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La réderie du marquis

Les Dessous chics


La réderie du marquis
© D.R.

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Je te préviens tout de suite, lectrice adorée : il y aura deux « d’abord » dans cette chronique. Je sais, ce n’est ni élégant, ni correct mais bon… On ne peut pas toujours être parfait. (Parfois, ça me fatigue.) D’abord, oui, disais-je ; commençons par un rectificatif, une précision plutôt relative à mon dernier prône dominical. Dans celui-ci, j’indiquais que le peintre Marc Deudon allait exposer une cinquantaine de toiles dans les locaux de la Société d’Horticulture d’Amiens, 58/60, rue Le Nôtre, à Amiens, les 7, 8 et 9 juin ; j’indiquais aussi que le vernissage de l’événement était prévu le vendredi 6 juin, de 18 heures à 21 heures. Or, la formulation employée pouvait laisser entendre que le vernissage était ouvert à tous ; il n’en est rien. Il faudra disposer d’une invitation pour accéder au champagne, aux petits fours et autres délicieux plaisirs. Dont acte.

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Second « d’abord » ; je voudrais vous entretenir, dans la présente chronique, du fait que j’ai moi aussi, exposé, dimanche dernier, à la réderie du faubourg de Hem, mon quartier à Amiens. « D’abord… », me diras-tu, lectrice de Perpignan, de Montauban (on ne devrait jamais quitter Montauban), de Viry-Noureuil (dans l’Aisne, où mes parents se sont mariés en sortir de la Deuxième guerre, les Fritz venaient de partir, etc., etc.), « … marquis (N.D.A. : c’est ainsi que me surnomment les lectrices et lecteurs de mon prône), qu’est-ce qu’une réderie ? » Sache, lectrice maintenant édifiée, qu’il s’agit, en langue picarde, d’une brocante, un marché aux puces, un vide-grenier. (Le terme est surtout utilisé dans la Somme.) À mon grand désespoir, je me suis donc levé à cinq heures du matin, moi qui répugne à me lever tôt, et voue une sainte horreur à l’aube et tout le toutim. (« Un matin, ça ne sert à rien… », chantait, je crois, Jean-Jacques Goldman. Comme il a raison.) Mon amour, ma Sauvageonne, elle, m’a battu ; elle est sortie du lit à 4h45. (Mais elle n’a aucun mérite ; fille de gendarme et petite-fille de commandant de gendarmerie, elle est pimpante dès les premières heures du jour, comme si le clairon militaire venait de sonner.) Ainsi, dès 7 heures, nous étions à notre stand à attendre le client.

De chaque côté, nos charmants voisins : à droite, Béa et Tio Guy ; à gauche, Aurore et Stéphane. La sauvageonne proposait des vêtements et des tableaux-cadeaux, hymnes aux prénoms, qu’elle réalise (en plus de ses belles toiles) au fil des années ; moi, des livres, des vêtements et quelques menus objets parfois encombrants. Vers midi, une petite faim s’est pointée ; j’ai couru au kébab situé à l’angle de la rue Robert-Lecoq et de l’avenue Louis-Blanc, établissement récent que je ne connaissais point. J’ai commandé des sandwiches américains, merguez, sauce samouraï. Il y avait la queue. (L’homme des réderies, c’est connu, a un bon coup de fourchette !) Beaucoup de monde, trop de monde ? Peut-être. Le personnel semblait très occupé. Revenu à notre stand, nous nous sommes rendu compte que nos dits-sandwiches possédaient le pain, les frites et la sauce mais pas les merguez. J’y suis retourné ; j’ai expliqué mon cas. La dame, très sympathique, n’a fait aucune difficulté pour me refaire nos américains, cette fois lestés des très attendues merguez. Le temps était splendide ; j’ai discuté avec de nombreux lecteurs-acheteurs de ma connaissance. J’ai eu le plaisir de donner un essai sur la franc-maçonnerie à un monsieur qui ne savait ni lire, ni écrire, mais qui pouvait épeler. J’ai même sorti une bouteille d’un rosé gris, frais et délicieux qui nous régala. Tio Guy m’offrit une bière. La journée fila comme le collant couleur chair d’une dame mûre non épilée. Vers la fin, de gros nuages couleur perle firent leur apparition ; ils eurent l’élégance de ne point éclater afin de ne pas gâcher la jolie réderie du marquis. Que demander de plus ?



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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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