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Attentat à Paris: s’attaquer aux autorisations symboliques

Charlie Hebdo, point de suture


Attentat à Paris: s’attaquer aux autorisations symboliques
Des gendarmes devant le passage Sainte-Anne Popincourt, perpendiculaire à la rue Nicolas Appert, où a eu lieu l'attentat, le 25 septembre 2020 © CELINE BREGAND/SIPA Numéro de reportage: 00983038_000044

«Manifestement, c’est un acte de terrorisme islamiste», a annoncé hier Gérald Darmanin au 20 heures de France 2. Alors que le procès des attentats est en cours pour porter justice aux 12 innocents massacrés en 2015, le terrorisme est venu hier rouvrir la plaie en bas des anciens locaux du journal Charlie Hebdo


Deux employés d’une société de production de documentaires télévisés (agence Premières Lignes) ont été attaqués au hachoir hier. Deux suspects ont été interpellés l’après-midi, dont l’un, un Pakistanais présent depuis peu de temps sur le territoire national, aurait reconnu les faits. Céline Pina analyse la situation et s’indigne du manque de courage politique. Pendant que la société française perd son temps à débattre de l’islamophobie, l’islamisme progresse en son sein. Des forfaitures intellectuelles et des sondages récents en témoignent.

L’écho est terrible. Alors que le procès Charlie est en train de jeter une lumière crue sur la réalité des meurtres politiques et témoigne du recul de nos libertés dans notre pays, un demandeur d’asile pakistanais a donc poignardé deux personnes qui fumaient leur cigarette devant les anciens locaux qui abritaient le journal satirique, et qui accueillent encore les équipes de Cash Investigation.

Ce drame démontre, pour ceux qui en doutaient encore, que Charlie, symbole de la liberté d’expression et du refus de céder face à la menace terroriste est encore et toujours un journal à abattre pour les islamistes. Il l’est même plus que jamais. 

Des paroles et peu d’actes

Pourquoi ? Parce qu’alors que les ouvrages et témoignages s’accumulent, l’État continue à garder les yeux mi-clos. Sa prise de conscience dépasse rarement le stade des paroles.

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De Jean-Pierre Obin qui rapporte l’infiltration de l’école dans un rapport de 2004, consciencieusement mis de côté par l’Éducation nationale, à Didier Daeninckx qui raconte le clientélisme en Seine-Saint-Denis, d’Eric Diard qui a enquêté sur la radicalisation au sein des services de l’État, au rapport d’enquête du Sénat sur l’état de la radicalisation en France, le dossier est fourni et les preuves s’accumulent, mais l’action de l’État reste hésitante quand elle n’est pas inefficace. Ainsi pour les activistes islamistes qui rêvent d’installer la charia en Europe et de conquérir le pouvoir en déstabilisant nos sociétés et en radicalisant leur communauté, cet attentat a été une démonstration de force, mais elle leur a surtout révélé à quelle point notre société politique était fragile et nos dirigeants pusillanimes. Alors que les grands périls normalement déclenchent les unions sacrées, c’est le sacre de l’aveuglement et de la lâcheté que les années après 2015 ont consacré. Aujourd’hui encore, l’État refuse de vraiment s’attaquer aux causes dont les Français subissent les conséquences. On combat le terrorisme tout en pactisant sur certains territoires avec son terreau, l’islamisme, ou en feignant de ne pas voir le lien entre la propagande de l’islam politique de la multiplication des passages à l’acte. Pendant que la police essaie d’éviter les attentats, le travail de propagande des islamistes lui n’est pas combattu, et le fait que ce travail porte ses fruits est nié ou n’est pas pris en compte dans les politiques publiques.

Pourquoi ? Parce que ceux qui ensemencent les têtes de ceux qui passent à l’acte sont aussi des interlocuteurs des pouvoirs publics : l’UOIF ou le CCIF par exemple appartiennent à la nébuleuse Frères musulmans mais réussissent à être partenaires de l’État, voire sont très introduits auprès de l’Union européenne et ils ne sont pas les seuls. Tariq Ramadan, l’un des leaders de la secte, était porté aux nues par Edwy Plenel, soutenu par la Ligue de l’enseignement et celle des Droits de l’Homme, sans que cela ne dérange quiconque. 

On parle de l’affaire Mila, où la garde des Sceaux avait défendu l’idée de blasphème et renvoyé dos à dos une jeune fille et ceux qui la menaçaient de viol et de mort parce qu’elle avait critiqué l’islam ?

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Quid des plans de lutte contre la radicalisation (trois), des plans de lutte contre le séparatisme ? Bref de tous ces discours qui n’ont accouché de rien dans les faits ?

L’escroquerie de l’islamophobie

On parle de toutes ces contorsions verbales afin d’éviter de dire au nom de quelle idéologie et de quelle croyance les jihadistes tuent ? On parle aussi de ce renversement de valeurs qui fait qu’au moindre attentat, des associations proches des islamistes organisent des marches ou écrivent des tribunes contre l’islamophobie, alors même que nos concitoyens se tiennent remarquablement bien dans le contexte tendu qui est le nôtre ? Personne ne souhaite que les musulmans intégrés payent le prix de la dérive islamiste de nombre de croyants. Mais ce n’est pas en niant le réveil identitaire et religieux, la « réislamisation » de l’islam et en qualifiant de « racisme » la résistance d’une société française attachée à ses principes et idéaux que l’on arrivera à trier le bon grain de l’ivraie. On construit au contraire des rejets qui pourraient un jour finir par s’exprimer brutalement.

Pourquoi les islamistes auraient tort de se gêner ? Parce que les « oui, mais… », les « ils l’ont un peu cherché… » ou les personnes excusant le soutien aux tueurs au nom de l’offense ressentie par les croyants sont des personnes connues et influentes qui souvent bâillonnent ceux qui combattent l’islamisme en les renvoyant à l’extrême-droite. C’est le silence ou la mort sociale. Rappelez-vous des commentaires d’Edwy Plenel, de Plantu et de bien d’autres sur la « provocation », alors que l’on venait de tuer leurs collègues pour la seule raison qu’ils avaient fait des dessins que des fascistes religieux trouvaient offensants.

Et depuis ? Depuis c’est de pire en pire. On a eu la séquence des tweets ignominieux de Jean-Luc Mélenchon contre Charlie et les survivants qui continuent à porter son esprit, on a appris que la DRH de Charlie, Marika Bret avait dû déménager sous l’effet de menaces de mort circonstanciées. En moins de 10 mn. On se souvient aussi avec colère des militants des partis de gauche, qui ont défilé aux côtés de ceux qui criaient allahou akbar à deux pas du Bataclan lors de la récente marche « contre l’islamophobie ». On comprend pourquoi la pression de l’islam politique ne se relâche pas: il est conquérant et souvent victorieux. Pourquoi en rabattre ?

Étude Ifop pour Charlie Hebdo réalisée par questionnaire auto administré en ligne du 6 au 17 août 2020 auprès d’un échantillon de 1 020 personnes, représentatif de l’ensemble de la population vivant en France métropolitaine âgée de 15 ans et plus et d’un échantillon de 515 personnes, représentatif de la population de religion musulmane vivant en France métropolitaine âgée de 15 ans et plus.
Étude Ifop pour Charlie Hebdo réalisée par questionnaire auto administré en ligne du 6 au 17 août 2020 auprès d’un
échantillon de 1 020 personnes, représentatif de l’ensemble de la population vivant en France métropolitaine âgée de 15 ans et plus et d’un échantillon de 515 personnes, représentatif de la population de religion musulmane vivant en France métropolitaine âgée de 15 ans et plus.

Les derniers sondages ont montré que l’usage du meurtre et de la menace pour imposer sa loi quand il s’habille de quête de pureté et de mission divine, peut être apprécié et reconnu s’il n’est pas combattu: l’influence de l’islam politique sur la communauté musulmane ne cesse de se renforcer. Les derniers sondages le prouvent, ils montrent que 74% des jeunes musulmans font passer l’Islam avant la loi. À croire que nos gouvernants qui se piquent pourtant d’antiracisme, pensent que les jeunes musulmans sont naturellement plus obscurantistes que les autres croyants. Or c’est faux : ils sont juste travaillés par un courant politico-religieux qui les conditionne. C’est aussi ce qui explique ces chiffres hallucinants. Il est d’autant plus urgent de réagir que le problème déborde le seul champ de l’islamisme. Il y a aussi, dans les instances islamiques, et non islamistes, un discours lui aussi inquiétant: la référence de l’islam sunnite, l’université Al-Azhar a estimé notamment que rééditer les caricatures à l’occasion du procès était un acte criminel, mettant ainsi sur le même plan un meurtre et un dessin. 

Pendant ce temps, beaucoup disent que les musulmans seraient détestés…

Pour réagir il faudrait commencer par lutter contre l’UOIF, rebaptisé « Musulmans de France », combattre effectivement les Frères musulmans et salafistes, mettre sous tutelle les territoires clientélistes, assécher les financements de l’étranger… Bref agir contre les islamistes au lieu de passer des accords électoraux avec. On en est loin. Quant à Macron, à force de dire tout et son contraire et d’avoir une vérité par interlocuteur, on ne voit pas comment il peut redresser la situation : le sinueux comme fil à plomb, cela ne marche pas.

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Le massacre du 7 janvier 2015 semble n’avoir rien appris à nos dirigeants ni à la plupart des journalistes. Au-delà des Mélenchon, Plenel et cie dont finalement personne n’attend grand-chose, que penser de ces gens qui adorent accrocher une cible dans le dos de leurs adversaires alors qu’ils savent pertinemment que cela peut déclencher des passages à l’acte ? En plein procès Charlie, une partie de l’intelligentsia de gauche, LFI en tête, soutient l’indéfendable et fait semblant de croire que ceux qui luttent contre la barbarie et pour la liberté d’expression ne servent en fait que leur détestation des musulmans. C’est atterrant de bêtise et de méchanceté, mais surtout très dangereux. Pour tout le monde. 

Le résultat : ceux qui tiennent la ligne de l’égalité, de la liberté, de la justice sociale sont menacés et doivent changer de domicile, ils sont traqués par des fanatiques, rendus encore plus dangereux car ils ont des alliés objectifs puissants qui font pour eux le travail de déshumanisation et d’affaiblissement de leur adversaires en croyant faire miroiter la supériorité de leur vertu. Ceux-ci ne comprennent pas que le déni du lien entre idéologie islamiste et violences politiques – ils préfèrent au contraire mettre en accusation la société – les conduit à délivrer implicitement une justification symbolique au passage à l’acte.

Condamner le terrorisme ne suffit pas : si on refuse de s’attaquer à ce qui le nourrit, ce n’est qu’une posture.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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