Accueil Culture «Je dois tout à la France»: l’histoire d’un prince géorgien et légionnaire

«Je dois tout à la France»: l’histoire d’un prince géorgien et légionnaire

L’histoire édifiante et méconnue de Dimitri Amilakvari


«Je dois tout à la France»: l’histoire d’un prince géorgien et légionnaire
Dimitri Amilakvari dans la Légion étrangère, 1942 © D.R.

Dimitri Amilakvari (1906-1942), fougueux légionnaire, mérite que l’on se rappelle de lui. À Bir Hakeim, dans le désert, il déclarait: «Nous, étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a fait, c’est de mourir pour elle».


Il avait le panache de d’Artagnan, la noblesse d’Athos, le raffinement d’Aramis et la truculence de Porthos… Oui, le lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari de la Légion étrangère était tous ceux-là à la fois. Comme le dit le refrain, « ils ont une âme de mousquetaire, les légionnaires ».

Ce prince géorgien, arrivé en France en tant que réfugié politique avec sa famille suivant l’invasion par l’Armée rouge de son pays natal, fit honneur à l’idéal et aux fortes têtes de la Légion. Il y servit de 1926 jusqu’à sa mort au champ d’honneur en 1942 mais, malgré ses brillants exploits et sa présence mythique parmi les rangs de la France Libre, il est longtemps demeuré inconnu du grand public.

« Nous, étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a fait, c’est de mourir pour elle »

Enfin, en 2021 parut l’ouvrage Dimitri Amilakvari : un prince combattant, la toute première biographie de ce grand soldat qui participa aux batailles de Bir Hakeim, après quoi il fut fait Compagnon de la Libération, et d’El Alamein, au cours de laquelle il est mort pour sa patrie d’accueil. C’est l’écrivain et l’ancien lieutenant-colonel de la Gendarmerie nationale Jean-Paul Huet qui nous délivre de l’oubli collectif afin d’honorer ce héros devenu pleinement, passionnément Français. La deuxième édition revue et augmentée grâce à des renseignements géorgiens, publiée en 2022 à l’occasion du 80e anniversaire de la mort du prince Amilakvari, permet à tous les lecteurs de plonger dans la mémoire française et d’en ressortir engaillardi de patriotisme.

Quelques mois avant la Défaite de 1940, Dimitri Amilakvari avait reçu la naturalisation française. Au moment de rallier le général de Gaulle à Londres – c’est le début de sa grande aventure –, il déclame ces paroles toutes empreintes d’honneur et de fidélité et que le biographe fait si bien de nous rappeler : « Je dois tout à la France, ce n’est pas au moment où elle a besoin de moi que je l’abandonnerai. »

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Jean-Paul Huet nous fait également découvrir cette phrase du prince légionnaire, prononcée dans l’enfer de Bir Hakeim, alors que les forces de Rommel étaient dix fois plus nombreuses que celles de la 1er Brigade Française Libre: « Nous, étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a fait, c’est de mourir pour elle. » Ces mots avaient l’allure d’un serment comme celui de Camerone, mais l’heure du sacrifice n’avait pas encore sonné. On le sait, la ténacité des légionnaires assura à Bir Hakeim la première grande victoire des résistants français et le dévouement du prince, comme celui des autres chefs ce jour-là, y était pour quelque chose. Ayant pour règle d’or que « le chef doit payer de sa personne et être toujours devant », Amilakvari accumulait les faits de bravoure pour encourager ses hommes, allant jusqu’à s’exposer au feu de l’ennemi sans casque et privilégiant son képi. « On n’abdique pas l’honneur d’être une cible ! », comme disait Cyrano. À l’instar des Saint-Cyriens qui chargeaient hors les tranchées coiffés du casoar, le képi était son panache.

Victime de la bataille d’El Alamein

Le destin s’accomplit cependant à la Bataille d’El Alamein, le 24 octobre 1942 : débordé par l’ennemi, on avait offert au lieutenant-colonel de le ramener vers l’arrière à bord d’un blindé léger. Il refuse en grand seigneur : « Ma place est à la Légion, au milieu de mes hommes. » À peine quelques instants plus tard, âgé de 36 ans, Dimitri Amilakvari s’effondre à cause d’un éclat d’obus qui le frappe mortellement à la tête. Fidèle à son habitude, il ne portait que son képi. Celui-ci, troué du côté gauche, peut être aperçu aujourd’ hui au Musée de la Légion étrangère à Aubagne. Préservé comme une véritable relique, la Légion sait par-là honorer ses morts et respecter une de ses plus belles devises, More majorum, à la manière de nos anciens. Avant de devenir de vrais légionnaires, tous les engagés volontaires sont tenus de se présenter devant la crypte de la Légion – un monument solennel qui se trouve à la droite de ce célèbre képi –, et ont la chance de s’incliner face au sacrifice d’Amilakvari.

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Jean-Paul Huet déplorait dans l’introduction de cette biographie que le nom du prince géorgien « n’évoque rien ou si peu aux jeunes générations ». Saluons sa contribution accessible au grand public, sans pour autant avoir négligé le travail scientifique aux archives. Réunissant pour une première fois également les témoignages de grands militaires, dont ceux du maréchal Juin, des généraux Rollet, Simon, Koenig, Saint-Hillier, Catroux et de Gaulle, l’historien réussit sa mission, celle d’enrichir le souvenir français et de nous donner à admirer un autre héros national.



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Chercheuse québécoise en histoire et littérature militaires françaises, Mélanie Courtemanche-Dancause collabore au magazine "L’Incorrect".

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