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Merkel, c’est beau, c’est bon, c’est grand


Merkel, c’est beau, c’est bon, c’est grand

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La victoire d’Angela Merkel est l’occasion, pour la France, d’un de ces grands numéros d’automutilation dont elle est coutumière. Quand je dis la France, il faut s’entendre. Je parle de ceux qui sont persuadés représenter la France, c’est-à-dire un dispositif politico-médiatique qui, depuis Maastricht, ne cesse ne nous présenter la réalité comme un montage idéologique. Ce montage idéologique, technocratique, libéral a pour but de nous convaincre de l’excellence de l’Union Européenne comme zone de libre échange et de concurrence libre et non faussée. Quand on émet quelques réserves sur le sens de l’Histoire vu par Bruxelles, on nous répond que jamais l’Europe n’a connu de si longue période de paix et que l’on devrait avoir honte d’oublier les horreurs du passé.

On observera bien sûr un silence pudique sur la dissolution sanglante de l’ex-Yougoslavie, – où d’ailleurs l’Allemagne a fait cavalier seul en soutenant dans le dos du Conseil européen l’indépendance de la Croatie -, la guerre au Kosovo, le bombardement de Belgrade. Après tout, ces gens-là étaient-ils européens ? Non, ils étaient surtout communistes et ça, c’est très mal. Les plus communistes de tous étaient les Serbes et même si ce fut le seul peuple de la région à opposer une résistance au nazisme et à ne pas avoir créé de divisions SS locales pour aider le grand Reich, ils furent les plus punis. La preuve, aujourd’hui encore les Serbes attendent à la porte du paradis de l’UE alors que les Croates, certes sans enthousiasme, viennent d’entrer, tout contents de retrouver leurs amis Allemands.

L’Allemagne, donc, est un modèle. Dites-le vous une fois pour toutes. La France, enfin cette partie dépressive de la France qui renonce à un destin au nom d’une sortie de l’Histoire par la porte de la Commission, comme pour s’en convaincre-elle même, vous explique à quel point ce qui se passe de l’autre côté du Rhin est admirable, adorable, que c’est le prototype, que dis-je l’archétype de ce que devrait être l’Europe. Cette propagande négative est tellement lourdingue que même Le Monde se demande si la victoire de Merkel signifie que l’on entre dans une Europe Allemande ou dans une Allemagne européenne.

À vrai dire, quelle importance ? C’est bien pour vous, on vous dit. Prenez un peu de bon sens protestant, que diable ! Ayez les pieds sur terre, Français ! C’est étrange, ces Latins qui ont inventé la raison, qui ont Descartes dans leur patrimoine et qui ont toujours la tête aux bêtises, à la rêverie de grandeur. Ce genre de reproche a d’ailleurs quelque chose de tragiquement comique ou de comiquement tragique quand on sait qu’en matière de songe héroïque et brutal qui vire à l’horreur, ce n’est pas la France qui a fait le plus parler d’elle au siècle dernier.

Mais bon, apprenez à devenir allemands. En devenant allemands, vous serez heureux. La preuve, les Allemands sont contents d’être Allemands, sinon ils n’auraient pas reconduit Angela Merkel de manière triomphale comme on lit partout dans les gazettes. Triomphale mais pas majoritaire. Eh oui, c’est étrange mais madame Merkel n’est pas majoritaire. D’ailleurs, la majorité en voix et en sièges, elle est même à gauche si on additionne les suffrages obtenus par le SPD, les Verts et Die Linke. Mais rassurez-vous, la gauche, ça ne veut plus rien dire en Allemagne. Le SPD n’imagine même pas une coalition avec Die Linke, ces cryptocommunistes nostalgiques de la DDR, ces pouilleux rouges mélenchonistes façon pumpernickel. Le SPD a une longue tradition de trahison du mouvement ouvrier, en même temps. En 1918, c’est le socialiste Noske qui écrasa la commune spartakiste de Berlin et massacra les admirables figures de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. Et aujourd’hui, l’ordolibéralisme merkelien peut se déployer sur le socle créé par Gerhard Schroeder qui était au socialisme ce que la saucisse de Francfort est à celle de Morteau et qui a fini son heureuse carrière en fumant des cigares dans les locaux directoriaux de Gazprom.

Et surtout n’essayez pas de résister. D’évoquer la démographie allemande en berne, la femme qui reste au foyer comme à l’époque des trois K, le taux d’abstention à ces dernières élections, les gens payés avec des salaires bangladeshies à deux euros de l’heure. Les  chiffres sont là, incontestables quand bien même ils seraient donnés par ces baromètres qui indiquent l’heure que sont le PIB, le taux de chômage ou la balance du commerce extérieur. Ils sont meilleurs en France qu’en Allemagne donc les Allemands sont plus heureux.

N’objectez pas que vous avez une autre histoire, que vous avez dû mener des guerres coloniales quand eux avaient le temps de construire des BMW, que vous avez dû consentir et que vous devez consentir à un effort de défense énorme qui a d’ailleurs permis de faire la guerre au Mali contre l’islamisme pendant que  Berlin donnait des leçons de rigueur à Paris, que vous êtes implicitement le parapluie nucléaire de l’Europe, c’est peine perdue.

En attendant, moi, je suis indécrottable, je préfère rester français.

Même si par les temps qui courent, c’est baroque et fatigant.

*Photo: fdecomite. 



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