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La Belle Européenne


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Librement inspiré de La Belle Hélène et quelques autres chefs-d’œuvre de Jacques Offenbach, avec les contributions gracieuses de Gioacchino Rossini, Richard Wagner, Giuseppe Verdi, Georges Brassens, André Montagnard.

L’adaptation est de Luc Rosenzweig.

Les personnages (par ordre d’entrée en scène) :
Alinminque (le Grand Augure), Trichet Larigueur (le Grand Argentier), Angela (reine de Germanie), Moudize, Fitche et les jumeaux Standard & Pourz (vautours de compagnie de la reine), Zapatero (roi d’Espagne) et son épouse, Berlusconi (roi d’Italie), Cameron (roi d’Angleterre), Nicolas (roi de France), Vladimir (tsar de toutes les Russies).

Les chœurs :
Chœur des riches : composé de Bavarois(es) et de Tyrolien(ne)s en costumes folkloriques, de Hollandais(es) aux joues rebondies, d’un couple de Finlandais tout nus sortant du sauna et se fouettant mutuellement avec des branches de bouleau[1. Cette tenue dénudée est prévue en cas de sélection du spectacle pour le Festival d’Avignon 2012. S’il est joué au Palais des papes, les Finlandais urineront et défèqueront sur la scène. Sinon, ils seront habillés en Finlandais, c’est-à-dire comme vous et moi.], et d’un Luxembourgeois se cachant derrière les autres.
Chœur des pauvres : quelques evzones grecs à la fustanelle en loques, Nana Mouskouri en fauteuil roulant, Linda de Suza avec une valise en carton, un groupe de rouquins et rouquines assis sur un tonneau de Guinness.

Ouverture : Celle de La Gazza ladra de Gioacchino Rossini, dans la version orchestrée pour Orange mécanique de Stanley Kubrick.

Le rideau s’ouvre sur le grand salon de l’Hôtel Normandy, à Deauville, où le roi de France a invité ses pairs à une grande réunion festive et financière.

Scène 1
Aliminque, Trichet Larigueur.

Trichet Larigueur : Tiens, vous ici, Grand Augure ! Les rois n’ont pas encore compris qu’à trop vous écouter, ils allaient se retrouver en chemise ! Vos prédictions sont aussi fiables que des sondages albanais… mais peu importe, l’heure est grave et les rois nous ont confié la responsabilité d’accueillir la reine de Germanie. J’aurais pu m’acquitter seul de cette tâche, car la reine Angela a pour ma modeste personne une estime indéniable. Moi seul peux la persuader de délier les cordons de sa bourse !
Alinminque : La ramène pas trop, Grand Argentier de mes deux ! Tu connais la dernière blague qui court à Bruxelles ? Il paraît que les Grecs ont confondu ton prénom avec l’impératif du verbe tricher ![access capability= »lire_inedits »] On me dit que ta cote à Berlin suit la courbe de l’action « Carrefour » : elle plonge, mon cher Trichet, elle plonge ! Alors, quand il y a le feu, je réponds toujours présent…
TL : On devrait imposer une taille minimum pour les Grands Augures, comme pour les gardes républicains, sinon ça fait pas sérieux !
A : Je suis p’têt pas très grand, mais je peux encore te mettre mon poing dans la gueule !

Ils sont sur le point d’entamer une rixe, lorsque l’on entend un bruyant remue-ménage à l’extérieur.
TL : Quels boulets, ces Allemands ! Toujours à l’heure, et même en avance !

A : On n’a même plus le temps d’une petite baston entre copains : Ô tempora, ô mores !
(Ils remettent de l’ordre dans leurs vêtements)

Scène II
La reine Angela et ses vautours, Alinminque, Trichet Larigueur, les chœurs.
La reine Angela fait son entrée au son de La Chevauchée des Walkyries. Ses vautours la précèdent en escadrille.
Angela : Donnerwetter ! C’est quoi, cette farce ? Où sont les rois ? L’heure, c’est l’heure, avant l’heure, c’est pas l’heure, après l’heure, c’est plus l’heure ! Et vous, les deux guignols, qu’avez-vous à rester les bras ballants ? Allez me chercher cette bande de bras cassés et schnell !
A et TL : Prenez place, Majesté, nous courons sans délai les quérir ! Ils ne sont pas très loin. En attendant, daignez vous divertir en écoutant les chants mélodieux des peuples européens composés tout exprès pour vous accueillir !
(Angela, l’air furibard, prend place dans le plus beau des fauteuils, et ses vautours viennent se percher derrière elle. Alinminque et Trichet Larigueur se dirigent en courant vers le Casino Barrière où les rois sont en train de flamber leurs derniers euros).
Le chœur des riches (sur l’air de Maréchal, nous voilà !) :
Angela, nous voilà !
Devant toi, la reine de la finance
Nous savons, c’est extra
Que tu sais redonner la confiance !
Angela, nous voilà
Tu nous as redonné l’espérance
La richesse reviendra !
Angela, Angela nous voilà !
Angela : Wunderbar !
Le Chœur des pauvres (sur l’air de Je chante avec toi liberté, nanamouskourisation du Chœur des esclaves de G. Verdi) :
Quand je chante, je chante avec toi pauvreté
Et je pleure car j’ai beaucoup de peine
Et je tremble de froid dans ma pauvreté
Sans joie et mes larmes sont vaines
Pour nous c’est toujours la galère
Quand je chante, je chante avec toi pauvreté
Toi seule peux soulager la misère !
Angela : S’ils croient m’attendrir avec leurs jérémiades, ils se fourrent le doigt dans l’œil ! (Les vautours approuvent en poussant de petits cris aigus.)

Scène III
Angela, les rois, Alinminque, Trichet Larigueur, l’épouse de Zapatero.
A et TL : Majesté, voici les rois !
Angela : C’est pas trop tôt !
(Les rois font leur entrée un à un, présentés par les deux chœurs réunis sur l’air de L’Entrée des rois de La Belle Hélène)

Cet hidalgo qui s’avance, go qui s’avance
C’est Zapatero, et c’est un socialo
Il a beaucoup de prestance, coup de prestance
Comme un beau torero
Mais son escarcelle est vide, il n’a plus un peso
Mais c’est Zapatero, et c’est un hidalgo

Il est passé par Florence, cé par Florence
Et c’est Berlusconi, arrivé d’Italie
Il a beaucoup de jactance, coup de jactance
Et sait, ma foi, mal se conduire au lit
Il revient de vacances et n’a plus un radis
Mais c’est Berlusconi qui veut le paradis !

Il a franchi la Manche, franchi la Manche
Et c’est Cameron, le roi des Grands-Bretons
Il vient pour faire la manche, faire la manche
Car dans son pantalon, il n’y a plus un rond
Mais il est perfide, et mord comme un scorpion
C’est le grand Cameron, le grand Cameron
David de son prénom, David de son prénom !

Voilà le roi de la France, roi de la France
Le petit Nicolas qui sait bien où il va
En malgré les agences, gré les agences
Il tient comme fou à ses trois petits A !
Les vautours le guettent avec un air moqueur
Mais c’est le roi de la France, roi de la France
Mais oui, c’est Nicolas, l’homme qui n’a jamais peur !

Angela : Arrêtez de rouler des mécaniques, et dites-moi plutôt pourquoi vous m’avez fait venir dans cette Normandie où nous autres, Allemands, n’avons pas que de bons souvenirs !
Alinminque : Majesté, les rois ont décidé de vous divertir, parce que vous le valez bien ! Chacun d’entre eux va vous chanter sa romance et j’ose espérer que votre cœur − en l’occurrence votre bourse − saura les récompenser !
Angela : S’il faut en passer par là, eh bien allons-z-y, mais fissa, j’ai du lait sur le feu à Berlin ! Qui commence ?
TL : Je propose l’ordre alphabétique. À toi, Zapatero !
Zapatero (Il porte un T-Shirt où l’on peut lire « Zapatero, mon héros ») : si la reine y consent, je lui chanterai ma romance en duo avec mon épouse Isabella. Vous comprenez, elle est tellement jalouse !
Angela : J’y consens, j’y consens, mais parlez-moi plutôt de votre PIB !
(Isabella entre, vêtue d’une robe de gitane et faisant claquer ses castagnettes)
Zapatero : Mon PIB ? Il grandira car il est espagnol ! C’est d’ailleurs le thème de ma chanson.
(Sur l’air du duo final de Piquillo et de La Périchole)
Tous deux au temps de peine et de misère
Dans bien des cours avons chanté souvent
Nous vous dirons avec franchise entière
Que nous voulons un peu de votre argent !
Nous vous prions, vous qui êtes si belle
De nous aider, et ce n’est pas du vol !
Car notre PIB, c’est une bonne nouvelle
Il grandira, car il est espagnol !

Les chœurs :
Il grandira, il grandira, il grandira
Car il est espagnol !

Angela : Ce type a un culot monstre ! Mes chers vautours, donnez-lui la note qu’il mérite !
(Zapatero saisit son escopette et tente de tuer les vautours, sans succès)
Zapatero : Caramba ! Encore raté !
(Les vautours se précipitent sur lui et tentent de lui arracher le cœur. Ce faisant, ils lacèrent son T-Shirt pour signifier sa note : zéro)
Angela : À qui le tour ?
Berlusconi : À moi, per il vostro servizio, cara regina tedesca !
Angela : Arrête ton baratin, y’ a pas écrit « Ruby », là (elle montre son front avec son index). Et tâche d’être correct !
Berlusconi (Il prend sa mandoline et commence à chanter sur l’air de Quand je pense à Fernande, de Georges Brassens) :
Quand je pense à l’Allemande
Je bande, je bande
Quand je pense à l’Italie
Je bande aussi
Quand je vois ton trésor
Alors là je bande encore
Mais quand j’vois ces locdus
Là je ne bande plus !
Viens chez moi Angela,
On f’ra bunga-bunga !

Angela : Schwein ! Obsédé ! Mes vautours adorés, faites votre office !
Berlusconi : Va fanculo !
(Les vautours se précipitent sur lui et le dévorent en entier, en commençant par les testicules)
Angela : À toi, Cameron, un gentleman ne peut que nous débarrasser de ces relents putrides !
Cameron (Il porte un kilt et s’accompagne à la cornemuse) : Yes, indeed !
(Rule Britannia sur son instrument, et les chœurs chantent le refrain)
Rule, Britannia, Britannia rule the waves
Britons never, never, never be slaves !

Angela : Ce crétin se croit à un match de foot des Glasgow Rangers ! Mes vautours chéris, comme, si j’ai bien compris, ce bouffon aime la mer, reconduisez-le dans son élément.
Cameron : I hate the Krauts !
(Les vautours se saisissent de Cameron, le montent dans les airs et le sortent de la salle. En coulisse on entend un grand « plouf ! »)
Angela : Il ne reste plus que toi, ami Nicolas. Qu’as-tu à me proposer ?
Nicolas : Des eurobonds…
Angela : Des clous, oui… Pousse ta goualante, qu’on en finisse !
Nicolas : Comme tu voudras, Angela…
(Sur L’Air du Brésilien de La Vie parisienne)

Je suis Parisien, je suis fort
Ma je veux bien être sincère
En ce moment c’est la galère
Paris n’a plus une once d’or !
Mais si tu vieux bien nous aider
On pourra bientôt se goinfrer
Aller buller chez Bolloré !
Et s’faire une foire à l’Elysée !
À nous chère Angela, l’Europe buissonnière !
Promis, juré craché nous deux on va le faire !
Angela : Celui-là, il m’amuse, et puis on ne peut pas tuer tout le monde ! Mais ne le quittez pas d’une semelle, mes vautours adorés !
(Pendant que Nicolas essuie son front perlé de sueur, on entend un grand vacarme en coulisse)

Scène IV
Angela, Nicolas, Alinminque et Trichet Larigueur, Vladimir et sa suite de moujiks.
(Une télègue chargée de bouteilles de gaz fait une entrée fracassante, écrasant au passage Alinminque et Trichet Larigueur. Nicolas s’éclipse subrepticement)
Angela : Vladimir, quelle heureuse surprise ! On ne vous attendait pas !
Vladimir : Russe être chez lui partout ! Et amener toujours cadeaux !
(Il ouvre une bouteille de gaz dont l’odeur se répand avec un pshiiiit persistant)
Angela et Vladimir (Sur l’air de Ce n’est qu’un rêve, de La Belle Hélène) :
Ce n’est qu’un rêve, ce n’est qu’un rêve
Ce n’est qu’un doux rêve d’Amour[2. Il s’agit, bien sûr, du fleuve Amour, près duquel on trouve des milliards de mètres cubes de gaz naturel.]etc
(Vladimir embarque sur sa télègue Angela toute émoustillée par l’odeur du gaz)

Épilogue
Le chœur des riches (sur l’air de On va s’en fourrer jusque-là, de La Vie parisienne) :
Elle les a fourrés, fourrés jusque-là ! (bis)
Chantons la gloire d’Angela, elle les a fourrés jusque-là !
Le chœur des pauvres (même air) :
Elle nous a fourrés, fourrés jusque-là ! (bis)
Quelle belle salope cette Angela
Elle nous a fourrés jusque-là !

Rideau[/access]

Septembre 2011 . N°39

Article extrait du Magazine Causeur



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