France, croissance zéro


France, croissance zéro

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Montebourg ou Valls ? Politique de l’offre ou de la demande ? Keynes ou Milton Friedman ? Voici quelques-unes des mauvaises questions qu’on se pose depuis le déclenchement de la crise gouvernementale qui a entraîné la formation du gouvernement Valls II. Ce n’est pas que ces questions ne sont pas légitimes en soi, mais elles n’apportent tout simplement rien au débat politico-économique français.

On nous présente trop souvent les choses de manière biaisée. Il y aurait d’un côté les méchants sociaux-libéraux qui font souffrir les faibles pour faire plaisir aux riches et de l’autre, les gentils keynésiens estimant qu’on pourrait s’en sortir en inondant d’argent public l’économie déprimée. C’est oublier que la politique de Hollande n’est pas une pure politique de l’offre. Le gouvernement encourage également la demande, certes peut-être mal ou pas assez.

Deux  chiffres macroéconomiques montrent le vrai visage de l’économie française : une dépense publique égale à 56% du PIB (contre 45% en moyenne dans les pays de l’OCDE) et un taux de prélèvements obligatoires (l’ensemble des taxes et impôts) qui représente 50% du PIB (contre 38% en moyenne dans les autres pays de l’OCDE). On peut penser que c’est bien et on peut trouver cette situation désastreuse – c’est un choix politique légitime. Le problème est qu’on peine à voir les effets positifs de cet investissement exceptionnel des ressources. Ce sont ceux qui souhaitent avoir un grand service public à la française qui devraient les premiers exiger un audit pour comprendre pourquoi on ne fait plus avec le même ou bien pourquoi on ne fait autant avec moins.

Ainsi, que l’on encourage les entreprises et l’offre ou que l’on soutienne la demande en assurant une plus grande égalité de revenus et un service public à large périmètre, une même question se pose : comment garantir une juste et efficace allocation des moyens ? On ne doit pas nécessairement lui apporter une réponse  « tayloriste » en réduisant systématiquement les moyens alloués à une mission jusqu’au point de rupture.  Posons la question différemment : est-ce qu’en dépensant 56% du PIB, on ne pourrait pas faire beaucoup mieux ? Chaque euro est-il bien dépensé ? Chaque Français qui quitte son domicile le matin va-t-il travailler ou plutôt se rend-il au travail ? Vous trouvez cette remarque idéologiquement marquée ? Demandez-vous plutôt pourquoi Marseille, Paris et Cannes apparaissent dans le top ten mondial des villes perçues comme antipathiques par les touristes.

Imaginons qu’on mette fin au désendettement public, qu’on décide même de s’endetter encore plus et qu’on distribue l’argent ainsi obtenu pour créer des postes dans la fonction publique et alléger la fiscalité des contribuables les plus modestes. Cela aura sans doute des effets bénéfiques sur l’économie française, mais le moteur que cette injection d’essence est supposée redémarrer, est-il performant ? Et ces moyens ainsi injectés pourraient-ils permettre une croissance durable, apte à financer un service public ambitieux ? La réponse est non. Seuls les symptômes du mal s’en trouveront allégés. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la politique économique française de la période 1995-2007.  Portée par les vents de la croissance mondiale, l’économie française avait alors pu cacher ses problèmes structurels… avant que la crise ne les dévoile.

Malgré ces évidences, nos politiques vivent dans le déni. Ainsi, Arnaud Montebourg ne remet en cause ni l’Union Européenne ni l’euro mais fait croire qu’à l’intérieur de ce cadre contraignant, la France peut faire infléchir la position allemande, ce qui pousserait la BCE à dénouer les cordons de la bourse. Or, on sait déjà que deux présidents français– Sarkozy et Hollande – se sont heurtés à l’intransigeance d’Angela Merkel. Il faudrait mieux expliquer comment faire bouger l’Allemagne plutôt que de faire croire qu’on pourrait le faire… Et puis, alors que l’objectif bruxellois des 3% de déficit est devenu tout théorique[1. Bien que personne n’ose le dire de peur d’une fuite en avant dans les déficits.], cet éternel débat entre l’élu désabusé expliquant que ce n’est pas si simple que ça et le jeune premier maniant les « y’à qu’à/ faut qu’on » (qui  jouera le rôle du sage désabusé dans quelques années) ne mène nulle part.

Le débat devrait donc porter sur la meilleure manière de reconditionner les moteurs de l’économie française dans un premier temps, et le financement – même à crédit – du système dans un second temps. Dans le cas contraire, si nous n’avons pas des services de santé, d’éducation et de sécurité à la hauteur de ce qu’on paie déjà, à quoi bon chercher des moyens pour pouvoir les payer encore plus cher?

*Photo : NICOLAS MESSYASZ/SIPA. 00691077_000001. 



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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