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Les centrales solaires mises en service dans le monde en 2024 représentent 69 nouveaux EPR !


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Panneaux solaires à Dunhuang, dans le désert de Gobi, Chine, 15 août 2024 © CFOTO/Sipa USA/SIPA

Une révolution sous nos yeux: la folle croissance de l’énergie solaire


« Appartenir à une époque c’est être incapable d’en comprendre le sens, tout nous désigne que le temps dans lequel nous vivons forme une tache aveugle, l’angle mort de notre vision intelligente » écrivait Alice Ferney dans Les Bourgeois. Si nous tentons très modestement de discerner dans le brouillard du monde les quelques tendances qui s’y dessinent avec assez de force pour pouvoir le modifier en profondeur, nous devrions alors nous intéresser à l’incroyable croissance de l’énergie solaire. Ami de Causeur, n’interromps pas ta lecture ! si en France le débat sur l’énergie solaire a été largement caricaturé par les tenants de l’écologie punitive, son évolution récente au niveau mondial lui confère une tout autre perspective. En effet si 420 GW de capacités solaires supplémentaires ont été mises en service dans le monde en 2023 (soit 84% de plus qu’en 2022), en 2024, d’après les récentes prévisions du groupe de réflexion Ember, c’est près de 600 GW qui devraient être installés – en 10 ans l’industrie photovoltaïque aura ainsi cru d’un facteur 13, effectuant un véritable changement de d’échelle et de nature[1] :

Tentons d’appréhender l’énormité de ce chiffre de 600 GW annuels : celui-ci représente l’équivalent en puissance de 370 réacteurs nucléaires EPR[2] – soit 1 EPR par jour ! Ajusté de la différence d’utilisation (80% du temps pour un EPR, environ 15% du temps pour le solaire[3]), il représente la production électrique de 69 EPR[4]

Un déploiement pas forcément adapté à notre pays

Cette comparaison a bien sûr une limite : la production nucléaire est « pilotable » alors que le solaire est dit « fatal », c’est-à-dire qu’il ne peut être programmé pour s’ajuster à la demande. Ainsi dans un pays largement nucléarisé comme la France où la demande électrique est tirée par le chauffage hivernal (alors que les rendements photovoltaïques sont très faibles) la construction subventionnée de capacités solaires est discutable.

A lire aussi: Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra

Mais la nature étant bien faite, les pays les plus ensoleillés sont souvent ceux où la demande électrique est tirée par les besoins en climatisation, très corrélés à l’ensoleillement, et sont aussi souvent ceux qui disposent des vastes surfaces désertiques nécessaires à la construction de fermes solaire. La production électrique y étant traditionnellement assurée par des centrales à charbon ou à gaz, émissives en CO2 mais qui ont l’avantage de pouvoir moduler très rapidement leur production lorsque les centrales solaires fonctionnent : ainsi au Texas, en Chine, en Inde, au Maghreb, dans les pays du Golfe persique, chaque nouvelle capacité solaire vient directement réduire le recours aux centrales à charbon ou à gaz, centrales dont la production se concentre alors sur les Dunkelflaute (périodes sans soleil ni vent), permettant une réduction des émissions de CO2 directe et substantielle.

Une énergie concurrentielle

Comment s’explique cette brutale accélération de la croissance du solaire ? Principalement par la très forte baisse du prix de panneaux photovoltaïques : -86% entre 2011 et 2022[5]. Désormais l’électricité issue des grandes fermes solaires de pays fortement irradiés est de très loin la moins onéreuse à produire, avec un coût complet en baisse constante, désormais sensiblement inférieur à 20€ par MWh (à titre de comparaison EDF a signé un prix de vente de 92,5 £/MWh (110 €/MWh) pour l’EPR britannique d’Hinkley Point, et vise 70 €/MWh pour les futurs EPR français – cible très ambitieuse de l’avis général). Cette baisse des prix a été rendue possible par la croissance des volumes, les progrès techniques (les panneaux récents utilisent moins de matière tout en offrant des durées de vie et des rendements en hausse) mais aussi par des surinvestissements industriels en Chine. Amer fruit de cette révolution solaire : la concentration désormais quasi-exclusive de la chaine de production en Chine, au détriment des acteurs industriels européens et américains notamment.

Cette incroyable baisse des coûts permet un foisonnement de projets dont la réalisation aurait encore relevé de la science-fiction il y a quelques années. Ainsi le projet AAPowerLink[6] qui prévoit de relier Singapour à une ferme solaire de 6 GW en Australie via un câble électrique de 4 300 km, ou le projet Xlink reliant le Royaume-Uni à des fermes solaires et éoliennes au Maroc[7]. Autre tendance, les mega-fermes solaires en construction dans les zones désertiques d’Inde ou de Chine : par exemple le projet chinois Gonghe Talatan[8] de 15,6 GW (soit la puissance de 10 EPR) pour une surface de 609 km2. A moyen terme cette électricité très bon marché pourrait aussi permettre de concrétiser les nombreux projets de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, faisant ainsi advenir la révolution de l’hydrogène.

Il est intéressant de noter que la carte des pays bénéficiant de cette nouvelle manne solaire superpose souvent celle des pays gaziers ou pétroliers. Ainsi le Texas, nouvel eldorado énergétique cumulant gaz et pétrole de schiste, usines d’exportation de GNL et immenses champs éoliens et solaires, et ouvrant désormais la voie du stockage d’électricité par batteries à grande échelle. Le principe de Saint Mathieu trouve encore l’occasion de se vérifier (« on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a »).

On observe également une tendance systématique des experts à très largement sous-estimer cette croissance du solaire – par exemple en janvier 2024 l’Agence Internationale de l’Energie[9] estimait encore à moins de 400 GW les nouvelles capacités 2024, estimation désormais revue à la hausse de près de 50%. Conclusion : la nature humaine a tendance à systématiquement sous-estimer la rapidité des changements technico-économiques ainsi que sa capacité à s’adapter aux défis qui lui sont adressés – un message d’espoir qui permet de relativiser les récits de scénarios climatiques apocalyptiques trop souvent paresseusement répétés.

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[1] Sources : 2010-17 : https://www.canarymedia.com/articles/solar/chart-solar-installations-set-to-break-global-us-records-in-2023, 2018-23 : https://iea.blob.core.windows.net/assets/d718c314-c916-47c9-a368-9f8bb38fd9d0/CleanEnergyMarketMonitorMarch2024.pdf, 2024 : https://ember-climate.org/insights/in-brief/solar-power-continues-to-surge-in-2024/

[2] Soit 573 GW / 1,6 GW = 370

[3] Le taux d’utilisation du solaire est très variable selon les emplacements géographiques. 15% correspond à une hypothèse prudente.

[4] Soit (573 GM x 15 %) / (1,6 GW x 80%) = 69

[5] https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/solaire-photovoltaique

[6] https://en.wikipedia.org/wiki/Australia-Asia_Power_Link

[7] https://xlinks.co/

[8] https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=List_of_photovoltaic_power_stations&oldid=1246554952

[9] https://www.iea.org/energy-system/renewables/solar-pv



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