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Le Pakistan, le « Pays des Purs»?

Paris recommande à ses ressortissants de quitter le pays


Le Pakistan, le « Pays des Purs»?
Partisans du parti islamiste Tehreek-e-Labbaik, Lahore, Pakistan, le 18 avril 2021 © Rana Sajid Hussain/Pacific Press/Shutterstock/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40843646_000030

Face aux attaques contre la France et sa liberté d’expression, une stratégie uniquement défensive est vouée à l’échec: il faut contre-attaquer, sur les plans culturel, juridique et même militaire. Analyse


On sait depuis longtemps que l’obsession de la pureté conduit toujours à l’horreur. On sait aussi que le Pakistan est un cas « chimiquement pur » de « séparatisme islamique » : d’abord colonisation de l’Inde par les armées de l’islam, puis séparatisme au sens le plus littéral du terme, et maintenant place forte (parmi d’autres) de l’impérialisme islamique.

Ce pays est la base arrière des Talibans. Ce pays était le refuge d’Oussama Ben Laden. C’est aussi le pays où Asia Bibi a été condamnée à mort pour avoir, chrétienne, bu l’eau d’un puits réservé aux adeptes de la religion « de paix et de tolérance », et n’a été sauvée que grâce à une extraordinaire mobilisation internationale. La haine anti-française se fait de plus en plus intense au Pakistan, et de plus en plus visible, au point que plusieurs policiers sont morts ou ont été enlevés dans le cadre de manifestations anti-blasphème et anti-France. Le Quai d’Orsay recommande maintenant à nos ressortissants de quitter le pays.

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La « ministre des droits de l’Homme » (!) du Pakistan écrivait fin 2020 sur Twitter que « Macron fait aux musulmans ce que les nazis infligeaient aux juifs ». Le premier ministre Imran Khan a récemment déclaré, toujours sur Twitter : « J’appelle les gouvernements occidentaux qui ont interdit la négation de l’Holocauste à utiliser les mêmes principes pour condamner juridiquement ceux qui diffusent délibérément des messages de haine envers les musulmans via les injures faites à notre Prophète. » Le tout après des tweets évoquant l’islamophobie, le racisme anti-musulmans, et le fait que 1,3 milliards de croyants exigeraient les excuses de ceux qui insultent le prophète qu’ils aiment et portent dans le cœur. On dirait presque un condensé d’éditoriaux du New York Times et de tribunes de Médiapart !

Haine anti-française et comparaisons avec la Shoah

On voudrait en sourire, mais ce serait oublier l’influence de telles déclarations jusqu’en France, oublier que lorsqu’Imran Khan affirme « qu’il viendra un moment où les Occidentaux y réfléchiront à deux fois avant de manquer de respect au prophète » il dispose de l’arme nucléaire, que son pays a des liens avérés avec le terrorisme jihadiste, et une diaspora à l’incontestable pouvoir de nuisance – l’horreur des « grooming gangs » en constitue une terrible illustration (en même temps qu’elle montre l’abjection morale du soi-disant « antiracisme progressiste » qui a conduit à longtemps cacher ces crimes).

On pourrait évoquer les turpitudes de la politique intérieure du pays, ou sa volonté d’exister au sein du monde musulman en brandissant la bannière de l’honneur du Prophète. On pourrait analyser point par point les déclarations d’Imran Khan : l’indécence de la comparaison avec la Shoah, la fameuse « islamophobie », la fiction du « racisme anti-musulman », par définition impossible puisqu’une religion est une croyance et un choix, et non une caractéristique « raciale » c’est-à-dire génétique, et ainsi de suite. Mais ce serait se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt : ces attaques du Pakistan contre la liberté d’expression s’inscrivent dans un mouvement bien plus vaste, et bien plus inquiétant.

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D’abord de la part du monde musulman, qui rêve d’imposer le délit de blasphème et une censure planétaire par le biais du droit international – c’est même l’un des principaux combats de la Ligue Islamique Mondiale comme de l’Organisation de la Coopération Islamique. Ensuite par le mouvement woke et sa « cancel culture », désormais dominante dans une grande partie du monde anglo-saxon, et qui hélas ne nous épargne pas. Par la modération de plus en plus ouvertement militante des réseaux sociaux. Enfin par nos propres lois mémorielles, dont l’instrumentalisation contre le remarquable historien Olivier Pétré-Grenouilleau suffirait à prouver qu’elles sont intrinsèquement problématiques.

Face à ces attaques répétées, permanentes même, se contenter de défendre la liberté d’expression ne saurait être suffisant : toute posture exclusivement défensive est vouée à l’échec, les vagues finissent toujours par ronger la falaise. Il faut contre-attaquer, et sur plusieurs fronts. J’en vois sept.

Le premier, proclamer la liberté d’expression comme un objectif à étendre au monde entier, car elle ne s’oppose pas à la liberté de conscience et de pensée, mais en est au contraire la condition concrète. On ne peut véritablement penser que ce dont on peut débattre, et on ne peut débattre que de ce que l’on peut dire, y compris pour le contredire. Il doit bien sûr y avoir des limites, en particulier l’incitation aux véritables crimes, mais toute borne mise à la liberté d’expression est en soi une chose grave. Soyons fiers d’avoir pour idéal la vitalité intellectuelle et la liberté paisible que Tacite attribuait aux règnes de Nerva et Trajan : « Bonheur d’une époque où l’on peut penser ce que l’on veut, et dire ce que l’on pense. » Les Occidentaux n’ont pas à rougir d’être les héritiers des Césars.

La France doit se trouver des alliés

Le second, utiliser cette liberté ! Ce n’est pas tout de dire que la liberté d’expression est nécessaire au plan théorique, si nous n’en faisons pas usage nous finirons par la perdre. Provoquons, caricaturons, blasphémons ! On peut préférer débattre de manière mutuellement respectueuse, seulement voilà : s’astreindre à respecter la susceptibilité d’autrui, c’est donner aux plus susceptibles le pouvoir de décider arbitrairement des limites du débat, et c’est donc empêcher tout débat puisqu’il y aura toujours des gens qui considéreront toute critique, si courtoise et argumentée soit-elle, comme une insulte. De même qu’il faut régulièrement tailler une haie, il faut régulièrement dire ce que certains voudraient que l’on ne dise pas, sous peine de laisser s’étendre le domaine déjà bien trop vaste de ce qu’il ne faut pas dire. #JeSuisCharlie Mais attention ! Ne laissons pas croire ou faire croire que la liberté d’expression se réduirait au droit de dessiner un personnage historico-mythologique en train de se faire enc…. : si ce n’est que ça, pas étonnant que beaucoup se disent qu’après tout, on peut bien y renoncer. Nous devons impérativement défier les tabous aussi par la beauté et l’élégance, en proclamant la célébration de la liberté par la beauté et l’élégance, dans la tradition des blasphèmes héroïques d’Homère, de la sensualité des drapés antiques, de la ferveur des vers de Sappho, de l’insolence de certaines enluminures médiévales et de l’irrévérence de Molière. La plume de Hugo ou le pinceau de Delacroix trouveraient bien des manières de s’opposer à la pudibonderie maladive de Facebook, aux susceptibilités sans cesse plus nombreuses des woke, ou aux innombrables interdits absurdes de l’islam, notamment en matière de musique et de représentations figurées.

Le troisième, chercher des alliés. Qui que vous soyez, il existe quelqu’un, quelque part, qui est offensé par les convictions auxquelles vous tenez, par ce que vous admirez, ou par ce qui vous fait rire. Par conséquent, qui que vous soyez, vous êtes susceptible d’être victime de la censure. Et où que vous soyez, viendra le jour où les woke et les islamistes tourneront leur regard vers vous. Il nous faut nous adresser à ceux qui ont soif de liberté au sein du monde arabo-musulman, dont l’exemple est une inspiration et une mise en garde, il nous faut parler avec les religions autres que l’islam, et notamment les instances bouddhistes ou l’Eglise Catholique. On sait l’ambiguïté d’une trop grande partie de son clergé sur le sujet, à commencer par le Pape. Et pourtant ! L’Eglise ferait bien de se souvenir que les arguments que l’on lit aujourd’hui sous la plume d’Imran Khan, de la LIM ou de certains sociologues bien-pensants sont très exactement ceux qui ont été utilisés contre le Pape Benoît XVI suite au discours qu’il prononça à Ratisbonne, il y a déjà 14 ans, discours qui n’avait rien d’injurieux ni de vulgaire, mais constituait une analyse de type universitaire, raisonnée, argumentée et de très haute volée.

Le quatrième, retourner les arguments de nos ennemis contre eux. Voilà la contre-attaque à proprement parler. Un dessin du prophète de l’islam serait un blasphème ? Mais l’islam tout entier est un blasphème ! Le Coran passe son temps à blasphémer contre toutes les autres religions, à insulter leurs fidèles, et à appeler à les haïr – avec hélas un incontestable et sanglant succès. « Les associateurs (polythéistes et chrétiens trinitaires) ne sont qu’impuretés » (s9v28), « l’association est plus grave que le meurtre » (s2v191) « Ce sont certes des mécréants ceux qui disent « En vérité, Allah c’est le messie, fils de Marie » (….) Quiconque associe à Allah, Allah lui interdit le Paradis, et son refuge sera le Feu ! » (s05v72) « Les Juifs disent « Uzayr est fils d’Allah » et les Chrétiens disent « le Christ est fils d’Allah ». (….) Qu’Allah les anéantisse ! » (s9v30) On pourrait continuer longtemps. Sans oublier que le Coran présente le Dieu Suprême comme un tyran arrogant, capricieux, d’une susceptibilité infantile, imposant des lois arbitraires, égocentrique au point de considérer qu’il est plus grave de vénérer quelqu’un d’autre que de massacrer des milliers d’innocents. Voilà ce qui s’appelle blasphémer, et dans les grandes largeurs ! Il faudrait criminaliser le blasphème ? Soit, mais alors dans ce cas commençons par criminaliser toute diffusion des textes sacrés de l’islam.

Gare au droit supranational

Le cinquième, juger sans hésiter ceux qui prétendent nous juger, dénoncer les turpitudes des donneurs de leçons. C’est vrai des woke qui se choisissent pour égéries une marxiste multi-millionnaire là, une famille de délinquants et un célèbre violeur ici, et des antisémites partout. C’est vrai des pays dont la constitution et les lois sont bâtis sur la « religion de paix et de tolérance » et qui criminalisent l’apostasie, donc la liberté de conscience : voilà bien un point sur lequel nous devons les condamner sans réserve, et qui devrait les mettre au ban de toute assemblée se voulant civilisée. La diplomatie et le réalisme imposent parfois de traiter avec les barbares, pas d’enseigner qu’il faudrait considérer leurs petits tabous comme des demandes raisonnables, n’en déplaise à ceux qui préfèrent le profit à la civilisation et sont prêts à toutes les compromissions au nom des affaires. Léonidas ne s’est pas soucié de commercer avec Xerxès, ni Churchill avec Hitler.

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Le sixième, prendre au sérieux le front du lawfare, la guerre juridique. Nous avons encore trop souvent des instances internationales une vision totalement biaisée, rémanence d’une époque où elles étaient habitées par un certain idéal hérité de l’Occident qui les avait créées. Mais quand on voit que l’ONU vient d’élire l’Iran et le Pakistan à sa Commission des Droits des Femmes, tout est dit ! N’oublions pas non plus qu’elle avait déjà admis l’Arabie Saoudite et le Soudan au sein de son Conseil des Droits de l’Homme, CDH qui, comme le disaient entre autres Elisabeth Badinter et Elie Wiesel dans une remarquable tribune publiée en 2008, est « devenu une machine de guerre idéologique à l’encontre de ses principes fondateurs. » Il suffit de la lire pour se convaincre du danger que le droit surpanational représente désormais pour nos libertés fondamentales, et donc de l’urgence de remettre en cause notre dépendance à ce droit qui nous échappe de plus en plus.

Le septième enfin, sécuritaire et militaire. Ne nous leurrons pas : s’ils en ont un jour le pouvoir, les inquisiteurs woke comme les fous d’Allah n’hésiteront pas une seconde à nous imposer leur idéologie et leur censure par la force, c’est ce qu’ils font déjà partout où ils en sont capables. Les manœuvres militaires turques contre la Grèce, les appels de certains prédicateurs pakistanais à frapper la France du feu nucléaire, la main-mise « progressiste » sur les réseaux sociaux, et j’en passe, sont des menaces géostratégiques majeures auxquelles nous ne pourrons répondre que si notre souveraineté est garantie, y compris par les armes.

Les mêmes personnes ne pourront pas se battre sur tous les fronts, ne serait-ce que parce qu’il serait difficile de concilier l’éloge de la liberté d’expression et le retournement des arguments de nos ennemis pour les censurer, eux ! Former des alliances n’en est donc que plus important, sans jamais perdre de vue l’objectif final, et sans jamais céder aux tentatives d’intimidation qui ne manqueront pas d’arriver. Voilà à quoi nous devons nous consacrer, par-delà les vieux clivages qui, face à de telles menaces, n’ont plus de raison d’être.




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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