Le quotidien Libération semblait se réjouir mercredi que les deux millions de Palestiniens de Gaza soient une « arête impossible à avaler dans la gorge d’Israël ». Selon le journal de gauche, le projet de Trump de déplacer cette population n’est qu’une « saillie délirante », et la société israélienne dans son ensemble serait dénuée d’empathie pour ses voisins à la suite des attaques terroristes du 7-Octobre. Un mépris évident pour la souffrance des Israéliens. Analyse.
La proposition de l’administration Trump de déplacer temporairement les habitants de Gaza a suscité le séisme médiatique que l’on sait. Parmi cette avalanche de réponses, certaines brillent par leur manque d’objectivité, d’autres par leur caractère outrancier ou les affirmations erronées qu’elles contiennent… Plus rares sont celles qui réussissent l’exploit de réunir tous ces travers à la fois ! C’est le cas de la tribune de Monsieur Sélim Nassib, écrivain et ancien journaliste pour Libération, publiée justement par le quotidien ce mercredi[1]. Si le sort des habitants de Gaza est effroyable et touche tout un chacun, une sortie telle que celle-ci ne permet en rien de faire un pas vers une solution pacifique.
Un texte pour rien
Comment ne pas être frappé, tout d’abord, par le choix des mots ? Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, est ainsi soupçonné d’utiliser ce projet de déplacement pour raccrocher les « wagons » avec l’extrême droite. S’il s’agit bien d’un projet de déplacement temporaire, l’article n’hésite pourtant pas à parler de « déportation », et ce à plusieurs reprises. On a évidemment connu choix de vocabulaire moins tendancieux…
La plume est en revanche moins lourde lorsqu’il s’agit de qualifier les barbaries du 7-Octobre 2023 commises par les terroristes du Hamas. On nous parle ici d’une simple « tragédie » qui, bien qu’elle fasse un écho plus que douloureux aux atrocités de la Shoah, aurait dû être oubliée « à court terme » par les proches des victimes. Leur faut-il aussi tirer un trait sur les otages restants aux mains du Hamas ? Ce qui n’empêche pas l’auteur de vilipender les Israéliens, dans leur « écrasante majorité », pour leur manque d’empathie supposée à l’endroit de la population civile de Gaza.
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Ce prétendu manque d’empathie est imputé à un simple sondage. En revanche, selon l’auteur de la tribune, il serait injuste de déduire que les Gazaouis soutiennent le Hamas sous prétexte que le groupe terroriste a été élu en 2006 par… la population de Gaza ! Allez comprendre… On ne vote pourtant pas pour le Hamas comme on vote pour un parti modéré. Comment ignorer que la destruction d’Israël et celle des juifs font figures de leitmotivs pour ce parti ? Une doctrine que le Hamas se plaît à enseigner à la jeunesse palestinienne, ne lui laissant d’autre choix que celui de la haine de son voisin.
Des confusions coupables
Toutes les guerres occasionnent la mort de civils innocents. Celle des civils palestiniens est une horreur et personne ne saurait s’en réjouir. Mais le choix des concepts ne peut être fait à la légère. La tribune accuse Israël de se livrer à une réponse militaire « hors de proportion » visant à préparer un « nettoyage ethnique ». Cette notion n’est pas officiellement définie mais pourrait sous-entendre une politique visant à faire disparaitre une population par la force ou la violence. Si l’intervention militaire de Tsahal à Gaza fait évidemment des victimes collatérales parmi la population civile, cela ne constitue pas pour autant un nettoyage ethnique ou encore un génocide. Pour rappel, lors de la Seconde Guerre mondiale, les bombardements alliés ont causé de nombreuses pertes civiles, notamment 350 000 Allemands. Pour autant, il n’a jamais été question de génocide car le nombre ne suffit pas ; il faut également démontrer l’intention de s’en prendre directement à la population civile. Or, si cela était clair lors des attaques terroristes du 7-Octobre perpétrées par le Hamas, s’agissant de l’action de Tsahal cela n’est pas le cas. Par ailleurs, de très nombreuses pertes civiles auraient aussi pu être évitées si le Hamas n’utilisait pas son propre peuple comme bouclier humain ou encore les écoles et hôpitaux comme cachettes. Il faut le rappeler, ce que ne fait pas M. Nassib dans son analyse.
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Pour parler de réponse militaire « hors de proportion », encore faudrait-il disposer d’une bonne connaissance des données. Les chiffres étant fournis par… le Hamas, nous sommes en droit de douter de leur fiabilité. Sans parler du fait que ces chiffres ne précisent jamais quelle est la part de militants dans les victimes mentionnées. Et même si l’on part du principe que ces chiffres sont fiables, ils ne démontrent pas une proportion de victimes civiles supérieure à d’autres conflits. Selon les Nations Unies, le taux de victimes civiles est en général de 90% dans une guerre. Et la plupart des conflits ne se déroulent pas dans un environnement urbain comme cela est le cas à Gaza. Ce genre d’affirmation peut donner l’impression que ce qui est véritablement remis en question est le droit d’Israël à se défendre et donc, par extension, son droit à la survie. Par ailleurs, il n’est évidemment à aucun moment précisé dans les colonnes de Libération que le Hamas est le seul et unique responsable de cette guerre et qu’il lui suffirait de libérer les otages pour y mettre fin à tout moment.
Des affirmations incomplètes et une omission de taille
Pour finir, l’auteur de la tribune énonce que l’Égypte et la Jordanie « refusent absolument de recevoir » la population palestinienne. Le silence est en revanche de mise lorsqu’il s’agit d’en expliquer les raisons. Peut-être cela est-il avant tout dû à des préoccupations sécuritaires ? Comment ignorer, par exemple, les liens entre le Hamas et les Frères Musulmans, organisation que le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi s’échine à maîtriser ?
Enfin, Donald Trump, à l’initiative de cette proposition de déplacement temporaire et non de déportation, est présenté comme « un homme ignorant échafaudant dans sa petite tête un projet impossible à réaliser ». Rappelons pour mémoire que les accords d’Abraham prévoyant la normalisation des relations entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont été signés à l’initiative de l’administration Trump en septembre 2020. Une bien plus grande contribution pour la paix que cette tribune qui revêt des airs de mauvais procès fait à Israël ne le sera jamais…
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[1] https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/gaza-larete-impossible-a-avaler-dans-la-gorge-disrael-par-selim-nassib-20250304_EVVOLLP6KRDZFDCCTSBGFAJBQU/
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