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Emmanuel Macron: «une espèce de vide»?

Parler pour ne rien dire...


Emmanuel Macron: «une espèce de vide»?
© Lewis Joly/AP/SIPA

L’allocution du président, hier soir, à 20 heures, ne nous a pas transportés. Selon Sophie Binet, à la CGT, le chef de l’État « s’enferme dans la crise ». Marine Le Pen évoque un « quinquennat de mépris et de brutalité » et Jean-Luc Mélenchon une « allocution irréelle ». Analyse.


Il est venu, on l’a entendu. Sommes-nous convaincus ? Laurent Berger, dans une réaction immédiate, a évoqué, sur BFMTV, « une espèce de vide… avec rien de concret, peu d’empathie, du verbe… et tout ça pour cela ». Je ne parlerai pas de « vide » mais dans cette allocution heureusement courte pour ce président (13 minutes), il m’a semblé entendre des éléments et des annonces qui avaient déjà été présentés lors du dernier entretien télévisé et même lors de ses vœux à la nation le 31 décembre 2022.

Un discours convenu…

À l’exception d’un bref préambule où l’obligation d’une loi sur les retraites était à nouveau expliquée sans la moindre allusion aux péripéties parlementaires depuis le mois de janvier ni une compréhension qui aurait été bienvenue pour le rôle positif de l’Intersyndicale, le président de la République n’a pas apposé sur un pays en fièvre un remède d’apaisement et d’espérance. Mais au contraire un discours convenu, tout de promesses ou de réalisations déjà amorcées, mais placide, aussi ordinaire dans le registre élyséen qu’il aurait dû être extraordinaire sur le plan démocratique.

On se doutait – Emmanuel Macron avait écarté ces solutions – qu’il n’y aurait ni remaniement ni dissolution ni référendum et que, contrairement à ce que Marine Le Pen avait déclaré le 16 avril au Grand Jury sur RTL, il sortait l’hypothèse de son départ du champ de sa réflexion. Pourtant, même avec ces exclusions, le président aurait dû montrer à quel point il n’avait pas été insensible au bouillonnement parfois frénétique de la France, non seulement en en prenant acte mais en proposant de quoi le calmer.

… et impassible

J’ai eu l’impression qu’à l’impatience, voire à l’angoisse d’une nation déboussolée, il opposait au contraire, délibérément, une impassibilité du propos, une relation banale des projets et des séquences prévues. Cette manière de ne jamais répondre à l’attente majoritaire d’un pays – comme pour montrer à quel point le pouvoir se situait plus haut que toutes ces exaspérations citoyennes liées à la loi sur les retraites mais pas que – a été traditionnelle dans la Ve République. Mais Emmanuel Macron me paraît la cultiver avec encore plus de dilection que ses prédécesseurs.

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Certes il n’était pas inintéressant de l’entendre décliner trois chapitres – le travail, l’ordre républicain et la justice et enfin le progrès. Il est clair que si on avait su mettre le premier chapitre avant la discussion sur le report de l’âge, le gouvernement aurait trouvé une écoute syndicale favorable. Le deuxième n’aurait pas non plus été mal accueilli. Quant au dernier, bien trop flou, il aurait laissé place à toutes les imaginations professionnelles, syndicales et politiques.

Je crains, à considérer le désordre dans certains quartiers à Paris et ailleurs, que le discours du président non seulement n’ait rien pacifié mais ait même aggravé le ressentiment. Parce qu’il faut bien se l’avouer : derrière la façade de la loi sur les retraites, on sent comme un vent mauvais qui n’est pas loin de déplorer qu’on ne puisse pas recommencer l’élection tout de suite, que le référendum ne soit pas mis en place pour que, clone admiratif de de Gaulle, Emmanuel Macron, battu, s’en aille.

Veni, vidi…

Mais il est là et le demeurera jusqu’en 2027. Le pacte entre lui et les citoyens est rompu. Nous ne sommes plus dans le registre politique, même avec toutes ses outrances partisanes, mais dans une sorte d’injustice tellement ancrée que, le président aurait-il même tenu le 17 avril à 20 heures un discours de courage, de vérité et d’habileté, que l’opinion négative majoritaire n’en aurait pas été modifiée. Il y a quelque chose de plus fort que l’aptitude à gouverner et l’orgueil de présider : la désaffection d’un pays qui vous prive de vos moyens et de votre envie d’agir et de réformer.

Le président n’a pas réussi avec son verbe, avec son apparence de maîtrise et de sérénité défiant les colères et les revendications, à retrouver une confiance suffisante de ses compatriotes pour mener encore à bien, avec les aléas parlementaires et la rue qui gronde en permanence, les années qui lui restent. On peut lui reprocher cette faiblesse fondamentale : le souci exclusif de son image, avec la hantise de rien céder, l’a gravement handicapé, il n’a pas donné les gages qui l’auraient sauvé à ses opposants politiques et syndicaux, adeptes nombreux d’une démocratie non-violente, respectables autant qu’ils auraient été prêts à respecter un président les traitant avec la politesse républicaine requise. Et le dialogue qu’elle implique. Faute d’avoir su écouter cette majorité intelligemment critique, il a laissé libre cours à l’extrémisme délirant de gauche et d’extrême gauche et à l’attente de plus en plus sûre d’elle du Rassemblement national. Un discours n’aurait pas pu tout faire mais il n’était pas fatal qu’il aggravât les choses.

Il est venu, on l’a entendu, il n’a pas convaincu.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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