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Baby sitting à Téhéran

«Juste une nuit» prend le pouls de l’état de décomposition de cette société iranienne en ébullition.


Baby sitting à Téhéran
Affiche du film

Juste une nuit, d’Ali Asgari, le parcours d’une étudiante iranienne et de son bébé – une fille.


Il y a des films qui tombent à pic. A l’heure où l’insane république des mollahs bat de l’aile, Juste une nuit prend le pouls, sans fioritures, de l’état de décomposition de cette société iranienne en ébullition. On y suit, l’espace d’une nuit, à Téhéran, le parcours du combattant d’une jeune étudiante. Elle a eu un bébé – une fille. Ses parents n’en savent rien. Car l’enfant est née hors mariage, d’une liaison avec un garçon dont Fereshteh (c’est son prénom) est maintenant séparée. Quand ceux-ci annoncent leur venue depuis la province, il faut à Fereshteh vider en vitesse l’appartement de tous les indices compromettants, et surtout dénicher la planque où dissimuler l’enfant du péché. Une voisine ? Elle se défausse sur l’étroitesse de l’appartement. Une autre, sur la permission à obtenir de son mari au préalable. Etc., etc. Pour Fereshteh et l’amie de confiance qui l’accompagne, c’est le compte à rebours – les parents sont en route. En dernier recours, elles sollicitent l’ex-amant et géniteur du bébé, lequel, passée la litanie des reproches (« pourquoi tu n’as pas voulu avorter ? »… ), enfourche son scooter, le trio dans son dos, en quête d’une solution de repli. Une aide-soignante de la maternité finira par accepter cet encombrant colis, mais Fereshteh se heurte bientôt au chef de clinique, mandarin ventripotent prêt à transiger avec la loi islamique mais… contre gentillesses :  les filles de se carapater, le bébé dans les bras.  

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Sans aucune musique hors cette bande-son qui restitue la rumeur de la ville, Juste une nuit, deuxième long-métrage d’Ali Asgari, est ce qu’on appelle un film urbain. D’une sobriété absolue, scénaristiquement très « construit » comme l’est souvent, pour le meilleur, l’actuel cinéma iranien, le film esquive intelligemment l’écueil du « film féministe » qu’on ne laissait pas de redouter. Montrant fort bien de quelle façon à la fois implacable et sournoise chacun, les femmes tout autant que les hommes, se voit pris dans l’étau du mensonge, de la veulerie généralisée où s’étale la tartufferie du régime islamiste, prenant tout un chacun en otage du système. Et l’on voit comment il faut s’en débrouiller, à ses risques et périls, dans un vertige de compromissions insensées avec les bonnes mœurs. Plus que nulle part ailleurs, en Iran, le ver est dans le fruit. Fort heureusement, le fruit est mûr pour chuter au sol. A preuve, Juste une nuit a franchi sans ambages le mur de la censure. C’en est même étonnant.   

Juste une nuit. Film de Ali Asgari. Avec Sadaf Asgari, Ghazal Shojaei. Iran, France, 2021, couleur. Durée : 1h25.  En salles le 16 novembre.




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