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Je suis un peu perdu, Le Figaro vote Macron


Je suis un peu perdu, Le Figaro vote Macron
Emmanuel Macron au siège du Medef, février 2016. SIPA. 00742927_000034
Emmanuel Macron au siège du Medef, février 2016. SIPA. 00742927_000034

C’est peu dire que lundi matin j’ai été surpris par l’éditorial d’Alexis Brézet, patron du Figaro. Comment comprendre que quelqu’un qui a tenu une ligne si courageuse sur les questions dites « sociétales » notamment au moment de la loi Taubira, appelle à voter Macron, chantre de la PMA pour toutes et mol adversaire de la GPA, comme l’a rappelé l’autre jour Sylviane Agazinski dans ce même journal ? Comment peut-il refuser de voir que ce deuxième tour pose une question de civilisation et non pas d’abord de simple politique économique ? Ai-je mal lu ?

Les noces du Figaro

Je relis : « Bien sûr, entre la grippe et le choléra, entre la poursuite du déclin hollandais et la catastrophe immédiate – politique, sociale et financière – que serait une sortie unilatérale de l’euro, le choix va de soi. Le projet économique de Marine Le Pen est suffisamment insensé pour dissuader de voter pour elle quiconque serait tenté de le faire pour d’autres raisons.» Alexis Brézet étant certainement un homme d’honneur, doué d’honnêteté intellectuelle, il ne peut être déterminé par des intérêts de carrière. Alors, comment comprendre ce qui m’apparaît être une grave incohérence intellectuelle et morale ? Je continue à chercher. Est-il attaché à ce point à François Fillon qu’il veuille suivre à tout prix sa consigne de vote ?

Alexis Brézet tance pourtant sans ménagement le candidat défait qui s’est révélé, somme toute, un vrai chiraquien en appelant à voter pour son adversaire encore hier honni: « Ne nous y trompons pas : un homme a perdu, victime de ses propres faiblesses, de ses erreurs… » Et de poursuivre : « Mais ses idées n’ont pas été disqualifiées pour autant : c’est cette synthèse libérale-conservatrice qui en dépit de tout, et souvent en dépit de lui-même, a permis à Fillon de tenir dans la tempête ».

Le porte-feuille d’abord?

Ma surprise doit être le signe de ma grande naïveté. Ce que j’ai pris pour une incohérence n’est peut-être en réalité que le déploiement de la logique « libérale-conservatrice » chère à Alexis Brézet. Mais comment interpréter cette expression ? Est-ce un conservatisme libéral ou un libéralisme conservateur ? Et puis, que s’agit-il de conserver et selon quelle hiérarchie ? Manifestement, cette synthèse est ultimement mesurée par le critère économique puisque celui-ci a le pouvoir de disqualifier toutes les « autres raisons » de voter Le Pen ou même de s’abstenir. Je saisis enfin la cohérence qui m’avait dans un premier temps échappée. Il s’agit sans doute de conserver en priorité son patrimoine et ses intérêts économiques ; et si ceux-ci exigent de sacrifier telle ou telle raison « sociétale », nous savons désormais que le directeur du Figaro ne mégotera pas.

Ce deuxième tour est une expérience cruciale révélatrice des pensées profondes de nombre de personnalités dites de « droite » ou « conservatrices ». Le voile se déchire sous mes yeux effarés et décidément bien candides. Ce que je croyais être un engagement dans un combat civilisationnel n’est en réalité qu’une variable d’ajustement d’un combat beaucoup plus fondamental et impérieux, celui pour une libéralisation du marché, une relance de la croissance, la défense de la zone euro, etc. Et donc de son corollaire objectif : « l’individu total » du libéralisme enfin réconcilié dans ses deux versants, économique et sociétal. Si j’ai un dernier doute quant à la pertinence de ma découverte, la lecture du papier de Nicolas Baverez, juste en dessous me l’enlève définitivement. Les litanies hebdomadaires à la Sainte Dérégulation et à la Bienheureuse Transition numérique et robotique sont bien récitées. Comment ai-je pu être aussi aveugle et croire que Le Figaro allait poursuivre le combat de civilisation contre François Hollande, Emmanuel Macron et leurs officines ? L’âme de la France peut attendre ; pas les valeurs boursières.



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est philosophe et auteur de Les lendemains du mariage gay (Salvator, 2012).

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