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Trafic de drogue en Chine: le double jeu de l’empire du Milieu


Trafic de drogue en Chine: le double jeu de l’empire du Milieu
Image : Breaking Bad.
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Image : Breaking Bad.

La drogue fait à nouveau des ravages dans l’empire du Milieu. Paradoxe de l’histoire, c’est de Chine que partirent les premières guerres antidrogues. Ce fut le cas de la première et de la deuxième guerre contre l’opium. Ayant interdit son commerce, la Chine avait dû subir les attaques anglaises et françaises. Elle avait perdu en payant le prix fort : l’abolition du système impérial et la perte de Hong Kong. En 1909, à Shanghai, fut signé le premier accord international anti-drogues afin de mettre fin au conflit sur l’opium. Même s’il n’a pas eu de caractère obligatoire, ce texte a posé pour la première fois le problème du contrôle du commerce de drogues à l’usage non-thérapeutique.

Passer entre les gouttes de la loi

Pourtant, la Chine a joué un double jeu ces dernières années. Elle s’est engouffrée dans des brèches juridiques pour exporter légalement des substances chimiques dont l’abus est aussi dangereux que la consommation de drogues traditionnelles. Mais Pékin doit aujourd’hui revoir cette stratégie économique car les méfaits de ces drogues synthétiques font des ravages sur sa population. Comme le commerce de la drogue est un commerce mondial, il va falloir développer de nouvelles stratégies internationales pour combler ces lacunes juridiques.

Avec internet, de nouvelles drogues sont devenues disponibles en un simple clic. Des substances de synthèse, fabriquées à partir de composés chimiques légaux exportés qui, une fois arrivés sur un territoire ciblé, sont transformées en MDMA, 3MMC et autres euphorisants destinés à pimenter les soirées en boite.

Le problème est que ces drogues échappent très souvent… à la loi. En effet, il suffit aux fabricants de s’appuyer sur les dispositions législatives sur les narcotiques pour trouver la parade : une drogue est déclarée illégale par sa composition chimique. Ainsi, changer d’un iota la structure moléculaire d’une drogue en fait une substance qui n’est pas répertoriée dans le catalogue des interdits avec les mêmes effets psychoactifs. Tant bien que mal, la loi essaie de suivre, mais tel nouveau produit remplacera tel autre…

Double jeu chinois

C’est un sujet de discorde qui revient souvent dans les discussions internationales, notamment pour les douanes qui s’inquiètent des livraisons en provenance d’Extrême Orient. Jusqu’à une date récente, les pays exportateurs de produits chimiques se défaussaient derrière un cadre législatif désuet. La Chine a ainsi été durant de nombreuses années dans le collimateur de la plupart des brigades anti-drogue du monde qui voyaient d’un très mauvais œil son double jeu.

Car les mafias du pays vendaient et fabriquaient ce que les jeunes appellent les legal-highs dans de grandes usines chimiques parfois voisines de celles qui produisent les ingrédients chimiques bon marché pour les médicaments. La Chine fournit des ingrédients pharmaceutiques nécessaires à la fabrication de certains médicaments, à des laboratoires américains et européens, ce qui ne va pas sans accrocs. Certains ont accusé l’industrie chinoise d’« altération délibérée » lors du scandale de l’héparine, un anticoagulant conçu avec des ingrédients contaminés qui a causé la mort de 246 personnes aux Etats-Unis.

Il faut dire que Pékin mène une stratégie d’expansion économique sans état d’âme : d’un côté, laisser les triades vendre le poison et l’Etat fabriquer les ingrédients des médicaments potentiellement détournables ; de l’autre, réprimer sans merci le trafic sur son territoire. En matière de drogue, la Chine a le même arsenal juridique que les pays occidentaux. Autrement dit, si un meurtre ou un accident de voiture arrive sous l’emprise de narcotiques synthétiques hors cadre, la loi est impuissante…

Le réveil répressif

Pourtant, la Chine commence à comprendre qu’elle a créé un monstre de synthèse dont les tentacules atteignent sa propre population. En proportion, il y a 126 fois plus de décès liés à l’usage des drogues de synthèse en Chine que dans un pays comme la France selon le ministre local de la Sécurité publique.

C’est tout le paradoxe du casse-tête chinois : en voie de développement il y a encore quelques années, le pays subit le contrecoup de son occidentalisation. Dans ce contexte, l’argent engendré par le trafic des drogues de synthèse devient embarrassant à l’heure où plusieurs pays du monde légalisent massivement les drogues douces. Si les Chinois devenaient véritablement accros, Mao se retournerait dans sa tombe…

Au-delà de l’aspect sanitaire, Xi Jinping a assuré qu’il voulait éradiquer le fléau de la corruption qui gangrène les élites et la haute fonction publiques. Déjà, en 2007, l’ancien ministre de la Santé Zheng Xiaoyu a été condamné à mort dans une affaire de pots de vins pharmaceutiques et chimiques.

Ne pas devenir la Colombie

Or, des drogues telles que la cocaïne ont failli faire basculer des pays comme la Colombie en Etats mafieux, chose que le gouvernement chinois veut éviter à tout prix. Du coup, le gouvernement de Pékin multiplie les opérations coups de poing, notamment via ses douanes qui ont saisi l’an dernier 70 kilos de fentanyl et d’acétyl-fentanyl dissimulés dans un conteneur à destination du Mexique. Simultanément, le ministère des Finances chinois a accru de 701,7 milliards de yuans (84,3 milliards d’euros) le budget alloué aux forces de police tandis que Pékin noue de nouvelles coopérations internationales pour enrayer le trafic avec le Laos et la Thaïlande.

Plusieurs experts, notamment à l’ONU, ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur l’économie parallèle que représente le trafic des opiacés et des amphétamines. Une manne pour la mafia locale.

Certains pays, comme Singapour, appliquent une sanction peu occidentale : la peine de mort automatique pour les trafiquants et la prison immédiate pour les consommateurs. Le tout s’accompagne d’une politique de réinsertion des toxicomanes très avancée. La Chine en prendra-t-elle de la graine ?



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est analyste géopolitique indépendant.

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