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Exit Laporte, par la petite porte


Exit Laporte, par la petite porte

C’est une banale et triste histoire de maltraitance. Celle d’un brave garçon, un peu simplet mais généreux, lâché dans un monde de brutes qui s’ingénient à faire de sa vie un enfer. Comme souvent dans ce genre de circonstances, la loi du silence et l’indifférence des voisins laissent se perpétuer une situation intolérable.

Pendant deux ans, jour après jour, un homme a été en butte aux humiliations, coup bas, lazzis et avanies de la part de ses camarades de travail, qui avaient fait de lui leur tête de turc.

Cet homme s’appelle Bernard Laporte, ci-devant secrétaire d’Etat aux sports, dont Nicolas Sarkozy vient de mettre fin au calvaire en l’exfiltrant d’un gouvernement où il souffrait le martyre.

C’est dans Paris Match, qui, cette fois-ci, se penche sur une vraie détresse, que Bernard Laporte a raconté ses malheurs.

On lui a tout fait. Passe encore que sa ministre de tutelle, la redoutable Rosine Bachelot, ait limité son pré carré à un bac à sable où il pouvait faire mumuse pendant qu’elle allait parader dans les temples du sport-spectacle : la politique, c’est un métier, et les arpettes doivent en baver jusqu’à ce qu’ils deviennent assez costauds pour se faire respecter.

Brimé par sa patronne, Bernard aurait pu trouver quelque réconfort auprès de ses camarades de chambrée du gouvernement Fillon. Il n’en fut rien. Au contraire, chacun s’ingéniait à en rajouter dans les brimades, bizutages et autres cruautés dont seuls les enfants dans les cours de récréation et les membres d’un gouvernement de la République sont capables.

Dans ces jeux pervers, les filles ne sont pas les dernières à se mettre en avant, avec une perfidie encore plus cruelle pour les victimes que la brutalité fruste des mâles. Ainsi, Rachida Dati laissa courir la rumeur d’un Laporte géniteur de sa petite Zohra sans tenir compte des dommages que ce bobard allait provoquer dans la famille de l’ancien entraîneur de l’équipe de France de rugby. « Rachida, du moment qu’on parle d’elle, elle est contente ! », explique Bernard, qui se demande aujourd’hui si l’ex-Garde des sceaux n’était pas elle-même à la source de cette rumeur dévastatrice.

Dans le milieu dont Bernard est issu, on sait depuis longtemps que les gonzesses ne sont bonnes qu’au pieu ou à la cuisine, et nulle part ailleurs, et que la bonne odeur des vestiaires après le match et les libations de la troisième mi-temps sont les remèdes les plus efficaces contre les coups durs de la vie.

Laporte a fait l’expérience que la politique, c’est encore moins les bisounours que le rugby. Il en veut particulièrement à Bernard Kouchner, non de lui avoir fait un coup de vice lors d’une mêlée ministérielle, mais de l’avoir purement et simplement ignoré, de ne pas lui voir accordé plus d’attention qu’à un garde républicain de l’Elysée : « Il ne m’a jamais dit bonjour, jamais adressé la parole », se plaint-il, en constatant, amer, qu’il était « transparent » aux yeux du ministre des Affaires étrangères.

Et de conclure, non sans lucidité : « Pour eux, je n’avais pas les codes, pas le vernis, pas les réseaux, je n’existais pas. »

J’avoue avoir été, un bref instant, saisi d’une compassion pour ce « petit Chose » jeté dans la foire aux vanités politiques, enclin à me faire le défenseur du brimé contre ses tourmenteurs. Et puis m’est revenu en mémoire le Laporte éructant contre ses joueurs à la mi-temps, les traitant plus bas que terre au prétexte de les motiver. C’est peut être efficace – encore que son successeur Marc Liévremont obtienne des résultats honorables avec des méthodes moins brutales –, mais cela relativise considérablement les lamentations du secrétaire d’Etat remercié. Sarkozy aurait dû appeler son compère Jo Maso au gouvernement, au moins les choses auraient été claires.



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