Lana Del Rey : Ultravibrante


Lana Del Rey : Ultravibrante

Lana del rey ultraviolence

Jean-Pierre Mocky déclarait récemment dans les pages du Figaro (daté 24 juin) : « Les jeunes actrices sont un peu popotes. En plus, elles se ressemblent toutes ». On pourrait dire la même chose des jeunes chanteuses, ces Lady Gaga, Miley Cirus, Britney Spears, Rihanna, certes un peu plus puputes que popotes mais toutes pareillement semblables les unes aux autres. Non, vraiment, Lana Del Rey est la seule popstar crédible de sa génération, quand ses consœurs se recyclent en pornstar dès le premier glissement de terrain. Mais alors, si les jeunes actrices se ressemblent ainsi que les jeunes chanteuses, la question se pose : les jeunes femmes se ressemblent-elles toutes aujourd’hui ? En réalité, et Mocky le dit : « La plupart ne sont pas des femmes libres. Bardot était unique ». Lana Del Rey l’est aussi, unique. Une Garbo de la pop. Une Vouivre mélancolique et suave. Un rubis dans une mare ensorcelée du bocage vendéen global qu’est devenue l’industrie du disque. Une divine sauvageonne. Tout ce que les hommes sensibles à l’art aiment. Jayne Mansfield l’avait dit : « Les hommes veulent des femmes roses, sans défense et qui respirent en gonflant la poitrine ». Ils veulent sentir le feu d’une voix braisée leur déclarant ingénument : « They say I’m too young to love you, I don’t know what I need ». Ils veulent le retour de la fraîcheur de vivre ! Il était donc urgent que Lana Del Rey publie son nouvel album : Ultraviolence.

Dès les premières notes du morceau d’ouverture, nous voici téléportés dans le bourbier fantasmagorique de Twin Peaks, la série culte de David Lynch fardée d’esthétisme fifties. Mais ce n’est encore rien en comparaison de ce qui attend l’auditeur plus loin avec le climax du disque, « Brooklyn Baby », aux faux airs de la Kate Bush japonisante des débuts. Une chanteuse n’avait plus autant vrillé le cœur humain en prononçant le mot « baby » depuis… Billie Holiday ! Et après quelques autres réjouissances troublantes, dont le parfaitement dépoitraillé « Money Power Glory », l’album se termine par une reprise de « The Other Woman », titre de Jessie Mae Robinson immortalisé notamment par Sarah Vaughan, Nina Simone et Jeff Buckley. Autant de rémanences douces à l’existence en 2014.

Enregistré à Nashville, Ultraviolence brille par sa production organique teintée de blues fêlé dans les entournures, signée Dan Auerbach (guitariste et chanteur des Black Keys). « Je ne sais pas si je suis dingue mais j’ai l’impression qu’on est en train de faire un superdisque » confiait le musicien tard le soir à sa nouvelle muse pendant les sessions d’enregistrement. On n’imagine pas un tel enthousiasme dans les studios français : « Vanessa, je ne sais pas si je suis dingue mais j’ai l’impression qu’on est en train de faire un disque encore plus sympa que le dernier Renan Luce »… « On en parlera demain Benjamin, je dois récupérer mon fils à l’école, il est déjà 15H10, l’atelier Goûter citoyen se termine dans 20 minutes ».
Ceci dit, Dan Auerbach a entièrement raison : Ultraviolence est un superdisque, ultra beau, ultra vivant et vibrant, bien plus que la plupart de ceux qui aspirent à nous faire danser ou qui utilisent l’argument de l’émotion à fleur de peau (La Bande à Renaud) voire le progressisme à fleur de peau (Conchita) pour tenter de nous convertir.

Cette nouvelle livraison de Lana Del Rey s’impose d’emblée comme un grand album et deviendra probablement un futur classique pour les chanceux pourvus d’une âme dépassant les misérables 21 grammes de la condition humaine de masse.

Disque idéal en tout cas pour une virée nocturne sur la Côte Ouest (Malibu ou La Baule, selon l’humeur), quand le ciel vire au velours bleu-noir.



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est l'auteur de nombreux ouvrages biographiques, dont Jean-Louis Murat : Coups de tête (Ed. Carpentier, 2015). Ancien collaborateur de Rolling Stone, il a contribué à la rédaction du Nouveau Dictionnaire du Rock (Robert Laffont, 2014) et vient de publier Jean-Louis Murat : coups de tête (Carpentier, 2015).

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