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Jusqu’où iront les Mollahs pour rester au pouvoir?

L'analyse géopolitique de Gil Mihaely


Jusqu’où iront les Mollahs pour rester au pouvoir?
Qom, Iran, 2022 © Sobhan Farajvan/PACIFIC P/SIPA

Lycéennes iraniennes empoisonnées: l’état profond iranien perd son sang-froid


Trois faits majeurs survenus depuis le début de l’année 2023 illustrent l’accélération de la radicalisation de la République islamique pour sa survie. Tout d’abord, les élèves d’une soixantaine d’écoles pour filles ont été victimes d’empoisonnement par gaz toxiques. En quelques semaines, deux adolescentes, Fatemeh Rezai et Sanaz Jamshidi, ont ainsi perdu la vie. 800 autres souffrent ou ont souffert de symptômes plus ou moins graves. Difficile d’imaginer que de telles opérations aient lieu sans au moins des complicités au sein du système politique. On peut légitimement considérer, comme le font d’ailleurs beaucoup d’Iraniens, que cette triste actualité est propre à nous rappeler le caractère terroriste du régime de Téhéran et son incapacité à quitter son logiciel – qui est celui du fondamentalisme islamiste misogyne. 

Des empoisonnements commandités par l’étranger, selon le régime

Radio Farda, antenne persane de Radio Liberty, cite une source à l’hôpital de la ville de Qom, la ville sainte des premiers empoisonnements. Selon la radio, la police secrète des gardiens de la révolution islamique (IRGC) est continuellement présente à l’hôpital. Les échantillons pour analyse prélevés sur les victimes ne sont pas adressés au laboratoire de l’hôpital, mais sont envoyés au propre laboratoire de l’IRGC ! Les médecins n’ont pas donc accès aux résultats des analyses. Les familles des victimes sont soumises aux pressions des autorités pour se taire. Pire, dans une opération de communication télévisée stalinienne, le père de la première victime, Fatemeh Rezai, a proclamé que sa fille souffrait d’une maladie chronique ayant entraîné son décès.

Après une période de déni de plusieurs semaines, face à la colère et à l’inquiétude des parents, les autorités vont enfin diligenter une enquête.

Les quotidiens conservateurs tels que Hamshahri pointent du doigt l’opposition iranienne à l’étranger. Cependant, plus qu’un indice concernant les responsables de ces crimes, cette accusation invraisemblable traduit la crainte du régime quant à la popularité de Reza Pahlavi, fils du dernier Shah d’Iran. Et selon d’autres analystes, ces attaques ciblées afin de terroriser les jeunes Iraniennes sont bien orchestrées par les branches ultraconservatrices proches du guide suprême, l’Ayatollah Khamenei, et sont une sorte de revanche de l’institution envers le mouvement Femme Vie Liberté, dont les adolescentes étaient la figure de proue.

Téhéran sera rapidement une puissance nucléaire, Pékin inquiet

Ensuite, sur le volet de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, et la menace d’accès à l’arme nucléaire, la République islamique a également franchi un seuil alarmant. Nous apprenons par un communiqué officiel de l’AIEA que sur certaines installations on a constaté un taux d’enrichissement de 84%, s’approchant dangereusement du niveau nécessaire pour produire une arme (90%). Les Iraniens ont expliqué que dans le cadre d’un enrichissement normal, une quantité infime des particules avait été enrichie à un niveau plus élevé que désiré, et qu’il ne fallait donc pas douter de leur bonne foi. Mais il n’est pas sûr qu’à Washington et à Jérusalem on partage ce point de vue. Le Département d’État américain, via son porte-parole Ned Price, a annoncé encore lundi dernier que l’Accord était bien au point mort. Le rôle de plus en plus important de l’Iran dans l’effort de guerre russe et, éventuellement, ce que la Russie pourrait offrir en retour, mettent l’Iran de plus en plus en travers du chemin de l’OTAN. 

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Cette accélération d’événements ressemble de plus en plus à une fuite en avant de la République islamique face aux pressions. Car les mollahs manquent cruellement d’options. La visite en Chine du président Raïssi a été un échec d’autant plus cuisant que les attentes iraniennes étaient énormes. Il est donc clair que la Chine ne se risquera pas à courroucer l’Occident pour soutenir l’économie iranienne. Les annonces d’accords pour des centaines de milliards de dollars d’investissements chinois en Iran ne se matérialiseront jamais. Il s’agit d’une déception voire d’une humiliation pour les Mollahs qui comptaient jouer le joker chinois face à l’Occident. Quant aux avions de chasse et les missiles sol-air que les Russes pourraient fournir pour payer les drones et autres armements iraniens, il est en réalité difficile d’envisager comment les forces russes pourraient s’en passer dans les mois voire les années à venir…  

La popularité de Reza Pahlavi inquiète

Sur le volet politique, pour la première fois depuis des décennies, la République islamique doit faire face à un front d’opposition à l’extérieur sous l’égide et grâce à la popularité de Reza Pahlavi. Une coalition couvrant plusieurs courants politiques a été officiellement lancée à Washington, lors d’un colloque à l’université de Georgetown, le 10 février. Autre mauvaise nouvelle pour le régime: Reza Pahlavi et cette nouvelle coalition ont ensuite été invités à la Conférence de Sécurité de Munich, le 18 février, en lieu et place des représentants officiels de la République islamique. Reza Pahlavi a participé à un débat en présence de l’influent sénateur Démocrate Robert Menendez, qui est à la tête de la Commission des affaires étrangères du Sénat américain, et de l’eurodéputée allemande Hannah Neuer. Certains parlent déjà de lui comme d’une sorte de Juan Carlos de la transition en Iran. La chaîne du magnat Robert Murdoch, FOX News, bras armé médiatique de l’agenda politique des Républicains, l’a désigné comme « The Crown Prince His Royal Highness », à l’occasion d’un entretien accordé dimanche 26 février.

L’agenda politique en Europe de Reza Pahlavi s’accélère: il a été successivement reçu par des parlementaires français, britanniques et par les Conservateurs Européens au Parlement Européen à Bruxelles, le 1er mars. Et même si la commission européenne n’a pas officiellement inscrit le 20 février dernier le corps des gardiens de la Révolution comme organisation terroriste, elle a cependant étendu ses sanctions contre Téhéran. Quelles que soient les chances effectives de Reza Pahlavi d’accéder ou non un jour au pouvoir, sa popularité grandissante est un signe de plus de la crise du régime des Mollahs.

Sur le plan militaire, malgré la crise politique que traverse Israël, une opération militaire est toujours à l’ordre du jour et, selon la chaîne israélienne Channel 12, Benjamin Netanyahou a organisé plusieurs réunions afin de préparer des attaques avant que l’Iran accède à l’arme nucléaire. 

Ainsi la République islamique, contestée par sa population, touchée par une crise économique sans précédent et isolée sur le plan international, montre des signes de panique. Et si les repentants officiels de l’État continuent leur stratégie jusqu’au-boutiste, l’affaire de l’empoissonnement des lycéennes laisse croire que dans l’État profond, certains commencent à perdre leur sang-froid.     




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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