confirmé qu’elle témoignera à la barre ce mardi. Gérard Depardieu semble en forme. Amaigri (il a perdu 26 kg selon son avocat), le visage reposé, il n’a pas fait de pitrerie. Mais, il refuse de se battre la coulpe et de demander pardon. Le comédien profère vraisemblablement des grossièretés à jets continus, mais il nie toute agression.  

Il est plaisant de voir enfin un prévenu qui se défend

Le tribunal en décidera, certes. En attendant, qu’un prévenu se défende, c’est nouveau. Jusque-là, dans les affaires MeToo, nous avions toujours observé des hommes qui s’excusaient d’exister et, même s’ils assuraient n’avoir ni violé ni agressé ni contraint personne, ils se comportaient en coupables. Les plaignantes étaient sanctifiées, nul n’osait les contredire et encore moins les critiquer.

Dans ce procès, l’avocat Jérémie Assous a vraisemblablement une autre stratégie. Imposant son tempo, il a plaidé deux heures à l’appui d’une demande préalable de nullité de la procédure, à la fureur des parties civiles Amélie K. et Sarah (un curieux anonymat). Le président a laissé faire, sans doute parce qu’il a de bons arguments. En l’écoutant, on se dit que l’enquête, dirigée par le Parquet sans juge d’instruction, a été menée exclusivement à charge. D’après Me Assous, Gérard Depardieu aurait été placé en garde à vue sur la simple base d’une accusation. Il demande aussi qu’une vingtaine de participants au tournage du film qui n’ont pas encore été entendus soient auditionnés. Cela semble légitime. Le procès se poursuit aujourd’hui, et Gérard Depardieu va enfin prendre la parole. Mais, en attendant, il faut bien dire que les militantes qui font le pied de grue devant les salles d’audience pour huer Depardieu, Polanski ou Nicolas Bedos font froid dans le dos. Elles m’évoquent les tricoteuses qui allaient aux exécutions pendant la Révolution… Excitées par une célébrité à terre, elles sont pourtant beaucoup moins actives pour défendre la mémoire de Chahinez brûlée vive par le mari qu’elle avait quitté.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin