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Pédé, vous avez dit pédé ?


Pédé, vous avez dit pédé ?

Dies irae, dies illa ! Ce jour-là restera dans les mémoires comme l’un des plus catastrophiques du siècle. C’était le 12 novembre et la France se réveillait sonnée par la nouvelle : la Cour de Cassation venait de blanchir Christian Vanneste des accusations d’injures homophobes qui pesaient sur lui. Il y a quatre ans, le député de Tourcoing avait déclaré à l’Assemblée nationale que l’homosexualité était « inférieure » à l’hétérosexualité. Dès lors, le rôle de Premier homophobe de France lui avait été assigné – il faut dire que le poste était vacant depuis que Christine Boutin s’était refait une virginité sociétale en s’occupant de prisons et de HLM. Et patatras, voilà que des magistrats comme il faut déclarent que les propos homophobes du député homophobe n’étaient pas homophobes… On ne se méfie jamais assez des types qui s’habillent en robe.

À l’annonce de cette décision, la communauté gaie française a vivement réagi. Si des juges qui n’assistent même pas à la gay pride commencent à s’occuper de droit, on n’en a plus fini. Personnellement, j’étais ulcérée. Au nombre de mes amis, je compte beaucoup d’homosexuels, dont un couple qui habite dans le même immeuble que moi. Eh bien, jamais je n’oserais qualifier d’inférieurs ces deux garçons même si, dans la réalité qui place leur logement juste en dessous du mien, ils le sont.

J’ai cherché à réagir et à protester contre ce scandale judiciaire qui relègue l’affaire Dreyfus au rang des broutilles de l’histoire du droit. J’ai proposé à Elisabeth Lévy de venir à Paris, de me mettre à la colle avec elle et de prendre en charge l’achat des deux chemises à carreaux qui feraient de nous un couple de néo-goudous assez crédible. Elle a refusé, l’homophobesse ! Elle a prétexté un : « Tu sais Trudi, je t’aime bien, mais… », puis elle a raccroché. Ce fut comme une révélation.

« Tu sais, Trudi, je t’aime bien, mais… » Combien de fois ai-je entendu cette phrase, susurrée par l’un ou l’autre de ces types qui préféraient virer illico leur cuti plutôt que de sortir avec moi. Si je le voulais, j’aurais toutes les raisons du monde d’être homophobe et de me plaindre de ces mecs qui, non contents d’être des fashion victims, demandent à être considérés comme des history victims, des political victims ou des social victims. C’est que, de nos jours, la pédétude c’est pas rigolo : il faut savoir tirer une gueule définitive d’enterrement pour en être. Jamais les mœurs n’ont été aussi libérales et jamais les premiers bénéficiaires de cette heureuse libéralité n’auront été aussi coincés du cul et chatouilleux sur les propos tenus ici et là à leur encontre. Or, il y a un hic : lorsqu’une communauté existe socialement elle s’expose à la critique… Le risque principal de la visibilité c’est de pouvoir être pris pour cible. Et, comme la société française n’est pas encore devenue le royaume des Bisounours auquel pourtant elle aspire, on ne peut pas obliger tout le monde à être gay friendly. A ce compte, il faudrait peut-être souffler à la Haute autorité de lutte contre les discriminations d’interdire les albums de Ralf König : la vision caricaturale que mon compatriote illustrateur donne des gays apparaît en fin de compte beaucoup plus scandaleuse que les propos du député UMP…



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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