Accueil Politique Montebourg repart au quart de tour !

Montebourg repart au quart de tour !


Photo : jyc1.

C’est un événement qui pourrait paraître microscopique : Arnaud Montebourg a décidé de s’affranchir de l’accord passé entre le PS et EE-Les Verts et présentera donc un candidat de son cru dans la circonscription du Charolais-Brionnais en Saône-et-Loire.

Au-delà de cet épisode qui embrase la politosphère bourguignonne, il aurait lâché que primo il ne se sentait pas engagé par l’accord national de gouvernement passé entre les deux partis, dans la mesure où il aurait été bricolé sur « un coin de table entre les états majors » et que deuxio, le trait tiré brutalement sur le nucléaire le défrisait un peu. Cerise sur le gâteau, il a conclu sa saillie en expliquant qu’il n’avait même pas peur d’être exclu du PS.

Il n’en fallait pas plus pour que les échotiers parisiens voient là le retour de l’Arnaud multipliant les trahisons anti-parti en pleine mobilisation générale comme aux pires heures de la campagne de 2007… Revoilà le mauvais camarade prêt à tout pour faire une bonne blague, le socialiste brillant mais pas fiable, qui flinguera dans le dos son candidat juste par mauvais esprit.

On pourrait ne voir là que petite phrase délibérément amplifiée et déformée par des éditocrates rancuniers, qui n’ont toujours pas digéré le ralliement d’un de leurs chouchous d’antan au patriotisme, au protectionnisme et autres lubies belligènes. Mais il se peut aussi, et c’est un peu notre opinion, que cette tempête dans un verre de mercurey soit le signe précurseur d’un séisme en eaux profondes.

Reprenons, donc. Montebourg s’est hissé à la troisième place de la primaire socialiste en imposant un thème, la démondialisation, mais aussi en revenant sur des conceptions républicaines straight, que la gauche sociétale, amatrice de mariage homo et de vote des étrangers, abhorre. Moyennant quoi, il se rallie à Hollande en ayant la garantie que ses thèmes à lui seront présents dans la campagne. Portés par lui ou par d’autres -si tant est que ce soit possible.

Bilan après deux mois et demi de Hollande comme candidat archifavori de la gauche ? Rien ou presque, mis à part une visite aux ouvriers du Creusot (en Saône et Loire tiens, tiens) et des volte-face à répétition sur le nucléaire, qui dissimulent mal les concessions béantes faites aux Verts. Un brouillard assez confus en terme de propositions : on ne peut pas dire que la démondialisation soit au cœur de du logiciel hollandais : à preuve, Bayrou, pourtant parti de très loin en matière de protectionnisme, n’a eu qu’à se baisser pour ramasser le patriotisme économique…

Mais le coup de pied de l’âne aux démondialisateurs est venu dans les valises de Standard & Poor’s : la France perd son triple A et François Hollande déjà très euro-orthodoxe sur les déficits, fait de sa reconquête à tout prix l’alpha et l’oméga de son action politique. Le candidat considère que cet « échec » de Nicolas Sarkozy est une raison de plus de voter pour lui.

Côté Montebourg, rien n’est en ligne. Comment défendre ses 17% à la primaire dans un cadre bordé à gauche par des écolos nucléophobes et à droite par les agences de notation et la Banque centrale européenne ?
Pour éviter de faire le mauvais camarade autant demander à être exclu du parti, à présenter des candidats contre les Verts imposé par Solferino dans des circos socialistes, ce qui pourrait donner des idées à d’autres camarades, y compris ceux à qui ont a imposé des barons du PS amateurs de saut en parachute. De là à penser qu’il ne fait qu’anticiper le vautrage de Hollande en lançant son propre mouvement politique (chose qui sera faite dans quelques semaines). Arnaud Montebourg le sait : en cas de défaite à la présidentielle, le PS n’échappera pas, cette fois, à l’explosion[1. Ce n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise nouvelle pour ceux qui, comme moi, pensent que le programme de la gauche ne se fait pas à la corbeille, sans être pour autant séduits par l’altermondialisme de caserne de Jean-Luc Mélenchon.]. Et là, comme pour l’euro, mieux vaut préparer en douce sa sortie que de la subir en catastrophe.

Stratégie cynique, diront certains. Mais qu’on aura du mal à blâmer ici. L’aventure c’est l’aventure. Combien sont-ils autour de Hollande à jouer contre le candidat, à ratiociner, à dire on ne va pas gagner comme ça sans oser moufter, de peur de perdre qui un poste de chargé de mission, qui un futur poste de conseiller dans un cabinet fantôme ? Et à surtout ne rien dire de saillant, donc de sensé par peur de se fâcher avec l’entourage, les stratèges, les scruteurs de courbes de sondages.

On se souvient en quelles circonstances Montebourg avait été éjecté, il y a cinq ans, de son poste de porte parole de l’impétrante présidente. D’ici à ce qu’il vienne à penser qu’en 2012, le pire défaut de la campagne Hollande, c’est son candidat…



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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